L'examen du projet de loi ELAN arrive à son terme. Contrairement à ce que vous dites, monsieur le président, il n'a pas été mené dans les meilleures conditions : cinquante heures de débat pour soixante-six articles et plus de 2 300 amendements ne permettent pas une réflexion suffisamment posée et rigoureuse pour traiter de la question du logement en France.
Les conditions d'examen du texte ont posé problème, mais c'est surtout son contenu qui appelle nos remarques. En effet, celui-ci ne nous convient absolument pas.
Nous rejetons votre projet car il ne fera qu'aggraver les inégalités, notamment du fait de la limitation de l'accessibilité au logement. Actuellement, 40 % des logements sont soumis à l'obligation d'accessibilité ; avec le projet de loi, la proportion passera à 4 %. Vous ferez supporter aux personnes handicapées le coût de leur handicap : trouver un logement adéquat sera difficile, et transformer un logement dit « évolutif » sera techniquement compliqué.
Nous rejetons également le projet de loi car il aggrave la précarité des locataires. Le « bail mobilité », que vous souhaitez mettre en place, étend la précarité – laquelle est déjà fort répandue dans le monde du travail – au secteur du logement. À la galère de l'emploi s'ajoutera le risque de perdre un logement en quelques mois.
Nous rejetons le projet de loi car il fragilise gravement le modèle français du logement social. Après avoir réduit de 1,5 milliard d'euros les fonds des bailleurs sociaux, vous les poussez à vendre des logements et à se regrouper en organismes, en les soumettant uniquement à des logiques budgétaires.
Nous rejetons le projet de loi car il s'attaque gravement à des droits acquis de longue date. La loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique – dite « loi MOP » – est une garantie pour la qualité de nos habitats. Or vous rendez facultatif le recours aux architectes des bâtiments de France. Loin de favoriser la construction de logements sociaux, vous la fragilisez la loi SRU en facilitant son contournement. Vous affirmez que vous ne touchez pas à la loi littoral. Pourquoi alors avoir ajouté un article qui en modifie le contenu ? Aucune étude d'impact n'a été réalisée sur cet article que nous jugeons dangereux pour nos littoraux et pour l'environnement, en métropole comme outre-mer.
Nous rejetons le projet de loi à cause de ses manques et de ses silences. Vous ne répondez pas au manque de logements dans notre pays : alors que 4 millions de personnes sont mal logées et 12 millions en situation de fragilité, aucun plan d'investissement et de construction n'est prévu. Nous défendons l'objectif de 200 000 logements nouveaux par an et 16 000 logements étudiants.
Rien n'est fait pour mobiliser le parc privé en encadrant réellement et durablement les loyers, en taxant la spéculation foncière et en luttant contre les logements vacants.
Rien n'est fait en faveur de la transition écologique, qui est pourtant un enjeu fondamental. Nous avons proposé un moratoire sur l'extension des grands centres commerciaux ainsi que des moyens pour lutter contre l'artificialisation effrénée de nos terres.
Rien non plus pour améliorer la qualité de l'habitat, défendre une architecture et un urbanisme du XXIe siècle, solidaire et écologique.
Rien enfin pour favoriser la diversité des modes d'habitat.
Le projet repose sur l'illusion que tout est marchandise et que tout se règle par l'offre et la demande. Les occupants des logements ont largement été oubliés. Nous défendons à l'inverse un projet dans lequel le logement est un droit fondamental et dans lequel l'État joue un rôle moteur dans la garantie de ce droit et dans la construction. Par conséquent, notre groupe votera contre le projet de loi.