Pour compléter la réponse sur les indicateurs, je dirais qu'il n'y a pas de bon indicateur, mais seulement un bon usage des indicateurs, qui consiste à en discuter avec les représentants du personnel. C'est ainsi que l'on évite de dire des âneries. Concernant les risques psychosociaux, certaines entreprises mettent en place des numéros verts ; les CHSCT veulent donc savoir quel est le taux d'usage de ces numéros. Un grand nombre d'appels aux numéros verts, est-ce bon ou mauvais ? Nous ne pouvons savoir sans en débattre. Certains prestataires s'organisent pour que personne n'appelle. Nous pourrions croire que la situation est bonne, mais, en fait, personne n'a rappelé l'existence ou les règles d'usage de cet outil, qui est sous-utilisé. L'indicateur n'est donc pas pertinent.
Concernant l'inaptitude, je partirai aussi d'un exemple. Dans l'une de nos missions, un directeur des ressources humaines (DRH) dit avoir déclaré un malaise au travail et se dit surpris car la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) conteste et refuse une prise en charge. Il pense avoir été vertueux en déclarant l'accident du travail et se voit mis en question. Dans une autre entreprise, une crise de nerfs a lieu, un conflit très violent entre une salariée et sa cheffe ; la première fait des alertes depuis deux ans sur le comportement de la seconde, mais n'est jamais écoutée ; cela finit par des cris au téléphone, la salariée est emmenée par les pompiers, et la cheffe écrit dans le rapport d'accident du travail : « Crise de nerfs sans aucun lien avec le travail. » Les pratiques sont si différentes, en amont des entreprises, tout comme les réactions du corps social et des caisses primaires, que comparer sèchement des indicateurs n'est pas très pertinent. Il faut plutôt créer les conditions d'un débat pertinent sur ces indicateurs, au sein, aujourd'hui, du CHSCT, et je l'espère, demain, du CSE, y compris au niveau central, et avec le président. J'ai beaucoup écouté les paroles de Mme Pénicaud, la ministre du travail, qui a beaucoup insisté sur le fait qu'en réunissant toutes les prérogatives dans une seule instance et au niveau central, les dirigeants seraient obligés de s'intéresser aux conditions de travail et à la santé au travail. Je souhaite qu'elle soit prise au mot. Mais je crains que, dès que ces sujets arriveront à l'ordre du jour, le président ne les délègue à son DRH, sous prétexte de s'occuper de choses sérieuses. Toutefois, ces CSE seront peut-être l'occasion, pour les dirigeants, d'apprendre et de se former sur ces questions : le débat pourra avancer. Quoi qu'il en soit, on ne peut séparer les indicateurs de leur usage social.