Intervention de Jacques Savatier

Réunion du mardi 5 juin 2018 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Savatier, rapporteur spécial :

La mission Administration générale et territoriale de l'État, qui mobilise environ 3 milliards d'euros, constitue le support budgétaire des moyens du ministère de l'intérieur pour accomplir grâce à quelque 32 000 agents les missions qui lui sont confiées afin de garantir l'exercice des droits des citoyens, d'assurer la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire et de mettre en oeuvre, sur le plan local, les politiques publiques nationales. En comparaison avec l'exercice 2016, l'exécution du budget 2017 s'est traduite par une forte augmentation des ressources mobilisées qui s'explique principalement par deux facteurs : l'élargissement du périmètre de la mission et l'organisation en cours d'année des scrutins majeurs que furent l'élection présidentielle, les élections législatives et les élections sénatoriales.

S'agissant de l'administration territoriale, notons la poursuite du plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG) qui entre dans sa deuxième année. Il est trop tôt pour en tirer des enseignements définitifs, mais sa mise en place est conforme aux prévisions : fermeture des guichets des préfectures qui, jusqu'alors, délivraient les permis de conduire et les cartes grises, et qui font désormais l'objet de téléprocédures ; achèvement de l'installation des centres de ressources et d'expertise des titres ; renforcement des moyens de l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ; création des points d'appui numériques. Les crédits nécessaires au recrutement d'effectifs contractuels ont augmenté dans les services des étrangers des préfectures. Malgré ces efforts, on peut regretter la dégradation sensible de nombreux indicateurs de performance en matière de délivrance des titres.

En 2017, les moyens consacrés à la vie politique, cultuelle et associative ont nettement dépassé les niveaux de 2016, pour les raisons que j'ai évoquées. Le décalage entre les crédits inscrits en loi de finances initiale et les dépenses constatées en fin d'exercice reflète l'impossibilité d'anticiper avec précision le nombre de candidats aux élections, et le choix qui a été fait de refuser la dématérialisation de la propagande électorale. S'agissant de l'adéquation entre les ressources allouées et les moyens utilisés, les crédits consacrés à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et aux partis politiques, à la vie associative et aux cultes n'appellent pas d'observation particulière. La conduite et le pilotage des politiques de l'intérieur traduisent une volonté de rationalisation. Toutefois, ses résultats sont masqués par l'intégration du fonds interministériel de prévention de la délinquance, par l'abandon de l'expérimentation du groupement d'intérêt public « Réinsertion et citoyenneté » et par les difficultés rencontrées pour maîtriser les moyens affectés au contentieux.

Les préoccupations exprimées par la population concernant la question migratoire et l'actualité législative en la matière nous ont incités à consacrer nos travaux de contrôle à l'évaluation des moyens affectés aux services des étrangers des préfectures. L'évolution de leur fonction d'accueil vers cette spécialisation, la réaffectation des ressources libérées par le plan « Préfectures nouvelle génération » et la création des guichets uniques ont produit des résultats contrastés selon les départements. Dans la plupart des cas, ces mesures ne permettent pas une amélioration significative des conditions de travail des agents ni une hausse ressentie et mesurée de l'efficacité des services. Au contraire, la perspective de l'instauration d'un cadre législatif plus exigeant, notamment en matière de respect des délais, conduit à s'interroger sur la capacité qu'ont de nombreuses préfectures à faire face avec sérénité et diligence à des tâches dont leurs employés mesurent mieux que quiconque l'importance sociale et sociétale. Ils témoignent en effet de la complexité croissante des procédures et de leur actualisation récurrente. Ils s'inquiètent en particulier du niveau d'expertise que requièrent le règlement de Dublin et la lutte contre la fraude. Un sentiment de malaise est perceptible ; il se traduit par un phénomène d'absentéisme, par la perte d'attractivité de ces fonctions et par les difficultés rencontrées pour pourvoir les postes vacants. Le recours jugé excessif à des vacataires ne semble pas apporter une réponse suffisante. Si le renforcement des effectifs et la création de plateformes régionales spécifiques contribuent à l'amélioration du dispositif, il semble que des mesures complémentaires pourraient utilement accompagner ces décisions, par exemple en revalorisant les rémunérations sous forme de nouvelles bonifications indiciaires (NBI) et en facilitant le déroulement des carrières, en mobilisant des ressources accrues pour la formation des agents, l'appui en expertise et le travail en réseau, en renouvelant des applications informatiques dont le niveau d'ergonomie est insuffisant pour permettre un traitement rapide et sécurisé des procédures et des dossiers, ou encore en engageant des investissements coordonnés dans les systèmes d'information et dans la numérisation.

La lecture attentive du rapport annuel de performance (RAP), celle de la note d'analyse d'exécution budgétaire produite par la Cour des comptes, ainsi que des échanges avec les agents et usagers des services de préfectures, des rencontres avec les représentants des organisations syndicales, les auditions des responsables administratifs de votre ministère et l'examen de leurs contributions écrites me conduisent à vous poser trois questions, monsieur le ministre.

Première question : en 2017, la mission qui regroupe les moyens des préfectures a été marquée par la poursuite du plan « Préfectures nouvelle génération », dont l'exécution est conforme à la prévision triennale. La mise en place des centres d'expertise et de ressources des titres et le renforcement des moyens de l'ANTS n'ont pas permis d'éviter certains dysfonctionnements affectant la qualité du service rendu aux usagers et la nécessité d'un recours non prévu initialement aux guichets des préfectures qui, en principe, doivent désormais se consacrer à d'autres missions, en particulier à l'accueil des étrangers. À ce stade, quel bilan pouvez-vous tirer de cette réorganisation profonde du réseau territorial du ministère de l'intérieur ? Quelles mesures correctives a-t-il fallu prendre ? Quels engagements pouvons-nous prendre concernant l'efficacité d'un dispositif en cours de consolidation ?

D'autre part, dans un contexte migratoire particulièrement tendu depuis deux ans, les services des préfectures chargés des ressortissants étrangers ont dû mobiliser des moyens supplémentaires. Qu'en est-il de la pérennisation de ces ressources exceptionnelles dans le cadre budgétaire contraint de 2018 ? Quels enseignements pouvons-nous tirer de la mise en place expérimentale des premières plateformes régionales de traitement des procédures relevant du règlement européen dit « Dublin III » ?

Enfin, le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie pourrait se traduire par l'augmentation de l'activité des agents des préfectures. Bon nombre d'entre eux se disent préoccupés quant au sens de leur mission, aux résultats attendus de leur implication et à leur capacité à accomplir les autres missions qui leur sont confiées. Ils s'interrogent sur l'adéquation des moyens qui leur sont octroyés, notamment en matière de reconnaissance, d'expertise, de formation, de travail en réseau, de systèmes d'information et de numérisation. Quelles sont les initiatives prises pour anticiper la mise en oeuvre du futur cadre législatif ?

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