Nous partons du principe que le code du travail a pour objectif d'adapter le travail à l'homme et non pas l'homme au travail ; nous sommes bien loin de ce principe, puisque les conditions de travail, depuis une vingtaine d'années, se détériorent de façon évidente.
S'agissant des horaires flexibles, par exemple, 37 % des salariés ont des horaires normaux. Ce qui veut dire qu'il n'en va pas de même pour 63 % de la population – travail de nuit, travail de week-end, durée variable de travail, temps partiel, horaires connus d'une semaine sur l'autre, etc. Je vous renvoie à une enquête de 2012 de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) sur les horaires flexibles.
Un article de la DARES fait également état du travail de nuit qui se développe en toute illégalité, en contradiction avec les dispositions du code du travail. Un grand nombre d'employeurs se permettent de faire travailler la nuit des salariés qui ne le devraient pas. Je vous rappellerai le suicide d'un camarade de SUD-Rail qui travaillait la nuit, sept nuits sur sept, pour réparer les locomotives : un travail qui peut et doit se faire le jour. Le code du travail interdit de faire travailler les mécaniciens la nuit, car il n'y a aucun caractère d'urgence. Pourtant, aucune organisation syndicale n'attaquera un employeur pour cela, le travail de nuit étant passé dans les moeurs.
La question est celle de la réorganisation du travail volontaire, en dehors de la légalité, qui façonne notre société, avec toutes ses conséquences, et notamment les RPS qui ne sont pas visés par le code du travail ; il n'y a aucune réglementation sur ce sujet. Si nous voulons « attaquer » un employeur, nous devons le faire, soit pour harcèlement moral, soit pour mise en danger d'autrui, soit pour homicide involontaire, en cas de suicide. Il serait donc intéressant d'intégrer une infraction sur les RPS dans le code du travail, fondée sur les critères de la commission Gollac, je cite : « L'employeur veille à la santé physique et mentale des salariés, et particulièrement en ce qui concerne l'intensité du travail et le temps de travail, les exigences émotionnelles, le manque d'autonomie, la mauvaise qualité des rapports sociaux au travail, la souffrance éthique et l'insécurité de la situation de travail. »
Passons au forfait jours, qui est une catastrophe pour la santé des salariés – d'autant que l'on peut maintenant le calculer sur trois ans, et non plus sur une année complète. Les horaires ne sont pas fixes. Les salariés peuvent travailler 13 heures par jour, six jours par semaine, 78 heures par semaine et jusqu'à 235 jours par an. Aucun contrôle n'est possible, sauf à démontrer que les congés payés n'ont pas été réglés ou que les 11 heures de repos entre deux journées de travail n'ont pas été respectées. Pourtant, ces forfaits jours sont imposés à une population de plus en plus importante.
En ce qui concerne la sous-traitance, il conviendrait de limiter les « cascades ». Bien entendu, il nous sera répondu qu'une telle mesure va à l'encontre de la liberté du commerce. Ce n'est pas notre objectif. Nous disons simplement qu'il ne devrait y avoir qu'un ou deux degrés de sous-traitance, pas plus.
Hier, je me suis rendu sur un chantier où j'ai pu constater sept ou huit degrés de sous-traitantes, juste pour de la peinture : celui qui peignait la première couche n'appartenait pas à la même entreprise de celui qui peignait la deuxième, qui n'était pas de la même entreprise de celui qui peignait la troisième !
Au-delà du contrôle qui devient de plus en plus long et complexe, ce sont en général des salariés détachés pour lesquels, je le précise, nous ne faisons jamais d'enquête sur les accidents du travail ; en vingt-trois ans, je n'en ai fait aucune. Je ne sais pas sur quel brancard ils sortent du chantier, mais je n'en ai jamais vu.
Nous rencontrons donc, notamment sur les chantiers, une extrême difficulté de contrôle.