Intervention de Joël Giraud

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 18h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général :

Nous nous livrons à un exercice coutumier mais il prend cette année un tour un peu différent. D'une part, l'exercice 2017 est « à cheval » sur deux législatures. Nous examinons donc le premier projet de loi de règlement portant, en partie, sur une période dont cette majorité et ce Gouvernement sont responsables. D'autre part, cet examen a été plus approfondi que les années précédentes grâce aux commissions d'évaluation des politiques publiques qui se sont tenues pour examiner l'exécution des crédits entrant dans le périmètre de chacun des ministères.

Ce premier « printemps de l'évaluation », a été fertile et intéressant. Je remercie les rapporteurs spéciaux, ainsi que vous-même, monsieur le président, pour en avoir permis l'organisation. Il était important que le Parlement accorde une plus grande attention aux lois de règlement, même si l'exercice est plutôt formel. Auparavant, le temps que l'on y consacrait était inversement proportionnel à la quantité d'informations disponibles à examiner. Grâce aux commissions d'évaluation des politiques publiques, il en va bien différemment – et, bien sûr, elles seront de plus en plus satisfaisantes au fil des années. Voilà qui montre que l'on peut, même sans révision de la Constitution, améliorer le travail parlementaire.

Outre le projet de loi, plusieurs dizaines d'annexes nous sont fournies par le Gouvernement conformément aux prescriptions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : cinquante-deux rapports annuels de performances portant sur les missions du budget général, les comptes d'affectation spéciale, les comptes de concours financiers les comptes de commerce et les comptes d'opérations monétaires ; sept annexes qui développent l'examen des crédits et présentent l'exécution des comptes de commerce et des comptes d'opérations monétaires ; deux annexes qui développent l'examen des opérations liées au budget général, ainsi qu'aux comptes spéciaux et aux budgets annexes ; le compte général de l'État – 300 pages – et son rapport de présentation, le rapport sur le contrôle interne comptable de l'État et de ses organismes publics, ainsi que la balance générale des comptes de l'État. À cela, il faut ajouter tous les documents produits par la Cour des comptes, qui ont fait l'objet d'analyses plus précises en commission d'évaluation des politiques publiques. Les rapporteurs spéciaux mais aussi nos autres collègues, membres de cette commission ou d'autres, ont pu examiner non seulement son rapport sur l'exécution du budget mais aussi les soixante-six notes d'analyse de l'exécution budgétaire, les NEB. Au total, cela représente plusieurs milliers de pages. Il était donc vraiment nécessaire que nous prenions le temps d'examiner en commission ces informations, qui nous permettront in fine d'améliorer l'efficience des politiques publiques.

La loi de règlement comprend sept articles sur lesquels nous allons voter les uns après les autres : un article liminaire, d'abord, qui porte sur le déficit public, c'est-à-dire le solde en comptabilité nationale de l'ensemble des administrations publiques, à savoir l'État mais aussi les administrations de sécurité sociale et les administrations locales ; six autres articles qui portent sur le seul budget de l'État en comptabilité budgétaire, budget de l'État qui constitue l'objet essentiel de la loi de règlement. Celle-ci est à l'État ce que le compte administratif est aux collectivités territoriales.

L'article liminaire fait état d'un déficit public de 2,6 % du produit intérieur brut (PIB) en 2017. La baisse du déficit se poursuit depuis le point haut atteint en 2009. Après avoir ralenti de 2013 à 2016, le rythme de la baisse accélère nettement en 2017 : nous avons fait plus en un an qu'au cours des quatre années précédentes.

Le déficit structurel est actuellement évalué à 2,2 % du PIB sur la base des hypothèses d'écart de production et de croissance potentielle que nous avons longuement discutées à l'occasion de l'adoption de la loi de programmation des finances publiques. J'émettrai donc un avis défavorable sur tous les amendements par lesquels un autre mode de calcul du déficit structurel est proposé. Pour mémoire, si nous avions conservé les hypothèses qui avaient cours sous l'ancienne législature, jugées peu réalistes par le Haut Conseil des finances publiques, le déficit structurel se limiterait à 1 % du PIB.

L'État, c'est un fait, porte la quasi-totalité du déficit public puisque les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale sont en excédent. Son déficit budgétaire est de 67,7 milliards d'euros. Il provient du budget général à hauteur de 73,3 milliards d'euros, les budgets annexes et les comptes spéciaux étant, quant à eux, en excédent, principalement grâce à la création du nouveau compte de commerce Soutien financier au commerce extérieur, qui a permis à l'État de bénéficier en recettes de la trésorerie qu'il détenait à la Coface, soit un montant de 4,1 milliards d'euros.

L'examen d'un projet de loi de règlement est l'occasion de répondre à deux questions. Premièrement, d'exécution à exécution, la situation s'améliore-t-elle ? Deuxièmement, les objectifs fixés par le législateur en loi de finances initiale, voire en lois de finances rectificatives, ont-ils été atteints ? En l'occurrence, la réponse aux deux questions est : oui. Le déficit budgétaire est en baisse et il est moindre que ne le prévoyaient la loi de finances initiale et les deux lois de finances rectificatives.

Certes, la Cour des comptes a estimé que le déficit budgétaire de l'État « ne se réduit pas significativement » en 2017, puisque la baisse se limite à 1,4 milliard d'euros, mais cela est conforme aux prévisions. Le déficit budgétaire prévu en loi de finances initiale pour 2017 était de 69,3 milliards d'euros. Le déficit est moins élevé de 1,6 milliard d'euros. J'ajoute que le déficit de l'État s'est réduit de 20 milliards d'euros depuis 2012, alors que celui-ci prend en charge l'intégralité du pacte de responsabilité et de solidarité adopté au cours de la précédente législature.

En 2017, les recettes nettes du budget général se sont élevées à 309,5 milliards d'euros, dont 295,6 milliards d'euros de recettes fiscales nettes. Elles sont supérieures de 9,2 milliards d'euros à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale. Les dépenses nettes du budget général ont été de 382,8 milliards d'euros, soit 322,6 milliards d'euros auxquels s'ajoutent les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne, pour 16,4 milliards d'euros, et des collectivités territoriales, pour 43,8 milliards d'euros.

Les recettes sont supérieures aux prévisions surtout en raison de la TVA et de l'impôt sur les sociétés. Elles ont été tirées par une croissance économique plus forte que prévu. Il est à noter que les deux contributions exceptionnelles créées à la suite de l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxe de 3 % sur les revenus distribués ont permis un rendement supplémentaire d'impôt sur les sociétés de 4,9 milliards d'euros.

C'est l'importance de l'évolution spontanée qui explique l'accroissement des recettes fiscales d'une année sur l'autre. Cela a plus que compensé le fait que la base 2016 s'est révélée légèrement plus faible que ce qui avait été anticipé ainsi que le coût des mesures fiscales, qui intègre la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, d'un montant de 2,3 milliards d'euros, et la réduction d'impôt sur le revenu, d'un montant de 1 milliard d'euros.

Quant aux dépenses, auxquelles sont intégrés les prélèvements sur recettes, elles sont en légère augmentation par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Cela résulte principalement d'économies de constatation, dont 2,9 milliards d'euros sur les prélèvements sur recettes et 0,4 milliard d'euros sur le compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions.

En incluant les annulations de crédits proposées par le présent projet de loi de règlement, les dépenses ressortent à 382,8 milliards d'euros.

Ces économies de constatation permettent un quasi-respect des règles de dépenses applicables à l'État. Ainsi, sur le périmètre en valeur, les dépenses sont supérieures de 0,4 milliard d'euros, tandis que, sur le périmètre en volume, l'exécution 2017 ressort à 390,9 milliards d'euros, en ligne avec la prévision de la loi de finances initiale.

Par rapport à 2016, les dépenses du budget général les plus dynamiques sont les dépenses de personnel et les dépenses d'intervention ; elles progressent chacune de 4,4 milliards d'euros. En revanche, les dépenses d'investissement sont stables entre 2016 et 2017 et en fort recul par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.

Au total, les dépenses nettes du budget général de l'État sont dynamiques, elles progressent de 10 milliards d'euros par rapport à 2016. Cela contribue à l'augmentation de l'endettement de l'État, qui progresse même plus rapidement en 2017 que lors des deux exercices précédents. Cela résulte aussi d'un niveau plus faible de primes à l'émission – 10,5 milliards d'euros en 2017 –, qui réduit la capacité de rachat de titres de court terme et donc le stock de ces titres de dette.

Cette dynamique haussière se retrouve également en matière d'effectifs. L'État a de nouveau créé des postes en 2017, conformément aux engagements pris par le précédent gouvernement. Ainsi, 11 688 postes ont été créés, dont environ 80 % dans l'éducation nationale – 9 665 postes exactement –, même si tous les postes dont la création avait été annoncée au début du précédent quinquennat n'ont pas été pourvus. Les autres ministères bénéficiaires nets sont la justice, l'intérieur et la défense.

Pour terminer, je rappelle l'existence de la comptabilité générale de l'État, qui offre une présentation différente de celle que nous venons d'examiner. Elle est établie selon le principe des droits constatés comme pour une entreprise. Elle est encore perfectible puisqu'elle fait l'objet de quatre réserves substantielles de la Cour des comptes, mais elle s'améliore – je vous rappelle qu'à sa création en 2006 elle faisait l'objet de treize réserves. Cette comptabilité générale est commentée dans mon rapport écrit qui sera publié en fin de semaine. Elle offre aussi beaucoup d'informations intéressantes sur la situation patrimoniale de l'État. Elle nous apprend, par exemple, que la situation nette de l'État est négative, à hauteur de 1 260 milliards d'euros.

Je termine sur ce constat pour rappeler l'impérieuse nécessité de réussir le rétablissement des comptes publics sous ce quinquennat.

En attendant, je vous invite à adopter le présent projet de loi de règlement sans modification, ce qui n'est, après tout, qu'une « loi des comptes ». On peut changer l'avenir, difficilement le passé.

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