Présidence
La commission examine le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017 (n° 980) (M. Joël Giraud, rapporteur général).
Nous nous livrons à un exercice coutumier mais il prend cette année un tour un peu différent. D'une part, l'exercice 2017 est « à cheval » sur deux législatures. Nous examinons donc le premier projet de loi de règlement portant, en partie, sur une période dont cette majorité et ce Gouvernement sont responsables. D'autre part, cet examen a été plus approfondi que les années précédentes grâce aux commissions d'évaluation des politiques publiques qui se sont tenues pour examiner l'exécution des crédits entrant dans le périmètre de chacun des ministères.
Ce premier « printemps de l'évaluation », a été fertile et intéressant. Je remercie les rapporteurs spéciaux, ainsi que vous-même, monsieur le président, pour en avoir permis l'organisation. Il était important que le Parlement accorde une plus grande attention aux lois de règlement, même si l'exercice est plutôt formel. Auparavant, le temps que l'on y consacrait était inversement proportionnel à la quantité d'informations disponibles à examiner. Grâce aux commissions d'évaluation des politiques publiques, il en va bien différemment – et, bien sûr, elles seront de plus en plus satisfaisantes au fil des années. Voilà qui montre que l'on peut, même sans révision de la Constitution, améliorer le travail parlementaire.
Outre le projet de loi, plusieurs dizaines d'annexes nous sont fournies par le Gouvernement conformément aux prescriptions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : cinquante-deux rapports annuels de performances portant sur les missions du budget général, les comptes d'affectation spéciale, les comptes de concours financiers les comptes de commerce et les comptes d'opérations monétaires ; sept annexes qui développent l'examen des crédits et présentent l'exécution des comptes de commerce et des comptes d'opérations monétaires ; deux annexes qui développent l'examen des opérations liées au budget général, ainsi qu'aux comptes spéciaux et aux budgets annexes ; le compte général de l'État – 300 pages – et son rapport de présentation, le rapport sur le contrôle interne comptable de l'État et de ses organismes publics, ainsi que la balance générale des comptes de l'État. À cela, il faut ajouter tous les documents produits par la Cour des comptes, qui ont fait l'objet d'analyses plus précises en commission d'évaluation des politiques publiques. Les rapporteurs spéciaux mais aussi nos autres collègues, membres de cette commission ou d'autres, ont pu examiner non seulement son rapport sur l'exécution du budget mais aussi les soixante-six notes d'analyse de l'exécution budgétaire, les NEB. Au total, cela représente plusieurs milliers de pages. Il était donc vraiment nécessaire que nous prenions le temps d'examiner en commission ces informations, qui nous permettront in fine d'améliorer l'efficience des politiques publiques.
La loi de règlement comprend sept articles sur lesquels nous allons voter les uns après les autres : un article liminaire, d'abord, qui porte sur le déficit public, c'est-à-dire le solde en comptabilité nationale de l'ensemble des administrations publiques, à savoir l'État mais aussi les administrations de sécurité sociale et les administrations locales ; six autres articles qui portent sur le seul budget de l'État en comptabilité budgétaire, budget de l'État qui constitue l'objet essentiel de la loi de règlement. Celle-ci est à l'État ce que le compte administratif est aux collectivités territoriales.
L'article liminaire fait état d'un déficit public de 2,6 % du produit intérieur brut (PIB) en 2017. La baisse du déficit se poursuit depuis le point haut atteint en 2009. Après avoir ralenti de 2013 à 2016, le rythme de la baisse accélère nettement en 2017 : nous avons fait plus en un an qu'au cours des quatre années précédentes.
Le déficit structurel est actuellement évalué à 2,2 % du PIB sur la base des hypothèses d'écart de production et de croissance potentielle que nous avons longuement discutées à l'occasion de l'adoption de la loi de programmation des finances publiques. J'émettrai donc un avis défavorable sur tous les amendements par lesquels un autre mode de calcul du déficit structurel est proposé. Pour mémoire, si nous avions conservé les hypothèses qui avaient cours sous l'ancienne législature, jugées peu réalistes par le Haut Conseil des finances publiques, le déficit structurel se limiterait à 1 % du PIB.
L'État, c'est un fait, porte la quasi-totalité du déficit public puisque les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale sont en excédent. Son déficit budgétaire est de 67,7 milliards d'euros. Il provient du budget général à hauteur de 73,3 milliards d'euros, les budgets annexes et les comptes spéciaux étant, quant à eux, en excédent, principalement grâce à la création du nouveau compte de commerce Soutien financier au commerce extérieur, qui a permis à l'État de bénéficier en recettes de la trésorerie qu'il détenait à la Coface, soit un montant de 4,1 milliards d'euros.
L'examen d'un projet de loi de règlement est l'occasion de répondre à deux questions. Premièrement, d'exécution à exécution, la situation s'améliore-t-elle ? Deuxièmement, les objectifs fixés par le législateur en loi de finances initiale, voire en lois de finances rectificatives, ont-ils été atteints ? En l'occurrence, la réponse aux deux questions est : oui. Le déficit budgétaire est en baisse et il est moindre que ne le prévoyaient la loi de finances initiale et les deux lois de finances rectificatives.
Certes, la Cour des comptes a estimé que le déficit budgétaire de l'État « ne se réduit pas significativement » en 2017, puisque la baisse se limite à 1,4 milliard d'euros, mais cela est conforme aux prévisions. Le déficit budgétaire prévu en loi de finances initiale pour 2017 était de 69,3 milliards d'euros. Le déficit est moins élevé de 1,6 milliard d'euros. J'ajoute que le déficit de l'État s'est réduit de 20 milliards d'euros depuis 2012, alors que celui-ci prend en charge l'intégralité du pacte de responsabilité et de solidarité adopté au cours de la précédente législature.
En 2017, les recettes nettes du budget général se sont élevées à 309,5 milliards d'euros, dont 295,6 milliards d'euros de recettes fiscales nettes. Elles sont supérieures de 9,2 milliards d'euros à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale. Les dépenses nettes du budget général ont été de 382,8 milliards d'euros, soit 322,6 milliards d'euros auxquels s'ajoutent les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne, pour 16,4 milliards d'euros, et des collectivités territoriales, pour 43,8 milliards d'euros.
Les recettes sont supérieures aux prévisions surtout en raison de la TVA et de l'impôt sur les sociétés. Elles ont été tirées par une croissance économique plus forte que prévu. Il est à noter que les deux contributions exceptionnelles créées à la suite de l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxe de 3 % sur les revenus distribués ont permis un rendement supplémentaire d'impôt sur les sociétés de 4,9 milliards d'euros.
C'est l'importance de l'évolution spontanée qui explique l'accroissement des recettes fiscales d'une année sur l'autre. Cela a plus que compensé le fait que la base 2016 s'est révélée légèrement plus faible que ce qui avait été anticipé ainsi que le coût des mesures fiscales, qui intègre la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, d'un montant de 2,3 milliards d'euros, et la réduction d'impôt sur le revenu, d'un montant de 1 milliard d'euros.
Quant aux dépenses, auxquelles sont intégrés les prélèvements sur recettes, elles sont en légère augmentation par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Cela résulte principalement d'économies de constatation, dont 2,9 milliards d'euros sur les prélèvements sur recettes et 0,4 milliard d'euros sur le compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions.
En incluant les annulations de crédits proposées par le présent projet de loi de règlement, les dépenses ressortent à 382,8 milliards d'euros.
Ces économies de constatation permettent un quasi-respect des règles de dépenses applicables à l'État. Ainsi, sur le périmètre en valeur, les dépenses sont supérieures de 0,4 milliard d'euros, tandis que, sur le périmètre en volume, l'exécution 2017 ressort à 390,9 milliards d'euros, en ligne avec la prévision de la loi de finances initiale.
Par rapport à 2016, les dépenses du budget général les plus dynamiques sont les dépenses de personnel et les dépenses d'intervention ; elles progressent chacune de 4,4 milliards d'euros. En revanche, les dépenses d'investissement sont stables entre 2016 et 2017 et en fort recul par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.
Au total, les dépenses nettes du budget général de l'État sont dynamiques, elles progressent de 10 milliards d'euros par rapport à 2016. Cela contribue à l'augmentation de l'endettement de l'État, qui progresse même plus rapidement en 2017 que lors des deux exercices précédents. Cela résulte aussi d'un niveau plus faible de primes à l'émission – 10,5 milliards d'euros en 2017 –, qui réduit la capacité de rachat de titres de court terme et donc le stock de ces titres de dette.
Cette dynamique haussière se retrouve également en matière d'effectifs. L'État a de nouveau créé des postes en 2017, conformément aux engagements pris par le précédent gouvernement. Ainsi, 11 688 postes ont été créés, dont environ 80 % dans l'éducation nationale – 9 665 postes exactement –, même si tous les postes dont la création avait été annoncée au début du précédent quinquennat n'ont pas été pourvus. Les autres ministères bénéficiaires nets sont la justice, l'intérieur et la défense.
Pour terminer, je rappelle l'existence de la comptabilité générale de l'État, qui offre une présentation différente de celle que nous venons d'examiner. Elle est établie selon le principe des droits constatés comme pour une entreprise. Elle est encore perfectible puisqu'elle fait l'objet de quatre réserves substantielles de la Cour des comptes, mais elle s'améliore – je vous rappelle qu'à sa création en 2006 elle faisait l'objet de treize réserves. Cette comptabilité générale est commentée dans mon rapport écrit qui sera publié en fin de semaine. Elle offre aussi beaucoup d'informations intéressantes sur la situation patrimoniale de l'État. Elle nous apprend, par exemple, que la situation nette de l'État est négative, à hauteur de 1 260 milliards d'euros.
Je termine sur ce constat pour rappeler l'impérieuse nécessité de réussir le rétablissement des comptes publics sous ce quinquennat.
En attendant, je vous invite à adopter le présent projet de loi de règlement sans modification, ce qui n'est, après tout, qu'une « loi des comptes ». On peut changer l'avenir, difficilement le passé.
La commission en vient à l'examen des articles.
Article liminaire : Solde structurel et solde effectif de l'ensemble des administrations publiques de l'année 2017
La commission se saisit de l'amendement CF3 de M. Charles de Courson.
Le 6 octobre dernier, le Conseil constitutionnel annulait la fameuse taxe de 3 % sur les dividendes. Entre remboursement des sommes perçues et pénalités, le coût de cette annulation s'élève à une dizaine de milliards d'euros. À la suite du vote d'une recette exceptionnelle de 5 milliards d'euros, nous avons imputé sur le budget 2017 5 milliards d'euros en recettes et 5 milliards d'euros en dépenses. Les 5 milliards d'euros résiduels de remboursement sont imputés sur le budget 2018 – il s'agissait d'éviter que les déficits ne soient supérieurs à 3 % du PIB. Cependant, grâce aux recettes supplémentaires, nos déficits auraient été inférieurs à 3 % du PIB même si nous avions imputé la totalité des remboursements sur le budget 2017, ce qui m'aurait paru logique, puisque les remboursements sont bien liés à l'exercice 2017, et la contrainte pesant sur le budget 2018 en aurait été allégée d'autant.
Par cet amendement, je vous propose donc d'intégrer la totalité du coût de l'annulation de la taxe sur les dividendes à l'exercice 2017 – cela rendra service au Gouvernement en 2018.
Je suis défavorable pour une seule et unique raison.
Le déficit public est arrêté par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) selon les règles de la comptabilité nationale. En application de celles-ci, il a estimé que les remboursements devaient être rattachés à l'exercice auquel ils ont effectivement été versés. La méthode de comptabilisation retenue est analogue à celle appliquée aux précédents contentieux fiscaux de série. De surcroît, Eurostat n'a pas contredit l'INSEE. Je propose donc que l'on en reste aux chiffres de l'INSEE.
J'ai cru comprendre, dans la déclaration du directeur général de l'INSEE, qu'il y avait des discussions avec Eurostat, dont on ne sait pas encore quelle sera la position définitive.
C'est la question du traitement de la recapitalisation de l'ex-Areva qui n'est pas tranchée.
Pour leur part, les députés du groupe La France insoumise s'abstiendront, car il s'agit d'une décision assez technique. Je rappelle simplement que nous étions opposés à ce remboursement, qui permet d'exonérer des gens qui n'ont pas besoin de l'être. Nous avions proposé, surtout, de doubler la contribution exceptionnelle des entreprises, au lieu de faire payer par tous les Français un remboursement qui ne favorisera que ces mêmes entreprises.
La solution que vous proposez, cher collègue de Courson, est tentante, et il serait facile de s'y rallier, mais je pense que nous devons nous en tenir à ce que l'INSEE nous a proposé et à l'engagement que nous avions pris au départ.
Par ailleurs, cher collègue Coquerel, je ne vois pas en quoi une surtaxe d'impôt sur les sociétés avantage les entreprises qui ont dû s'en acquitter.
Je ne crois pas que M. Coquerel ait parlé d'avantage, mais peut-être sommes-nous suffisamment éclairés sur cet amendement qui a le mérite de la clarté et de la simplicité.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article liminaire sans modification.
Article 1er : Résultats du budget de l'année 2017
La commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 : Tableau de financement de l'année 2017
La commission adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 : Résultat de l'exercice 2017 Affectation au bilan et approbation du bilan et de l'annexe
La commission adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 : Budget général – Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement
La commission adopte l'article 4 sans modification.
Article 5 : Budgets annexes – Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement
La commission adopte l'article 5 sans modification.
Article 6 : Comptes spéciaux – Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés. Affectation des soldes
La commission adopte l'article 6 sans modification.
Après l'article 6
La commission examine, en discussion commune, l'amendement CF2 de M. Charles de Courson et l'amendement CF5 de M. Michel Castellani.
Cet amendement vise à ce que l'avis du Conseil d'État relatif aux décrets d'avance soit communiqué aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances.
Au cours de la précédente législature, pour la première fois, un projet de décret d'avance a été contesté par notre commission des finances, à la suite de quoi le gouvernement de l'époque l'a modifié, mais nous ne disposions pas de l'avis que rend obligatoirement le Conseil d'État en vertu de l'article 13 de la LOLF. Il s'agit de veiller à la bonne information du Parlement.
Mon amendement étant presque identique, je ne renchérirai pas, mais nous avons évidemment le souci d'améliorer l'efficacité du contrôle des finances de l'État par les parlementaires.
Du point de vue de l'information du Parlement, je déplore tout autant que vous, chers collègues, que cet avis ne nous soit pas communiqué, mais, d'un point de vue juridique, le législateur « ordinaire » contreviendrait au principe de séparation des pouvoirs s'il imposait que lui soient transmis certains avis du Conseil d'État, qui sont réservés, de par la Constitution, au Gouvernement.
Je suis donc contraint d'émettre un avis défavorable.
Je conteste l'argumentaire de M. le rapporteur général. C'est la loi organique qui a prévu – c'est un cas unique – que les décrets d'avance soient soumis à l'avis préalable des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il ne me paraît pas possible d'invoquer la séparation des pouvoirs pour repousser cet amendement car c'est la loi organique qui a donné ce pouvoir à nos commissions. Au contraire, en l'adoptant, nous inciterions vraiment le Gouvernement à communiquer au Parlement cet avis. Il faut arrêter de se cacher derrière son petit doigt !
Je suis absolument favorable à ces amendements, qui tendent à améliorer l'information du Parlement. Cela me semble d'une telle évidence que je ne comprendrais pas qu'une telle disposition ne soit pas adoptée.
Je maintiens mon avis juridique. La loi organique ne prévoit que la transmission de simples projets de décret et notre avis n'est pas contraignant pour le Gouvernement. Nulle atteinte à la séparation des pouvoirs en l'espèce. J'observe simplement que notre collègue de Courson a de la suite dans les idées, puisqu'il a déjà proposé cet amendement dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement de l'exercice 2015.
Je soutiendrai cet amendement parce qu'il me paraît important qu'un avis de cette nature soit communiqué aux assemblées.
C'est d'autant plus important que l'avis est généralement communiqué à la presse. Je remercie les journalistes qui assistent à notre réunion de nous tenir informés. En général, ils nous appellent pour nous demander si nous avons l'avis du Conseil d'État et nous répondons évidemment que ce n'est pas le cas. Ce n'est qu'ensuite que nous le lisons...
Comment considérer, monsieur le rapporteur général, qu'une telle mesure visant à l'information du Parlement dans le cadre de ses travaux législatifs relève du pouvoir réglementaire ? Le Parlement doit être informé, conformément à la loi organique. Cela fait vraiment partie du champ de la loi.
L'argument de M. le rapporteur général ne tient pas parce que, si nous extrapolions, nous ne devrions même pas recevoir les documents de la Cour des comptes !
Les députés du groupe Nouvelle Gauche voteront également cet amendement qui va dans le bon sens à l'heure où nous voulons, avec le printemps de l'évaluation, donner plus de moyens au Parlement.
C'est en vertu de l'article 47-2 de la Constitution que la Cour des comptes nous assiste, chers collègues. La mesure de transmission de l'avis du Conseil d'État, qui n'est pas la Cour des comptes, ne relève pas du pouvoir réglementaire mais de la Constitution. Si vous souhaitez modifier quelque chose, je vous invite donc à le faire dans le cadre de la révision constitutionnelle. Vous modifieriez alors les conditions dans lesquelles l'avis du Conseil d'État peut être porté à notre connaissance – d'ailleurs, il est postérieur aux avis rendus par les commissions des finances.
La commission rejette successivement les amendements CF2 et CF5.
Puis elle se saisit de l'amendement CF4 de M. Charles de Courson.
Cet amendement est d'une portée plus générale que l'amendement CF2. Il vise en effet à ce que l'avis du Conseil d'État relatif aux projets de lois de finances nous soit communiqué. Il s'agit toujours d'améliorer notre procédure parlementaire.
Je suis défavorable à cet amendement comme aux amendements CF2 et CF5, pour les mêmes raisons.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF1 de M. Charles de Courson et CF6 de M. Michel Castellani.
En vertu des textes en vigueur, le Haut Conseil des finances publiques nous donne son avis sur les perspectives économiques et leurs conséquences sur les recettes mais pas sur les dépenses. Il ne se prononce pas non plus sur la question de savoir si les crédits ouverts atteignent le niveau nécessaire à la réalisation des missions de service public concernées.
Il serait intéressant que la commission des finances dispose d'une évaluation tout à fait indépendante. Elle ferait probablement ressortir, comme d'habitude, l'ordre de grandeur de la sous-évaluation des opérations extérieures (OPEX), voire de certaines dépenses sociales.
Il s'agit de parvenir à plus de sincérité. Cela ne pose pas de problème, d'ailleurs, au gouvernement actuel, qui s'est engagé à ce que le niveau des crédits ouverts corresponde aux besoins tels qu'ils peuvent raisonnablement être estimés.
L'amendement CF6 procède de la même logique que celui que M. de Courson vient de défendre. Le Haut Conseil des finances publiques remplit une mission de contrôle a posteriori. Je propose un double contrôle, l'objectif étant de parvenir à une meilleure prévision et un meilleur suivi de l'exécution des budgets.
Je suis défavorable à ces amendements, pour plusieurs raisons.
Premièrement, les missions du Haut Conseil des finances publiques sont définies par la loi organique du 17 décembre 2012. Elle dispose précisément que le Haut Conseil rend un avis sur les prévisions macroéconomiques et sur la cohérence d'évolution du solde structurel au regard des hypothèses de croissance potentielle et d'écart de production.
Deuxièmement, juger de l'adéquation des moyens aux missions relève soit d'une appréciation politique, à laquelle chacun des membres de notre commission peut se livrer, soit d'une mission d'évaluation ou de contrôle.
Le débat a déjà eu lieu plusieurs fois ici et, effectivement, comme le rappelait le rapporteur général, la question relève plutôt du législateur organique.
Surtout, avec le « printemps de l'évaluation » et en permettant aux rapporteurs spéciaux d'avoir des relations plus étroites avec la Cour des comptes, en leur donnant plus d'expertise et plus de moyens d'évaluation, nous essayons bien de faire en sorte qu'ils soient plus à même de juger, avec l'appui de la Cour des comptes et des différentes administrations, de la sincérité des budgets qui leur seront proposés lors de l'examen de la prochaine loi de finances initiale.
Nous essayons d'approfondir nos relations avec la Cour des comptes pour pouvoir, en tant que rapporteurs spéciaux, de manière experte et précise, atteindre le même objectif. D'ailleurs, la Cour des comptes est bien membre du Haut Conseil. Il me semble beaucoup plus utile d'y recourir individuellement, pour nos rapports spéciaux, plutôt que de manière collective : elle nous donnerait un chiffre d'ensemble dont il serait ensuite difficile de tirer quelque chose politiquement.
L'exercice inauguré cette année a un potentiel. Avec ces dix-huit commissions qui se sont réunies, nous pouvons aller au-delà de la loi de règlement qu'il s'agissait de préparer. Elles peuvent permettre d'envisager une politique dans sa globalité, sur plusieurs années. Nous allons en tirer profit au cours des prochaines années. Nous aurons alors l'occasion de donner notre opinion, en liaison avec la Cour des comptes, sur le niveau d'une budgétisation – son niveau effectif et le niveau qui devrait être le sien pour mener une politique efficiente.
Je suis d'accord avec le rapporteur général et Mme de Montchalin, mais pas avec M. de Courson. La loi organique fixe très clairement les missions du Haut Conseil. D'autre part, il serait singulier que nous organisions une sorte de concurrence entre le Haut Conseil des finances publiques et la Cour des comptes, dont les missions sont très différentes. La curiosité est simplement que le Haut Conseil est chargé d'évaluer la vraisemblance des hypothèses de croissance, tout en se gardant bien de dire que ses membres font eux-mêmes des travaux d'évaluation. Ils en sont donc un peu réduits à produire le consensus.
Je rejoins les précédents orateurs. Le Haut Conseil des finances publiques n'a pas du tout vocation à juger de l'opportunité des lignes de dépenses budgétaires de chaque ministère, ce n'est pas son rôle, mais la Cour des comptes peut le faire. Par ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques ne dépend pas de la Cour des comptes, il est placé auprès d'elle. Les deux sont indépendants. Votre erreur d'interprétation, chère collègue de Montchalin, tient sans doute au fait que le Haut Conseil est présidé par le Premier président de la Cour des comptes, mais les deux organismes travaillent indépendamment l'un de l'autre, ils n'ont pas du tout la même fonction ni la même vocation.
Autant le précédent amendement avait du sens, autant celui-ci ne nous paraît pas pertinent et ne recueillera pas les suffrages du groupe Les Républicains.
Il me semble que le rapport rendu par le Haut Conseil à l'automne 2017 avait tout de même été un peu au-delà du cadre défini par la loi organique. Il avait – très légèrement – abordé la question des dépenses publiques. Il faudrait vérifier.
Distinguons les deux arguments. Je souscris à l'argument juridique, et mon amendement, que je redéposerai lorsque nous examinerons le projet de loi organique qui nous sera bientôt soumis, visait à obtenir la position de la commission sur le fond.
Il s'agit non pas de juger de l'opportunité de la dépense mais simplement de savoir si les dotations inscrites en loi de finances initiale sont suffisantes. Prenez les OPEX ! Depuis vingt-cinq ans que je suis député, la dotation est toujours inférieure au montant nécessaire, parfois de moitié, parfois même des deux tiers. C'est inacceptable ! Il en va de même pour certaines dépenses sociales et toute une série de dispositifs, délibérément sous-dotés pour « boucler » la loi de finances. On sous-dote, et puis on verra plus tard, on fera des économies ! Ce n'est pas du travail. Voyez le détournement de la réserve, dont nous avons discuté avec la Cour des comptes.
Il s'agirait donc de prévoir, lors de la réforme de la procédure budgétaire, un contrôle au moment de la discussion de la loi de finances pour informer le Parlement d'une sous-évaluation des crédits nécessaires – ou, éventuellement, de leur sur-évaluation.
Je retire cet amendement, mais j'aimerais connaître la position du rapporteur général sur le fond.
J'exprimerai ma position si ce point est abordé lors de l'examen de la réforme de la procédure budgétaire.
Les amendements CF1 et CF6 sont retirés.
La commission se saisit de l'amendement CF8 de M. Michel Castellani.
Je suggère de créer une commission mixte de sénateurs et de députés qui aurait pour mission d'évaluer précisément le dispositif du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Nous savons très bien que cette première dépense fiscale de l'État est l'objet d'un débat, et le rapport de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui estime à 125 000 le nombre d'emplois sauvés par ce dispositif d'un coût évalué à 20 ou 21 milliards d'euros, a retenu notre attention. Il y a quand même un problème quelque part !
Nous suggérons donc qu'une commission examine l'impact réel du CICE.
Vous proposez de créer une commission mixte de sénateurs et de députés pour évaluer le CICE mais la réalisation de tels travaux de contrôle entre déjà dans leurs prérogatives. Il y a des missions d'information et une mission d'évaluation et de contrôle.
D'autre part, un rapport est publié chaque année par le comité de suivi du CICE.
Votre amendement me paraît donc superfétatoire, cher collègue.
Je suis toujours assez favorable aux propositions visant à évaluer le CICE, même si un certain nombre de rapports ont déjà été rendus, tous défavorables au dispositif ! La conclusion du plus favorable d'entre eux est que 100 000 emplois ont été créés. Nous sommes très loin du million d'emplois du MEDEF !
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CF9 de M. Michel Castellani.
Un certain nombre de réformes affectent directement les ressources des communes et intercommunalités. Les auteurs de cet amendement demandent un rapport qui permette d'évaluer précisément l'impact des transferts de compétences sur les finances locales.
Je comprends l'inquiétude des collectivités face aux modifications en cours de la fiscalité locale. Cependant, le code général des collectivités territoriales encadre déjà strictement la compensation financière des transferts de compétences, et la commission consultative sur l'évaluation des charges du Comité des finances locales (CFL) établit, à l'intention du Parlement et à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, un bilan sur l'évolution des charges transférées aux collectivités. Nous disposons donc déjà d'éléments. D'autre part, une annexe au projet de loi de finances est consacrée aux transferts financiers de l'État aux collectivités. Je reconnais que la mission Relations avec les collectivités territoriales ne retrace pas tout, mais un « jaune » budgétaire nous livre bien plus d'informations. Il détaille notamment les transferts de compétences et toutes les compensations liées à la réforme de la fiscalité locale.
Très honnêtement, je pense, cher collègue, que votre amendement est satisfait.
Il serait quand même intéressant, monsieur le rapporteur général, que nous puissions analyser l'impact réel des aménagements fiscaux sur les collectivités.
Je soutiens cet amendement. En matière de dotations aux collectivités, nous manquons d'éléments concrets et précis qui nous permettent de débattre en partant d'éléments objectifs.
Pour ma part, je crois qu'il y a presque trop d'informations sur ces sujets et elles ne sont pas consolidées comme il le faudrait. Nous avons du mal à trouver les informations essentielles, celles qui nous éclairent sur les questions qui nous intéressent, si bien que le débat est beaucoup moins riche qu'il ne pourrait l'être.
J'encourage M. Castellani à saisir de ce sujet la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de notre assemblée. Elle étudie déjà un certain nombre de questions fiscales ou financières et pourrait tout à fait être intéressée par un travail avec vous, cher collègue.
L'amendement de M. Castellani est intéressant en ce qu'il vise à « objectiver » le débat sur les transferts et les taux de compensation au fil du temps, parfois un peu surréaliste. Voyez ce qu'il en est du revenu de solidarité active (RSA) : on est tombé à 55 % ou 57 %, et cela varie aussi en fonction des départements.
Nous pourrons cependant reprendre ce débat dans le cadre de la réforme constitutionnelle.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'ensemble du projet de loi sans modification.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 12 juin 2018 à 18 heures 15
Présents. – M. Éric Alauzet, M. Jean-Noël Barrot, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Michel Lauzzana, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, M. Jean-Paul Mattei, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Fabien Roussel, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth
Excusés. – Mme Émilie Bonnivard, M. Marc Le Fur, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. – M. Christophe Lejeune, M. Jean-Luc Warsmann
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