Ces remarques étant faites, j'en viens au fond. D'abord, le projet de loi marque une rupture. Le logement n'est plus un droit : le texte le qualifie désormais de « bien marchand », de « bien d'usage », ou encore de « bien de consommation ». Cette mutation sémantique, loin d'être anecdotique, éclaire la philosophie du projet.
La dérive sémantique ne s'arrête pas là : elle fait de la mobilité le synonyme de la précarité, de la simplification celui de la dérégulation, de la réorganisation des organismes HLM celui du démantèlement.
En rompant avec la mixité entre public et privé de l'économie du logement dans notre pays, vous entendez confier l'essentiel des réponses à la crise du logement au seul marché. Je vous l'ai déjà dit : le marché n'a pas de morale, il est aveugle à l'intérêt général. La force de la loi est justement de lui servir de canne blanche en le régulant. Ce n'est pas ce que fait ce texte qui, par ailleurs, a trop cédé aux lobbies en plusieurs endroits.
C'est ainsi qu'il réduit les normes, notamment en matière d'accessibilité pour les personnes en situation de handicap, soulevant l'indignation et la colère des associations, qu'il réduit le rôle des architectes, qu'il fragilise la protection de notre patrimoine en minimisant le rôle des architectes des bâtiments de France, qu'il affaiblit le pouvoir des maires et qu'il technocratise la prise de décisions. C'est à se demander si les auteurs de ce texte n'ont pas fait preuve d'une amnésie coupable s'agissant de l'histoire de l'urbanisme des barres et des tours.