« Je n'accepte pas de vendre des produits qui donnent le cancer. » Voilà ce que m'a dit Alexandre Berthelot, l'ancien directeur commercial Europe du géant américain Haemonetics, un spécialiste du matériel médical, à la Bourse du Travail mardi. L'un des appareils qu'il vendait est une centrifugeuse utilisée pour les dons du sang, et lui a découvert que ses joints, faits de résine ou de céramique, en s'usant, libéraient des substances cancérigènes qui se retrouvaient dans le sang. Devant ce qui était pour le moins un gros risque, il a sonné l'alarme à l'intérieur de son entreprise, mais la conséquence, pour lui, a été son licenciement pour déloyauté. Guylain Cabantous, délégué CGT de l'Établissement français du sang, et lui – j'aime bien citer les noms des hommes qui, discrètement, font avancer la démocratie et la protège – ont porté plainte et remis au procureur 1 600 pages de documents internes, soit 1 600 pages de pièces confidentielles.
Évidemment la question se pose aujourd'hui : est-ce que ce sera encore possible avec cette loi sur le secret des affaires ? Vous, madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous répondez : « Il n'y a pas de souci, ni pour la presse ni pour les salariés. Circulez, il n'y a rien à voir. Ce sera même mieux pour eux. » Mais de très nombreuses ONG, je pense à Anticor, aux Amis de la terre, et tous les syndicats ou presque – la CFDT, la CGT… – , les associations de journalistes, le Prix Albert-Londres, les sociétés de journalistes de Mediapart, de La Vie, de Radio France ou encore de l'Agence France Presse répondent que non, ce ne sera plus possible. Voici ce qu'ils ont écrit dans une tribune : « Désormais, la loi donnera aux entreprises le pouvoir de poursuivre tous ceux qui oseront révéler des informations sensibles dans l'intérêt général. »