La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, avons-nous besoin de handicaper gravement notre agriculture et de nuire à notre souveraineté alimentaire ? Évidemment non ! C'est pourtant ce que votre gouvernement s'apprête à faire en augmentant de 300 000 tonnes les autorisations d'importation d'huile de palme.
Vous allez imposer une concurrence totalement déloyale aux agriculteurs producteurs de colza.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.
Vous allez mettre en péril l'industrie française du biodiesel de colza, une filière dont dépendent, je vous le rappelle, 75 000 producteurs et environ 20 000 emplois, pour la plupart situés en zone rurale. Comble du comble, vous allez aussi réduire, de fait, la production de tourteaux de colza, utile à l'alimentation animale, …
… ce qui obligera les éleveurs français à importer davantage de tourteaux de soja brésiliens ou américains.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.
Décidément, monsieur le Premier ministre, votre gouvernement impose toujours plus de normes et de contraintes aux producteurs français, et moins pour les produits d'importation.
Sur le plan économique, votre décision sera catastrophique pour l'agriculture, l'agro-industrie et l'élevage. Sur le plan écologique, ce seront plus d'émissions de gaz à effet de serre, plus de CO2 et plus de déforestation en Asie et en Amérique du Sud. Votre choix est d'autant plus incompréhensible que le Parlement européen vient de se prononcer pour l'interdiction de l'huile de palme en 2021.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous dire en toute transparence, devant la représentation nationale, ce qui se cache réellement derrière ce scandale de l'huile de palme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.
Monsieur le président Jacob, vous m'interrogez sur l'autorisation accordée par le Gouvernement à la société Total d'importer un certain quota d'huile de palme pour alimenter la transformation de l'outil industriel sur le site de La Mède.
Comme vous le savez, la décision d'adapter l'outil industriel de La Mède a été prise en 2015, par un gouvernement précédent. Il s'agissait à l'époque, je crois que vous vous en souvenez, de trouver une solution qui permettrait de sauver durablement des emplois à La Mède – 450 à l'époque – et de faire en sorte qu'un grand industriel français producteur de carburants puisse augmenter sa production de biocarburants ou plutôt, appelons-les ainsi, d'agrocarburants. Il s'agissait donc de garantir la production de ces carburants en France et de sauver des emplois.
La conséquence logique de cet engagement, pris en 2015, était qu'au moment où l'usine pourrait fonctionner, l'autorisation promise lui soit bien accordée ; tout le monde peut le comprendre, et je suis sûr que vous-même le comprenez parfaitement, monsieur le président Jacob. Si nous n'avions pas tenu cet engagement, vous auriez pu à juste titre dénoncer le mauvais coup porté à un industriel qui, après avoir accompli des efforts d'investissement pour adapter son outil de production, n'aurait pas été autorisé à approvisionner ce dernier.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je crois que vous pouvez reconnaître que nous nous inscrivons dans une démarche cohérente et rationnelle : nous tenons un engagement qui a été pris par d'autres.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Par ailleurs, monsieur le président Jacob, l'installation de La Mède nous permet de respecter un engagement qui a été pris par les autorités françaises et qui doit être tenu par les producteurs de carburant français : 7 % des carburants produits dans notre pays doivent être des biocarburants.
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LR.
En l'occurrence, cette usine va produire des HVO, c'est-à-dire des huiles végétales hydrotraitées, et mon gouvernement a demandé que l'usine soit approvisionnée de 50 000 tonnes de colza produit en France.
Nous sommes donc extrêmement sensibles tant aux arguments que vous avez exprimés qu'à la nécessité d'accompagner un engagement pris par le passé.
S'agissant de l'huile de palme, vous avez raison, nous le savons, le recours à ce produit est à bien des égards insatisfaisant sur le plan environnemental.
D'ailleurs, vous savez aussi qui sont les plus grands importateurs d'huile de palme en France.
Vous le savez, n'est-ce pas, monsieur le président Jacob ?
Exclamations.
Moi aussi, je le sais ; nous le savons tous.
L'objectif est d'adopter une législation européenne tendant, comme l'a clairement exprimé le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, à réduire progressivement ce que l'on appelle la « déforestation importée ».
Mais il faut aussi tenir les engagements qui ont été pris.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous défendrons pied à pied les intérêts des filières agricoles françaises.
Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation rencontre cet après-midi la FNSEA – la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles – et les Jeunes Agriculteurs pour évoquer ce sujet, qui est largement documenté. Monsieur le président Jacob, nous ne dévierons pas de la voie que nous avons clairement tracée : nous défendons les intérêts des filières agricoles.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous faisons en sorte que l'ouverture des marchés soit respectueuse des intérêts de l'ensemble des filières agricoles.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations persistantes sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Bruno Fuchs, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Ma question s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le ministre, le sort de l'entreprise Manurhin repose entre vos mains : si rien n'est fait, cette entreprise sera placée en règlement judiciaire dans un peu plus de douze heures. C'est un fleuron de notre patrimoine industriel qui est menacé. Pendant des années, son revolver MR73 a équipé la police nationale, le GIGN et le Raid. Le « soufflant » Manurhin a même eu ses heures de gloire sur grand écran avec Lino Ventura, Jean-Paul Belmondo ou Alain Delon, dans Les tontons flingueurs.
Manurhin, c'est aujourd'hui le leader mondial des machines à produire des munitions de petits et moyens calibres.
Manurhin, c'est 100 % à l'exportation.
Manurhin, c'est un carnet rempli de 100 millions d'euros de commandes.
Son problème : un manque chronique de fonds propres. Depuis un an, beaucoup a été fait, je sais que vous-même et vos services à Bercy suivez la situation de très près. Tous nos efforts ne doivent pas rester vains. Il nous faut en faire un dernier et donner enfin à cette entreprise les moyens de vivre normalement et d'honorer durablement son carnet de commandes. Comment comprendre sinon que, d'un côté, avec la loi PACTE – Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – , nous voulions aider à la création d'entreprises de taille intermédiaire en France, et, de l'autre, ne pas tout faire pour sauver l'une d'entre elles, leader mondial et bientôt centenaire ?
Après quatre fermetures récentes d'entreprises et celle annoncée de Fessenheim, je dois vous dire que le Sud Alsace est en plein désarroi. Les 200 familles des salariés et les syndicats m'ont fait part de leur extrême inquiétude. Les a-t-on vus pour autant bloquer des routes ou des raffineries, brûler des pneus ou prendre leur patron en otage ? Prouvons-leur qu'ils ont raison ; prouvons-leur que l'on peut en France être responsable dans l'action, et en même temps se faire entendre.
Monsieur le ministre, ne laissez pas tomber une entreprise centenaire, pépite au carnet de commandes rempli. Les Alsaciens ne le comprendraient pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM, sur plusieurs bancs du groupe LR ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.
Monsieur le député, j'ai reçu avec vous les dirigeants de l'entreprise Manurhin quand je me suis rendu en Alsace il y a quelques mois. Je partage votre appréciation sur la qualité de cette entreprise qui fait partie du patrimoine industriel de notre pays.
Je voudrais seulement rappeler que Manurhin est en procédure de redressement depuis maintenant près d'un an, qu'elle fait l'objet d'une surveillance attentive et que l'État a apporté tous les soutiens financiers qu'il pouvait : 12 millions d'euros de garantie à l'exportation, 5 millions d'euros sont prévus au titre de l'article 90 du Trésor pour aider au financement de l'entreprise, dont 2,8 millions ont déjà été débloqués. Mais tous ces soutiens financiers apportés par l'État n'ont pas permis à l'entreprise de se redresser et de garnir à nouveau de manière satisfaisante son carnet comptable et son carnet de commandes.
Une procédure judiciaire est engagée par le tribunal de commerce. Le Gouvernement va suivre cette procédure, et nous devons accomplir tous les efforts possibles pour trouver un repreneur de qualité, c'est-à-dire un investisseur qui offre des perspectives à l'entreprise Manurhin. Vous avez toujours pu compter sur le soutien des pouvoirs publics depuis un an, sur mon soutien personnel. Nous continuerons à essayer de trouver les solutions qui permettront aux salariés et à l'entreprise de poursuivre, sous une forme ou sous une autre, leur activité.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, voici un mois, la Commission européenne a renvoyé la France devant la Cour de justice de l'Union européenne pour non-respect des normes de qualité de l'air. Au nom de l'urgence sanitaire, après des années d'avertissements, elle a décidé de taper du poing sur la table. Nous avons le droit de savoir, le droit à des enquêtes publiques poussées sur l'impact environnemental et sanitaire comme sur les sources de ces pollutions atmosphériques.
Dans le golfe de Fos, l'une des plus grandes zones industrielles d'Europe, des études diverses, parfois discutées, ont toutes pointé la prégnance des émissions de l'industrie et du transport routier. Dans nos grands sites industriels, la conjonction d'expositions multiples appelle des actions vigoureuses et ciblées. L'État doit jouer pleinement son rôle ! Il faut franchir une nouvelle étape, et je propose que des comités de suivi citoyens, composés d'élus locaux, de représentants syndicaux et associatifs, puissent accompagner ces démarches.
Le recours à l'huile de palme n'arrangera rien. En revanche, le développement du transport ferroviaire pour les marchandises et les voyageurs est une exigence incontournable qui appelle un grand service public : nous avons déjà trop subi les effets de sa dégradation pour ne pas partager la colère cheminote qui continue de s'exprimer aujourd'hui.
L'édification d'une industrie du XXIe siècle est une nécessité impérieuse pour relever les défis sociaux et environnementaux, et cela commence par la défense de la santé au travail. Au lieu de se réfugier derrière le droit de propriété des actionnaires, il faut pour y parvenir se donner les moyens d'intervenir sur les modes de production et sur les investissements.
Il est donc indispensable de lancer un grand plan national contre la pollution de l'air. Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour donner plus de cohérence et d'efficacité à cette lutte urgente et nécessaire ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe NG.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Monsieur le député, je vous remercie pour votre question essentielle, cruciale même puisque, en France, la pollution de l'air est encore malheureusement la troisième cause de mortalité.
Il faut, comme vous l'avez dit, agir dans tous les secteurs et mobiliser l'ensemble des parties prenantes : les citoyens, l'État, les collectivités territoriales, les acteurs économiques.
Nous avons déjà engagé des actions volontaristes et structurantes en la matière. Je pense en particulier, s'agissant de l'amélioration de la qualité de l'air, au Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, ou encore au Plan Climat, un des plus ambitieux d'Europe sinon du monde.
Mais, vous avez raison, il y a urgence. J'entends votre proposition, très intéressante, et je vous propose de nous revoir avec aussi d'autres députés ici, qu'ils soient de la majorité ou d'ailleurs, parce que cette question de la pollution de l'air est une véritable urgence. Voyons-nous ! Parlons-en ! Trouvons des solutions concrètes ! En attendant, sachez que dans certains endroits nous nous y attelons : je pense à une région proche de la vôtre où nous sommes en train de développer des actions spécifiques au territoire concerné, en lien très étroit avec le préfet. J'ai saisi le Commissariat général au développement durable pour qu'il rende un rapport sur la question parce que nous devons aller plus loin pour trouver des solutions innovantes là où c'est souvent difficile. Voilà un problème récurrent auquel notre ministère doit s'attaquer et nous le ferons ensemble.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le Premier ministre, nous vivons, depuis des années maintenant, une crise migratoire et humanitaire majeure en mer Méditerranée. S'il est un point sur lequel l'ensemble des groupes politiques de notre hémicycle doivent pouvoir s'entendre, c'est le fait que cette crise dure depuis trop longtemps. Depuis 2014, 10 000 personnes ont perdu la vie en mer Méditerranée, dont 800 rien que depuis le début de cette année.
Et voilà soixante-douze heures, monsieur le Premier ministre, que cette crise connaît un nouvel épisode dramatique : l'Europe tout entière vit en effet suspendue au sort des 629 personnes recueillies à bord de l'Aquarius, ballottées d'un pays européen à l'autre, au gré des humeurs des différents gouvernements. Je ne vais pas ici pointer les responsabilités des uns et des autres, de Malte ou de l'Italie, même si je récuse profondément la décision qui a été prise.
Si elle ne règle rien, celle-ci met à nouveau en lumière la désunion des Européens sur le sujet.
Cette nouvelle crise montre, une fois de plus, qu'il est urgent de trouver une solution européenne à la crise migratoire, pour que le coup de force national ne devienne pas la nouvelle norme européenne, quand tant de vies sont en jeu. Non, l'Union européenne ne peut plus se satisfaire de solution de court terme lorsque des crises d'une telle ampleur surviennent à ses frontières et mettent à mal l'unité du continent dans son ensemble. Non, les responsables politiques français et européens ne peuvent plus, dans une même phrase, pointer les lacunes de l'Union européenne en matière migratoire et refuser de doter l'Europe des ressources financières et de mener les réformes structurelles et institutionnelles qui permettraient à l'Europe de répondre à cette crise sur le long terme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, il est prévu que le Conseil européen traite de ces questions dans deux semaines. Pouvez-vous nous indiquer quelle position la France entend adopter vis-à-vis de ses partenaires européens et quelles solutions elle entend proposer pour que le Conseil européen prenne enfin ses responsabilités dans cette crise ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Monsieur Anglade, vous m'interrogez, alors que l'actualité est brûlante, sur la question déjà ancienne des flux migratoires et des dangers, des risques, des périls encourus par les personnes qui franchissent la Méditerranée. Depuis quelques dizaines d'heures – soixante-douze exactement, comme vous l'avez dit – , un bateau battant pavillon de Gibraltar et accueillant à son bord 629 passagers cherche une destination pour que soit porté secours à des hommes, des femmes et des enfants qui en ont un besoin pressant.
Dans ce type de situation d'urgence, le droit international prévoit un principe simple et clair, qui a justement pour objet de garantir la sécurité des personnes : l'État le plus proche du navire concerné doit lui proposer un port sûr. C'est donc l'Italie qui, en l'occurrence, devrait assumer ses responsabilités. Elle a choisi de ne pas le faire…
… et donc de méconnaître les obligations internationales qui lui incombent. Je n'ignore pas les difficultés rencontrées depuis plusieurs années par l'Italie, comme par beaucoup d'autres pays de l'Union européenne, pour accueillir une partie des populations qui franchissent la Méditerranée, en l'espèce la Méditerranée centrale. Mais il se trouve – il faut dire les choses clairement – que le gouvernement italien a choisi de ne pas respecter des obligations internationales qui s'imposent à lui pour garantir la sécurité des personnes. Je pointe ce non-respect.
L'Espagne a indiqué qu'elle était prête à accueillir ce bateau : nous en sommes heureux.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.
Monsieur le député, je vous informe que nous sommes évidemment prêts à aider les autorités espagnoles pour accueillir et analyser la situation des passagers du bateau, notamment de ceux qui voudraient pouvoir bénéficier du statut de réfugié.
Il est clair, d'une part, que la France ne soustraira à absolument aucune de ses obligations internationales en la matière mais, d'autre part, qu'il n'y a pas d'espoir, à court ou même à moyen terme, de voir une solution nationale résoudre le problème.
Cet épisode extrêmement cruel et douloureux le montre : la réponse ne peut être qu'européenne.
Vous m'interrogez sur la position de la France. Mardi et mercredi prochains, lors du conseil des ministres franco-allemand, qui se tiendra à Berlin, le sujet sera évoqué par le Président de la République et la chancelière. Puis, lors du Conseil européen de la fin du mois de juin, nous entendons formuler des propositions afin d'aboutir enfin une solution européenne.
Toutefois, ne nous payons pas de mots : vous savez, monsieur le député, que tous les pays européens ne veulent pas d'une solution collective. Il sera donc difficile de l'obtenir, mais la France aura pour objectif d'y parvenir.
Je dirai un dernier mot sur les questions migratoires. Je voudrais indiquer à la représentation nationale qu'aucun autre pays d'Europe n'a fait autant que la France pour stabiliser la situation politique au Mali.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Aucun autre pays européen ne fait autant que la France pour essayer de contribuer à la stabilisation du Sahel. Aucun autre pays n'a fait autant que la France pour essayer de stabiliser la situation politique en Libye.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe NG.
Aucun autre pays que la France n'a mis en oeuvre des missions conjointes avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés : des représentants du HCR et de l'OFPRA – l'Office français de protection des réfugiés et apatrides – se sont rendus ensemble à la frontière sud de la Libye pour déterminer celles des personnes prêtes à traverser ce pays qui étaient susceptibles de bénéficier du statut de réfugié et d'être accueillies en France.
Ça n'est pas rien ! Nous devons en être fiers !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Accueil des réfugiés en Europe
« Nous devons accueillir des réfugiés, c'est notre devoir et notre honneur. » Ainsi parlait Emmanuel Macron à Bruxelles, le 23 juin 2017.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NG.
Monsieur le Premier ministre, à l'heure où nous parlons, 629 êtres humains, épuisés et affamés sont à la dérive en Méditerranée à bord de l'Aquarius. Ce navire affrété par l'association SOS Méditerranée oeuvre depuis deux ans pour sauver ce qui reste encore de l'honneur de l'Europe face à la tragédie qui se joue. Alors que le gouvernement italien, par la voix de son ministre de l'intérieur d'extrême droite, ferme ses portes en criant victoire…
… et alors que l'Europe commence à céder à la montée des populismes face à la détresse des réfugiés, le silence de la France et de votre gouvernement est devenu assourdissant.
C'est tout à l'honneur du premier ministre socialiste espagnol et du conseil exécutif de Corse d'avoir répondu à leur appel de détresse.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe UDI-Agir et parmi les députés non inscrits.
L'Aquarius et sa petite part d'humanité révèlent la brutalité de l'action que vous menez depuis un an en matière d'immigration.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Si la France a pris sa part, comme le dit le porte-parole de votre gouvernement, c'est celle de l'indifférence et du cynisme – il va falloir ajuster vos éléments de langage. On vous parle humanité et vous répondez droit maritime.
On vous dit fraternité et vous répondez que vous n'avez pas été saisis par les ONG. Il est des grandes causes : en les défendant, les grands pays deviennent encore plus grands par leurs actions.
Les peuples du monde aiment le discours tenu par la France depuis la Révolution française, qu'aucun gouvernement n'avait souhaité remettre en cause jusqu'à présent. Pensez-vous que les naufragés de l'Aquarius sont en train de faire du benchmarking sur les ports où ce navire pourrait accoster ?
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI et GDR.
Ce qui arrive aujourd'hui n'est que le premier acte d'une longue série. Aurez-vous une réponse conforme aux valeurs de notre République ?
Mmes et MM. les députés des groupes NG, FI et GDR se lèvent et applaudissent.
Madame Biémouret, vous évoquez le drame qui se joue encore en ce moment avec la dérive du bateau l'Aquarius dans les eaux de la Méditerranée. À l'égard de telles situations, trois principes nous animent.
Le premier est le principe d'humanité. Il n'est en effet pas question de laisser sans solution de débarquement des naufragés déjà éprouvés, dont certains sont particulièrement fragiles.
Le deuxième principe est l'application des règles du droit international que vient de rappeler le Premier ministre. Quand un bateau se trouve à 25 ou 27 milles des côtes italiennes ou maltaises, les principes de la convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes doivent s'appliquer. Il est très regrettable qu'ils ne le soient pas.
En effet, même si le bateau croise dans les eaux internationales, cette convention prévoit – c'est la règle – que les autorités de Rome devraient être amenées à déterminer quel port est le plus proche et le plus sûr.
Le troisième principe est le pragmatisme. Les autorités espagnoles ont estimé que le port de Valence était le plus sûr et le plus proche. J'ai regardé les cartes : il est en effet possible de le rallier à partir du sud de la Sicile. Nous avons donc appuyé les autorités espagnoles : il y a un port d'accueil possible.
Cela n'empêche pas de respecter le droit et de rappeler ce principe à nos amis italiens. D'ailleurs, cet après-midi, le ministre de l'intérieur s'entretient avec les autorités espagnoles et italiennes pour essayer d'avancer afin de régler cette situation dramatique le plus proprement et le plus correctement possible.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. Jean-Baptiste Djebbari, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes parvenus hier, en commission mixte paritaire, à un accord sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, Ce texte commun, complet, cohérent, sera voté solennellement demain à l'Assemblée nationale et jeudi au Sénat.
Cet accord permet de poser la dernière pierre à l'édifice d'une réforme rendue nécessaire par la triple impasse rencontrée par le système ferroviaire français : déséquilibre financier, vétusté du réseau, dégradation continue de la qualité de service, auxquels s'ajoutait le contexte ancien de l'ouverture à la concurrence du rail.
Les fondations de la réforme ont été posées ici, à l'Assemblée nationale, et le texte a été considérablement enrichi au Sénat. Je pense notamment aux garanties sociales qui renforcent la priorité du volontariat, inscrivent l'obligation d'une offre de reclassement et maintiennent l'intégralité de la rémunération des cheminots transférés. Des mesures importantes ont également été adoptées sur les règles d'endettement ou encore sur le maintien du schéma de dessertes qui préserve un accès équitable à nos territoires.
Entre les deux lectures, le Gouvernement a pris des engagements inédits sur la dette, le niveau d'investissements nécessaires pour la régénération du réseau ferré ou encore la vigilance de l'État dans la négociation de la convention collective.
Je suis convaincu que, loin de ce que renvoient les caricatures ordinaires, ce texte renforcera le service public ferroviaire, assurera une concurrence saine et loyale entre les opérateurs du secteur et posera les fondations d'un nouveau contrat social, adapté aux enjeux de notre temps.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Monsieur le Premier ministre, la réforme a abouti sur le plan législatif. Quel sera le rôle de l'État dans ses suites pratiques ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le député, vous souhaitez connaître la suite des événements après l'accord trouvé hier en commission mixte paritaire et la probable adoption du texte, dans les jours qui viennent, par l'Assemblée nationale et par le Sénat.
Je veux d'abord vous remercier, monsieur le député, pour le rôle que vous avez joué dans cette réforme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Antoine Herth applaudit aussi.
Vous étiez le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale et vous avez assuré, avec l'ensemble de vos collègues, un examen extrêmement attentif des différentes dispositions. Depuis le début de la réforme, depuis le moment où le Gouvernement a décidé de l'engager et qu'il a annoncé les objectifs qu'il cherchait à atteindre à travers elle, à savoir l'organisation de l'ouverture à la concurrence, la transformation de l'entreprise et la fin du recrutement au statut, le texte, qui a fait l'objet hier d'un accord en commission mixte paritaire, a été à la fois très largement débattu, à l'Assemblée nationale puis au Sénat, et très largement enrichi.
Il était entré à l'Assemblée nationale, vous vous en souvenez mieux que quiconque, sous la forme d'un projet de loi d'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. Il n'a plus cette forme, car l'Assemblée nationale y a introduit des dispositions de fond. Elle a donc pu examiner au fond l'ensemble des dispositions.
Après la très large approbation du texte…
… par les députés – à près de 80 % – , le projet de loi a été enrichi par les sénateurs sur une série d'aspects, à propos desquels nous avions indiqué que nous étions prêts à discuter avec les organisations syndicales. Certaines d'entre elles ont présenté des éléments qui ont été pris en compte par les sénateurs, souvent avec le soutien du Gouvernement, ce qui fait que nous arrivons aujourd'hui à un texte qui est achevé. Le débat législatif, mesdames, messieurs les députés, est clos.
La loi est là. Elle s'impose – et elle a bien évidemment vocation à être appliquée par toutes et tous.
Reste, il est vrai, à mener un certain nombre de discussions, dans l'entreprise et à l'intérieur de la branche, sur l'organisation des garanties collectives. Ces discussions auront lieu. L'État ne s'en désintéresse pas, mais il ne veut pas se substituer aux acteurs : ni à la direction de l'entreprise, ni aux organisations syndicales, ni à l'ensemble de ceux qui font vivre le dialogue social. Lorsqu'on croit au dialogue social, on y croit en entier, sans vouloir se substituer aux organisations syndicales ou patronales qui doivent le conduire.
Le dialogue aura donc lieu. J'espère qu'il permettra de trouver les meilleures garanties collectives possibles, celles qui permettront à l'entreprise, la SNCF, et à l'ensemble du secteur de se développer dans de bonnes conditions.
Un mot pour conclure. La semaine prochaine, du 18 au 25 juin, se dérouleront les épreuves du baccalauréat. Ces épreuves, comme tous les ans, suscitent évidemment de la part de ceux qui vont les subir, de ceux qui espèrent obtenir le baccalauréat, et de la part de leurs familles, beaucoup d'attentes et d'inquiétudes.
Les organisations syndicales qui, alors même que la loi aura été adoptée, appellent à poursuivre la contestation…
… doivent, je le crois, mesurer leur responsabilité envers tous ceux qui vont passer le baccalauréat !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.
J'y insiste : le Gouvernement a pris ses responsabilités,
« Ah bon ? » sur les bancs du groupe FI
en indiquant que l'État reprendrait 35 milliards d'euros de dette pour permettre à la SNCF de repartir sur de bons rails – si vous me passez l'expression.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ces 35 milliards d'euros représentent un effort considérable, que jamais aucun gouvernement n'avait fourni. Il faut que chacun mesure les responsabilités qui sont les siennes. Les Français attendent un service public ferroviaire de qualité. Nous avons fixé, vous avez fixé le cadre de ce service public de qualité.
Il est temps que chacun prenne ses responsabilités.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour le groupe La France insoumise.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
C'est une honte européenne : 629 naufragés, dont 123 mineurs isolés et 7 femmes enceintes attendent depuis dimanche sur le bateau d'une organisation non gouvernementale sans que la France réagisse. Ce sont 629 rescapés des guerres et de la difficile traversée de la Méditerranée, qui sont dans un état critique.
Face à cela, le gouvernement italien – et avec lui tous les xénophobes et toute l'extrême droite européenne – profite de la situation pour en faire un symbole de sa politique et scander : « Fermons les ports ! ». Pendant ce temps, votre gouvernement affiche un silence et une inaction complices. L'extrême droite européenne exulte.
Dans cet océan xénophobe et inhumain, l'Espagne et l'Assemblée de Corse ont sauvé l'honneur. Elles nous montrent ce que pourrait et ce que doit être l'Europe : une Europe des peuples, solidaire et humaine.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe NG.
Cet événement le montre : le règlement de Dublin est une bombe à retardement.
En refusant d'intervenir, votre gouvernement piétine le droit international en matière de sauvetage en mer, notamment les conventions internationales de 1979 et de 1982, qui contraignent tout navire ou pays à porter assistance à des naufragés – ce que sont les passagers de l'Aquarius. Je rappelle à M. le ministre des affaires étrangères que la Corse est plus proche que l'Espagne du lieu du naufrage !
Par votre attitude, vous piétinez les principes de solidarité et de fraternité constitutifs de notre République. Consentirez-vous, au moins, à appliquer le droit international en matière d'assistance en mer ? Votre réponse précédente n'était pas claire, monsieur le Premier ministre. Que faisons-nous, aujourd'hui, pour les réfugiés de l'Aquarius ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et NG.
Madame la députée, nous n'avons jamais refusé d'intervenir en quoi que ce soit.
Vives exclamations sur les bancs du groupe FI.
Permettez-moi de vous répondre, puisque vous m'avez interrogé !
Quand nous avons constaté le refus des autorités italiennes et maltaises de respecter le droit international, nous avons en même temps,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR
en liaison avec la Commission européenne, constaté que le port de Valence se déclarait port le plus proche et le plus sûr et que l'Espagne était prête à accueillir ce bateau. Nous respectons cet engagement et nous remercions l'Espagne de ce geste humanitaire.
Cela étant, il est clair que le statu quo en matière de gestion des eaux méditerranéennes ne peut plus durer. Il faut qu'il y ait une réponse européenne affirmée, en matière à la fois de secours, d'accueil, de prévention, d'anticipation et de répression des passeurs. C'est la proposition que feront la France et l'Allemagne lors du Conseil européen, à la fin du mois de juin.
Et puisque nous sommes en plein dans l'actualité, je vous informe, madame la députée, que Médecins sans frontières et les responsables de l'organisation non gouvernementale concernée font savoir que le temps de transit vers Valence serait trop long eu égard à la situation humanitaire à bord du bateau.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe FI.
Ce bateau se trouve à 25 milles des côtes de la Sicile et à 27 milles de celles de Malte.
Nous demandons donc solennellement aux autorités italiennes de revoir leur position et d'accueillir, parce que ce bateau est proche de chez eux, les réfugiés qui sont dessus.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Olivier Gaillard, pour le groupe La République en marche.
Madame la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, paradoxe, c'est le terme qui s'impose, au regard des blocus par la FNSEA et les JA – la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et les Jeunes agriculteurs – des raffineries Total à la suite de la confirmation de l'importation d'huile de palme par ce groupe. On a, d'un côté, une production française de biocarburants à l'impact environnemental néfaste à cause de la déforestation, et, de l'autre, une législation française faisant le pari légitime d'une montée en gamme qualitative de la production.
Les agriculteurs français se conforment à des normes qui intègrent de plus en plus les enjeux environnementaux, comme l'engagement pris, au plus haut niveau de l'État, de sortir du glyphosate à l'horizon de trois ans. Cela va dans le bon sens, mais tout le monde ne converge pas vers les mêmes standards de production, qu'il s'agisse des États producteurs, des industriels de l'agroalimentaire, de la grande distribution ou des acteurs de l'énergie – l'utilisation du diméthoate en témoigne.
L'autorisation administrative officielle n'a pas permis d'encadrer les volumes importés d'huile de palme. Total peut ainsi pratiquer le greenwashing en commercialisant du biocarburant loin d'être bio, alors qu'il aurait pu contenir de l'huile de tournesol ou de colza, avec un meilleur impact écologique.
Le Président Macron s'est engagé en faveur d'un plan protéine ambitieux, garant de la souveraineté alimentaire de notre pays. Cela suppose que les ambitions des filières françaises ne soient pas réduites à néant par des importations de ce type et par la nécessité d'importer des tourteaux génétiquement modifiés. Le problème ne se limite pas à l'huile de palme, loin de là : molécules interdites en France, hormones de croissance, farines animales dans l'alimentation s'ajoutent à une liste déjà trop longue.
C'est un message de compréhension et surtout de clarification, suivi d'une réaction concrète de l'État et de l'Union européenne, que les agriculteurs demandent. À défaut, il existe un risque de durcissement accru des rapports entre les parties prenantes. Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, expliciter comment, demain, pour reprendre les mots du ministre de l'agriculture, « Total pourra s'approvisionner de la meilleure manière auprès des producteurs français » ? Cela implique une obligation renforcée de prise en compte de l'impact écologique de l'approvisionnement. Plus largement, quelle est la stratégie du Gouvernement ? De quelle réponse européenne…
Merci, mon cher collègue.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Monsieur Gaillard, le Gouvernement est bien entendu à l'écoute des différentes inquiétudes exprimées depuis quelques jours par les agriculteurs. Nous entendons ces inquiétudes, et c'est pourquoi Stéphane Travert est en train de recevoir les agriculteurs au ministère.
Vous le savez, c'est en 2015 que fut prise la décision de transformer le site de La Mède en bioraffinerie. Cette décision a été prise car il était nécessaire de sauver 450 emplois et parce qu'elle permettait – et permet encore – de s'éloigner de la production d'hydrocarbures. L'objectif que nous devons tous garder en mémoire était aussi et surtout de substituer une production française à des produits importés contenant de l'huile de palme. Car il est faux de dire que la consommation de 300 000 tonnes d'huile de palme à La Mède viendra en supplément de l'utilisation actuelle d'huile de palme dans le secteur des agrocarburants ; ce n'est pas la réalité.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je ne suis pas favorable aux agrocarburants mais cette usine produit des huiles végétales hydrogénées, nécessaires pour atteindre le seuil de 7 % d'agrocarburants dans la production totale de carburant, objectif assigné aux producteurs français.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
Or, actuellement, les HVO consommées en France, intégralement importées, sont produites à partir d'huile de palme. Nous entendons donc substituer des HVO produites en France à l'huile de palme importée : tel est l'objectif.
Mêmes mouvements.
Total, avec qui nous en avons discuté, devra d'ailleurs utiliser 50 000 tonnes d'huile de colza produites par l'agriculture française.
Parallèlement, une réponse européenne est nécessaire. Hier encore, j'ai rencontré les ministres européens de l'énergie pour pousser des mesures ambitieuses en la matière.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM. – Huées sur les bancs du groupe LR.
Importation d'huile de palme pour la production de carburant
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LR
par un arrêté du 16 mai 2018 signé du représentant de l'État dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, d'importer quelque 300 000 tonnes d'huile de palme par an – sur les 450 000 tonnes d'huile végétale brute nécessaires au fonctionnement du site de La Mède – en provenance, pour l'essentiel, d'Indonésie et de Malaisie, afin d'alimenter la nouvelle usine de biodiesel, constitue, je cite, « la goutte d'huile qui fait déborder le vase » de la colère des agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs des groupes LR et NG.
Pour éclairer les débats, monsieur le Premier ministre – car, dans votre réponse, vous n'avez pas donné les chiffres – , 300 000 tonnes, c'est trois fois plus que les 100 000 tonnes actuellement importées par le groupe Avril. Depuis de nombreuses années, en effet, la profession agricole a développé, dans le cadre d'une politique européenne, les deux filières de biocarburant – biodiesel et bioéthanol – avec pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Tout au long de ces années, nous avons toujours soutenu cette politique.
Alors même que le Parlement européen a récemment adopté une résolution visant à interdire l'utilisation d'huile de palme dans les biocarburants à partir de 2021, l'arrêté dont j'ai parlé est intervenu à contre-courant. Le démarrage de cette usine va casser la filière française du biodiesel et entraîner la fermeture d'une ou deux usines alimentées par du colza et du tournesol, produits majoritairement dans des zones intermédiaires, c'est-à-dire défavorisées du point de vue agronomique. La colère légitime des agriculteurs se traduit par des actions de blocage de treize raffineries et de dépôts pétroliers. Ils ne comprennent plus la politique agricole menée par le gouvernement actuel.
L'affaire de La Mède illustre les contresens d'une politique qui pénalise la vocation alimentaire mais aussi énergétique de la France. Alors que la Commission européenne envisage de réduire d'environ 10 %, en euros constants, les moyens de la PAC – la politique agricole commune – dans les six ans qui viennent, alors que les revenus de l'agriculture française se sont effondrés depuis trois ans, quelle politique le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour redresser les revenus des agriculteurs, notamment à travers des baisses de charges fiscales, sociales et réglementaires ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LR.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Vives protestations sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir. – Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
Vous le savez, monsieur de Courson, le Gouvernement est attentif aux agriculteurs. Et, si je réponds à la place de Stéphane Travert, c'est parce qu'il est actuellement à leurs côtés. Je tiens à redire l'engagement clair du Gouvernement en faveur de la réduction de la part d'huile importée dans la production d'agrocarburants au cours des années à venir. Sur ce sujet encore, la réponse doit être européenne, mais la France est volontariste : nous ne restons pas assis les bras croisés.
Pour réussir, nous avons besoin de cette collaboration européenne. C'est pourquoi j'ai participé, hier encore, au Luxembourg, au conseil des ministres européens de l'énergie.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Il est extrêmement facile, messieurs, d'être confortablement assis sur vos bancs et de lancer des invectives pendant que la majorité, elle, agit et met en oeuvre la transition écologique !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous entendons donc trouver des solutions compatibles avec les règles du commerce mondial !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM. – Huées sur les bancs du groupe LR.
Vous savez, mesdames, messieurs les députés de droite, je suis mère d'une petite fille de trois ans : sincèrement, vos réactions sont du même niveau que les siennes.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.
C'est la réalité, vraiment ! Je doute, d'ailleurs, que vos électeurs soient très contents de vous voir vous comporter ainsi, désolée de vous le dire. Bref !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Heureusement pour vous que les gens n'ont pas voté pour vous faire entrer au Gouvernement !
Il faut donc que cesse l'augmentation régulière de la production des agrocarburants à fort impact sur l'affectation des terres. Nous voulons aussi réviser ce plafond et doter l'Union européenne d'une véritable stratégie de lutte contre la déforestation importée. Nous avons donc demandé à la Commission européenne de prendre ses responsabilités d'ici à 2020. La France, dans ce domaine, joue un rôle particulièrement moteur, et je me suis battue pour cela hier.
Exclamations ininterrompues sur les bancs du groupe LR.
Si nous soutenons la production d'énergies renouvelables, avec l'objectif d'en porter la proportion à 32 %, une part importante doit être assumée par le secteur des transports. Mais cela ne doit pas être fait n'importe comment : il faut impérativement réduire l'utilisation d'huile de palme et de tout autre agrocarburant susceptible d'avoir un impact négatif sur la biodiversité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM. – Huées sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Marie Lebec, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, « le redressement de l'attractivité économique de la France en 2017 et au début de l'année 2018 est spectaculaire. »
Exclamations sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je cite ici la première phrase du baromètre EY, publié hier. Avec plus 31 % de projets d'investissements étrangers sur le territoire, la France connaît une progression cinq fois plus importante que la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Avec plus 52 % de projets industriels, la France redevient leader de l'attractivité industrielle en Europe.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Cette attractivité, ce sont 25 000 emplois supplémentaires créés sur une année.
Fait inédit, Paris devient la métropole européenne la plus attractive auprès des décideurs internationaux, devant Londres. Un an à peine après l'élection de cette majorité aux côtés du Président de la République, la crédibilité économique de la France a incontestablement été rétablie à l'international.
La transformation du pays en faveur de la compétitivité de nos entreprises, de la maîtrise des dépenses, d'un système de formation plus adapté, de transports plus efficaces est donc payante.
Elle paye, parce que le Président a fixé un cap clair, validé par les Français dans les urnes et qu'il promeut activement auprès des décideurs internationaux, via l'initiative Choose France.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI. – Applaudissements sur les bancs du groupe LaRem.
Elle paye parce que le Gouvernement et cette majorité siégent jour et nuit pour mettre en oeuvre cette politique et restaurer notre compétitivité.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Elle paye parce que nos administrations et agences sont pleinement mobilisées pour attirer non seulement les investisseurs, mais aussi les chercheurs, les startupeurs, les innovateurs et les étudiants.
Mêmes mouvements.
Elle paye enfin, parce que nos entrepreneurs reprennent confiance, que nos compatriotes s'internationalisent et promeuvent plus que jamais notre territoire.
Pour autant, nous devons poursuivre les efforts engagés. Les projets d'investissements doivent se concrétiser par encore davantage d'emplois. Nous devons poursuivre l'attraction de centres de décisions, de R et D, et de logistique, notamment suite au Brexit.
Ainsi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler, ainsi qu'aux Français, aux entrepreneurs et investisseurs internationaux, les prochaines étapes de la transformation économique, pour que la France s'inscrive durablement dans le peloton de tête de l'Europe ?
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, ne soyez pas grincheux ! Partagez notre joie de voir la France retrouver son attractivité !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Partagez notre enthousiasme ! Partagez notre fierté !
Et vous, mesdames, messieurs les députés de la majorité, soyez fiers de ce que vous avez fait pour la France.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Soyez fiers de ce que vous avez fait avec Muriel Pénicaud pour simplifier le marché du travail français.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Soyez fiers de ce que vous êtes en train de faire avec Gérald Darmanin pour simplifier la vie de nos concitoyens face à l'administration.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Soyez fiers de ce que vous avez fait avec Élisabeth Borne pour construire un service public ferroviaire solide, ouvert à la compétition internationale.
Mêmes mouvements.
Soyez fiers de construire une France qui crée des emplois et du travail pour chacun de ses enfants !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je suis, comme vous, un membre de cette majorité, sous l'autorité du Premier ministre
« Ah ! » sur divers bancs et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
et sous l'autorité du Président de la République, et je suis fier du travail que nous faisons ensemble, pour redonner à la France la place qui est la sienne en Europe : la première !
Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent vivement.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, c'est une vérité qui nous dérange : nos élèves de lycées professionnels n'ont souvent pas vraiment choisi leur formation. Ils ont eu un parcours accidenté et ont du mal à se projeter dans l'avenir. Ils ne croient plus dans leur capacité à réussir.
C'est pour cela que nous leur devons encore plus d'attention. Ils sont presque 700 000 en France. Et, à la différence de l'Allemagne, que l'on cite en exemple si souvent, nous avons la chance de pouvoir compter sur un système original, qui mixe l'enseignement initial scolaire et celui de l'apprentissage.
Si vous avez présenté votre projet de réforme des baccalauréats généraux et technologiques en début d'année, monsieur le ministre, ce n'est que la semaine dernière que vous avez présenté vos propositions pour réformer le lycée professionnel. Ce choix de séparer les réformes des différents bacs a très rapidement suscité des craintes, encore renforcées par la réforme de l'apprentissage, dans laquelle vous confiez la gestion des centres de formation d'apprentis aux branches professionnelles. C'est une concurrence entre lycées professionnels et CFA que vous organisez à terme.
La principale proposition de votre réforme est de mettre en place une spécialisation progressive en baccalauréat professionnel. Sous prétexte d'une carte de formations jugée trop importante, avec plus de 80 spécialités actuellement, vous créez des secondes professionnelles réorganisées autour de cinq à quinze familles de métiers.
Cela réduit donc de trois à deux ans un bac pro déjà amputé par le passé d'une année. Ces élèves ont pourtant besoin de temps pour se qualifier, retrouver l'estime de soi et la confiance sans laquelle il ne peut y avoir de motivation et d'ambition.
C'est notamment grâce à un recrutement plus sélectif que les CFA peuvent afficher des taux d'insertion supérieurs à ceux des lycées professionnels. La voie scolaire, pour sa part, accueille tous les jeunes, principalement issus des milieux populaires, et les conduit dans leur immense majorité à un diplôme.
Nous pensons que vous fragilisez une architecture bien adaptée à la diversité de nos jeunes et que vous risquez de créer un contexte défavorable aux lycées professionnels.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, GDR et FI.
Madame la députée, je vous remercie pour votre question, sur un sujet extrêmement important. Je sais votre attachement à la problématique des lycées professionnels. Ne doutez pas un instant du mien : le fait d'avoir détaché la réforme de l'enseignement professionnel de celle de l'enseignement général et technologique est au contraire une marque d'attention très particulière.
J'ai d'ailleurs dit à de nombreuses reprises que la réforme de l'enseignement professionnel était ma deuxième priorité, après la réforme de l'enseignement primaire. Je porte donc une attention très forte à l'enseignement professionnel.
La réforme consiste en plusieurs éléments. Le premier d'entre eux, c'est de créer l'attractivité de l'enseignement professionnel, d'où la logique de campus et de réseaux qui a été affichée. Ainsi, nous ne dirons pas, comme vous l'avez fait, que ce sont les élèves en difficulté qui rejoignent l'enseignement professionnel, mais des élèves qui ont eu envie d'y aller.
Ce point est majeur. Aujourd'hui, il y a 700 000 élèves dans l'enseignement professionnel, et environ 300 000 apprentis. Nous voulons le bien et des uns et des autres. Nous n'allons pas mettre en concurrence l'enseignement professionnel et l'apprentissage.
La concurrence dont vous parlez, c'est la situation de laquelle nous arrivons. Ce que nous voulons maintenant c'est montrer la totale compatibilité des deux, donc arriver à ce que, de façon pragmatique, nous obtenions des élèves formés pour les métiers qui conviennent.
Vous avez fait référence à un des aspects de la réforme, la seconde professionnelle réorganisée par famille de métiers. Je me suis rendu hier, en Haute-Savoie, dans un lycée qui expérimente le dispositif et s'en trouve très heureux. J'ai rencontré des élèves de seconde, épanouis, parce qu'ils savent déjà qu'ils auront un métier et qu'ils iront en stage en entreprise.
Autrement dit, la réforme qui est faite, comme les autres, est une réforme pragmatique, qui tient compte des meilleures pratiques actuelles des lycées professionnels, au bénéfice des 700 000 élèves concernés.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM – M. Claude Goasguen applaudit également.
La parole est à M. Jean-François Eliaou, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le Premier ministre, le Comité consultatif national d'éthique, le CCNE, a remis la semaine dernière au Gouvernement son rapport sur les états généraux de la bioéthique 2018, qui synthétise les débats publics organisés dans tout le pays entre janvier et avril. L'importance de la participation à ces débats témoigne de l'intérêt marqué des Français pour les progrès de la médecine et des sciences en général. Les thématiques complexes en jeu soulèvent des questions à la fois bioéthiques et sociétales.
Le rapport a également été remis à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, dont je suis rapporteur pour les questions de bioéthique. D'ici à l'automne, deux rapports d'évaluation seront rédigés : l'un sur l'application de la loi de bioéthique, le second sur ce rapport du CCNE. Ces évaluations, ainsi que les travaux de la future mission parlementaire d'information que j'appelle de mes voeux, produiront des propositions visant à nourrir le projet de loi de bioéthique à venir.
Monsieur le Premier ministre, compte tenu, d'une part, du cadre réglementaire existant et, d'autre part, de l'évolution rapide des progrès scientifiques et médicaux, quels seraient la forme et le périmètre les plus adéquats pour la future loi de bioéthique ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur Eliaou, la précédente loi de bioéthique, en 2011, avait elle-même fixé les modalités de sa révision : celle-ci devait passer par des débats citoyens sous l'égide du CCNE.
Les états généraux ont donc été ouverts par le Comité consultatif national d'éthique le 18 janvier dernier. Ils ont fait l'objet de nombreux débats en région – plus de 650 – , par l'intermédiaire des comités d'éthique régionaux, et ont suscité six mois de concertation, 150 auditions, 65 000 contributions en ligne et la réunion d'un comité citoyen. Le thème en était : « Quel monde voulons-nous pour demain ? »
Le rapport nous a été remis la semaine dernière. Il sera suivi, début septembre, d'un avis officiel du CCNE qui portera sur les différents thèmes prévus : la procréation, la génétique, le big data, l'intelligence artificielle, les greffes et les neurosciences.
En outre, monsieur le député, nous attendons avec impatience le rapport que vous préparez au nom de l'OPECST, qui devrait nous parvenir fin juin, ainsi que celui du Conseil d'État : tous deux nourriront évidemment la réflexion sur le contenu du projet de loi.
Ce texte, très attendu, devra tenir compte de plusieurs impératifs : les progrès de la science, de plus en plus rapides ; les attentes propres à chacun, souvent dictées par des situations personnelles douloureuses ; enfin, les valeurs qui fondent notre société et notre conception de la personne humaine. Il faudra donc trouver collectivement une ligne de crête acceptable par tous en vue de cette future révision, et fixer les modalités de révision des lois à venir, qui devront prendre en considération l'accélération des progrès médicaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, je commencerai par une observation : le Président de la République est pro-européen mais, dans cet hémicycle, pour votre majorité, tout est la faute de l'Europe. L'huile de palme ? La faute de l'Europe ! Les migrants ? La faute de l'Europe ! En revanche, le ministre de l'économie est heureux ; mais j'aimerais vous rappeler que le taux de croissance est de 2,5 % en moyenne en Europe, contre 2 % en France !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
En 2017, Emmanuel Macron a promis de supprimer la taxe d'habitation – promesse certes coûteuse mais si populaire ! Il vous faut désormais mettre cette mesure en oeuvre alors qu'elle a été juridiquement mal évaluée et financièrement mal calculée.
Acte Ier : l'engagement présidentiel devait concerner 80 % des Français. Acte II : devant le risque d'inconstitutionnalité, la promesse devient un joyeux : « Tout le monde sera exonéré ! » Acte III : cette extension semblant poser un problème budgétaire, les résidences secondaires seront exclues de l'engagement présidentiel. Ce petit tour de passe-passe permettrait d'économiser 3 milliards d'euros, alors qu'il semble bien difficile de financer cet engagement de campagne.
Pour les propriétaires de résidences secondaires, la taxe serait donc maintenue alors que ce sont eux qui utilisent le moins les services publics locaux.
Ils prendront aussi de plein fouet l'évolution de la taxe foncière, qui augmentera, de toute évidence, pour compenser la perte de dynamisme de la taxe d'habitation.
À l'heure où la vie a de plus en plus de mal à résister sur de nombreux territoires ruraux, la présence de résidences secondaires y joue un rôle majeur. Les résidences secondaires, ce sont 350 000 biens immobiliers appartenant à des étrangers. Mais, surtout, ce sont 6 millions de copropriétaires français qui dépensent leur argent en France plutôt qu'à l'étranger et permettent ainsi de créer de très nombreux emplois.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous dire à ces 6 millions de propriétaires si, oui ou non, ils vont être les derniers taxés, ce qui constituerait un déni de sincérité par rapport au discours tenu lors de vos campagnes électorales ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous avez raison, monsieur Furst : supprimer la taxe d'habitation est une mesure populaire ; être populaire, c'est peut-être ce qui manque à l'opposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Après m'avoir expliqué, pendant de très nombreuses séances, qu'il ne fallait pas supprimer la taxe d'habitation, voilà que vous regrettez presque que nous n'allions pas plus loin encore, alors même que vous avez refusé toutes les propositions d'économies que nous vous avons présentées !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est bien ce que je disais à votre groupe parlementaire en annonçant qu'en octobre, lorsque 280 000 foyers fiscaux de votre propre département verraient leur taxe d'habitation baisser de 200 euros, le bébé serait beau et qu'il aurait plusieurs pères : nous y voilà !
Sourires.
Ne vous inquiétez pas, monsieur le député : la promesse du Président de la République sera entièrement tenue. Nous supprimerons la taxe d'habitation, et pour tous les Français. Dans votre département, je le répète, rien qu'au mois d'octobre, ce seront 200 euros de gagnés, et, en 2020 – chacun pourra le constater à la veille des élections municipales – , ce seront 600 euros de moins à payer !
Exclamations sur les bancs des groupes LR et NG.
J'en profite pour vous dire que cela n'a pas été fait au détriment des collectivités locales :
Exclamations sur les bancs du groupe LR
cette année, Strasbourg, commune que vous connaissez bien, a reçu plus de 900 000 euros de dotations supplémentaires par rapport à l'année dernière, Colmar, plus de 500 000 euros et Mulhouse, plus de 800 000 ! Je suis très malheureux que vous n'ayez pas voulu le souligner dans les quelques secondes de temps de parole qui vous restaient : enfin, un gouvernement non seulement allège la fiscalité des Français, mais leur redonne du pouvoir d'achat et aide les élus locaux.
Mêmes mouvements.
Bref, il fait tout ce que vous souteniez quand vous étiez en campagne électorale, mais que vous avez manifestement un peu oublié !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, en charge de la vie associative, et j'y associe l'ensemble de mes collègues de la majorité.
Monsieur le ministre, vous le savez, les associations font ce que l'État ne peut faire seul, le plus souvent. Elles tissent le lien social qui favorise la cohésion au sein de nos territoires. Elles le font souvent avec de petits moyens, une grande volonté et un immense engagement. Les associations assurent partout des missions complémentaires des services publics et indispensables. C'est un investissement précieux pour la société dans son ensemble.
Suite à la suppression de la réserve parlementaire en juillet dernier, …
… nous avons décidé d'allouer les montants de cette réserve au Fonds pour le développement de la vie associative –
Exclamations sur les bancs du groupe LR
le FDVA – , tout en sachant que la dotation d'équipement des territoires ruraux – DETR – a été abondée de 50 millions d'euros. Le FDVA, c'est 25 millions d'euros pour soutenir et développer nos associations.
Nous sommes régulièrement sollicités, à juste titre, par leurs dirigeants, mais aussi par tous nos concitoyens attachés à leurs associations. Le décret d'application vient de paraître : c'est une très bonne nouvelle pour tout notre tissu associatif fragilisé depuis de longues années.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
En cette période d'assemblées générales, d'élaboration des budgets et des demandes de subventions, ce décret est indispensable à leur fonctionnement. Afin de rassurer les acteurs du milieu associatif, monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser clairement les modalités d'application de ce décret ? En effet, certains préfets n'ont pas encore mis en place le dispositif qui permettra aux associations de bénéficier enfin de ces subventions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la députée, je vous remercie pour votre question qui porte sur un sujet essentiel, celui des associations, dont vous avez eu raison de souligner l'importance pour la société.
Exclamations sur les bancs du groupe NG.
Vendredi dernier, nous étions à Toulouse avec le Premier ministre pour recueillir les conclusions d'un rapport réalisé très consensuellement par le mouvement associatif français, lequel a fait des propositions pour aller de l'avant. Nous avons abordé lors de nos discussions le sujet du FDVA, qui nous permet de rendre objective la façon dont nous distribuons les moyens aux associations.
Lors de la discussion budgétaire, un amendement adopté à l'unanimité avait permis d'abonder ce fonds de 25 millions d'euros supplémentaires.
Cet abondement de crédits a nécessité une grande réorganisation des missions et de la gouvernance du FDVA, au service de l'objectivité que je viens d'évoquer. Afin de soutenir les associations sur tous les territoires, une répartition départementale des crédits avait été actée, à la demande des parlementaires. Ces 25 millions d'euros seront répartis : pour une moitié, de façon parfaitement égale entre tous les départements pour qu'aucun territoire, notamment rural et d'outre-mer, ne soit lésé au profit de départements plus peuplés ; pour l'autre moitié, proportionnellement entre les départements, selon des critères de population et de dynamisme associatif.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Toutes les associations seront éligibles au FDVA, en priorité les plus petites, celles qui bénéficiaient tout particulièrement de l'ancienne réserve parlementaire.
Les décisions d'attribution des subventions seront prises au plus près des territoires et de leurs besoins, par des comités départementaux présidés par le représentant de l'État dans le département et composés d'élus locaux et de personnalités qualifiées du monde associatif.
Si l'objectivité dérange peut-être certains, c'est pourtant bien dans cette direction que nous allons !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme Claire Guion-Firmin, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, permettez-moi tout d'abord d'avoir un mot d'encouragement pour tous les élèves de Saint-Martin qui s'apprêtent à passer leurs examens dans des conditions plus que difficiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes GDR et NG.
En novembre dernier, vous êtes venu pour la rentrée scolaire où 65 % des élèves étaient présents ; la rentrée de janvier en comptait 80 %. En prévision de la prochaine rentrée, les autorités anticipent une baisse des effectifs. Or, il est impossible d'établir précisément le nombre d'élèves à scolariser. Quelques établissements resteront fermés, et nous savons que ceux qui seront ouverts ne pourront décemment accueillir les élèves. Par exemple, le lycée professionnel accueille ses étudiants ; mais il n'est pas aux normes et le restaurant pédagogique a été détruit.
Dès lors, il me semble irresponsable d'affirmer qu'à Saint-Martin la rentrée scolaire sera normale, même si c'est bon pour la communication.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
En 2020, il a été prévu de construire un nouveau collège d'une capacité de 900 places, mais qu'adviendra-t-il des élèves entre-temps, sachant que votre directeur de projet et d'éducation prévoit une étude d'impact de trois ans ? Où sont les huit Algécos promis depuis sept mois ? Il est de notre devoir d'assurer à notre jeunesse la possibilité de prendre sa juste place dans la société. Cela passe nécessairement par une éducation réussie, dans un système qui lutte contre les inégalités, pour reprendre vos propos.
Monsieur le ministre, à trois mois de la rentrée, quelles garanties pouvez-vous apporter à la communauté éducative pour la rassurer quant aux moyens mis en oeuvre pour accueillir tous les élèves, dans des conditions dignes et assurant l'égalité des chances ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-Agir, NG, GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Madame la députée, je vous remercie pour votre question, qui porte également sur un sujet très important. Face à une catastrophe naturelle, l'unité nationale est nécessaire pour faire face et apporter des réponses de manière pragmatique. C'est, à mon sens, ce qui s'est passé. Dès le lendemain de l'ouragan, je me suis rendu sur place avec le Président de la République, pour constater les dégâts qui étaient extrêmement importants. Aucun territoire des Caraïbes touché par cet ouragan n'a réagi aussi vite que l'État français. Comme vous l'avez rappelé, je suis retourné à Saint-Martin, au mois de novembre, avec le Premier ministre, pour la rentrée scolaire. Nous avions constaté que bon nombre de progrès avaient été faits, puisque nous avions réussi à faire revenir environ 85 % des professeurs et 80 % des élèves.
Le recensement des élèves qui seront présents lors de la prochaine rentrée est terminé. La meilleure des nouvelles que je peux vous annoncer, c'est que 95 % des élèves scolarisés en 2017-2018 seront présents pour l'année scolaire 2018-2019. Cela signifie bien que le climat de confiance est revenu, grâce au travail considérable que nous avons accompli, à la hauteur de dégâts eux-mêmes considérables. Le programme de réparations a permis d'assurer l'essentiel : la scolarisation de tous les élèves présents, comme nous l'avions souhaité avec le Premier ministre, dès le lendemain des vacances de la Toussaint. Lors du Comité interministériel qui s'est tenu le 12 mars dernier, nous nous étions fixé collectivement un objectif : le retour de 95 % élèves à la rentrée prochaine.
Au-delà des premières interventions d'urgence, un plan pluriannuel d'investissements – un PPI – proposé par le délégué interministériel permettra de financer intégralement la construction de quatre écoles et d'un collège pour 26 millions d'euros et d'une salle omnisports pour 6 millions d'euros. Nous sommes pleinement mobilisés. La solidarité nationale a fonctionné, de façon à offrir une rentrée aussi normale que possible après une telle catastrophe naturelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la cohésion des territoires, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, pour beaucoup d'acteurs du logement, la dernière loi de finances a donné un aperçu plutôt inquiétant de la politique du Gouvernement dans ce domaine. Le coup de rabot sur l'aide personnalisée au logement – APL – , la réduction des moyens des offices HLM et la réduction du prêt à taux zéro et de l'APL accession ont ébranlé cette politique si spécifique à la France et si importante pour les Français.
Malgré la conférence de consensus, l'impression générale à la lecture du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique était celle d'un texte assez technocratique, marqué par des oublis et essentiellement focalisé sur la nécessité de construire plus et sur les zones tendues. Les débats en commission et en séance ont permis de compléter cette approche.
Au nom du groupe UDI, Agir et indépendants, je voudrais tout d'abord saluer l'engagement et l'écoute de M. le ministre et de M. le secrétaire d'État.
Nous avons beaucoup apprécié votre présence permanente en commission et dans l'hémicycle.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous avez fait preuve d'un véritable respect du Parlement en apportant des réponses argumentées et circonstanciées à presque tous les amendements.
Tous les groupes d'opposition, sans exception, ont contribué à compléter et à améliorer le texte ; le travail parlementaire en commission et en séance a donc été utile et de qualité, et je vous en remercie.
Notre groupe a ainsi pu faire adopter le maintien du droit de préemption des communes sur les logements sociaux, celui de la possibilité pour les maires de demander les plans intérieurs des projets des promoteurs, …
… la création d'une peine complémentaire obligatoire de confiscation des biens des marchands de sommeil et des mesures de simplification en matière d'assainissement non collectif.
Prenons aussi en exemple le volet numérique qui, pour se situer à la fin du projet de loi, n'en est pas moins important. Il y avait dans le texte initial une vraie volonté de lever les freins à l'installation d'antennes – condition indispensable à la réussite du New Deal en matière d'aménagement numérique du territoire. L'accord conclu avec les opérateurs représente un tournant et une véritable chance pour les territoires mal couverts, mais les opérateurs ne pourront pas répondre à l'objectif de 20 000 installations nouvelles si les obstacles et les insécurités juridiques persistent. Même s'il reste encore des sujets à traiter dans le cadre de l'examen au Sénat – et nous vous avons sollicités sur ces points – , l'Assemblée nationale a déjà simplifié les procédures d'installation et de transformation d'antennes, afin que nos concitoyens puissent accéder à la 4G. Ce qui est une évidence dans les villes doit naturellement le devenir dans nos campagnes.
L'urbanisme et le logement sont deux domaines où le besoin de simplification est criant. Les nouveaux outils que vous souhaitez mettre en place – projet partenarial d'aménagement, grande opération d'urbanisme, opération de revitalisation de territoire – comportent des dérogations au droit commun, ce qui montre bien que la loi actuelle représente un véritable carcan pour les aménageurs ; une loi de simplification aurait à elle seule suffi à donner un peu d'air.
Même si le nombre d'articles de votre texte a triplé, passant de 65 à 180, la loi ELAN ne sera pas une loi ALUR 2, et je dirais : « Ouf ! » Peu d'articles ajoutent de nouvelles normes et le projet de loi introduit de nombreuses simplifications. Je voudrais également saluer votre position courageuse sur les excès qu'il fallait corriger : les normes d'accessibilité peuvent en effet être adaptées sans compromettre l'objectif d'universalité des logements ; dans certains cas précis, envisagés dans la loi, on peut se satisfaire d'un avis simple des architectes des bâtiments de France sans que cela nuise à la qualité des constructions.
La deuxième priorité qui nous semble également atteinte est celle de l'expérimentation. Plusieurs articles permettent ainsi d'expérimenter de nouvelles procédures, et nous le voyons d'un bon oeil.
Cela m'amène à ce qui devrait être une troisième priorité : l'ancrage territorial. La politique du logement doit cesser d'être conçue depuis Paris, voire depuis Bercy, pour être pensée selon les bassins de vie. Or le projet de loi ne répond pas à cette évidence ; il y a de vrais efforts à faire pour adapter la politique du logement à chacun des territoires, avec ses particularités. Avons-nous bien pris la mesure de cette nouvelle philosophie et de ses conséquences, en particulier du fait de vendre en bloc une partie du patrimoine des bailleurs pour multiplier par cinq le nombre de logements vendus chaque année ? L'État assume désormais de mettre beaucoup moins d'argent dans le logement social ; je ne suis pas convaincue – et mon groupe non plus – que ce soit la bonne méthode pour conserver l'objectif de mixité sociale.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le projet de loi doit encore être amélioré. Vous vous êtes engagés sur de nombreuses évolutions au cours de la navette, qui nous semblent indispensables. Nous faisons confiance à votre esprit d'écoute pour les apporter réellement ; nous serons vigilants. Dans cette attente, nous nous abstiendrons avec bienveillance sur ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous aurons consacré près de 90 heures de débats à l'examen du projet de loi ELAN, avec un enchaînement qui aura probablement nui à la qualité de nos échanges dans les derniers jours. On ne saurait légiférer correctement sous l'empire de la fatigue – les tensions de la dernière nuit en témoignent. Nous invitons le Gouvernement, comme nous l'avons fait tout au long des derniers jours, à remettre à plat notre calendrier législatif afin de rendre celui-ci supportable pour les services de l'Assemblée nationale, nos collaborateurs et nous-mêmes, et pour promouvoir la qualité de la loi.
Notre groupe a été accusé d'obstruction dans les dernières heures de nos débats. C'est oublier tout d'abord que le groupe majoritaire aura déposé pas moins de 643 amendements en séance, …
… soit plus que les trois groupes de gauche de l'opposition réunis. C'est oublier ensuite que nous avons demandé, durant plus d'une semaine, avec notre collègue Thibault Bazin, que la conférence des présidents se réunisse pour réorganiser le calendrier législatif en fonction de l'avancement du travail sur le texte. Le président de notre assemblée et celui du groupe LaREM auront été totalement absents de nos discussions. Enfin, quant à la forme de nos débats, nous aurons à repenser le temps législatif programmé, qui étire les débats de manière déraisonnable…
… tout en réduisant significativement le temps de parole des petits groupes, sans tenir compte de l'importance ou de la longueur du texte.
Sur le fond, notre groupe avait formulé un certain nombre de propositions dans le cadre du contre-projet que nous avons présenté à Alfortville. Celui-ci était articulé autour de trois axes qui synthétisaient selon nous les enjeux centraux du projet de loi.
Le premier enjeu est celui de la mixité sociale. De notre point de vue, la politique du logement doit concourir à l'amélioration de la mixité – nous avions engagé ce travail, en particulier dans la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté. Or plusieurs dispositions du projet de loi comportent des risques, directs ou indirects, pour la mixité sociale.
Le texte propose ainsi la suppression des servitudes de mixité sociale pour les opérations de transformation de bureaux en logements. Nous regrettons que vous ayez repoussé nos amendements qui visaient à maintenir ces servitudes ou, à tout le moins, à garantir que les communes carencées ne puissent bénéficier des dérogations d'urbanisme qu'à la condition qu'elles réalisent majoritairement du logement social. Nous craignons fortement que cette suppression ne réduise la part du logement social dans de telles opérations.
Après des échanges parfois animés en commission et un long débat en séance, nous reconnaissons néanmoins que, sur d'autres dispositions concernant la mixité sociale, vous avez su faire preuve d'écoute. Ainsi, qu'il s'agisse de l'extension de la réquisition avec attributaire à l'hébergement ou de la transformation d'hôtels en résidences hôtelières à vocation sociale, vous avez entendu nos craintes de voir ces mesures amplifier les phénomènes de concentration des populations en difficulté toujours dans les mêmes quartiers. Nos amendements visant à conditionner ces dispositifs à l'accord préalable du maire dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville – QPV – ont ainsi été adoptés.
Sur la question centrale de la politique d'attribution de logements sociaux, vous avez également accepté de faire un pas vers nous en permettant le renforcement des plafonds d'attribution aux personnes les plus en difficulté ou les plus modestes dans et en dehors des QPV. Nous aurions souhaité aller plus loin, notamment dans le traitement des demandeurs reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable, mais nous notons positivement cette évolution.
En revanche, pour conclure sur ce premier point, nous regrettons le maintien de l'allongement de cinq à dix ans de la comptabilisation des logements sociaux vendus dans le quota prévu par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains – SRU. Nous n'étions pas opposés à une évolution de la loi, mais nous considérons que vous l'avez modifiée dans le mauvais sens, et nous l'avons dit tout au long des débats.
Le deuxième axe concerne le logement social et, en particulier, votre volonté de développer la vente de logements HLM. Nous l'avons dit : nous n'y sommes pas opposés, mais des garanties doivent être apportées pour éviter les abus et les effets d'aubaine.
En permettant la vente en bloc à des personnes morales de droit privé qui peuvent être des sociétés immobilières, comme des fonds de pension – notre analyse étant confirmée par plusieurs médias – , vous vendez le patrimoine des Français à la découpe. Pire, en supprimant l'obligation de vente au prix des domaines, vous allez permettre à ces sociétés de réaliser des opérations financières juteuses, sans considération pour les deniers publics. Lorsque les immeubles seront situés dans des quartiers attractifs, ce sont des investisseurs qui achèteront et réaliseront dans dix ans de belles plus-values et lorsque les immeubles seront situés dans des quartiers défavorisés, ce sont des marchands de sommeil qui surgiront, avec pour conséquence la multiplication des copropriétés dégradées.
Tous les amendements que nous avons proposés ont été rejetés, qu'il s'agisse de limiter la vente en bloc aux seules ventes entre bailleurs, de rétablir le prix des domaines en tout ou partie ou même de prévoir une clause de retour à meilleure fortune en cas de plus-value importante à la revente. Le maintien du droit de préemption du maire a été une bien maigre et insuffisante concession, bien qu'éminemment nécessaire.
Le dernier axe que nous avons identifié est celui de la dérégulation. Le projet de loi porte une offensive inédite contre les normes qui garantissent la qualité de notre habitat : suppression de l'avis conforme des architectes des bâtiments de France, moindres exigences de performance énergétique des bâtiments tertiaires – et que dire de la quasi-suppression des normes d'accessibilité pour les personnes en situation de handicap ?
La majorité a amplifié cette vague dérégulatrice en s'attaquant à notre patrimoine paysager et à nos côtes en permettant de déroger à la loi littoral. Dorénavant, des constructions pourront être entreprises dans les fameuses dents creuses.
Des textes emblématiques de notre pays, qu'aucune majorité n'avait remis en cause – loi littoral, loi SRU, normes pour les personnes handicapées – , sont ainsi vandalisés.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, si l'évolution du texte sur les questions de mixité sociale est positive – nous la saluons – , nous ne pouvons que nous opposer vivement aux dispositions que vous proposez pour la vente des logements HLM et aux mesures de dérégulation qui vont promouvoir un habitat low cost. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
S'agissant des temps de parole auxquels vous venez de faire référence, monsieur Pupponi, je tiens tout de même à informer notre assemblée avec la plus grande objectivité et la plus grande sincérité. Vous avez évoqué les groupes de gauche – notamment le vôtre, j'imagine. En l'occurrence, votre groupe a eu la parole pendant six heures et vingt-six minutes, alors que son temps de parole initial était de cinq heures et quarante-cinq minutes, grâce au temps attribué à la présidente de votre groupe, comme à tous les présidents de groupe.
Il en est de même pour le groupe La France insoumise, qui a eu la parole pendant cinq heures et vingt-neuf minutes, alors qu'il disposait de quatre heures trente-cinq ou pour le groupe GDR, qui a parlé pendant six heures quarante-sept alors qu'il avait quatre heures trente. Que chacune et chacun fasse preuve d'objectivité dans la présentation de nos débats !
Quant à ce que vous avez dit, monsieur Pupponi, c'est moi qui suis intervenu mardi dernier à cette place – et vous le savez très bien puisque vous étiez présent – pour permettre aux débats de se dérouler de façon plus claire, en avançant certaines propositions concrètes qui ont été mises en oeuvre immédiatement – et qui ont notamment permis à des groupes de bénéficier de temps de parole supplémentaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour le groupe La France insoumise.
L'examen du projet de loi ELAN arrive à son terme. Contrairement à ce que vous dites, monsieur le président, il n'a pas été mené dans les meilleures conditions : cinquante heures de débat pour soixante-six articles et plus de 2 300 amendements ne permettent pas une réflexion suffisamment posée et rigoureuse pour traiter de la question du logement en France.
Les conditions d'examen du texte ont posé problème, mais c'est surtout son contenu qui appelle nos remarques. En effet, celui-ci ne nous convient absolument pas.
Nous rejetons votre projet car il ne fera qu'aggraver les inégalités, notamment du fait de la limitation de l'accessibilité au logement. Actuellement, 40 % des logements sont soumis à l'obligation d'accessibilité ; avec le projet de loi, la proportion passera à 4 %. Vous ferez supporter aux personnes handicapées le coût de leur handicap : trouver un logement adéquat sera difficile, et transformer un logement dit « évolutif » sera techniquement compliqué.
Nous rejetons également le projet de loi car il aggrave la précarité des locataires. Le « bail mobilité », que vous souhaitez mettre en place, étend la précarité – laquelle est déjà fort répandue dans le monde du travail – au secteur du logement. À la galère de l'emploi s'ajoutera le risque de perdre un logement en quelques mois.
Nous rejetons le projet de loi car il fragilise gravement le modèle français du logement social. Après avoir réduit de 1,5 milliard d'euros les fonds des bailleurs sociaux, vous les poussez à vendre des logements et à se regrouper en organismes, en les soumettant uniquement à des logiques budgétaires.
Nous rejetons le projet de loi car il s'attaque gravement à des droits acquis de longue date. La loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique – dite « loi MOP » – est une garantie pour la qualité de nos habitats. Or vous rendez facultatif le recours aux architectes des bâtiments de France. Loin de favoriser la construction de logements sociaux, vous la fragilisez la loi SRU en facilitant son contournement. Vous affirmez que vous ne touchez pas à la loi littoral. Pourquoi alors avoir ajouté un article qui en modifie le contenu ? Aucune étude d'impact n'a été réalisée sur cet article que nous jugeons dangereux pour nos littoraux et pour l'environnement, en métropole comme outre-mer.
Nous rejetons le projet de loi à cause de ses manques et de ses silences. Vous ne répondez pas au manque de logements dans notre pays : alors que 4 millions de personnes sont mal logées et 12 millions en situation de fragilité, aucun plan d'investissement et de construction n'est prévu. Nous défendons l'objectif de 200 000 logements nouveaux par an et 16 000 logements étudiants.
Rien n'est fait pour mobiliser le parc privé en encadrant réellement et durablement les loyers, en taxant la spéculation foncière et en luttant contre les logements vacants.
Rien n'est fait en faveur de la transition écologique, qui est pourtant un enjeu fondamental. Nous avons proposé un moratoire sur l'extension des grands centres commerciaux ainsi que des moyens pour lutter contre l'artificialisation effrénée de nos terres.
Rien non plus pour améliorer la qualité de l'habitat, défendre une architecture et un urbanisme du XXIe siècle, solidaire et écologique.
Rien enfin pour favoriser la diversité des modes d'habitat.
Le projet repose sur l'illusion que tout est marchandise et que tout se règle par l'offre et la demande. Les occupants des logements ont largement été oubliés. Nous défendons à l'inverse un projet dans lequel le logement est un droit fondamental et dans lequel l'État joue un rôle moteur dans la garantie de ce droit et dans la construction. Par conséquent, notre groupe votera contre le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Les députés communistes souhaitent saluer sincèrement et solennellement l'implication des représentants du Gouvernement, M. Mézard et M. Denormandie, pour la qualité de leur écoute et leur attention durant les longues heures de débats en commission puis en séance.
Ces remerciements s'adressent également aux rapporteurs. Je n'ai pas souvent eu l'occasion de vous le dire, donc je profite du vote solennel pour le faire.
La preuve de cette écoute tient en un chiffre : trente et un de nos amendements ont été adoptés, ce qui constitue un record pour notre groupe depuis le début de la législature, mais – parce qu'il y a des « mais » – ce tableau ne serait pas fidèle à la réalité si je ne faisais pas état des ombres qu'il comporte.
La première ombre concerne la forme. Le choix d'un débat en temps législatif programmé ne se justifiait pas – la preuve en a été apportée au fil des jours et des nuits – sur un sujet aussi fondamental que le logement, et sur un projet de loi aussi abondant, riche de soixante-six articles. Ce choix a bridé la parole parlementaire et a participé grandement à la dégradation du climat dans l'hémicycle.
Il n'est pas normal que notre groupe, qui a présenté plus de 270 amendements, tous sérieux et étayés, n'ait pas eu la possibilité de les défendre tous, faute de temps de parole.
Ces remarques étant faites, j'en viens au fond. D'abord, le projet de loi marque une rupture. Le logement n'est plus un droit : le texte le qualifie désormais de « bien marchand », de « bien d'usage », ou encore de « bien de consommation ». Cette mutation sémantique, loin d'être anecdotique, éclaire la philosophie du projet.
La dérive sémantique ne s'arrête pas là : elle fait de la mobilité le synonyme de la précarité, de la simplification celui de la dérégulation, de la réorganisation des organismes HLM celui du démantèlement.
En rompant avec la mixité entre public et privé de l'économie du logement dans notre pays, vous entendez confier l'essentiel des réponses à la crise du logement au seul marché. Je vous l'ai déjà dit : le marché n'a pas de morale, il est aveugle à l'intérêt général. La force de la loi est justement de lui servir de canne blanche en le régulant. Ce n'est pas ce que fait ce texte qui, par ailleurs, a trop cédé aux lobbies en plusieurs endroits.
C'est ainsi qu'il réduit les normes, notamment en matière d'accessibilité pour les personnes en situation de handicap, soulevant l'indignation et la colère des associations, qu'il réduit le rôle des architectes, qu'il fragilise la protection de notre patrimoine en minimisant le rôle des architectes des bâtiments de France, qu'il affaiblit le pouvoir des maires et qu'il technocratise la prise de décisions. C'est à se demander si les auteurs de ce texte n'ont pas fait preuve d'une amnésie coupable s'agissant de l'histoire de l'urbanisme des barres et des tours.
Mais la poutre maîtresse du texte est la restructuration des organismes de logement HLM. Avec la loi de finances, vous aviez voté l'acte I de leur affaiblissement – en leur prenant plus de 3 milliards d'euros de fonds propres – ; voici désormais l'acte II, comprenant notamment l'obligation de se regrouper, au risque de faire des mariages forcés contre nature, et surtout celle de vendre massivement pour financer l'entretien de leur patrimoine et participer à l'effort de construction.
Plus grave, vous avez autorisé la vente de logements HLM dans les communes ne respectant pas la loi SRU. C'est une atteinte grave et historique à cette loi qui va fêter prochainement ses dix-huit ans. C'est la première fois qu'un gouvernement s'autorise à remettre en cause les fondamentaux de cette loi. La loi SRU est un totem d'une République sociale qui refuse de voir la société céder à l'entre-soi, à l'égoïsme et au séparatisme social.
Vous avez ouvert une brèche qu'il sera bien difficile de refermer, et je crains que les débats au Sénat dans les semaines à venir nous en donnent une illustration.
En attendant – et sans doute sans surprise – , malgré les avancées obtenues dans la lutte contre les marchands de sommeil, les députés communistes voteront contre le projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, NG et FI.
Sur l'ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Mickaël Nogal, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous y voilà.
Dix mois ont passé depuis l'été 2017 et le lancement de la concertation autour de la stratégie logement et du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Dix mois pour transformer le logement dans notre pays avec – enfin ! – un texte qui ne crée pas de nouvelle contrainte et qui cesse d'opposer les Français les uns aux autres, selon qu'ils soient locataires ou propriétaires, qu'ils vivent en zone urbaine ou en zone rurale.
Dix mois donc, des centaines d'heures d'entretiens, de visites sur le terrain ; 40 heures de débat en commission des affaires économiques – dont je salue les membres, parmi les plus résistants de notre assemblée – ; neuf jours, neuf nuits et 92 heures de débat dans l'hémicycle – surtout, des débats de grande qualité, rendus possibles par le travail de nos deux ministres, Jacques Mézard et Julien Denormandie et de nos deux co-rapporteurs, Christelle Dubos et Richard Lioger, qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour apporter des réponses aux 2 957 amendements discutés.
Grâce à cette attitude et à ce travail constructif, je pense pouvoir dire, au nom de mes collègues de la majorité, que nous sommes heureux d'être parvenus à ce texte dans sa version soumise aujourd'hui à l'approbation de la représentation nationale. Parce que notre société connaît, depuis plusieurs décennies, de profondes mutations, nous avions besoin d'une loi qui adapte le logement aux nouveaux modes de vie des Français, lesquels sont plus connectés, plus écologiques, plus modulables et mieux adaptés à la diversité de leurs parcours.
Je souhaite donc revenir avec vous sur quelques-unes des nombreuses avancées concrètes apportées par le projet de loi ELAN.
Commençons par la création du bail mobilité. Engagement de campagne d'Emmanuel Macron, ce bail meublé d'un à dix mois, non reconductible, permettra de simplifier l'accès au logement pour les personnes en mobilité professionnelle, qu'il s'agisse des étudiants, des stagiaires, des apprentis, des saisonniers ou des salariés en formation. Ce bail est avantageux pour les locataires, qui n'auront pas à déposer de garantie, comme pour les propriétaires qui, grâce au visa pour le logement et l'emploi – VISALE – , dispositif de protection des risques locatifs, que nous élargissons, seront couverts contre le risque de loyers impayés ou de dégradations locatives.
Par ce texte, nous voulons répondre aux besoins des Français tout au long de leur vie, au plus près de leurs besoins. C'est pourquoi nous passons dans la construction neuve à 100 % de logements évolutifs. Aujourd'hui le 100 % adapté est loin de répondre aux besoins de tous les Français en situation de handicap, y compris ceux en fauteuil roulant, dont les besoins diffèrent et pour qui des aménagements personnalisés sont nécessaires. Le 100 % évolutif assure de pouvoir adapter un logement en fonction de son occupant, et non plus l'inverse.
Avec le groupe La République en marche, nous avons également facilité la transformation de bureaux en logements, en portant le bonus de constructibilité de 10 % à 30 %. Ce qui était jusqu'à présent un voeu pieux devient aujourd'hui une réalité. La mobilisation des bâtiments vacants est une question majeure quand on voit le nombre de logements et bureaux vides, en particulier dans les zones les plus tendues.
Toujours dans cette même approche constructive et incitative, nous avons voté l'expérimentation d'un dispositif d'occupation temporaire des bâtiments vacants, pour une durée de quatre ans, à destination notamment des sans-abri et des plus démunis.
Avec le projet de loi, nous avons voulu prendre à bras-le-corps la lutte contre les marchands de sommeil et l'habitat indigne. Les marchands de sommeil, de même que les trafiquants de drogue, ne fonctionnent qu'à l'appât du gain. Considérons-les comme tels. C'est pourquoi nous les ajouterons à la liste des trafiquants de drogue ou de contrefaçons dans le code général des impôts. La présomption de revenus nouvellement créée permettra à l'administration fiscale d'agir efficacement puisqu'y sont associées une amende élevée et une inversion de la charge de la preuve au profit de l'administration. Les marchands de sommeil, dont la principale motivation est économique, seront donc obligés de passer à la caisse et de payer.
Enfin, parce que le projet de loi s'adresse à tous les Français, parfois éloignés des centres-villes ou des zones d'activité, nous créons les conditions pour garantir l'accès de tous les citoyens au très haut débit d'ici à 2022 et généraliser une couverture mobile de qualité dès 2020, pour que le fameux « je ne capte pas, je te rappelle » ne devienne qu'un lointain souvenir.
Je pourrais évoquer également la construction de nouveaux logements sociaux, le développement de l'accession sociale à la propriété, la redynamisation de nos centres-bourgs, le carnet numérique du logement, et bien d'autres mesures. Cette liste de dispositions, loin d'être exhaustive, s'adresse, vous l'aurez compris, à tous les Français, d'où qu'ils viennent, où qu'ils soient et surtout quels que soient leurs besoins tout au long de la vie. Le projet de loi ELAN est donc celui du logement pour tous. C'est la raison pour laquelle les députés de La République en marche voteront pour ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici donc au terme du long marathon de l'examen du projet de loi ELAN.
Je me dois de souligner la qualité des débats – enfin, pour partie. L'examen a été terni par la volonté de « bâcler » le texte à tout prix dans la dernière nuit. Les derniers articles ont été examinés dans des conditions anormales, alors qu'ils méritaient un examen plus sérieux.
Monsieur Mézard, j'ai pourtant admiré votre sagesse, empreinte de votre expérience bien utile d'élu local de l'ancien monde. Vous avez d'ailleurs suscité beaucoup d'espoir dans la navette parlementaire pour régler les nombreuses imperfections persistantes.
Monsieur Denormandie, j'ai aussi apprécié votre implication sincère dans le débat. Dommage que la majorité ne vous ait pas toujours écouté, nous imposant des cavaliers législatifs.
Sans vous deux, le projet de loi serait sorti de l'Assemblée dans une version encore aggravée. Il est heureux, ainsi, que nous ayons su préserver l'essentiel de la loi littoral, fragilisée en commission par des marcheurs bretons.
Si les débats ont été de qualité, on ne peut pas dire que le texte ait beaucoup évolué pour combler des failles restées béantes.
Les besoins en logements vont croissant. Pour y répondre, il faudrait d'abord adapter l'offre existante, rendre les logements énergétiquement moins précaires, les adapter au vieillissement, s'assurer qu'ils sont financièrement abordables. Enfin, s'il faut effectivement créer de nouveaux logements, il ne faut pas le faire n'importe comment, en créant de nouveaux ghettos. Un choc d'offre n'est souhaitable que si l'offre est de qualité, à taille humaine, et pour tous les territoires.
Ce projet de loi, pas abouti, fait l'impasse sur ces vrais défis. Si je reconnais certaines avancées, comme la lutte contre les recours abusifs, je regrette que le texte demeure une occasion manquée. Je m'inquiète de l'incapacité à faire évoluer le stock actuel de logements, pour le bonifier ; je m'inquiète de l'incapacité à générer un choc d'offre de qualité, et équitable pour tous les territoires.
Vous avez limité les pouvoirs des maires, qui se voient retirer la signature des permis de construire sur les grandes opérations d'urbanisme et ôter leur compétence en matière de lutte contre l'habitat insalubre.
Leur avis n'est pas pris en compte pour les ventes en bloc ou l'installation des commerces dans le cadre d'opérations de revitalisation de territoire – ORT.
La cotation, rendue obligatoire, rendra leur tâche plus difficile, alors que l'intelligence territoriale devrait animer une véritable politique de peuplement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous n'avez pas été assez loin pour lutter contre les marchands de sommeil.
Rien n'est prévu pour rétablir la tranquillité dans les quartiers, lutter contre les squats, les occupations intempestives des parties communes, et les trafics.
Vous n'avez pas adapté la loi SRU. Dans un jeu de faux-semblants surréaliste, des marcheuses tenaient un discours similaire au nôtre quant à la nécessité de prendre en compte les réalités locales tout en votant le contraire lors des scrutins publics sur nos amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous dites vouloir « construire plus, mieux et moins cher », mais vos mesures auront l'effet inverse. Rien dans votre stratégie ne nous assure que les futures constructions seront synonymes de qualité de vie. Notre crainte d'une sur-densification est justifiée quand on sait que des bureaux seront transformés en logements, avec un bonus de constructibilité de 30 % et un allégement des règles de stationnement. Bonjour la vie du quartier ! Je plains d'avance les occupants.
Avec le concept flou de « logement évolutif », l'offre neuve en collectif sera 90 % moins accessible qu'aujourd'hui. Sa mise en oeuvre risque de coûter plus cher ultérieurement.
À part le programme coeur de ville, que nous saluons, vous ne répondez pas à l'attente des zones détendues, soit 95 % du territoire. Ce choc d'offre ne se fera peut-être même pas, car les offices HLM sont exsangues et les investisseurs privés fuient la pierre.
Après avoir fragilisé la capacité d'autofinancement des bailleurs sociaux, votre restructuration du secteur HLM les force à se restructurer de manière inconsidérée, avec un seuil de 15 000 logements, déconnecté des réalités locales, menaçant la proximité.
Au lieu de rassurer les propriétaires, d'alléger leurs charges et leurs contraintes, d'inciter les Français à investir dans la pierre, vous faites le contraire, en restreignant le dispositif Pinel et en conservant l'impôt sur la fortune immobilière. Cherchez l'erreur ! Ce n'est pas ainsi que vous diminuerez le nombre de logements vacants, même en les taxant. La méfiance risque de progresser encore, du fait du retour de l'encadrement des loyers.
Le bail mobilité, concept intéressant, risque de s'avérer peu attractif pour les propriétaires si les détériorations locatives ne sont pas couvertes par la garantie VISALE. On n'est pas au pays des Bisounours : il existe des locataires voyous.
Le texte n'améliorera pas la situation du bâtiment, secteur fortement atteint par les mesures désastreuses prises dans votre premier budget. Nous l'avons dit : les constructions de maisons individuelles régresseront, alors que de nombreux Français les souhaitent. Vous ne répondez pas à leur attente et le décalage est flagrant entre vos slogans et vos mesures.
Quelle incohérence ! Vous affirmez donner la priorité à l'accession sociale à la propriété, « et en même temps » vous supprimez quasiment l'APL accession et divisez par deux la quotité finançable du prêt à taux zéro. Plutôt que de voir dans le logement un actif financier à travers le prisme des ventes en bloc risquées et déshumanisées, vous auriez dû le considérer comme un bien essentiel, un vecteur de promotion sociale, en mettant la personne au coeur de la politique du logement.
Faute d'un aménagement équitable du territoire, en l'absence d'une ambition portée sur l'accession à la propriété, nous voterons, avec mes collègues du groupe Les Républicains, contre ce projet de loi sans élan.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Patrick Mignola, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Oui, cher collègue Thibault Bazin, ce texte donne bien un élan, et il porte une ambition.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.
Il porte l'ambition de construire plus vite, en limitant les contentieux, en luttant contre les recours abusifs, en créant le projet partenarial d'aménagement, qui rendra service sur le terrain à de nombreux maires soucieux de mener à bien leurs projets.
Il porte l'ambition de construire mieux, en moralisant les sites de location saisonnière, en luttant contre les marchands de sommeil et en insistant sur la traçabilité des matériaux, en protégeant les filières locales, en particulier les filières bois.
Il porte une ambition de construire moins cher, en inversant la fiscalité sur la détention des plus-values immobilières, en adoptant des normes qui deviennent enfin pragmatiques, bien plus qu'idéologiques, tout en maintenant une exigence environnementale, littorale ou d'accessibilité.
Mais parce qu'il est de notre responsabilité collective que cette ambition se concrétise sur le terrain, nous devrons rester vigilants. Notre vigilance devra s'exercer en premier lieu au niveau du territoire. Le Gouvernement l'aura entendu de nombreuses fois dans cet hémicycle : regrouper des bailleurs sociaux à 15 000 logements n'emporte pas les mêmes conséquences selon que l'on se place à Paris, dans la métropole de Lyon ou dans les Pyrénées-Atlantiques – voire, au hasard, la Savoie.
Nous serons donc très attentifs. J'ai bien compris qu'un rendez-vous était pris au Sénat pour trouver les voies et moyens de nous adapter aux différences territoriales dans l'application de cette loi.
Notre vigilance portera également sur le foncier car nous ne ferons pas l'économie, au cours des prochains mois, de clauses anti-spéculatives sur le foncier, pour que le logement cesse de coûter toujours plus cher du fait de la spéculation foncière. Les élus locaux disposent d'outils. Ils ont beaucoup travaillé sur le terrain, avec les schémas de cohérence territoriale – les SCOT – , les plans locaux d'urbanisme intercommunaux – PLUI – , ou encore les droits de préemption urbains à prix révisés, mais il faut leur donner plus de moyens juridiques pour que, demain, ce ne soit pas à nouveau le foncier qui retire tout le bénéfice des mesures d'allégement et de libération que ce texte crée.
La vigilance sera enfin sociale car nous devons offrir aux Français la chance d'un véritable parcours résidentiel, …
… du locatif social à l'accession sociale, de l'accession sociale au logement intermédiaire, du logement intermédiaire à l'accession libre. Pour cela, le rendez-vous sera pris au moment du projet de loi de finances de 2019. En effet, le prêt social location-accession – PSLA – ne suffit plus. Nous aurons besoin de davantage de prêts à taux zéro, et même en réfléchissant à isopérimètre budgétaire, il faudrait probablement réduire les mesures de défiscalisation pour privilégier celles qui offrent plus de possibilités aux jeunes couples et aux primo-accédants d'accéder financièrement à un logement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe MODEM.
Ce qui se joue ici n'est pas seulement le logement, c'est tout un projet de société.
Hier soir, nous avons commencé à travailler sur le projet de loi relatif à l'apprentissage et à la formation professionnelle, qui vise à donner une première chance, puis une deuxième et une troisième chance au cours de la vie.
Disposer d'un logement en locatif social, puis, toujours en locatif social, d'un logement plus grand, parce qu'on a fondé une famille, puis d'un logement en accession sociale, puis avoir la possibilité de constituer un patrimoine que l'on pourra demain céder à ses enfants, c'est ça, le projet de société – un projet qui est celui de l'égalité des chances, mais aussi de la multiplicité des chances.
Nous vivons dans une société qui évolue vite. La vie s'allonge. Il faut donc – c'est singulièrement la responsabilité de cette majorité – ouvrir des chemins successifs au cours de la vie. C'est le cas en matière sociale ; c'est le cas en matière professionnelle ; ce sera évidemment le cas en matière de logement.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je n'en doute pas un instant : la majorité sera à vos côtés pour tenir cette promesse de la multiplicité des chances dans notre société. Nous ne doutons pas que vous nous écouterez comme vous nous avez écoutés – un peu – durant ces derniers jours et nous espérons bien que vous nous entendrez – beaucoup – au cours des prochains mois.
Sourires.
Bien que la liberté de vote soit la règle constitutionnelle dans cet hémicycle et qu'elle soit proverbiale au sein du Mouvement démocrate, je puis vous assurer que l'immense majorité de ce groupe de la majorité votera le texte, car celui-ci porte une ambition non seulement pour le logement, mais pour notre société.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Pendant que chacun regagne sa place, et avant de mettre aux voix le projet de loi, je rappelle que 2 437 amendements ont été discutés en commission, dont 401 ont été adoptés, au cours d'un débat de quarante heures et quinze minutes. En séance, 2 957 amendements ont été examinés, dont 339 ont été adoptés, pendant une discussion qui aura duré quatre-vingt-onze heures et vingt-huit minutes.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 555 |
Nombre de suffrages exprimés | 511 |
Majorité absolue | 256 |
Pour l'adoption | 342 |
contre | 169 |
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tenais simplement à vous remercier. Mes remerciements vont bien sûr à ceux parmi vous qui ont voté le texte, mais plus largement à toute l'Assemblée nationale, car nous avons eu un vrai débat, qui a permis d'enrichir le texte de 339 amendements issus – je le précise – de tous les groupes politiques.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Soucieux du débat parlementaire, je n'entends pas m'immiscer dans la discussion sur le temps programmé. C'est une expérience que je n'avais pas faite au Sénat.
Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LaREM.
En tout cas, je vous remercie, car nous avons beaucoup échangé, tant en commission qu'en séance publique. Le débat parlementaire est essentiel dans une démocratie. Merci à tous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de M. Hugues Renson.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (nos 904, 1019, 975, 981).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures cinquante-quatre minutes pour le groupe La République en marche, dont 279 amendements sont en discussion ; six heures vingt-six minutes pour le groupe Les Républicains, dont 815 amendements sont en discussion ; deux heures sept minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 152 amendements sont en discussion ; trois heures sept minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 153 amendements sont en discussion ; trois heures neuf minutes pour le groupe de la Nouvelle Gauche, dont 174 amendements sont en discussion ; deux heures trente-huit minutes pour le groupe La France insoumise, dont 88 amendements sont en discussion ; deux heures vingt-cinq minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 90 amendements sont en discussion ; quarante-six minutes pour les députés non inscrits, dont 68 amendements sont en discussion.
Nous commençons donc par les amendements de suppression nos 312 et 1885.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 312 .
L'article 1er est emblématique de la logique de votre réforme de la formation professionnelle, qui conduira à l'individualisation et à la réduction des droits.
Nous sommes opposés à cet article pour plusieurs raisons ; j'en citerai deux. Premièrement, le compte personnel de formation – CPF – en euros consiste en la mise à disposition des travailleurs d'un chèque formation inspiré du dispositif existant en Allemagne, dont nous connaissons les effets. Il va se traduire par une réduction du nombre d'heures de formation pour les personnes, en comparaison avec le CPF en heures, tout en laissant craindre une logique de formation low cost, compte tenu du montant du chèque versé aux salariés. À défaut de crédit suffisant, il reviendra à celui qui veut se former de compléter l'abondement par ses propres deniers. La « liberté de choisir son avenir professionnel » se résumera alors à une liberté de financer ses choix. Quoi de plus inégalitaire ?
Deuxièmement, la suppression du congé individuel de formation – CIF – , au nom d'une supposée simplification, se traduira par une véritable régression sociale. Le CIF est un héritage de la loi de 1971, et le seul outil à la main du salarié pour se former sans l'accord de son employeur ; il bénéficie d'un financement propre. Or, le CPF de transition, qui a vocation à le remplacer, n'accordera pas le même niveau de droit à la formation que le CIF – qui, je le rappelle, offre 1 200 heures de formation. Les paris que vous prenez vont, selon nous, contribuer à maintenir, voire à accroître, les inégalités d'accès à la formation que votre réforme prétend combattre.
Plus généralement, nous sommes opposés à la logique sous-jacente d'une hyper-individualisation des droits sociaux, qui fait assumer à l'individu la responsabilité de son employabilité sur le marché du travail. À l'inverse, nous pensons que le CPF et l'accès à la formation des actifs devraient s'inscrire dans le cadre d'un grand service public de la formation et de l'accompagnement, ainsi que d'une sécurité de l'emploi et de la formation, où les droits individuels seraient garantis collectivement. Dans la mesure où nous ne retrouvons pas ces éléments dans la réforme, nous proposons la suppression de l'article 1er.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l'amendement no 1885 .
Le premier article du projet de loi est finalement à l'image de l'ensemble : un outil de communication gouvernementale, qui fait croire à l'ouverture de nouveaux droits mais qui se traduit en fait par le recul des droits existants.
L'article dont nous discutons concerne le compte personnel de formation. Sa mise en place, en 2015, était déjà inspirée par une vision libérale, parce qu'elle a fait porter la responsabilité de la formation et son adaptation au marché du travail sur le salarié lui-même, en exonérant l'entreprise. Cela ne suffisait pas au Gouvernement, qui entend accentuer cette logique aux dépens des droits des salariés. À l'heure actuelle, le compte personnel de formation est alimenté à hauteur de 24 heures par an, dans la limite de 150 heures. Il est vrai que le CPF présente de nombreuses difficultés, et nous serions favorables à ce que son fonctionnement soit revu, afin de garantir son accès au plus grand nombre. Sa complexité favorise notamment les cadres des grandes entreprises, alors que seuls 15 % des demandeurs d'emploi en bénéficient. L'inspection générale des affaires sociales – IGAS – proposait d'ailleurs de doubler le rythme d'alimentation et son plafond : selon elle, passer à 48 heures annuelles et à un plafond de 300 heures permettrait de donner accès à des formations plus complètes, mieux valorisées et plus utiles.
Mais ici, en alimentant le CPF en euros plutôt qu'en heures de formation, le Gouvernement fait de fausses promesses aux salariés, car la loi réduira en fait leur capacité de formation. En effet, compte tenu du coût moyen d'une heure de formation – environ 31 euros – , le CPF devrait être alimenté à hauteur de 750 euros par an pour garder le volume horaire actuel. Cette somme ne correspondrait qu'au maintien des droits existants. Pourtant, le Gouvernement ne prévoit qu'une alimentation de 500 euros par an. Cela se traduira donc bel et bien par une réduction de 50 % des droits à la formation.
Madame la ministre, vous avez indiqué en commission que certaines formations sont low cost, présentant un coût de 9 euros de l'heure. Nous cherchons toujours à savoir comment et à quoi il est possible de former pour une telle somme. L'habileté de communication du Gouvernement ne suffit plus à masquer la réalité de ses réformes. Promettre, dans les colonnes d'un journal, que le Gouvernement offre 500 euros par an pour se former est un mensonge, qu'une analyse détaillée de l'article 1er permet de relever. C'est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements de suppression.
L'article 1er constitue la clé de voûte de la réforme et a pour objet de consacrer le passage d'un droit qui reste malheureusement, à l'heure actuelle, théorique, à un droit réel. À ce titre, mon avis sera défavorable sur ces amendements de suppression.
Je voudrais en profiter pour rappeler la philosophie de l'article 1er. C'est une disposition fondamentale. Le CPF en euros va permettre à l'individu de se saisir de ses droits. Nous savons bien que les individus ne se sont pas suffisamment emparés du CPF parce que les listes des formations éligibles sont incompréhensibles et parce que le système intermédié rend l'accès au dispositif difficile. Notre objectif est de mettre en place un dispositif bien plus accessible et beaucoup plus compréhensible. Grâce au montant en euros, la personne saura exactement à quoi elle a droit. Je pense, contrairement à ce que vous avez affirmé, que c'est la solution pour parvenir à une mobilisation plus massive et répondre enfin aux enjeux de la formation professionnelle, du point de vue de l'individu.
Vous affirmez qu'on laissera le dispositif à la main de l'individu et qu'on déresponsabilisera les entreprises. Je m'inscris complètement en faux contre ces arguments. Le plan de développement des compétences demeurera, à l'instar des obligations de l'employeur en matière d'adaptation au poste, d'employabilité. Il s'agit d'un dispositif parallèle, qui permettra à l'individu de faire des choix indépendants de ceux de l'entreprise. Je pense que, dans notre contexte économique, marqué par diverses ruptures, ce droit attaché à l'individu et non à son statut de salarié est absolument nécessaire. La commission est donc absolument défavorable aux amendements pour toutes ces raisons.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme la ministre du travail, pour donner l'avis du Gouvernement.
Mon avis est évidemment défavorable, mais je voudrais revenir sur le fond.
Je suis très étonnée que vous entendiez supprimer l'article 1er et, partant, maintenir un statu quo profondément injuste. En effet, vous le savez, à l'heure actuelle, l'accès à la formation est marqué par une grande injustice, malgré des décennies d'efforts de formation, malgré la loi de 1971. D'abord, seuls 36 % des salariés, chaque année, accèdent à la formation, contre plus de 50 % en Allemagne et près de 70 % dans les pays nordiques. Ensuite, un salarié d'une petite ou moyenne entreprise a deux fois moins de chances que le salarié d'une grande entreprise d'y accéder. Un ouvrier ou un employé a deux fois moins de chances qu'un cadre – non pas que ce dernier suive trop de formations, au contraire : chacun en aura besoin, de manière croissante, du fait de l'évolution des compétences, des métiers et des technologies.
Le compte personnel de formation est injuste parce qu'à l'heure actuelle – hormis pour les demandeurs d'emploi – , il est dans une large mesure préempté par les entreprises, qui discutent avec les organismes paritaires collecteurs agréés – les OPCA – ; les entreprises utilisent le CPF pour compléter le plan de formation. En conséquence, les cadres et les salariés des grandes entreprises en profitent beaucoup plus que les autres. Le CPF, à savoir un compte en heures théorique, qui est soumis à autorisation et doit être transformé en argent, n'est pas un droit opposable mais une potentialité dont la personne est informée.
Le système d'heures est injuste pour une autre raison. Chacun comprendra qu'une formation marketing de haut niveau pour un cadre supérieur dans une grande entreprise internationale présente un coût horaire supérieur à celui d'une formation, même technique, pour un ouvrier ou un employé. Alors que l'accès à la formation initiale est déjà marqué par l'inégalité, la formation continue, dans notre système, aggrave encore l'inégalité. Il faut regarder les choses en face. Personne ne veut ce résultat, mais il est produit mécaniquement par le dispositif actuel.
Vous affirmez qu'on laissera le salarié seul face à lui-même. Ce n'est absolument pas le cas, puisque le dispositif proposé institue un système de garantie collective, d'une part, et met en place, d'autre part, un conseil en évolution professionnelle gratuit, financé par la mutualisation, comme l'ont demandé les partenaires sociaux. Certaines personnes savent exactement ce qu'elles veulent, indépendamment du niveau de qualification. Lorsqu'on a un projet, lorsqu'on sait ce qu'on veut, on pourra suivre directement la formation. Si on ne sait pas ce vers quoi on veut aller ou quelle formation trouver, on pourra faire appel au conseil en évolution professionnelle.
Par ailleurs, le compte en euros permettra de bénéficier de droits qui, à l'heure actuelle, n'existent pas. Les femmes sont, pour 30 % d'entre elles, à temps partiel, et 80 % des personnes travaillant à temps partiel sont des femmes. En général, celles qui se trouvent dans cette situation exercent des métiers moins rémunérés et moins valorisés – nous aborderons ce problème dans le titre III. Non seulement elles sont moins rémunérées mais, étant à temps partiel, elles ne peuvent bénéficier du droit à la formation. C'est une trappe à bas salaires, et cela empêche les femmes de voir leur carrière progresser. Par ce compte en euros, nous allons créer de nouveaux droits. Les droits des personnes à temps partiel – qui sont, pour 80 % d'entre elles, j'y insiste, des femmes – , seront les mêmes que ceux des salariés à temps plein. Des avantages similaires seront conférés aux personnes handicapées, qui peuvent avoir besoin d'un temps de formation plus long – il sera effectivement majoré. Le mécanisme proposé est solidaire, puisqu'il fait l'objet d'une mutualisation. Il est garanti collectivement et complété par le conseil en évolution professionnelle. Il va permettre à chacun d'aller le plus loin possible.
Ce sujet est évidemment distinct de celui de l'employabilité et de l'adaptation au poste de travail, qui, comme l'affirme la loi, est de la responsabilité de l'employeur. Or nous ne parlons pas ici de l'employabilité immédiate : il s'agit de formations qui sont toutes, contrairement à ce que disait M. Mélenchon hier, qualifiantes, certifiantes ; elles donnent toutes lieu à la délivrance de certifications ou de diplômes nationaux, inscrits au répertoire national des certifications professionnelles et qui, pour la plupart, coûteront plus que quelques centaines d'euros – comme c'est le cas de certaines formations courtes en entreprise. En cumulant jusqu'à 5 000 euros – 8 000 euros, pour ceux qui n'ont pas de diplôme – , on va beaucoup plus loin.
Aujourd'hui, les trois quarts des formations proposées dans le cadre du CIF sont soumises à cette limite, et seules 40 000 personnes accèdent au congé individuel de formation. Demain, potentiellement, 26 millions d'actifs auront accès au congé individuel de formation : si ce n'est pas là un progrès social, je ne sais pas ce qui en sera un.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il faut que beaucoup plus d'actifs puissent avoir accès au CIF. L'exemple que j'ai donné correspond bien à la situation d'un demandeur d'emploi souhaitant passer le certificat d'aptitude à la conduite en sécurité – CACES – ou le permis poids lourds, ou à celle d'un salarié déménageant dans une zone touristique pour suivre son conjoint et souhaitant obtenir le test d'anglais de communication internationale – TOEIC – , que son employeur n'est pas incité à financer par absence de besoin. Mais il y a également les cas de formations plus longues, comme celui d'une aide-soignante voulant devenir infirmière ; comme le CPF ne suffira pas, les partenaires sociaux ont proposé dans leur accord qu'il y ait un compte personnel de formation de transition professionnelle, destiné à jouer le rôle de complément. Si le CPF ne suffit pas à assurer une formation longue, le CPF de transition pourra être mobilisé ; ce compte reprend la philosophie du CIF et vient s'ajouter au CPF sans le remplacer. L'esprit du CIF est conservé, mais dans un dispositif mieux coordonné.
En résumé, vouloir supprimer l'article 1er revient à souhaiter le maintien d'un statu quo injuste, inégalitaire et incapable de répondre aux besoins de compétences de chaque actif. Actuellement – je l'ai dit hier – , on traite les salariés et les adultes demandeurs d'emploi comme des gens incapables de décider par eux-mêmes.
Cela me choque d'un point de vue républicain. Il faut les accompagner, les soutenir et mutualiser, leur permettre de choisir leur avenir professionnel.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre, vous êtes douée, je dois le dire : comme pour les ordonnances relatives au dialogue social, vous parvenez à culpabiliser ceux qui mettent en évidence les travers de votre loi, en leur disant que ce sont eux qui ne font pas confiance aux salariés, car, comme pour les ordonnances, les salariés sont capables de faire valoir leurs intérêts, même dans un rapport de forces défavorable. De la même manière, vous dites que les salariés sont capables de faire valoir leurs intérêts en matière de formation et que ceux qui critiquent votre projet de loi n'ont pas confiance dans les salariés. Vous employez la même rhétorique, mais elle ne règle pas le problème, madame la ministre.
Vous avez décrit la situation actuelle assez justement, en mettant en évidence les injustices et les inégalités en matière d'accès à la formation. Sur ce point, nous sommes évidemment d'accord avec vous et nous sommes prêts à améliorer la situation, mais, excusez du peu, le développement qui suit ne résout en rien le problème des inégalités et de l'exclusion dont vous parlez. La situation reste exactement la même.
Vous ne nous avez pas expliqué en quoi le fait de passer d'un crédit en heures à un crédit en euros apportera une quelconque solution aux injustices que vous avez ciblées. La raison en est qu'il n'y a aucun lien de cause à effet entre ces deux éléments. La situation actuelle perdurera, et chacun se retrouvera avec un compte de formation individualisé, aujourd'hui comptabilisé en heures et demain en euros. Le message envoyé reste le même : « Débrouillez-vous avec votre formation, qui relève de votre responsabilité, et si vous n'êtes pas formé, c'est votre faute, puisque vous aviez un crédit ». L'injustice que vous avez décrite se poursuivra, et les salariés se retrouveront une nouvelle fois seuls. Voilà pourquoi, comme nous l'avons démontré tout à l'heure, ce sont surtout les cadres, c'est-à-dire les salariés les plus formés dans l'entreprise, qui bénéficieront de votre dispositif, lequel n'est donc pas une solution.
Par ailleurs, vous profitez de l'occasion, et vous n'avez pas répondu sur ce point, du transfert d'un crédit en heures à un crédit en euros, pour diminuer les droits, compte tenu de ce que coûte, en moyenne, une heure de formation. En réalité, l'article 1er constitue un appel d'air qui bénéficiera aux organismes privés de formation, qui connaîtront la somme d'argent à gagner avec la formation, puisqu'ils pourront comptabiliser précisément le montant que chaque salarié peut y consacrer. Cet article ne vise qu'à favoriser le marché de la formation, et ne dites pas qu'il change quoi que ce soit aux inégalités et à l'exclusion dont pâtissent les salariés dans le domaine de la formation. Ce n'est pas vrai !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Madame la ministre, comme mon collègue Adrien Quatennens, nous pouvons partager un certain nombre de diagnostics que vous avez formulés. Mais nous sommes inquiets, car vos solutions sont pires ; elles aggraveront la situation. Vous nous dites qu'il y aura plus de droits, mais, si l'on prend en compte le coût moyen des formations, il y aura moins d'heures : ce seront non pas vingt-quatre par an, mais treize.
Vous pointez une injustice entre les cadres et les salariés moins qualifiés, mais les montants reversés aux personnes ne disposant pas d'un diplôme de niveau cinq diminueront par rapport à aujourd'hui. Le CPF renforcé représente 2,6 fois le régime normal et ne sera plus que 1,6 fois le régime normal. Ne dites pas qu'il y a là un progrès. Hier, il fallait un an pour financer un bilan de compétences ; demain, il en faudra entre trois et quatre. En réalité, vous consacrez l'isolement des salariés, en particulier les moins qualifiés, et l'accompagnement constitue le parent pauvre de votre réforme.
Vous ne libérez pas les salariés, vous libérez les marchés, ce qui est très différent. Voilà pourquoi nous considérons que votre réforme n'est pas une solution aux maux que vous avez décrits avec justesse.
Madame la ministre, vous avez remarquablement esquivé la question de notre collègue sur le problème mathématique posé par cet article. Vous prétendez régler une injustice en diminuant les droits de tous les bénéficiaires ; en effet, le coût moyen d'une heure de formation dépasse 30 euros, si bien qu'en appliquant votre système de cumul d'euros au lieu de cumul d'heures dans le compte de formation, les droits acquis par certains salariés en une année seront divisés par deux voire par trois. Vos impressions sont une chose, la réalité en est une autre et s'impose à nous tous.
La conséquence de votre réforme est d'offrir moins de droits potentiels de formation accumulés en un an et d'obliger à travailler plus longtemps, comme M. Vallaud vient très bien de l'expliquer, pour avoir une formation équivalente à celle d'aujourd'hui. Pour cumuler 5 000 euros, il faudra ainsi travailler pendant dix ans. Les salariés se formeront moins ou n'auront accès qu'à des formations au rabais, ne débouchant sur rien de concret. Voilà pourquoi nous vous demandons de revenir sur cet article et, en tout cas, de vous expliquer sur la question de l'effectivité des droits.
Je ne comptais pas intervenir sur cet article, mais le débat est un peu surréaliste. Le compte personnel de formation existait bien avant cette loi et se trouve dans le code du travail, donc quand j'entends Mme la rapporteure dire qu'il s'agit de la pierre angulaire du texte, cela me paraît bien exagéré. Le texte ne fait qu'apporter des précisions au CPF, dont certaines sont d'ailleurs les bienvenues.
Les droits à la formation sont aujourd'hui calculés en heures et le seront demain en euros : dans ce transfert, seul m'importe le fait que les salariés ne soient pas lésés.
Techniquement, cela ne change pas grand-chose, mais il faut que le montant en euros soit suffisant pour que le salarié puisse se former. Le passage à un calcul en euros présente un avantage : comme ce droit est attaché à la personne et non au contrat de travail, le transfert des droits du salarié lors d'un changement d'entreprise sera plus aisé avec une unité monétaire qu'avec une unité horaire.
En effet, connaître trois ans à l'avance la formation que le salarié suivra sera difficile pour l'entreprise qui devra transférer le droit, alors que, avec le système fondé sur les euros, il suffira de faire un chèque.
Cet article ne mérite pas le débat philosophique auquel nous assistons depuis tout à l'heure.
Je ne reprends pas les chiffres qui ont été donnés, mais je n'ai pas eu de réponse satisfaisante sur la diminution de fait du droit à la formation. Ce n'est pas la première fois que l'on oppose dans cet hémicycle les droits réels aux droits formels. S'il s'agit d'abaisser les droits que nous voulons garantir pour tous et dégrader la situation actuelle, cela n'est pas satisfaisant. Nous devons, au contraire, améliorer l'existant et porter une véritable ambition. Cela fait défaut, à notre avis, dans cette réforme.
Les organisations syndicales ont fortement contesté le transfert d'un mode de calcul horaire en un système monétaire pour le CPF. Cette disposition pose un certain nombre de problèmes, parce qu'elle modifie la philosophie de la mobilisation de ce droit ; elle envoie un signal discutable, car le principe du droit à des heures de formation est égalitaire, alors que le passage à un calcul en euros change la philosophie de ce système en y introduisant une logique de marché. Nous contestons cette mesure, et les arguments avancés ne nous ont pas convaincus de ses bienfaits.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 91 |
Nombre de suffrages exprimés | 79 |
Majorité absolue | 40 |
Pour l'adoption | 14 |
contre | 65 |
Le passage d'une logique de droits calculés en heures de formation à celle de droits calculés en euros se fera au préjudice des titulaires d'un compte personnel de formation. En effet, cela revient à convertir les droits stockés sur le CPF au taux de 14,22 euros par heure. Or la moyenne du coût horaire des formations est plutôt de 30 à 40 euros, avec des pics à 50 euros dans certaines branches. Cela veut dire que les salariés auront moins de droits. Il faudra ainsi attendre quatre ans pour pouvoir suivre une formation qualifiante et intéressante, alors qu'auparavant, deux à trois années suffisaient pour accumuler le crédit requis.
Voilà pourquoi, je vous demande de supprimer l'alinéa 2 de l'article 1er.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 143 .
Le but de votre loi, madame la ministre, est de favoriser l'accès à la formation professionnelle et non de le dégrader. Or, en l'espèce, le calcul du compte en euros s'accompagnera d'une perte de droits pour les salariés. Nous ne pouvons pas souscrire à cette détérioration, d'où notre proposition de supprimer cette disposition du texte.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 471 .
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l'amendement no 153 .
Madame la ministre, la monétisation du compte personnel de formation se traduira, comme cela a été dit, par une baisse des droits inscrits, le Gouvernement ayant annoncé la conversion des heures au montant de 14,28 euros, quand les OPCA les servent actuellement à un montant moyen de 30 euros.
La monétisation favorisera l'appréhension de la formation comme un bien de consommation, avec toutes les dérives que cela peut entraîner, créera des iniquités dans l'accès à la formation du fait des différences de coût des formations – une formation en bureautique coûtant moins cher, comme vous l'avez dit, qu'une formation nécessitant de la matière première ou un plateau technique important – et rendra plus difficile toute négociation d'un projet de co-construction de formation avec l'employeur. En outre, au moment du départ à la retraite, que devient la somme inscrite sur le CPF ? Cette disposition mettra en danger les salariés ayant un compte important.
Vous avez dit, madame la ministre, que l'on ne traitait pas les actifs comme des gens irresponsables, et je suis entièrement d'accord avec vous. Vous avez insisté sur l'importance de l'accompagnement des salariés, à l'unisson de votre texte, qui traite notamment du financement du conseil en évolution professionnel – CEP. Effectivement, on ne doit pas traiter pas les gens comme s'ils étaient incapables de prendre des décisions : il faut considérer qu'ils ont besoin d'être accompagnés pour choisir leur formation.
Or, avec la monétisation du CPF, la mobilisation de celui-ci au profit d'une validation des acquis de l'expérience – VAE – ou d'un bilan de compétences n'est possible qu'à l'issue d'un délai de trois ans, ce qui pose un vrai problème, et je n'évoque même pas – nous y reviendrons au fil de l'examen du texte – le CEP, lequel sera financé à hauteur d'environ 250 millions d'euros pour 1 million de personnes. À l'évidence, tout cela est insuffisant. Je demande donc la suppression de l'alinéa 2, et en conséquence des alinéas 42, 49 et 62.
Nous en arrivons à l'amendement no 1277 .
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir cet amendement.
Je ne reprendrai pas les sujets évoqués par nos collègues, sauf peut-être celui de l'accompagnement des salariés. Il s'agit d'un besoin sur lequel il importe d'insister. C'est n'offenser personne que d'affirmer que les salariés ont besoin d'aide pour faire leurs choix de formation.
Madame la ministre, vous proposez un délai de trois ans afin de faire face au coût du bilan de compétences. Il en résulte une véritable inégalité entre les salariés, notamment une réduction des droits que nous avons tous signalée.
En effet, les évaluations financières que vous avez retenues, selon lesquelles le coût d'une heure de formation est de 14 euros, ne résistent pas à l'examen. Ce coût est supérieur à 30 euros, avec des pics à 50 euros. Vous créez donc une véritable inégalité, ainsi qu'une difficulté à financer les formations.
Quant aux plateaux techniques, les auditions que nous avons menées ont démontré que ceux des métiers de la boucherie, par exemple, supposent des installations lourdes. En outre, les matières premières sont chères. Ainsi, cette formation a un coût que 500 euros ne suffiront pas à financer, et de loin. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de la monétisation du compte personnel de formation.
Dans la continuité du débat que nous avons depuis tout à l'heure, vous affirmez, chers collègues, que l'accès à la formation sera restreint. Or l'enjeu est de faire en sorte que le nombre de personnes qui s'en saisissent soit bien supérieur à au nombre actuel.
À l'heure actuelle, l'ordre de grandeur n'est pas le bon : environ 500 000 personnes utilisent leur CPF. L'objectif est qu'il y en ait bien davantage. Avec 25 millions de salariés et 31 millions d'actifs, il est clair que nous ne sommes pas du tout, en termes de volume, à la hauteur de ce que nous pouvons espérer. Grâce au CPF en euros, chacun prendra conscience qu'il a des ressources à sa main, sous forme d'un droit à la formation, et s'en saisira.
Le système actuel, fondé sur un compte en heures, repose sur l'intermédiation et présente une complexité qui en rend la compréhension difficile, notamment en matière de financement. En raison de ces incertitudes et de ces imprécisions, les individus, bien souvent, oublient qu'ils ont la possibilité de se former, de façon individuelle et indépendante de leur employeur.
Tel est l'enjeu : que chacun prenne conscience qu'il a des ressources à sa main. Sur cette base, le débat est ouvert. La co-construction avec l'employeur qui a été évoquée sera d'autant plus réalisable que l'individu sera conscient qu'il a des ressources à sa main.
En effet, un système théorique fondé sur des heures dont on ne connaît pas bien le nombre n'incite pas à dire à son employeur : « Je souhaite suivre une formation – plus ou moins inscrite dans le cadre des activités de l'entreprise – susceptible de me permettre de mener à bien un projet professionnel, lequel pourrait éventuellement vous intéresser : dans quelle mesure pouvez-vous m'accompagner ? »
L'enjeu du CPF en euros est bien de fournir à l'individu des moyens de négociation, sous forme de ressources, qu'il pourra mettre au pot et utiliser pour discuter avec son employeur. D'ailleurs, il s'agit également de mettre en place un échange de vues autour des questions de formation professionnelle dans les entreprises.
Actuellement, un tel dialogue n'a pas lieu, car les décisions de formation professionnelle sont confisquées aux individus, lesquels n'ont pas voix au chapitre. C'est précisément ce que nous voulons changer par le biais de la monétisation du CPF, qui le rend bien plus lisible pour les individus. L'avis de la commission sur les cinq amendements est défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Sur l'amendement no 153 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Avis défavorable. J'aimerais compléter ma réponse précédente sur les aspects financiers du dispositif.
Tout d'abord, il ne faut pas se tromper quant à l'analyse de la réalité actuelle. Le système est inégalitaire sur tout le territoire national. Le financement d'une même formation par les OPCA, au titre du compte personnel de formation, va du simple au double. Pour un permis poids lourds, une préparation au TOSA – Test on Software Applications – ou une autre formation à la bureautique, tel OPCA donnera tant et tel autre le double.
Il en résulte que, si vous êtes salarié, vous ne savez pas ce que permet votre droit à la formation. Le nombre d'heures dont vous disposez ne dit pas si vous pouvez vous inscrire à telle préparation au TOEIC, au TOSA ou au CACES, car vous ignorez ce qu'il représente. Ainsi, on ne saurait prétendre que l'actuel système est satisfaisant du point de vue de l'égalité des territoires.
Ensuite, l'actuel compte personnel de formation est plafonné à 150 heures, ce qui représente, selon la pratique des OPCA, peu ou beaucoup, mais les intéressés ne le savent pas. Je pense que nous tomberons tous d'accord sur le fait qu'un droit n'est réel que si chacun le comprend et est informé à son propos. Le système actuel, de fait, est opaque.
Si vous disposez d'heures de formation et si vous avez un projet, vous contactez un OPCA – mieux vaut d'ailleurs que votre entreprise s'en charge, car ils ne peuvent pas recevoir individuellement 26 millions de personnes – et vous obtenez, selon les cas, une réponse négative ou positive, ou aucune réponse, sur votre projet personnel.
Par ailleurs, ce que vous craignez, mesdames et messieurs les députés signataires des amendements, c'est en réalité la situation actuelle, dans laquelle le marché crée les prix. Depuis 1971, nous avons beaucoup développé la formation professionnelle en France – je vous signale d'ailleurs qu'elle n'est toujours pas régulée : il existe 80 000 organismes de formation professionnelle, laquelle est l'activité principale de 8 000 d'entre eux, sans aucune régulation ni contrôle de qualité.
Il y a là un avantage complémentaire du projet de loi, car tout se tient : toutes les formations qui seront accessibles par le biais du compte personnel de formation seront dispensées par des organismes certifiés. Nous mettons en place une régulation qui tiendra compte de la qualité et du prix des formations.
En outre, comme les prix seront transparents, on verra apparaître, dans le même bassin d'emploi et dans la même ville, pour une formation donnée, les prix, lesquels sont actuellement invisibles car ils résultent d'arrangements institutionnels. On verra alors que la même formation au permis poids lourds, dispensée dans deux écoles de qualité, coûte du simple au double. Pour ma part, je trouve cela très bien.
Au demeurant, l'application CPF fournira de nombreuses informations sur la qualité des formations ainsi que sur le devenir de leurs bénéficiaires, indiquant notamment s'ils ont obtenu leur diplôme et un emploi, au profit de l'offre de formation la moins chère. Ainsi, chacun disposera d'une capacité accrue de choisir ses formations. Si le dispositif fait baisser les prix, tant mieux.
S'agissant de la VAE et du bilan de compétences, je comprends l'argument qui a été avancé. Il importe que les salariés puissent en bénéficier. Toutefois, ne nous leurrons pas : actuellement, les effectifs qui y recourent sont assez modestes – 40 000 actifs par an, sur 26 millions.
En outre, leur coût est déterminé par l'offre et non par la demande. À l'avenir, celle-ci sera régulée, dans un système permettant de s'assurer collectivement de la qualité et du prix des formations. Au demeurant, chacun conviendra que l'on ne fait pas une VAE tous les ans, moins encore un bilan de compétences. Par conséquent, ce sujet n'en est pas un.
Quant aux formations en ligne, les auteurs des amendements ne l'abordent pas. Savent-ils qu'une start-up française – que je ne nommerai pas afin de ne faire aucune publicité – spécialisée dans la préparation en ligne à divers diplômes compte 3 millions d'inscrits, tant l'aspiration à la promotion sociale est forte dans notre pays ? Ces formations en ligne sont entièrement payées de leur poche par les bénéficiaires, car pour les OPCA, les formations en ligne ne correspondent pas à des heures, donc elles n'existent pas.
Il faut donc prendre conscience que nous renforçons la liberté. Le plan de formation n'est pas le tout de la formation, mais le volet du projet de loi relatif au droit individuel à la formation apportera beaucoup.
Enfin, comme l'a rappelé M. Cherpion, il faut que quiconque le souhaite puisse être accompagné. C'est pourquoi le conseil en évolution professionnelle est une pièce maîtresse de l'équilibre du dispositif.
En disant à 26 millions de salariés : « Si vous avez besoin d'un conseil en évolution professionnelle pour choisir une voie ou une formation, il vous est accessible sans frais » – tel n'est pas le cas actuellement, et c'est d'ailleurs l'accord des partenaires sociaux qui permet une telle généralisation – , j'estime que nous faisons oeuvre utile.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Voici quelques exemples de montants de formations professionnelles : un bilan de compétences, 1 500 euros ; un BPJEPS – brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport – , 7 000 euros sur neuf mois ; une formation de secrétariat, 9 000 euros ; une formation qualifiante – donc débouchant sur un diplôme – , entre 9 000 et 20 000 euros.
Ces chiffres ont cours dans ma région. Je ne comprends pas comment, avec les chiffres que vous avez indiqués, madame la ministre, nous allons progresser et élever sérieusement le niveau de formation, et surtout celui des droits à la formation.
Les chiffres que je viens de donner montrent bien que le dispositif proposé ne fonctionne pas. Notre crainte, c'est que nous ne progressions ni en volume ni en qualité en matière de formation. La logique dont procède le texte induit que les formations s'adaptent à la somme d'argent disponible.
Dès lors, nous ne répondons pas à l'enjeu de l'élévation du niveau de qualification et de connaissances des salariés. Il existe en effet une aspiration en la matière, à laquelle il faut répondre. Naturellement, je soutiens les amendements, car j'estime que la façon de considérer le problème à laquelle ils s'opposent n'est pas la bonne.
Vous avez affirmé, madame la ministre, qu'une baisse des prix serait bienvenue, ce qui suggère que ceux-ci sont trop élevés. Vous avez mentionné des inégalités : c'est donc que vous estimez que certains le sont. Pour ma part, je constate qu'il règne dans le monde de la formation professionnelle, parmi les acteurs qui la font vivre, une importante précarité. Je doute que le projet de loi ne régule quoi que ce soit.
Il s'agit ici de débattre de l'article 1er, relatif au CPF. Or le débat a dérivé vers la formation professionnelle en général. J'en reviens donc au texte.
Monsieur Dharréville, vous évoquez l'ensemble des formations. Nous n'avons jamais affirmé que le CPF en euros remplacerait l'intégralité des formations. Où dans le texte avez-vous lu cela ? Cet amalgame me surprend un peu.
Quant à notre collègue Gérard Cherpion, il affirme : « La formation va devenir un bien de consommation ». Vous savez quoi, monsieur Cherpion ? Je le souhaite.
Je souhaite que chaque Français se mobilise pour faire de la formation et se dise : « J'ai enfin des droits à une formation pour construire mon avenir professionnel ! » Tant mieux s'ils se mobilisent.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
C'est pourquoi nous voulons monétiser le CPF, car en euros, il signifie quelque chose ; il signifie, concrètement, que l'on a le droit, à l'issue d'un an ou deux, à 500 ou à 1 000 euros – et pour ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi, à 800 ou 1 600 euros. Les salariés vont regarder ce qu'ils peuvent faire avec et se saisir de ce droit.
Qu'a-t-on fait, ici même, en 2014, en adoptant le CPF ? On a créé un droit magnifique, mais en réalité très peu mobilisé. Au demeurant, ceux qui le mobilisent ont déjà un niveau de formation plutôt élevé. Ainsi, c'est un droit injuste. Il faut donc revenir à la réalité avec le CPF en euros, qui devient lisible, …
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur Maillard, vos arguments sont assez étonnants. Vous savez, en France, nous n'adoptons pas la vision anglo-saxonne de la formation. Jusqu'à présent, notre paradigme – qui faisait aussi la spécificité du système éducatif français – nous amenait à exclure toute conception uniquement marchande. À vous entendre affirmer que l'éducation doit être réduite à une dimension marchande, …
… j'en déduis que vous voulez tout privatiser, ce qui est assez intéressant. Les masques tombent !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Le CPF peut parfaitement être lisible sans être monétisé, comme le fait l'article 1er.
Votre proposition, c'est de faire de la formation low cost : ce n'est pas notre aspiration, ni pour les salariés ni pour notre pays.
Lorsqu'il s'adresse à l'OPCA, le salarié reçoit une information très précise sur un compte personnel de formation : la lisibilité existe donc bien. Le problème n'est donc pas là.
Vous pratiquez en réalité la pensée magique, et vous libéralisez sans réguler.
C'est là que nous sonnons l'alarme. Votre vision est extrêmement réductrice, et ce n'est pas notre conception de la formation. Encore une fois, les salariés n'auront pas plus de droits, bien au contraire : ils en auront bien moins.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et NG.
Le CPF a trois ans, et déjà 5,5 millions de titulaires : il me semble que c'est déjà plutôt un succès – je souhaite que beaucoup de dispositifs aient le même succès.
Vous n'avez pas répondu sur la réalité objective selon laquelle la conversion en euros, c'est moins de droits – la démonstration de M. Dharréville était extrêmement précise.
Vous jouez en permanence la liberté contre l'égalité ; c'est un problème. Pour vous, chacun est maître de son destin, et chacun aura in fine la liberté d'être au chômage, puisqu'il disposera de tous les outils pour trouver un emploi. C'est une duperie, une tromperie.
Il faut une formation de qualité ; il faut du conseil et de l'accompagnement. Or ce sont là les parents pauvres de la réforme.
Madame la ministre, vous avez évoqué le chiffre de 80 000 organismes de formation ; à ma connaissance, il en existe seulement un peu plus de 50 000, dont 6 000 à 7 000 sont actifs.
Vous parlez aussi de réguler l'offre de formation. Mais qu'y a-t-il dans le texte qui aille dans ce sens ? Rien.
Quant à la formation ouverte et à distance, la FOAD, je suis entièrement d'accord avec vous : aujourd'hui, en effet, on demande des heures en présentiel. Mais il suffit de modifier ce paramètre pour changer tout le système : nul besoin de monétiser le compte personnel de formation.
S'agissant enfin de la formation comme bien de consommation, je suis bien d'accord également. Mais je suis pharmacien de métier : le médicament, c'est aussi un bien de consommation, mais pas un bien de consommation ordinaire. Il en va de même pour la formation, et il ne faut pas tout mélanger.
Enfin, 5,5 millions de CPF ouverts – en deux ans, monsieur Vallaud, plutôt qu'en trois, puisque la loi n'a été appliquée qu'à partir de 2015 – il me semble aussi que c'est une belle performance. Peut-être est-ce insuffisant ; mais combien de lois ont eu des effets aussi puissants en deux ans ?
L'utilisation des CPF a, en outre, été complétée par des formations prévues par les plans de formation ; de plus, de très nombreuses formations sont financées par les familles – pour, je crois, un montant de 3 milliards d'euros par an.
Il est donc inutile de passer par la monétisation pour atteindre les objectifs que vous vous proposez.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
J'ai entendu parler de quantité, mais ce qui est ici intéressant, voire historique, c'est que nous décidons d'apporter un gage de qualité à l'offre de formation.
« Mais non ! » sur les bancs du groupe NG.
Nous pointons du doigt l'offre qui sera proposée à celles et ceux qui décident, à un moment donné, d'emprunter un nouveau chemin professionnel ou d'accéder à un emploi.
Soyons honnêtes : nous connaissons tous l'opacité de l'offre actuelle de certains organismes. Ce premier pas est indispensable pour réguler le marché.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je voudrais faire part de mon expérience. La convention de conversion avait été inscrite dans le code du travail, en 1987, en compensation de l'autorisation administrative de licenciement ; elle a été supprimée en 2001. Il s'agissait de permettre aux salariés licenciés pour des motifs économiques d'être accompagnés dans leur retour à l'emploi ; chacun bénéficiait d'une enveloppe, non pas en heures mais en francs.
Croyez-moi, la monétisation permettait aux conseillers, aux organismes de formation, aux salariés, aux demandeurs d'emploi de négocier. C'était une force : les coûts des formations étaient ainsi transparents. La personne concernée demandait non pas de combien d'heures elle pouvait bénéficier, mais quelle était la somme dont elle pouvait disposer. Ensuite, tout le monde négociait avec les organismes de formation.
Quand j'entends que la monétisation pose problème, je suis surprise : tous les bénéficiaires de ce dispositif étaient au contraire satisfaits de pouvoir négocier.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
L'amendement no 471 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 107 |
Nombre de suffrages exprimés | 106 |
Majorité absolue | 54 |
Pour l'adoption | 29 |
contre | 77 |
L'amendement no 153 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 106 |
Nombre de suffrages exprimés | 106 |
Majorité absolue | 54 |
Pour l'adoption | 30 |
contre | 76 |
L'amendement no 1277 n'est pas adopté.
Nous en arrivons à l'amendement no 2054 .
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour le soutenir.
Dans son avis, le Conseil d'État « observe que le projet de loi prévoit la conversion en euros des heures inscrites sur les comptes personnels de formation avant l'entrée en vigueur de la loi, mais qu'aucune de ses dispositions ne prévoit de revalorisation régulière des montants acquis ».
Il nous paraît essentiel de permettre une revalorisation régulière, pour tenir compte de l'inflation ou, plus particulièrement, du renchérissement des coûts de formation. Sinon, le salarié perdra en cinq ans 10 % de son compte formation.
Supposons en effet qu'un salarié dispose de vingt heures de formation sur son compte et que chaque heure soit valorisée à 37,80 euros, soit un total de 756 euros. En tenant compte de l'inflation, qui est actuellement de 2 %, le coût horaire passera à 41,70 euros ; dès lors, en 2023, le compte permettra le financement non plus de vingt heures, mais de dix-huit seulement.
C'est pourquoi nous demandons une revalorisation des comptes personnels de formation en fonction de l'inflation.
La question que vous posez est importante. Les coûts des formations peuvent en effet augmenter ; mais ils pourraient aussi diminuer – c'est même probable, comme cela a été dit. Les organismes de formation avaient tendance à caler leurs formations sur les vingt-quatre heures annuelles prévues, mais nous ne savons pas comment les coûts vont évoluer.
Il me semble préférable de retenir le principe d'une clause de revoyure, conduisant à revaloriser les droits après analyse d'un ensemble de facteurs : c'est ce que nous vous proposerons à l'amendement no 2091 , qui interviendra plus tard dans nos débats.
J'émets donc un avis défavorable.
Nous parlerons tout à l'heure de la clause de revoyure : je suggère donc le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Non, monsieur le président. Il est tout à fait possible de prévoir à la fois une revalorisation annuelle en fonction de l'inflation et une clause de revoyure.
Rien ne garantit dans le projet de loi qu'il n'y aura pas d'érosion de ces droits dont nous avons déjà critiqué la faiblesse. C'est inquiétant, et une revalorisation automatique paraît nécessaire : il ne faut pas que des négociations soient nécessaires pour un simple maintien de droits qui ne sont déjà pas gigantesques. Si le compte était calculé en heures, c'était peut-être d'ailleurs pour cette raison.
Le groupe UDI, Agir et indépendants juge intéressant cet amendement qui vise à instaurer une revalorisation du CPF conformément au coût de la vie. Nous le voterons.
Le vrai problème est que le projet de loi ne comporte aucun montant. On va donc revaloriser un montant qui n'est aujourd'hui inscrit que dans l'étude d'impact et l'exposé des motifs.
Le montant en euros sera moins intéressant que le montant en heures : la démonstration a été faite. Revaloriser un montant faible ne le rendra pas considérable, mais c'est tout de même mieux que rien.
Comme cet amendement sera probablement repoussé, nous reprendrons la discussion avec l'amendement no 2091 .
Cet amendement achève de montrer que la monétisation est une mauvaise chose : dès qu'elle est instaurée, il faut voter sa revalorisation.
L'amendement no 2091 , qui vise à créer une clause de revoyure, est beaucoup plus complexe et plus lourd, puisqu'il prévoit une saisine du conseil d'administration de France compétences.
Le groupe Les Républicains votera donc lui aussi l'amendement no 2054 .
J'irai dans le même sens que les intervenants qui m'ont précédé : une heure dure soixante minutes cette année, elle durera encore soixante minutes dans cinq ans, et c'était là sans doute la meilleure indexation que l'on puisse imaginer – c'est donc bien la monétisation qui est en cause.
Au lieu d'inventer des droits fondants, comme il existait des monnaies fondantes, c'est-à-dire qui se dévalorisent avec le temps, il me semblerait utile – puisque vous souhaitez des droits réels – d'indexer sur l'inflation les montants qui seront placés sur les comptes personnels de formation.
C'est précisément pour que ces droits deviennent réels qu'il faut les monétiser : ils seront ainsi palpables, et dès lors mobilisables par les salariés.
Nous avions étudié l'amendement en commission, et nous l'avons justement retravaillé pour proposer plutôt une clause de revoyure ; nous souhaitons en effet faire le pari de la baisse du coût des formations, ne serait-ce que sous l'effet de la réforme structurelle des organismes qui les délivrent. Grâce à cette clause, les acteurs du paritarisme, ainsi que les nouveaux acteurs, seront consultés, et l'abondement annuel ainsi que le plafond pourront être retravaillés, à la hausse ou à la baisse.
Je rappelle également que des différenciations sont prévues pour que les salariés les plus éloignés de la formation soient les mieux accompagnés.
Tout ce dispositif de monétisation, avec une clause de revoyure et un soutien spécifique pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, est cohérent. C'est la raison pour laquelle je vous invite à rejeter l'amendement no 2054 et à adopter l'amendement no 2091 que je vous présenterai tout à l'heure.
Il nous semble à nous aussi important d'adopter une clause de revoyure. Néanmoins, le groupe MODEM a déposé un amendement qui envisage cette revoyure à des intervalles plus espacés. Il n'est pas forcément utile de prévoir cette échéance tous les ans.
Il convient donc de laisser plus de souplesse dans les modalités de revoyure.
L'indexation sur l'inflation est simple, compréhensible par tous et facile à calculer, alors que la clause de revoyure risque malheureusement de s'avérer plus complexe à mettre en oeuvre.
L'amendement no 2091 , qui vise à instaurer la fameuse clause de revoyure, est ainsi rédigé : « le ministre chargé de la formation professionnelle saisit le conseil d'administration de France compétences pour un avis relatif à l'actualisation des droits au compte personnel de formation » ; ce n'est qu'une fois cet avis recueilli qu'il procède à « une éventuelle actualisation des droits ». Même si nous avons tous envie de faire le pari de la confiance, il ne serait pas excessif d'introduire un peu de stabilité dans les règles.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 108 |
Nombre de suffrages exprimés | 104 |
Majorité absolue | 53 |
Pour l'adoption | 35 |
contre | 69 |
L'amendement no 2054 n'est pas adopté.
La parole est à M. Julien Borowczyk, pour soutenir l'amendement no 1834 .
Cet amendement vise à permettre l'utilisation du CPF dans l'année qui suit le départ à la retraite de son titulaire. Je reviendrai un peu plus tard sur ce sujet, car je défendrai un autre amendement qui sera le pendant de celui-ci.
La mobilisation du CPF par un actif ne peut répondre à la même logique que la mobilisation par un retraité. Pour un actif, le CPF doit être au service de la sécurisation du parcours professionnel et de la montée en qualification. Pour un retraité, il s'agirait de formations au service d'un engagement bénévole pris en compte dans le cadre du compte d'engagement citoyen. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement.
L'amendement no 1834 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er du projet de loi traite du compte personnel de formation, et plus spécifiquement du sort des droits inscrits sur ce compte en cas de changement de situation professionnelle ou de perte d'emploi de son titulaire. L'article 1er prévoit notamment que ces droits restent mobilisables pour financer les actions de formation destinées à permettre aux volontaires bénévoles et sapeurs-pompiers volontaires d'acquérir les compétences nécessaires à l'exercice de leur mission.
L'amendement no 935 vise à étendre ce dispositif aux volontaires de la réserve civile de la police nationale. L'actualité nous rappelle chaque jour les diverses menaces qui pèsent sur nos concitoyens, au premier rang desquels figure bien évidemment le risque terroriste islamiste.
Il n'y a pas un sujet sur lequel vous n'évoquez pas le terrorisme islamiste ! C'est une véritable obsession !
Tant sur le plan symbolique que juridique, il nous semble donc utile d'intégrer à ce dispositif les Français volontaires qui s'engagent dans la réserve civile de la police nationale.
L'activité des réservistes de la police nationale est incluse dans le compte d'engagement citoyen. Ainsi, la configuration évoquée par M. Pajot est déjà couverte par la législation actuelle. Cet amendement est donc satisfait : il a été repoussé par la commission.
L'amendement no 935 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à compléter l'alinéa 6 par les mots : « ou les actions mentionnées à l'article L. 6323-6 ». En effet, dans sa rédaction actuelle, le texte limite la mobilisation du compte aux actions de formation ; cet amendement vise donc à permettre la mobilisation de droits acquis au titre du CPF pour la réalisation d'une action de VAE ou d'un bilan de compétences.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l'amendement no 273 .
Tout à l'heure, madame la ministre, vous nous avez dit tout l'attachement que vous portez à l'accompagnement et votre souhait que les personnes ne soient ni tutorées, ni assistées, mais accompagnées. Or, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi limite la mobilisation du compte aux actions de formation. L'amendement no 273 vise donc à permettre la mobilisation des droits acquis au titre du CPF pour réaliser un bilan de compétences ou une VAE.
L'alinéa sur lequel portent ces amendements vise les retraités. Dans le cas d'un actif, le CPF est évidemment tout à fait mobilisable pour des actions de VAE ou un bilan de compétences. Ce point ne pose pas de problème. Pour un retraité, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne sommes plus dans le cadre du CPF mais dans celui du compte d'engagement citoyen – CEC – , qui concerne les engagements bénévoles. Ces deux amendements ont donc été repoussés par la commission.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 1278 .
L'amendement no 1278 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l'amendement no 539 .
Dans le cadre de cet amendement, je souhaite évoquer le sujet du coût et du prix. Tout à l'heure, M. Maillard a parlé des biens de consommation : …
… c'est donc le moment ou jamais d'engager ce débat. Plutôt que de parler de coût, nous souhaitons parler de prix, puisque le terme de « coût » suggère que la formation professionnelle s'inscrit dans une logique de marché administré. Nous voulons lui substituer le terme de « prix », qui s'accorde davantage avec les conditions d'un marché libéralisé.
Si l'on s'intéresse à ces éléments de sémantique, il me semble que le terme de « prix » n'est pas plus approprié que le terme de « coût », puisqu'on ne parle pas vraiment du prix de la formation mais plutôt de sa prise en charge. À mon sens, « coût » est plus adapté que « prix », ce qui m'amène à repousser cet amendement.
Le Conseil d'État a jugé que le terme de « coût » était plus adapté car nous parlons non pas d'un simple achat de biens et de services, mais du financement mutualisé, de la garantie collective d'un droit individuel.
Je profite de mon intervention sur cet amendement pour apporter quelques précisions. J'ai entendu des choses inexactes, mais je pense que vous manquez d'informations.
Vous vous êtes demandé ce que pouvait représenter la somme de 500 euros. Tout d'abord, un très grand nombre de formations inscrites au répertoire national des certifications professionnelles – RNCP – sont éligibles au financement par le CPF. Je pourrais vous donner une liste des métiers concernés, mais je n'en citerai que quelques-uns : agent de sécurité privée, assistant de vie aux familles, conducteur routier, conseiller relation client à distance, développeur web… Pour tous ces métiers, le CPF permettra, au bout de quelques années – et pas dix ans – d'obtenir une formation.
Pourquoi ces 500 euros représentent-ils davantage que les droits actuels à la formation ? Aujourd'hui, le CPF est crédité en moyenne de 20 heures par an ; il est plafonné à 150 heures. Pour arriver au montant de 500 euros, nous avons d'abord eu l'idée de porter le crédit annuel de formation de 20 à 35 heures. Nous avons ensuite pris en compte le prix actuel d'une heure de formation réalisée dans le cadre du CPF lorsque c'est une démarche individuelle – le problème, c'est que très peu de personnes réussissent à convertir le crédit d'heures de leur CPF en formations. Ce prix se situe entre 14 et 15 euros – nous avons considéré qu'il était de 14,28 euros afin que le coût total correspondant à 35 heures de formation puisse être arrondi à 500 euros.
Il est important de savoir qu'aujourd'hui, parmi les 1,5 million de personnes ayant activé leur CPF en réalisant au moins une action de formation, on compte 800 000 demandeurs d'emploi. Les autres sont des salariés. Pour ces derniers, la grande majorité des formations effectuées n'ont pas été choisies par les bénéficiaires mais sont réalisées dans le cadre du plan de formation de l'entreprise et d'un accord avec l'OPCA : elles correspondent donc aux besoins de l'entreprise. Si un salarié a besoin d'une formation en vue d'une promotion, d'une évolution de carrière, d'un changement d'entreprise ou d'un changement de métier, il ne peut pas l'obtenir puisque les formations proposées relèvent d'une décision prise par l'OPCA et l'entreprise.
Je voulais revenir sur cette situation car il me paraît important de la relier avec un point essentiel : aujourd'hui, seuls 6 % des ouvriers, 12 % des employés et 25 % des cadres affirment qu'ils choisissent leurs formations. Ainsi, la formation est perçue comme subie par nos concitoyens. Il faut l'entendre. Alors que 76 % des salariés disent que la formation est essentielle pour leur avenir, 80 % déclarent qu'ils n'y ont pas recours à titre personnel parce qu'il est trop compliqué d'en bénéficier ou qu'ils n'y ont pas accès. Tel est l'enjeu de la monétisation.
L'amendement no 539 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 1879 .
Avec cet amendement, nous revenons au financement des formations.
Lorsque le coût d'une formation est supérieur au montant dont dispose l'individu sur son CPF, l'article 1er prévoit plusieurs canaux d'abondement complémentaire, notamment la possibilité de financer soi-même sa formation. Dans la liste des personnes susceptibles de financer la formation, le titulaire du CPF arrive même en premier. Cela nous semble complètement aberrant, d'autant que nous venons de voir que les moyens alloués au CPF sont particulièrement faibles. Il nous semblerait beaucoup plus normal, logique et égalitaire de faire d'abord appel à l'employeur, à Pôle emploi et à toutes les instances susceptibles d'être sollicitées pour financer la formation, et de ne prévoir qu'en dernier recours la contribution du titulaire du CPF lui-même.
Il n'existe pas aujourd'hui de hiérarchie entre la dizaine d'acteurs susceptibles d'abonder le CPF. Concrètement, l'individu peut abonder son compte, en dernier ressort, lorsqu'il a déjà sollicité des financeurs potentiels. À mon sens, cette possibilité est déjà ouverte, de fait : c'est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement.
Madame la rapporteure, j'entends ce que vous dites mais la présentation de l'article 1er est très claire : elle détermine un ordre d'intervention. Vous dites devant la représentation nationale qu'il n'y a pas d'ordre de sollicitation mais, en apparence, on fait d'abord appel au salarié lui-même, ce qui ne nous semble ni cohérent ni égalitaire. Or la forme a un sens, une symbolique. Je veux bien vous croire lorsque vous me dites qu'il n'y a pas d'ordre, mais j'espère que, dans l'application du texte, on ne sollicitera pas le salarié en premier : cela créerait une très grande inégalité entre ceux qui auront de quoi alimenter leur compte lorsqu'il sera épuisé et ceux qui ne pourront pas le faire. On voit bien que les cadres ayant la possibilité d'abonder leur compte auront davantage accès à la formation que ceux qui n'en ont pas les moyens.
Pour éviter des inquiétudes inutiles, je vous confirme, madame Bareigts, qu'il n'y a aucun ordre de priorité, que la liste mentionne tous les cas possibles sans les hiérarchiser.
L'amendement no 1879 n'est pas adopté.
Il poursuit un objectif de simplification du circuit financier pour les entreprises qui souhaiteraient abonder les CPF de leurs salariés. Grâce à son service de proximité, l'opérateur de compétences est l'interlocuteur privilégié de l'entreprise et, de ce fait, le mieux à même de l'inciter à les abonder et d'en faciliter la mise en oeuvre par une gestion unique et simplifiée, en lien avec la Caisse des dépôts et consignations.
Quand on sait que le coût moyen d'une journée de formation non qualifiante est de 1 000 euros et que celui d'une formation débouchant sur un diplôme atteint 7 000 euros et peut être beaucoup plus élevé, on voit bien que le CPF doté de 500 euros par an, plafonné à 5 000 euros sur dix ans, nécessitera un abondement complémentaire important. Il faut donc encourager l'abondement du projet du salarié par l'entreprise, en complétant l'alinéa 11 de l'article 1er.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l'amendement no 403 .
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement no 1672 .
L'objet de l'article 1er est d'instaurer une plus grande liberté d'évolution professionnelle à travers le CPF. Mais cette liberté suppose de rendre celui-ci plus accessible d'accès et d'utilisation. Mon amendement participe de cette volonté de simplification : chaque salarié doit réellement avoir la faculté de construire son projet professionnel et le parcours correspondant, ce qui implique de faciliter l'accès à la formation.
Dans l'hypothèse où le coût de la formation est supérieur au montant des droits inscrits sur le compte du salarié, le projet de loi prévoit que l'employeur peut abonder celui-ci en droits complémentaires pour en assurer le financement. Il est proposé ici de faciliter la participation de l'employeur en prévoyant la possibilité d'une gestion unique et simplifiée par les opérateurs de compétences, qui géreront déjà le CPF de transition, en lien avec la Caisse des dépôts et consignations.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Nous sommes tous d'accord sur le fait que l'abondement complémentaire du CPF par l'employeur est un outil clé de la co-construction du projet professionnel. Il me semble précisément important que le gestionnaire du CPF demeure le même afin de garantir, là aussi, plus de lisibilité dans la mise en oeuvre du système. L'avis est donc défavorable.
Dans le même esprit que mon amendement précédent, il s'agit ici de prévoir l'abondement complémentaire du CPF par la branche professionnelle.
Quel est l'avis de la commission ?
Cet amendement est satisfait puisque cette possibilité est déjà prévue.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
L'amendement no 343 est retiré.
Le but est bien sûr de responsabiliser les salariés dans leur parcours de formation. L'organisme de formation ne saurait être tenu pour responsable en cas d'absence ou d'échec du stagiaire à l'examen final de certification. L'éligibilité au CPF d'une action de formation ne peut être dépendante du passage de l'examen ou de l'obtention de la certification préparée, lesquels relèvent évidemment du salarié lui-même. Conditionner à une obligation de résultat l'éligibilité au CPF de l'action de formation engendrerait un risque financier pour l'organisme de formation, lequel, même s'il met tout en oeuvre pour la réussite du stagiaire, n'a pas forcément les moyens de l'obliger à se rendre à son évaluation. D'où cette proposition de substituer, à l'alinéa 26, les mots : « sanctionnées par les », par les mots : « préparant aux ».
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l'amendement no 237 .
Ces deux amendements sont identiques sur le fond. Vous avez dit, madame la ministre, qu'il fallait responsabiliser l'actif, qu'il soit demandeur d'emploi ou salarié, de façon à ce qu'il prenne en main son parcours, sa destinée professionnelle. Mais le sanctionner comme vous le prévoyez reviendrait à sanctionner les organismes de formation qui auront pourtant fait leur travail alors que c'est la personne qui aura arrêté sa formation en cours de route. C'est pourquoi je pense qu'il faudrait remplacer « sanctionnées » par « préparant aux » pour éviter de mettre en cause une structure qui ne serait pas pour autant responsable de qui se serait passé.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Nous avons employé la terminologie habituelle en matière de certification professionnelle, terminologie qui ne pose pas de difficultés particulières et dont le maintien ne modifie pas en soi le droit en vigueur. Par conséquent, le changement de termes ne me paraît pas nécessaire.
Je souhaite vous apporter une précision sur le droit en vigueur : cette formulation est en effet utilisée pour signifier non pas une obligation de résultat à la charge de l'organisme de formation – ce serait intéressant mais on serait tout de même dans un autre monde – mais une obligation de moyens. L'organisme doit amener le titulaire du compte jusqu'à l'examen dans des conditions satisfaisantes. Il n'a pas d'obligation liée à la présence de ce dernier et à ses résultats à l'issue de la formation, mais il doit vraiment l'y préparer, prendre en compte cette obligation dans la formation qu'il dispense et assurer un accompagnement jusqu'à l'examen. Je confirme que c'est la pratique et que cette nuance ne pose pas de problème.
Je pense que la situation actuelle pose tout de même un certain nombre de problèmes parce que des organismes gestionnaires du financement de la formation ne veulent pas la payer faute de feuilles de présence en nombre suffisant ou parce que le stagiaire n'a pas passé l'examen. Il s'agit surtout d'amendements de clarification. Sur le fond, je pense que nous sommes sensiblement d'accord, mais la formulation pourrait être améliorée de façon à ne pas sanctionner inutilement des organismes qui ont manifestement fait leur travail.
Le projet de loi simplifie l'éligibilité des formations au compte personnel de formation en supprimant le système de listes. Voilà au moins une mesure de simplification, et je vous en remercie. En 2014, je m'étais déjà battu contre ce système mais j'avais perdu ; aujourd'hui je suis un homme heureux.
Le nouvel article L. 6323-6 du code du travail prévoit que sont éligibles au CPF les actions de formation sanctionnées par les diplômes et titres à finalité professionnelle enregistrés au répertoire national des certifications professionnelles et au répertoire spécifique, ou celles sanctionnées par des attestations de validation de bloc de compétences. Or de nombreux certificats de qualification professionnelle, ou CQP, inscrits sur les listes des branches professionnelles et par conséquent éligibles au CPF, ne sont pas enregistrés au RNCP.
L'objet de l'amendement est de les intégrer parmi les formations éligibles, dans l'attente de la rénovation du répertoire national. Si l'on veut donner plus de pouvoir aux branches, comme c'est le cas avec ce texte – on le verra en particulier à propos de l'apprentissage – , il me semble que nous devrions adopter cette mesure, au moins pour la période transitoire.
La parole est à nouveau à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l'amendement no 430 .
L'esprit de mon amendement est identique puisque je propose, après l'alinéa 26, d'insérer l'alinéa suivant : « Sont également éligibles les certifications et formations sanctionnées par un certificat de qualification professionnelle de branche ou interbranche, ou un certificat de compétences professionnelles de branche ou interbranche, ou permettant d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle visant à l'acquisition d'un bloc de compétences. » Il s'agit d'élargir la capacité d'éligibilité de ce type de formations. Cela répond aux attentes des partenaires sociaux, qui, je le rappelle, avaient retenu cette disposition dans le cadre de l'accord national interprofessionnel de février 2018.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Nous sommes nombreux à nous réjouir de la suppression du système de listes car cela simplifiera en effet beaucoup la lisibilité de l'éligibilité au CPF. Néanmoins, cette suppression implique tout de même de définir un outil de régulation a minima. Les CQP peuvent être inscrits au RNCP s'ils respectent un certain nombre de critères de qualité. Le lien entre l'éligibilité et cette inscription me semble nécessaire car il devrait permettre une montée en qualité, grâce à une incitation claire, pour les CQP, d'entrer dans le répertoire national, ce qui serait une nouveauté. Pour cette raison, l'avis est défavorable.
Je précise que le RNCP comprend tous les diplômes et 450 des 900 CQP existants. L'inscription repose effectivement sur des critères de qualité mais aussi d'actualisation. Certains CQP ne sont pas considérés au même niveau que le standard général ou, faute d'avoir été suffisamment actualisés, n'ont plus de valeur. C'est pourquoi, même si tous les CQP ont vocation à intégrer le RNCP, il est procédé à une évaluation systématique de leur qualité. Le Gouvernement ne souhaite pas changer ce dispositif car il est essentiel de chercher toujours à maintenir la qualité de la formation.
Madame la ministre, il y a tout de même un petit problème, ne serait-ce que pendant la période transitoire jusqu'à la refonte du répertoire national. Je rejoins votre idée que les CQP doivent être de qualité, mais je rappelle que certaines branches, à ce jour, n'ont pas engagé de processus pour que leurs CQP soient forcément au RNCP, et il n'y a d'ailleurs pas d'obligation à cet égard. Des branches vont donc se retrouver dans la situation où leurs CQP, qui correspondent à de véritables besoins, seront confrontés à des difficultés de financement faute d'être inscrits au RNCP. Je pense qu'il y a là un vrai sujet, même s'il n'est peut-être que transitoire.
Par ailleurs, il faut savoir que les CQP supposent de faire confiance aux branches. Là aussi, il y a un vrai paradoxe : vous nous dites régulièrement qu'il faut leur faire confiance ; en l'occurrence, puisque la certification a bien été souhaitée par une branche, pourquoi ne l'acceptez-vous pas ? Il y a, chez vous, deux niveaux de discours : on fait confiance aux branches, mais l'on n'est pas au rendez-vous lorsqu'il s'agit de manifester sa confiance concrètement. C'est pour le moins paradoxal.
Une précision : il y a le répertoire mais aussi l'inventaire, dans lequel figurent nombre des formations que vous évoquez, notamment les formations transversales, qui ont des difficultés à entrer dans les logiques de branche – on en voit de plus en plus, par exemple dans le numérique. Et puis il y a aussi des raisons historiques, certaines CQP ayant été créées par des branches en vue de créer un titre diplôme, manière d'activer la mécanique ; c'est du reste une assez bonne tactique, qui marche assez bien, mais tout le monde est d'accord pour reconnaître que le CQP n'aura plus alors de fondement. La disposition que nous proposons ne relève pas du fait du prince mais correspond à une évaluation commune de la situation actuelle. Nous verrons, à propos de la construction des diplômes, à laquelle nous procéderons avec les acteurs concernés, que certains CQP n'ont plus d'objet et donc plus leur place ni dans le répertoire ni à l'inventaire. Je ne pense pas que cela pose de problème, d'autant que nous allons donner, dans cette régulation, un rôle de codécision aux partenaires sociaux qu'ils n'ont pas aujourd'hui.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l'amendement no 274 .
C'est, en quelque sorte, un amendement de précision : nous souhaitons en effet qu'à l'alinéa 27, après le mot : « conditions », soient insérés les mots : « d'ancienneté, de fréquence et selon un cahier des charges ». Cet alinéa prévoit en effet que les actions qui seront également éligibles au compte personnel de formation le seront « dans des conditions définies par décret ». Il s'agit, en réalité, de préciser la portée du décret qui régira les conditions et les modalités d'éligibilité de ces actions.
Il ne me semble précisément pas souhaitable d'introduire des restrictions aux critères susceptibles d'être retenus pour statuer sur l'éligibilité. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
L'amendement no 274 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La nouvelle rédaction de l'article L. 6323-6 du code du travail vise à déterminer les actions éligibles au CPF. Parmi celles-ci figurent, à l'alinéa 26, les actions de formation sanctionnées par des certifications professionnelles et, à l'alinéa 28, les actions permettant de faire valider les acquis de l'expérience.
En pratique, dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience, il n'est pas rare que des candidats doivent suivre une formation complémentaire pour compléter leur expérience. Dans ce cas, le besoin en formation correspond presque systématiquement à une partie de chacun des blocs de compétences de la certification visée, la logique de l'expérience ne suivant que très rarement celle des blocs de compétences. Dès lors, il faut que la formation suivie ne reprenne pas la logique du tout ou rien du bloc de compétences. L'amendement vise donc à introduire une souplesse dans la formalisation des actions de formation dès lors – et uniquement dans ce cas – qu'elles sont réalisées dans le cadre de la VAE.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Cher collègue, je partage votre préoccupation : il est effectivement important de s'assurer que l'on pourra adopter, dans le cadre de la VAE, une approche souple de l'accès modulé aux formations ; le salarié doit effectivement pouvoir, en définitive, choisir des éléments de blocs de compétences, et il est effectivement nécessaire de se dédouaner de la logique du tout ou rien.
Toutefois, la rédaction de l'alinéa 28, en visant l'ensemble des « actions permettant de faire valider les acquis de l'expérience » satisfait votre préoccupation et votre amendement. C'est la raison pour laquelle je repousse ce dernier.
Il est identique à celui de la rapporteure : ces deux amendements me semblent satisfaits.
Le projet de loi fait du CPF rénové le seul accès à la formation à l'initiative du salarié et le transforme en un espace de liberté et de totale autonomie, dans le cadre d'un outil désintermédié qui lui permettra de choisir et d'acheter de la formation, à partir d'une seule application numérique. C'est du moins ce qui est annoncé.
Contrairement à l'ANI, qui assurait l'équilibre du dispositif en prévoyant des modalités de co-construction des parcours, le projet de loi est axé sur la simple autonomisation des actifs pour les salariés. Dans cette optique, il convient a minima de rendre éligibles au CPF les actions de formation répondant à la nouvelle définition de l'offre de formation figurant à l'article 4, qui font l'objet d'un cofinancement de l'employeur. Cela ferait du CPF un outil à la fois plus souple et plus agile, permettant d'accéder à des formations non nécessairement certifiées, mais dont le cofinancement de l'entreprise implique qu'elles correspondent à un besoin partagé.
Vous proposez que l'abondement de l'employeur soit le seul critère permettant de rendre une action éligible, quelle qu'elle soit. Or, même si la co-construction est très importante, le CPF est l'outil du droit individuel à choisir sa formation. Dès lors, il s'agit d'un financement mutualisé et d'un droit garanti collectivement. Nous avons donc le devoir de vérifier de façon collective la qualité des formations qui seront éligibles. À mon sens, votre amendement ne propose pas une régulation suffisante du dispositif. C'est pourquoi, comme en commission, j'émettrai un avis défavorable.
J'avoue avoir un peu de mal à comprendre l'avis de Mme la rapporteure. L'amendement vise à offrir, en cas d'abondement de l'employeur, une possibilité supplémentaire. On ne peut donc qu'y être favorable car cela ne sera pas une obligation. L'employeur sera en mesure d'abonder le financement d'une action de formation, ce qui permettra de la déclencher. Cet amendement répond véritablement et complètement à cette capacité que peuvent avoir les uns ou les autres à développer un projet qui, en l'occurrence, serait réellement co-construit. En effet, si l'employeur cofinance une action de formation, cela veut bien dire qu'il a confiance dans le projet et que celui-ci est co-construit, c'est-à-dire qu'il existe un intérêt partagé à cette co-construction. Je ne comprends donc pas cet avis défavorable.
L'amendement no 154 n'est pas adopté.
Je propose d'ajouter un 6° à la liste des actions de formation éligibles au CPF, concernant les « actions d'enseignement et de formation en matière de secourisme ». Outre que cet ajout est très important pour sauver des vies, dans un certain nombre de métiers, bénéficier de telles actions constituera un véritable plus. Je pense aux métiers de l'animation, à la conduite accompagnée ou encore aux chauffeurs d'autobus : les salariés qui en auraient bénéficié ajouteraient une ligne supplémentaire utile à leur CV et pourraient s'en servir quotidiennement dans leur métier.
Vous m'objecterez que, dans un certain nombre de métiers, la formation au secourisme est obligatoire. C'est vrai, mais elle ne l'est pas dans un certain nombre d'autres, alors qu'elle présenterait un véritable avantage pour les salariés concernés.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 1658 .
Nous avons de la suite dans les idées. Comme notre collègue Francis Vercamer, nous proposons que les formations aux premiers secours soient éligibles, de façon générale, au CPF. Nous ne doutons pas que son amendement sera adopté mais si, par hasard, il ne l'était pas, l'amendement no 1658 vise à rétrécir le champ des formations concernées : elle ne pourrait bénéficier qu'aux « personnes en reconversion professionnelle ou en emploi dans le secteur des services à la personne ». Dans ce secteur, en effet, proposer une formation aux premiers secours nous semble de bon aloi.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 1135 .
Il s'agit de la même demande : cet amendement vise à étendre la possibilité d'utiliser le compte personnel de formation aux formations aux gestes de premiers secours, qui permettent aux citoyens d'acquérir des compétences professionnelles primordiales pour la société.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Si je conviens que les actions de formation aux gestes de premier secours sont utiles en elles-mêmes, j'estime elles ne participent pas suffisamment à la sécurisation des parcours professionnels pour pouvoir justifier d'une éligibilité au CPF. Il ne faut pas perdre de vue l'objectif du CPF, qui est de sécuriser ces parcours. C'est pourquoi je donne un avis défavorable.
Dans le secteur des aides à la personne, il s'agit d'une obligation de l'employeur, qui n'entre donc pas dans le champ de la formation individuelle.
Il est identique à celui de la rapporteure.
Je me découvre en accord tant avec la rapporteure qu'avec la ministre. Le constat est juste : dans les métiers en question, il faut qu'une formation aux premiers secours soit dispensée. En revanche, utiliser le CPF à cet effet serait anormal pour le travailleur lui-même : il dispose d'un outil lui permettant d'accéder à une formation, qui ne doit pas être utilisé pour financer des formations obligatoires dans son métier.
Je pense même – la ministre qui siège au banc pourrait rendre une telle évolution possible – que nous pourrions aller jusqu'à rendre obligatoire la formation au secourisme, y compris dans la formation initiale. Tout élève sortant de l'enseignement secondaire avec le baccalauréat ou un diplôme technique devrait avoir reçu une formation aux gestes de premier secours. Une telle formation devrait devenir basique, au point que tous les citoyens en bénéficient.
Monsieur Lecoq, tout le monde n'a pas la capacité d'aller jusqu'au bac, et certains sont trop âgés pour s'y présenter…
Je suis au courant puisque je n'ai qu'un CAP ! Ce n'est pas la peine de me le faire remarquer devant tout le monde !
Sourires.
Je constate que l'alinéa 32, qui rend également éligibles aux CPF « les actions de formation destinées à permettre aux bénévoles et aux volontaires en service civique d'acquérir les compétences nécessaires à l'exercice de leurs missions » ne débouche pas non plus sur une certification professionnelle.
Nous ne souhaitons que rendre possible le financement par le CPF de ces actions de formation aux gestes de premier secours. J'entends l'argument qui consiste à dire qu'il ne peut pas être ouvert à toutes les formations. J'avais d'ailleurs, lors de mon premier mandat, c'est-à-dire il y a quelques années, déposé une proposition de loi tendant à ce que les cinq gestes qui sauvent soient enseignés à l'école. Malheureusement, elle n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée. Il s'agit d'un vrai sujet de réflexion : des actions de prévention contre un certain nombre d'addictions sont conduites alors que le minimum minimorum, apprendre aux gens à sauver la vie d'autrui, fait défaut. C'est pourquoi je propose que le CPF puisse participer à cette mission d'intérêt général ou d'utilité publique.
Nous nous accordons tous, je pense, à reconnaître l'importance d'étendre, parmi nos concitoyens, le bénéfice d'une formation aux gestes de premier secours, qui peuvent sauver des vies. Cependant, il faut que ces formations soient dispensées dans le bon cadre, afin de ne pas créer de confusion ni d'ouvrir de brèches dans d'autres domaines. Nous discutons ici de la sécurisation de la partie du parcours professionnel dont l'initiative revient à l'individu. Dans de nombreux professions et métiers, cette formation est déjà obligatoire. Lorsque nous disposerons des rapports relatifs à la santé au travail et que nous aurons l'occasion d'en discuter, je suis prête à examiner comment nous pouvons élargir ce champ. Pour l'instant, la formation au secourisme relève de la responsabilité de l'employeur, notamment dans tous les métiers où les professionnels sont en relation avec des personnes vulnérables et fragiles. Il s'agit d'un sujet d'intérêt général. Par ailleurs, lorsque nous discuterons du service national universel, il s'agit d'une piste que nous pourrions reprendre, en tout cas examiner. Il faut donc réfléchir à la question mais le CPF n'est pas le bon cadre pour cela.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 2156 .
Vous aurez compris que les activités physiques et sportives ne se rapportent pas non plus directement à la sécurisation des parcours professionnels. La commission est par conséquent défavorable à cet amendement.
L'amendement no 2156 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 1686 .
Les demandeurs d'emploi, particulièrement ceux de longue durée, pâtissent souvent des difficultés d'accès à la formation professionnelle continue, en raison de l'absence d'organismes de formation à proximité de leur lieu de vie. Cette situation est d'autant plus dommageable que les entreprises sont souvent volontaires pour les former. Cependant, le coût que représente cette formation dispensée en interne exerce un effet dissuasif et constitue un frein à l'insertion professionnelle de ces publics.
Cet amendement vise donc à permettre l'embauche d'un chômeur de longue durée par une entreprise qui assurera sa formation. En contrepartie, tout ou partie du montant du compte personnel de formation pourra être versé à l'entreprise.
Il faut veiller à garder au CPF l'esprit qu'on veut lui donner, à savoir être un dispositif à la main de la personne. Ce que vous proposez est plutôt un dispositif à la main de l'employeur, ce qui est en contradiction avec l'esprit qui se trouve au fondement du CPF et avec la liberté d'utilisation par le titulaire. Par conséquent, la commission a repoussé votre amendement.
Comme l'a dit Mme la rapporteure, le CPF repose sur le principe de sa libre utilisation par son titulaire. Cela étant, rien n'interdit à un nouvel embauché d'utiliser son CPF, en concertation avec son employeur, pour une formation éligible utile à son nouveau poste, mais il doit garder la maîtrise de cette décision. L'amendement no 2101 , que vous examinerez ultérieurement, devrait aller dans le sens que vous souhaitez, monsieur Christophe. Je vous suggère donc de retirer votre amendement ; à défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
L'amendement no 1686 est retiré.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 1279 .
Le droit à la formation est ouvert aux « décrocheurs » dans le cadre du financement par les régions du service public régional de l'orientation. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
L'amendement no 1279 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous nous opposons à l'idée d'une application numérique pour gérer l'offre de formation. En effet, nous estimons qu'une application numérique offre une orientation insuffisante concernant l'offre de formation. Les titulaires des comptes personnels de formation doivent pouvoir être mieux accompagnés et conseillés. Les sciences sociales montrent, entre autres, que plus les individus se situent au bas de l'échelle sociale, plus ils ont besoin de systèmes pensés collectivement pour les inciter à suivre une formation. L'individualisation prônée par la réforme Macron sera donc facteur d'inégalités sociales importantes. Il est impératif de proposer systématiquement un conseil en orientation professionnelle plutôt que de laisser les individus seuls face à une application.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 145 .
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, et je souhaiterais m'en expliquer. J'ai fait moi aussi des sciences sociales et ce que vous affirmez, madame Bazin-Malgras, n'est pas du tout ce que j'en ai retenu. Je pense au contraire que, pour impliquer les gens, quel que soit leur niveau de qualification, il faut les faire réfléchir, les faire discuter entre pairs sur leurs habitudes et leurs démarches en matière de formation…
Il est dommage que les auteurs des amendements ne m'écoutent pas. C'est donc pour le reste de l'hémicycle que j'explique l'avis de la commission !
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Sourires.
L'application numérique permettra au contraire à un maximum de personnes de s'imprégner du sujet. Pour celles pour qui l'application ne serait pas adaptée, nous proposons un conseil en évolution professionnelle gratuit – outil qui existait auparavant, mais que nous finançons, afin de nous assurer que chaque individu pourra avoir accès à ce service. Ce faisant, nous répondons bien mieux à l'enjeu que chacun puisse s'emparer de son droit professionnel, plutôt qu'en prévoyant un système collectif qui prescrit et, en définitive, confisque ce doit aux gens.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 292 .
C'est un vrai bonheur que de pouvoir parler sans avoir à solliciter un rappel au règlement !
Sourires.
Par cet amendement, il s'agit d'intégrer les Français de l'étranger au dispositif envisagé. À l'heure où les nouvelles technologies ont pris tant d'ampleur, on pourrait imaginer des formations à distance, l'objectif étant de ne laisser personne sur le bord de la route. C'est également vrai pour votre réforme. En effet, l'article 1er du projet de loi prévoit que chaque titulaire d'un compte a connaissance du nombre d'heures créditées en accédant à un service dématérialisé gratuit. Ce dernier donne aussi des informations sur les formations éligibles et sur les abondements complémentaires susceptibles d'être sollicités. L'amendement vise à intégrer les Français de l'étranger à ce dispositif. Alors qu'ils sont souvent considérés comme des Français à part, il convient en effet de les prendre pleinement en considération.
La commission a émis un avis défavorable car votre amendement est satisfait, monsieur El Guerrab, je vous le confirme. Le bénéfice des CPF vaut bien évidemment aussi pour les Français établis hors de France.
Même avis, et je suggère à M. El Guerrab de retirer son amendement.
Comme il est satisfait et que c'est gentiment demandé, je vais le retirer. Toutefois, inscrire cette précision dans la loi eût été préférable.
L'amendement no 292 est retiré.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement no 472 .
Je pense que c'est la même chose pour vous : il y a des gens avec qui vous pouvez échanger des textos et d'autres qui viennent vous voir dans votre permanence ou qui vous appellent par téléphone mais qui ne répondront jamais aux textos que vous leur envoyez.
Savez-vous pourquoi ? C'est parce qu'ils ne le peuvent pas, qu'ils ne le savent pas, parce qu'il manque quelque chose. Moi, je n'ai pas le bac, monsieur Vercamer, mais mon CAP d'électricien m'a permis de travailler sur les chantiers, et je suis resté en contact avec ma famille du bâtiment. Or, dans les métiers du bâtiment, c'est quelque chose de très fréquent. Je pense que si 38 % seulement des ouvriers ont utilisé leur contingent de formation, c'est peut-être aussi à cause de cela ; ce serait en tout cas un point à examiner.
Vous faites le pari que les individus deviendront les acteurs de leur parcours professionnel grâce à leur smartphone, mais nous, nous en doutons. Nous considérons que l'accompagnement est aussi indispensable que l'acte de se former. Or, dans le cadre du CPF revisité, tout est fait pour se passer d'intermédiaire et de conseil pour choisir sa formation. Il est prévu que, par le truchement d'une application numérique, les bénéficiaires du CPF pourront choisir une formation, solliciter des abondements complémentaires et payer directement auprès des organismes de formation. Ce fonctionnement sans aucun intermédiaire conduit à laisser les personnes seules dans le choix et le paiement de leur formation, ce qui risque d'aggraver les inégalités d'accès à la formation. Chacun a besoin d'être confronté à ses choix ; vous aussi avez probablement vécu ce genre de situations, quand des collègues de travail vous interpellent pour savoir si une formation correspond bien à l'avenir professionnel que vous imaginez. On a besoin d'un échange, et cela n'est pas forcément facile pour tous.
Aussi cet amendement de repli vise-t-il à assurer un accompagnement des personnes dans le choix de leur formation par les opérateurs de compétences. Il s'agit donc de conserver l'application numérique – puisque vous avez adopté cette mesure – pour consulter le compte de formation, mais l'inscription, la construction et le paiement devraient être effectués par l'organisme qui accompagne la personne.
Si je partage votre constat, monsieur Lecoq, que certains préfèrent le téléphone – nous en connaissons tous autour de nous – , je ne pense pas qu'il faille pour autant revenir sur l'objectif de désintermédiation pour ce qui concerne l'utilisation du CPF. Il existe des acteurs dédiés à cet accompagnement dans le dispositif de formation professionnelle que nous mettons en place : ce sont les conseillers en évolution professionnelle, auxquels nous allons donner plus de moyens pour qu'ils puissent apporter un service de qualité.
Vous disiez que tout le monde n'était pas nécessairement à l'aise avec une application, ce qui m'a fait penser à mon père.
Que fait-il quand il doit écrire un courriel ? Il me demande de l'aider, ou bien il demande à sa femme ou à ses amis. C'est plus facile pour lui que de participer à un système intermédié avec des opérateurs de compétences qui n'ont pas forcément les effectifs nécessaires pour répondre. Si vous ne savez pas utiliser une application sur smartphone, vous trouverez des ressources autour de vous pour vous y aider. Et si ce n'est pas le cas, je le répète, le conseil en évolution professionnelle est là pour ça.
À mon sens, il ne faut surtout pas revenir à un système intermédié car c'est un système complexe que les gens ne comprennent pas. Combien de personnes connaissent l'existence des OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés ? Interrogez les gens autour de vous ! Même à l'Assemblée, beaucoup ne connaissent pas leur existence. C'est un système très compliqué. Il convient de simplifier l'accès à la formation. C'est ce que nous proposons et nous avons prévu un conseil en évolution professionnelle pour accompagner les gens dans cette démarche.
L'utilisation du numérique, des courriels et des smartphones est présentée comme quelque chose qui va complètement changer la vie, faciliter et rendre accessibles les choses, bref qui va tout révolutionner. Mais ce n'est pas le monde moderne contre le monde ancien. Quel que soit son âge, cela ne se décrète pas. La numérisation de l'information ne veut pas dire que cette information arrivera nécessairement au bon endroit et qu'elle sera compréhensible par tous, ce n'est pas vrai. Au-delà de la diffusion numérisée, on a besoin d'accompagnement, d'explications, de contact humain. Peut-être les gens sont-ils aptes à communiquer par courriel et à utiliser les smartphones mais, à certains moments et pour certains sujets, on a besoin d'un contact humain. On met en opposition le moderne et l'ancien, comme si la modernité transformait la vie des gens, mais ce n'est pas vrai. Même si l'on est habile avec un smartphone, on a besoin d'un accompagnement humain pour répondre à des interrogations personnelles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe NG.
L'exemple du père de la rapporteure montre que l'on ne peut pas fonctionner avec un système où l'on doit bricoler et compter sur des soutiens familiaux – que l'on n'a pas nécessairement, d'ailleurs. Il faut que les choses soient stabilisées. L'intermédiation vaut aussi conseil.
Il semble que l'on doive déduire des explications de Mme la ministre et de la majorité que le CPF un échec. Or, en 2016, 497 000 dossiers de formation ont été validés, soit une augmentation de 139 % par rapport à l'année précédente. Le nombre des dossiers de formation de demandeurs d'emploi validés a été multiplié par deux entre 2015 et 2016, celui des salariés par quatre. Depuis le lancement du CPF, cela représente au total 216 millions d'heures de formation ; la durée moyenne est de 370 heures pour les chômeurs et de 87 heures pour les salariés. Pardonnez-moi mais mes chiffres, qui proviennent du CNEFOP, le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, ne nous font pas penser que le CPF est un échec. Il conviendrait donc de relativiser la critique que vous formulez.
Ne jouons pas à nous faire peur ! Avec cette application, nous introduisons un moyen supplémentaire pour accéder à de la formation.
Exclamations sur les bancs des groupes NG et GDR.
Mais non : l'ensemble des autres moyens, notamment les conseillers en évolution professionnelle, seront disponibles. On pourra utiliser le compte de formation de diverses façons. Tout ce que nous faisons, c'est ajouter l'application ; ceux qui pourront acheter directement en ligne le feront. Je comprends donc mal vos réticences. L'application ne sera qu'un moyen supplémentaire, pour une partie des Français, d'acheter une formation ou de s'y inscrire, et d'être en phase avec les moyens technologiques du XXIe siècle.
Nous n'en sommes pas moins très sensibles à ce qu'ont dit M. Lecoq et Mme Bareigts : évidemment, il est essentiel que les personnes dépourvues de facilités pour utiliser l'application puissent bénéficier d'une aide. Et cette aide est prévue dans le projet de loi car, vous avez tout à fait raison, mes chers collègues, les intéressés doivent être accompagnés pour aller vers les formations et ne pas en avoir peur. Le texte, disais-je, le prévoit déjà, et le groupe majoritaire sera particulièrement attentif, dans sa mise en oeuvre, qui viendra après le temps législatif, à ce que cet accès soit assuré, et surtout pour tous.
La plateforme dont nous parlons n'est pas seulement un moyen supplémentaire : à nos yeux, elle est symptomatique de la philosophie du projet de loi ; elle s'inscrit dans une logique de commercialisation, qui peut s'accompagner de démarches de marketing pour la vente de formations.
Une logique de marchandisation est donc bel et bien à l'oeuvre au coeur du système que vous proposez. Cette logique, d'ailleurs, peut induire le grignotage de certaines formations.
Nous ne proposons pas de supprimer une plateforme sur laquelle chacun, lorsqu'il réfléchit à ses futurs choix, pourrait avoir accès aux informations dont il a besoin : rendre l'information disponible est utile, bien sûr. Ce que nous remettons en cause, c'est le système du type carte bleue : je vais sur le site, je vois, ça me plaît, j'achète. Cette démarche nous semble incompatible avec les objectifs de la formation professionnelle.
Sécurisons donc les personnes dans leurs choix, tout en garantissant l'efficacité de ceux-ci, pour elles et pour la société dans son ensemble. Chaque fois que la numérisation s'est développée, on a constaté une hausse du taux de non-recours aux droits. L'exemple pris tout à l'heure par Jean-Paul Lecoq illustre bien, à cet égard, les risques que l'on ferait courir aux intéressés.
Si nous souscrivons à l'accès à l'information, nous contestons la logique de commercialisation induite par le projet de loi. Tel est le sens de notre amendement.
Je veux revenir sur l'explication qui vient d'être donnée par M. Maillard. Il faut relire l'alinéa 36 du présent article : « Chaque titulaire d'un compte a connaissance du montant des droits inscrits sur son compte et des abondements dont il peut bénéficier en accédant à un service dématérialisé gratuit. Ce service dématérialisé donne également les informations sur les formations éligibles. Il assure la prise en charge des actions de formation de l'inscription du titulaire du compte aux formations jusqu'au paiement des prestataires mentionnés à l'article L. 6351-1. »
Il n'y a donc qu'un seul système possible ! Aucune alternative n'est prévue : le projet de loi est très précis !
L'alinéa 36 donne les conditions d'accès aux formations. Si la personne en recherche d'une formation ne peut y accéder, devra-t-elle se faire aider par un tiers ?
Tout d'abord, ne confondons pas les rôles de chacun. Les OPCA ne se sont jamais occupés de conseil individuel. Au nombre de vingt-deux – l'ordre de grandeur sera le même pour les opérateurs de compétences – , ils sont en relation avec des entreprises et délivrent des conseils aux PME et aux TPE, non aux salariés. Il ne faut donc pas se tromper.
Par ailleurs, la réforme que nous proposons s'appuie sur ce qui existe déjà : les conseils en évolution professionnelle, lesquels sont néanmoins très peu accessibles pour la grande majorité des salariés. Nous entendons, justement, les rendre accessibles partout, grâce à un appel d'offres qui assurera un maillage sur l'ensemble du territoire. Ainsi, le plus grand nombre pourra bénéficier de ces conseils, soit en ligne, soit par téléphone, soit, dans certains cas, par des entrevues physiques.
J'ai parfois l'impression que nous ne vivons pas dans le même monde.
Sourires et exclamations sur les bancs des groupes LR, NG et GDR.
Je vous le confirme…
L'autre jour, dans une émission de radio, je parlais du CPF en euros avec des auditeurs. Le premier appel est venu d'un éboueur, en activité depuis dix ans et qui disait vouloir devenir chauffeur, en vue, donc, d'une promotion professionnelle. Voici ce qu'il m'a expliqué : « Mon employeur n'a ni le temps, ni l'argent, ni même l'idée de me payer une formation aussi longue. J'ai donc frappé à toutes les portes et mis très longtemps à savoir où et comment trouver la bonne formation, à rechercher, par exemple, s'il y en avait une près de chez moi. Grâce à votre "appli", je trouverai rapidement ces informations, je connaîtrai le coût de la formation et je pourrai savoir si elle marche bien. J'ai cherché un financement, j'ai frappé à toutes les portes, mais on m'a dit partout que je ne rentrais pas dans les cases. Et, de toute façon, les gens ne voulaient pas me recevoir, ils n'étaient pas là pour moi. Moi, je sais ce que je veux. Si je comprends bien, avec votre truc, votre "appli", je pourrai trouver ma formation et ainsi obtenir ma promotion sociale ou changer d'employeur. Étant éboueur, il a fallu que je paie ma formation moi-même et que j'emprunte autour de moi et à la banque. »
Le but du projet de loi est que les personnes qui se trouvent dans cette situation, demain, puissent choisir leur vie professionnelle.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Madame la ministre, vous avez dit que les opérateurs de compétences seraient aussi nombreux que les OPCA. S'agit-il d'un scoop ? Est-ce à dire que l'on ne serait plus à douze mais à vingt-deux opérateurs ? Quel est le bon chiffre ?
L'amendement no 472 n'est pas adopté.
Vous nous avez fait voter sans que la ministre réponde, monsieur le président !
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 473 .
C'est un amendement de repli par rapport au précédent, lequel était lui-même, déjà, un amendement de repli.
Nous souhaitons que, dans le processus de validation, un conseil soit automatiquement proposé à quiconque mobilise son compte pour une action de formation. Il convient, à nos yeux, d'inscrire cette disposition dans la loi, car l'accompagnement doit être promu et valorisé par tous les moyens : il serait incompréhensible d'en faire l'impasse dans le réacteur même du système.
Sur ce point, nous n'arrivons pas à nous comprendre. L'accompagnement est possible pour les personnes qui en ressentent le besoin. C'est justement l'une des avancées fortes du projet de loi que de prévoir un financement de l'accompagnement et de le rendre beaucoup plus accessible.
Le dispositif que vous proposez ici serait très lourd puisque la majorité des personnes n'auront pas besoin d'être accompagnées : elles pourront choisir une formation par elles-mêmes car elles sauront ce dont elles ont besoin, elles en auront discuté avec un collègue, un employeur ou quiconque dont elles veulent imiter le parcours. Faisons confiance aux gens !
Je ne dis pas que tout le monde a les moyens de choisir une formation adéquate de façon spontanée, mais certains le peuvent : je ne vois donc pas pourquoi l'accompagnement devrait être obligatoire pour eux. Cela introduirait même de la rigidité dans le système et serait source de dysfonctionnements.
En outre, ne sous-estimons pas la capacité des personnes à savoir ce qu'elles veulent. Mme la ministre vient d'évoquer le cas d'un éboueur qui souhaitait devenir chauffeur et cherchait la formation adaptée pour ce projet. Les intéressés peuvent se renseigner par eux-mêmes et, s'ils ont besoin de conseils, pourront en solliciter pour valider leur projet. Il faut cesser d'infantiliser les gens.
Peut-être y aura-t-il quelques ratés au début ; peut-être quelques-uns achèteront-ils une formation de façon un peu hâtive, comme vous le suggérez. Mais le but est-il de maintenir un système dans lequel on choisit à la place des gens ?
Protestations sur les bancs du groupe NG.
Aujourd'hui, le CPF est majoritairement utilisé via Pôle emploi ou les entreprises. Le but est de le replacer entre les mains des individus, auxquels il faut donc faire confiance.
En approfondissant la culture de l'orientation, nous permettrons aux personnes de s'impliquer et de se guider dans l'offre de formations. Le but du projet de loi est de faire progresser les individus et de les responsabiliser : c'est bien plus important encore en matière de formation que dans tout autre domaine, puisque l'efficacité passe ici par l'investissement personnel. Si les formations sont prescrites, les gens y vont à reculons, ce qui ne sert à rien. Des progrès sont donc à réaliser dans l'investissement des personnes, pour qu'elles aient envie de s'inscrire quelque part.
Sur l'amendement no 473 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Je veux apporter deux éléments supplémentaires.
Tout d'abord, il y a peut-être une incompréhension sur l'amendement puisque, tel qu'il est rédigé, il vise à ce que, « avant la prise en charge définitive des actions de formation [… ] un rendez-vous avec un conseiller » soit automatiquement proposé. Il ne s'agit donc que de proposer : libre à chacun de se déclarer ensuite intéressé ou non. Aussi n'ai-je pas reconnu l'amendement, madame la rapporteure, dans la description que vous en avez faite.
Ensuite, il n'est pas toujours simple de s'y retrouver dans le maquis des formations, qui correspondent à des besoins très variés. Il peut être utile, dans ces conditions, de permettre aux intéressés de vérifier que la formation envisagée correspond bien aux objectifs qu'ils poursuivent. C'est, tout simplement, le but de cet amendement, qui n'a donc rien de révolutionnaire.
Je souscris à ce qui vient d'être dit. Vous avez raison, madame la ministre, nous ne devons pas vivre dans le même monde. Plus que d'une course folle à la dématérialisation dans tous les domaines, ce dont on a besoin, c'est d'une relation humaine entre les personnes. Or celles qui viennent nous voir, vous le savez tous, mes chers collègues, souffrent de liens humains distendus dans tous les domaines.
Certains, ici, ont peut-être essayé récemment de refaire leur carte grise. Bravo pour la simplicité ! Si la dématérialisation consiste à créer des outils contre lesquels il faut ensuite se battre en chargeant des personnes de régler des conflits que nous avons créés, on marche sur la tête ! Mettons les choses en mouvement, peut-être, mais agissons avec prudence. Il y a suffisamment d'emplois non pourvus et suffisamment de personnes qui ont des talents et des compétences pour assurer un rôle d'intermédiaire entre les êtres humains ; alors cessons de confier toutes les tâches à des machines. Comme l'a fait observer un collègue, cette discussion a quelque chose d'un peu surréaliste.
Je serai très bref. Pour qui faisons-nous la loi ? Pas pour les débrouillards, ceux qui s'en tirent toujours, mais précisément pour ceux qui ne savent pas, qui éprouvent des difficultés, qui sont perdus ou qui doutent ! C'est d'ailleurs par ce motif même que vous avez justifié le renforcement du contrôle des chômeurs : à vous entendre, il s'agissait moins de les contrôler que de les raccrocher à une recherche d'emploi ou de formation. Bref, vous dites tout et son contraire.
Notre groupe comprend cette proposition, mais sa mise en oeuvre nous semble extrêmement complexe. J'imagine mal comment 24 millions de salariés pourraient se voir proposer un rendez-vous avec le CEP, le conseiller en évolution professionnelle. Nous ne voterons donc pas pour l'amendement, qui nous paraît irréaliste, même si nous pourrions y adhérer au fond.
Sur le plan opérationnel, cet amendement conduirait à retarder l'application des droits car les 26 millions de personnes n'auraient pas le droit d'utiliser leur CPF avant d'avoir indiqué si elles souhaitaient un entretien, ce qui reviendrait donc à ajouter une étape.
Mais l'amendement sera satisfait car le droit à un conseil en évolution professionnelle – gratuit car payé par la mutualisation – sera expliqué tant sur l'application numérique que sur l'ensemble des supports d'information disponibles, dans les entreprises, à Pôle emploi ou dans les missions locales. Chacun devra donc demander positivement ce conseil en évolution professionnelle ; par défaut, on n'insistera pas. Il est certain que, sur les 26 millions de personnes qui auront droit à ce conseil, toutes n'en voudront pas ou n'en auront pas besoin. Celles qui en auront besoin l'obtiendront.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 91 |
Nombre de suffrages exprimés | 91 |
Majorité absolue | 46 |
Pour l'adoption | 30 |
contre | 61 |
L'amendement no 473 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement no 1223 .
Au vu du taux de chômage très élevé des personnes en situation de handicap et compte tenu de la nécessaire détermination d'aller vers une société de plus en plus inclusive, il apparaît primordial de préciser clairement dans la loi que le compte personnel de formation est également accessible aux personnes en situation de handicap, quel que soit le type de handicap, afin de ne priver personne de cet outil utile dans le cadre de l'accès à la formation. Tel est l'objet de cet amendement, qui modifie l'alinéa 36.
Sur ce sujet important, je confirme que l'obligation s'appliquera bien à la Caisse des dépôts et qu'elle figurera dans son cahier des charges. Votre amendement est donc satisfait.
Il est identique à celui de la rapporteure : cette disposition figure déjà dans le cahier des charges.
L'amendement no 1223 n'est pas adopté.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement no 1521 .
Il complète le service dématérialisé qui est proposé, en permettant aux bénéficiaires de noter les formations auxquelles ils ont assisté. Les stagiaires pourront ainsi attribuer une note à chaque formation, dont les autres titulaires d'un CPF pourront prendre connaissance. Ce dispositif s'apparente aux systèmes de notation que l'on peut connaître avec les applications permettant de trouver un restaurant, un hôtel ou un voyage.
Il s'agit de participer à une formation, pas de louer une chambre d'hôtel !
Il permettrait aux futurs bénéficiaires de choisir les formations les plus performantes grâce aux avis précédents, donc d'améliorer leur choix.
Sur le fond, cette proposition est tout à fait dans l'esprit de ce que nous comptons faire. Je vous confirme qu'un système de notation figurera dans le cahier des charges de la Caisse des dépôts et consignations – il y figure peut-être même déjà puisqu'elle a commencé à y travailler. Aussi, je vous suggère de retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je confirme que la mesure figure dans le cahier des charges, et suggère également un retrait.
L'amendement no 1521 est retiré.
La parole est à M. Julien Borowczyk, pour soutenir l'amendement no 2005 .
L'amendement no 2005 est retiré.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l'amendement no 952 .
Un salarié mieux formé, nous le savons, est plus facilement heureux dans son entreprise. Cependant, tous les salariés n'ont pas forcément accès à l'information susceptible de les conduire vers une formation, nous le savons. Trop souvent, ils n'ont pas connaissance de toutes les opportunités dont ils peuvent disposer afin de se former.
Cet amendement vise donc à encourager les employeurs à informer les salariés sur les dispositifs de formation auxquels ceux-ci peuvent prétendre – actions de formation mises en place au sein de l'entreprise, compte personnel de formation, notamment. Il prévoit tout simplement d'impliquer davantage les employeurs en mettant en place une demi-journée d'information destinée aux salariés dans chaque entreprise.
Il est défavorable. Si nous souhaitons également que l'employeur puisse être vecteur d'information sur ces sujets, le format d'une demi-journée paraît assez rigide, soit insuffisant, soit excessif. L'entretien professionnel semble mieux convenir, par sa régularité, pour transmettre ce type d'informations.
Ces formations n'étant ni qualifiantes ni certifiantes, l'avis sera défavorable.
Bien que je vienne de découvrir l'amendement, je sais pertinemment, pour avoir été employeur, que les entretiens individuels avec les salariés ne permettront jamais de fournir la même information à tous. On peut donc craindre une iniquité de traitement entre les uns et les autres. Même si la qualification n'est ni qualifiante ni diplômante, elle pourrait, à terme, permettre au salarié d'évoluer, de bifurquer dans d'autres directions et d'avoir une vision globale sur son évolution professionnelle, tant au sein de l'entreprise que dans une autre structure. Je maintiens donc l'amendement.
L'amendement no 952 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, pour soutenir l'amendement no 1570 .
Il vise à rendre le CPF accessible aux personnes en situation de handicap. Il s'agit de permettre l'accès de ces personnes à la formation professionnelle, donc à l'emploi, d'autant que leur taux de chômage s'élève à 20 %. Garantir cet accès correspond simplement à la dynamique d'inclusion menée depuis 2005. Nous devons continuer sur ce chemin. Le droit universel à la formation et l'égalité face à l'information sont en jeu.
Il me sera certainement répondu que l'accessibilité des nouveaux sites de communication sera débattue à l'article 44 – et je salue ici le travail effectué en commission, qui a conduit à de grandes avancées – , mais le compte personnel de formation est symbolique car il incarne le droit de choisir son avenir professionnel. Assurer son accès à tous, dès la promulgation de la loi, sans attendre le décret d'application, affirmerait notre attachement à construire, ensemble, une société inclusive. Cela ne laisserait personne en marge de la formation professionnelle.
En somme, vous l'avez compris, je suis pour une République numérique, à condition qu'elle soit juste, égalitaire et qu'elle se fasse garante de la liberté de se former.
Le sujet est important. Il s'agit de prévoir une sanction administrative en cas de manquement de la plateforme aux règles d'accessibilité pour les personnes handicapées. Le régime de droit commun, qui s'applique à la Caisse des dépôts, prévoit déjà des sanctions, qu'elles soient symboliques, comme l'affichage d'un logo de non-conformité sur le site, ou financières. Il n'y a pas lieu, à mon sens, de prévoir un régime dérogatoire. Je vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, l'avis de la commission sera défavorable.
Il est identique. Ce point figure bien évidemment dans le cahier des charges.
L'amendement no 1570 n'est pas adopté.
Rappel au règlement
Je constate que le Gouvernement continue de déposer des amendements au cours de la séance, en l'occurrence à l'article 17.
En vertu de l'article 55, alinéa 6, je le rappelle : « Lorsque le Gouvernement ou la commission saisie au fond ont usage de la faculté qui leur est reconnue par l'article 99, alinéa 2, de déposer un ou plusieurs amendements », ce qui est le cas pour l'amendement qui vient d'être déposé, « un temps supplémentaire est attribué à chaque groupe et aux députés non inscrits ».
Applaudissements sur les bancs des groupes NG et GDR ainsi que parmi les députés non inscrits.
Lorsque l'article 17 sera discuté, les présidents des groupes pourront donc demander ce temps supplémentaire.
Mon rappel au règlement ne visait qu'à demander au Gouvernement d'éviter de déposer des amendements à tous les articles, sans quoi l'examen du texte ne sera pas achevé vendredi.
Ce rappel au règlement est utile puisqu'il nous permet de préciser à nouveau les règles. En effet, à la demande des présidents de groupe, les amendements du Gouvernement déposés hors délai ouvrent un temps supplémentaire pour la discussion de l'article sur lequel l'amendement a été déposé. Désormais, tous les groupes seront systématiquement informés des amendements déposés hors délai par le Gouvernement. Vous avez bien fait, monsieur Vercamer, de nous rappeler cette règle qui, si le Gouvernement souhaitait déposer un grand nombre d'amendements, pourrait considérablement étendre la durée de nos débats…
Article 1er
La parole est à Mme Catherine Fabre, pour soutenir l'amendement no 1134 .
Il vise à inscrire sur la plateforme du CPF les conditions générales d'utilisation, clarification qui concernera à la fois les usagers et les organismes de formation.
L'amendement no 1134 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Sur les amendements identiques suivants, nos 155 et 1280, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 155 .
En cohérence avec un amendement précédent, il s'agit de revenir au CPF en heures et revalorisé selon les crédits négociés par les partenaires sociaux dans l'accord national interprofessionnel – l'ANI – du 22 février 2018, pour l'accompagnement des évolutions professionnelles, l'investissement dans les compétences et le développement de l'alternance.
Contrairement à la revalorisation promise par le Gouvernement – que nous jugeons en trompe-l'oeil, je le répète – par le biais de la monétarisation, cet amendement prévoit une véritable revalorisation des droits, l'alimentation du compte passant de 24 à 35 heures annuelles, dans la limite d'un plafond porté de 150 à 400 heures.
Le dispositif du Gouvernement propose en réalité une formation dégradée quand nous souhaitons la valoriser, pour ne pas se moquer du monde. C'est pour nous une question de principe.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 1280 .
Le passage du CPF en heures au CPF monétisé entraînera une perte de droits pour les salariés. Alors qu'ils bénéficient avec le CPF actuel de 24 heures par an de droits à la formation, ils ne disposeront plus que de 13 heures par an avec le CPF monétisé à 500 euros par an. Dans ces conditions, annoncer que les droits des salariés seront plus importants est un mensonge.
En outre, les 500 euros annuels annoncés sont loin d'équivaloir aux trente-cinq heures souhaitées par les partenaires sociaux. Ce serait le cas si le coût horaire moyen des formations réalisées dans le cadre du CPF était de 14 euros, mais vos propres documents budgétaires l'établissent à 37,80 euros, pour les formations prises en charge par les OPCA.
C'est pourquoi cet amendement vise à préserver le CPF en heures et à le revaloriser à 35 heures par an, conformément à la volonté exprimée par les partenaires sociaux dans l'ANI qu'ils ont signé en février.
Madame la rapporteure, j'entends bien que votre avis est défavorable mais nous aimerions tout de même savoir pourquoi.
Dans un débat parlementaire, il y a un minimum de respect à avoir vis-à-vis de l'opposition et de la représentation nationale dans son ensemble. Nous considérons qu'il y a un certain nombre de droits à défendre. Manifestement, vous en faites table rase. Au nom de quels arguments ? Tout cela ne peut être balayé d'un simple « défavorable ».
Je tiens vraiment à soutenir ces amendements. Ce n'est évidemment pas le CPF qu'il s'agit de remettre en cause mais sa monétisation – le système du type carte bleue dénoncé tout à l'heure par M. Dharréville. Un CPF en nombre d'heures est en effet beaucoup plus adapté qu'une somme que l'on sera incité à consommer, parfois sans véritable objectif. La qualité de la formation doit être déterminante. Voilà pourquoi notre amendement no 155 propose 35 heures par an, dans la limite d'un plafond de 400 heures. Cela nous paraîtrait une belle avancée, d'autant que le travail à temps partiel, tel qu'il est défini dans le projet de loi, serait pris en compte.
Les formations devront permettre de s'adapter aux évolutions du travail, de gagner éventuellement en pouvoir d'achat et d'améliorer ses perspectives d'évolution de carrière. Madame la ministre, vous avez cité tout à l'heure l'exemple d'un éboueur aspirant à devenir chauffeur : il serait beaucoup plus satisfaisant de lui proposer un nombre d'heures de formation.
On tourne autour de la question de la formule du CPF en euros, on y revient sans cesse ; ce qui est certain, c'est que nous allons avoir du mal à vous convaincre de son bien-fondé.
Je vous entends, monsieur Hetzel : il faut un nombre d'heures, quitte à fixer un plafond. Évidemment : c'est un droit qui n'est pas utilisé ; il est facile de créer des heures, d'en rajouter, sachant qu'elles ne sont pas consommées. Mais nous, nous voulons un CPF pour tous ! Nous le transposons en euros pour qu'il soit facile à comprendre et à utiliser.
Nous ne voulons pas un CPF idéalisé, mais un CPF pour tous, qui fonctionne, dont chacun d'entre nous se saisisse. La voilà, la différence !
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 88 |
Nombre de suffrages exprimés | 83 |
Majorité absolue | 42 |
Pour l'adoption | 22 |
contre | 61 |
Nous tentons, depuis le début de cette discussion, de vous convaincre que le passage du CPF en heures au CPF monétisé va entraîner une perte de droits pour les salariés. Je ne reviendrai pas sur la démonstration du coût de l'heure de formation, qui s'élève en réalité à 37,80 euros – et non à 14 euros, comme vous le dites – , selon vos propres documents budgétaires, s'agissant des formations prises en charge par les OPCA.
Malgré notre opposition à la monétisation, nous pensons qu'une revalorisation du plafond du CPF est indispensable. Voilà pourquoi nous proposons de le revaloriser en euros à hauteur des 24 heures par an actuellement en vigueur, soit 900 euros pour les salariés.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 1282 .
Nous ne sommes pas convaincus par la monétisation, mais il faut sauver ce qui peut l'être et allouer les moyens nécessaires à la qualité de la formation, pour l'émancipation, puisque c'est votre discours, on l'a bien compris : formation, émancipation, numérisation, etc.
Nous reprenons donc la proposition des partenaires sociaux, soit 35 heures, multipliées par 37,80 euros – le coût horaire moyen pratiqué. Nous aboutissons ainsi à une monétisation à la hauteur de l'ambition affirmée : 1 300 euros.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Je vois que vous prenez acte du passage au CPF en euros : c'est un premier pas dont je vous remercie !
Protestations sur les bancs du groupe NG.
Par la suite, pourquoi pas un plafond à 2 000 euros ? Dans l'absolu, nous serions certainement tous d'accord sur le principe.
Mais vous savez bien que nous nous devons d'assurer la viabilité du financement dans la perspective d'une ouverture massive des comptes. La commission repousse donc cet amendement.
Votre texte plafonne l'abondement du CPF tant pour les salariés que pour les non-salariés ou les demandeurs d'emploi. En effet, pour les salariés, l'étude d'impact indique que le compte sera alimenté à hauteur de 500 euros par an dans la limite de dix fois ce montant, soit 5 000 euros au total, et, pour les salariés non qualifiés, ce plafond sera porté à 8 000 euros. Plutôt que de prévoir des plafonds, nous vous proposons de garantir des planchers en prévoyant que le plafond ne peut être inférieur à dix fois le montant annuel versé sur le compte.
Cet amendement fragiliserait lui aussi la pérennité financière du dispositif. Je suis donc au regret d'émettre un avis défavorable.
La discussion sur cet amendement montre bien l'embarras du Gouvernement et de la rapporteure.
La monétisation comporte des éléments contradictoires qui vont compliquer le système au lieu de le rendre plus lisible. Personne ne saura à quoi il a droit.
L'amendement no 1281 n'est pas adopté.
Ce point a déjà été débattu tout à l'heure. Il s'agit de réévaluer périodiquement le CPF pour en indexer l'évolution sur l'inflation.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 1151 .
Nous avons précédemment salué les améliorations apportées au compte personnel de formation afin de développer encore davantage le recours au dispositif. Nous relevons cependant une lacune, d'ailleurs pointée par le Conseil d'État dans son avis.
Notre amendement y remédie en introduisant dans le texte un mécanisme permettant de revoir le montant acquis sur le CPF, ce qui n'est actuellement pas prévu. Il est notamment proposé de tenir compte de l'inflation, qui n'a certes pas atteint des niveaux record ces dernières années mais s'est tout de même établie à 1 % en 2017. La périodicité de la révision sera à définir par décret. Il convient que les montants acquis sur le CPF évoluent conformément à la réalité économique, de manière à conserver leur pertinence au fil du temps. Nous sommes nombreux sur ces bancs à avoir identifié cette lacune en commission et nous espérons qu'il pourra y être remédié.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 2016 .
Cet amendement très simple pourrait permettre de dissiper l'embarras du Gouvernement. Nous avons parlé tout à l'heure de revalorisation annuelle compte tenu de l'inflation. Ici, il s'agit simplement de poser en principe la revalorisation annuelle. Voilà une proposition susceptible de convaincre tout le monde, puisqu'elle permet de revaloriser le montant déposé sur le CPF, très insuffisant.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Comme annoncé, je demande leur retrait au bénéfice de l'amendement no 2091 , qui viendra en discussion ultérieurement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 1673 est retiré.
L'amendement no 1151 n'est pas adopté.
L'amendement no 2016 n'est pas adopté.
Le CPF rénové en euros est abondé davantage, à hauteur de 800 euros par an, pour les salariés et demandeurs d'emploi les moins qualifiés, en raison de leur surexposition aux risques de précarité et de chômage. Dans le même esprit, une mesure de justice sociale corrective devrait être introduite concernant les personnes en situation de handicap, dont le taux de chômage atteignait 20 % en 2017, soit deux fois plus que pour l'ensemble de la population active française, et seuls 3,5 d'entre eux étaient employés dans les entreprises du secteur privé, soit largement moins que les obligations légales d'emploi. Selon l'INSEE, le revenu médian des salariés en situation de handicap s'élevait à 18 500 euros en 2017, soit 20 % de moins que celui de l'ensemble de la population active occupée.
L'amendement tend donc à abonder de 1 000 euros par an le CPF des personnes en situation de handicap éligibles au droit individuel à la formation professionnelle, afin d'accroître leur pouvoir d'achat de développement des compétences, eu égard au risque accru de précarité et de chômage auquel elles sont exposées.
La parole est à Mme Justine Benin, pour soutenir l'amendement no 1076 .
L'article 1er dispose que le montant annuel et le plafonnement du compte personnel de formation seront supérieurs pour tous les salariés n'ayant pas suivi une formation sanctionnée par un diplôme classé au niveau V. Compte tenu de l'importance que représente la formation pour l'inclusion des personnes handicapées dans l'emploi, mais aussi de l'investissement, du coût et du temps qu'elle peut nécessiter, il est logique que ces personnes bénéficient des mêmes conditions d'alimentation du CPF que les salariés non qualifiés.
Cet amendement propose donc que le CPF des personnes bénéficiaires de l'obligation d'emploi soit alimenté à son plus haut niveau, en déterminant un montant supérieur à celui fixé pour l'ensemble des salariés. Il est précisé que cette disposition s'applique quelle que soit la durée de travail effectué, afin de ne pas pénaliser les travailleurs handicapés à temps partiel.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Je confirme qu'en cas de temps partiel, le prorata temporis s'appliquera au montant majoré. Les amendements sont donc satisfaits : nous avons voté en commission l'abondement majoré du CPF pour les travailleurs handicapés.
Quant au plafond, il faut rester dans la logique de ce que nous avons prévu par ailleurs : les différents montants et plafonds sont définis par décret.
Je suggère donc un retrait ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1886 .
L'amendement no 1886 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les branches jouent un rôle essentiel en regroupant une partie importante des entreprises, mais elles ne les rassemblent pas toutes : un nombre élevé de petites et moyennes entreprises ou de très petites entreprises ne leur sont pas rattachables ou pas rattachées. À l'avenir, avec la création de nouvelles activités et de nouvelles entreprises, ce nombre ne va cesser de croître, notamment parmi les PME et TPE.
Cet amendement vise à garantir un traitement égalitaire à tous les salariés, notamment ceux des TPE-PME, grâce à un accord interprofessionnel complémentaire qui leur donnerait accès aux mêmes droits que l'accord d'entreprise ou de branche.
Ces entreprises peuvent déjà avoir un accord et donc proposer des modalités d'abondement plus favorables. Par conséquent, la commission repousse cet amendement.
L'amendement no 623 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly