Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes en phase finale d'examen de la proposition de loi relative à la protection du secret des affaires, à l'issue de la commission mixte paritaire qui s'est, le 24 mai dernier, conclue positivement.
C'est sans aucun doute un bon moment pour en rappeler l'essence, au moyen de propos qui seront sans doute plus plats, mais également, sans doute, plus proches de la réalité que ceux qui ont été tenus avant moi.
La protection du secret des affaires fait enfin son entrée dans notre arsenal juridique : cette entrée est consécutive à l'échec, depuis 2011, de deux propositions de loi. Il était donc temps de l'inclure dans notre droit positif.
À l'heure où les contraintes bruxelloises sont souvent vilipendées, reconnaissons, chers collègues, que, sur ce thème, Bruxelles nous a aidés en nous obligeant à sortir de la situation de carence dans laquelle nous aurions pu nous trouver et en nous permettant d'avancer en construisant un dispositif conforme aux évolutions actuelles de notre société.
La proposition de loi définit le secret des affaires comme une information qui doit être connue d'un nombre restreint de personnes, qui a une valeur commerciale effective ou potentielle – et non économique, comme l'aurait souhaité le Sénat, par une extension excessive du champ que nous avions fixé – en raison de son caractère secret, et qui fait l'objet de mesures raisonnables de protection.
L'inscription de cette définition en droit positif – alors qu'elle n'était jusqu'alors que jurisprudentielle – représente sans aucun doute une réelle amélioration de la sécurité juridique des échanges économiques, puisqu'elle permettra d'engager, devant les juridictions civiles et commerciales, des actions de nature à prévenir, faire cesser ou réparer une atteinte au secret des affaires.
Mais, vous le savez bien, l'équilibre fondamental du texte se trouve dans les exceptions à la protection de ce secret, ainsi que dans les sanctions prévues en cas de procédures dilatoires ou abusives. Elles visent, sans ambiguïté, à garantir le respect des droits fondamentaux, en protégeant tout autant la liberté de la presse, les lanceurs d'alerte, les salariés, les syndicats que les représentants du personnel en cas de révélation d'une information pour un motif d'intérêt général.
Pour paraphraser notre cher collègue Dominique Potier, le risque pris est, bien entendu, celui de la liberté. Nous ne souhaitons en effet pas voir se reproduire des situations dont ont pu être victimes des personnes comme Alexandre Berthelot, qui ce matin a été cité à plusieurs reprises.
Il existe, à n'en pas douter, un risque réel que les entreprises multiplient de manière abusive, sur le fondement du non-respect du secret des affaires, les procédures à l'encontre de journalistes, et notamment à l'égard de ceux dont les moyens sont les plus faibles, et ce dans le seul but d'entraver leur recherche d'information.
Le même travail de sape peut évidemment être mené à l'égard des lanceurs d'alerte, comme à l'égard des salariés et de toute personne agissant sur la base d'un intérêt général reconnu.
Chers collègues, c'est toute la force de cette proposition de loi que d'avoir fermement visé l'objectif communautaire de protection économique des entreprises tout en innovant par rapport à une simple logique de transposition à laquelle nous aurions finalement pu nous borner.
Il faut, bien sûr, faire référence à l'introduction, par voie d'amendement de notre rapporteur, de sanctions civiles – dont une amende pouvant s'élever à 20 % du montant des dommages et intérêts demandés – susceptibles d'être prononcées contre les auteurs de manoeuvres dilatoires ou abusives. Le chiffre de 10 millions d'euros, évoqué tout à l'heure par M. Gauvain, donne une bonne idée du risque qu'encourraient les entreprises adoptant de telles pratiques.
La sanction est donc particulièrement dissuasive et fera, sans aucun doute, réfléchir les entreprises ou les particuliers qui pourraient encore être tentés d'attenter, par la menace financière, aux libertés d'expression, de révélation de bonne foi, de communication, plus généralement aux exigences de transparence qui traversent aujourd'hui notre société.
Les rédactions adoptées en première lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat étaient relativement proches, à une exception notable : la chambre haute, pour des motifs rappelés précédemment, tirés d'une analyse constitutionnelle que nous ne partageons pas, entendait supprimer les sanctions prévues en cas de procédure dilatoire ou abusive. C'est donc une mesure emblématique de la proposition de loi, une garantie de son équilibre qui risquait de disparaître, ce qui a très rapidement suscité une incompréhension profonde et de vives réactions de la part de ses bénéficiaires potentiels – preuve, s'il en était besoin, que le travail de fond de l'Assemblée nationale est parfaitement adapté aux circonstances et aux besoins de protection des auteurs de révélations.
Il nous faut, dans ce contexte, d'autant plus saluer le sens des responsabilités et l'excellent travail mené par Raphaël Gauvain et Christophe-André Frassa, les deux rapporteurs, qu'il a permis de parvenir à un accord.
Nous pouvons donc affirmer avec force et fierté, à l'opposé des interprétations parfois superficielles ou tronquées de la volonté du législateur, que ce texte est excellent.