Je souhaite ajouter que les experts CHSCT sont rarement désignés directement pour de telles missions, car désigner une expertise est complexe. Une expertise est demandée soit dans le cas d'une réorganisation, soit dans le cas d'un risque grave. Cependant, pour que l'expertise liée à un risque grave soit déclenchée, il faut déjà avoir fait le travail ! La maladie professionnelle doit déjà être reconnue. Cette tautologie consiste à dire que pour reconnaître la maladie, il faut qu'elle soit reconnue. Dès lors, nous avons peu l'occasion d'être saisis pour une telle question.
Deuxièmement, il peut arriver que nous soyons désignés pour expertiser un sujet et que nous constations un défaut sur un autre point. Dans ce cas, nos expertises étant circonscrites dans le temps, notre rôle est plutôt d'orienter le CHSCT vers les institutions compétentes. Le droit permet cela : un CHSCT est composé d'acteurs de l'entreprise, mais aussi d'acteurs extérieurs, les CARSAT, le réseau de la Mutualité sociale agricole (MSA) pour le réseau agroalimentaire, l'inspection et la médecine du travail, tous acteurs qui pourraient aussi être partie prenante des CRRMP. Cependant, leur présence est souvent très limitée.
Nous sommes donc confrontés à deux obstacles. Premièrement, nous sommes très peu sollicités pour ces questions, car nous ne pouvons intervenir qu'une fois que la maladie professionnelle est déjà reconnue ; nous ne pouvons donc pas participer au processus de reconnaissance. Deuxièmement, les acteurs qui pourraient se saisir de ces questions et apporter une vision transversale sont débordés ; ils ne participent que très rarement aux CHSCT, ou seulement dans certains secteurs tels que la chimie. Il est totalement faux de penser que le risque chimique se cantonne à la chimie ! Une segmentation existe : plus une entreprise suscite le débat, plus le nombre d'acteurs augmente pour traiter les questions soulevées ; moins l'entreprise suscite le débat, moins les leviers existent pour que ce qui n'est pas reconnu puisse émerger.