Intervention de Sophie Caillat-Zucman

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 16h30
Commission des affaires sociales

Sophie Caillat-Zucman :

Je suis heureuse de me trouver devant vous aujourd'hui dans le cadre de la procédure de renouvellement éventuel de la présidence du conseil d'administration de l'ABM.

Avant de vous présenter le bilan des trois années écoulées, et les missions et enjeux des prochaines années, je voudrais vous resituer rapidement mon parcours professionnel pour vous permettre de comprendre mon intérêt pour l'ABM.

J'ai 59 ans, je suis médecin, professeur d'immunologie à l'Université Paris Diderot, et chef de service du laboratoire d'immunologie de l'hôpital Saint-Louis à l'Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP). Je m'intéresse à la greffe depuis mon internat. C'est ce qui m'a conduit à poursuivre ma carrière en immunologie de la transplantation. Le laboratoire que je dirige à Saint-Louis a une position clé dans le paysage de la greffe, puisqu'il fonctionne comme plate-forme régionale pour réaliser les tests de compatibilité donneur-receveur de la totalité des greffes d'organes et de la quasi-totalité des greffes de moelle osseuse (MO), ou cellules souches hématopoïétiques (CSH) de la région Île-de-France, c'est-à-dire, en gros, 30 % de l'activité nationale de greffe.

Par ailleurs, outre mon activité hospitalière en lien étroit avec la greffe, je dirige une équipe de recherche de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), dont la thématique principale porte sur le rôle de certaines populations de lymphocytes, ou cellules de l'immunité, chez les patients greffés. Donc mes centres d'intérêt médicaux et scientifiques sont très axés sur la greffe, et me conduisent à rester informée de toutes les avancées dans ce domaine.

Je connais bien l'ABM puisque, avant d'avoir été présidente de son conseil d'administration depuis juin 2015, j'ai été membre de son conseil médical et scientifique pendant plusieurs années. J'ai une très grande estime pour les différents membres de cette agence, qui exercent leurs missions avec beaucoup de professionnalisme et un grand engagement personnel, et en premier lieu pour sa directrice générale Anne Courrèges, avec qui je travaille en excellente collaboration depuis trois ans.

Quelques mots sur l'ABM, que vous connaissez bien, avant de vous présenter le bilan des trois dernières années et les perspectives des prochaines années.

Comme vous le savez, l'ABM été créée par la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, et a pris la suite de l'Établissement français des greffes (EFG) comme agence sanitaire compétente pour les greffes d'organes, de tissus et de cellules. Depuis 2004, l'ABM s'est vu confier des missions supplémentaires, qui concernent la procréation, l'embryologie et la génétique humaines, ce qui lui permet de couvrir aujourd'hui tous les domaines thérapeutiques utilisant des éléments du corps humain, à l'exception du sang, qui relève de l'Établissement français du sang (EFS). L'ABM est également compétente en matière de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires.

L'ABM est en premier lieu une agence sanitaire opérationnelle, dont une mission essentielle est le pilotage de l'organisation des greffes. Concrètement, elle doit veiller à ce que les patients en attente de greffe d'organes puissent trouver un organe compatible et être greffés rapidement. Pour cela, l'ABM gère les listes nationales des patients en attente de greffe, et assure la régulation des prélèvements d'organes et la répartition des greffons sur le territoire national. Dans le domaine de la greffe de MO ou CSH, l'ABM gère également le registre national « France greffe de moelle » (FGM) des donneurs de CSH et d'unités de sang placentaire, et assure le lien avec les registres internationaux, lorsqu'il n'existe aucun donneur national compatible avec un receveur.

Cette mission opérationnelle de pilotage de l'organisation des greffes s'accompagne d'une mission très importante de promotion du don d'organes, de MO et de gamètes, qui est encouragé au travers de campagnes d'information audiovisuelles, de journées thématiques, et d'interventions auprès du public et des associations.

L'ABM a aussi d'autres missions : une mission d'encadrement, par exemple dans les domaines de la génétique humaine et de la recherche sur l'embryon, pour lesquels l'ABM délivre des autorisations et agréments ; une mission d'évaluation, telle celle des résultats des centres d'assistance médicale à la procréation (AMP) ; une mission de promotion de la recherche au travers d'un appel d'offres scientifique annuel, qui permet la subvention de projets de recherche sélectionnés par le CMS.

Les compétences de l'ABM sont donc très larges, et font appel à des expertises médicale, scientifique, juridique et éthique de haut niveau. Pour assurer ses missions, l'ABM s'appuie sur les lois de bioéthique, dont elle veille à faire respecter les règles fondamentales d'éthique, d'équité, de sécurité et de solidarité.

Le rôle du conseil d'administration de l'ABM est de délibérer sur les sujets les plus importants, notamment sur les orientations stratégiques pluriannuelles, ainsi que sur le budget et les moyens alloués à l'ABM. Je vous rappelle que la présidence du conseil d'administration est une présidence non exécutive, puisque c'est la direction générale de l'ABM qui a un rôle exécutif.

Je trouve le bilan des dernières années très satisfaisant.

Tout d'abord, l'ABM a rempli les objectifs stratégiques qui lui étaient fixés dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance (COP).

Le premier objectif était d'augmenter le nombre de greffes d'organes : il y en a eu 6 100 en 2017, soit une progression de 15 % en trois ans. Cela a été possible grâce, notamment, à l'augmentation du nombre de donneurs vivants, qui ont permis 16 % des greffes rénales, et à la mise en place progressive depuis fin 2014 du programme dit « Maastricht 3 » de prélèvement sur donneurs chez lesquels il y a eu une décision d'arrêt des thérapeutiques actives en réanimation. Ce programme est encadré de façon très rigoureuse par l'ABM, de manière à assurer l'étanchéité complète entre les procédures de fin de vie et de prélèvement ; il est maintenant en place dans vingt équipes, qui ont effectué 234 greffes en 2017.

Le deuxième objectif était d'augmenter le nombre de donneurs de CSH inscrits sur le registre national FGM : il y en a désormais 263 000, au-delà même de ce qui était attendu, même s'il reste un effort à faire pour recruter des hommes jeunes qui sont les meilleurs donneurs… J'en profite pour faire un appel !

Le troisième objectif était d'augmenter le nombre de donneurs de gamètes ; le nombre actuel de donneurs ne permet pas l'autosuffisance nationale.

Outre la réalisation de ces objectifs stratégiques, l'ABM a mené à bien un certain nombre de modifications requises par la loi de modernisation du système de santé : intégration au conseil d'administration de représentants d'associations d'usagers du système de santé ; transfert de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vers l'ABM de la compétence en matière de biovigilance pour les activités de prélèvements et de greffes ; gestion du registre national des refus (RNR), qui est devenu le moyen principal d'exprimer son refus au prélèvement d'organes.

Le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'ABM, signé avec la direction générale de la santé (DGS) pour les années 2017-2021, formalise les grandes orientations de l'ABM, en lien avec les trois plans d'action ministériels concernant la greffe d'organes et de tissus, la greffe de CSH et l'assistance médicale à la procréation, l'embryologie et la génétique humaine.

Ce COP est organisé autour de deux axes stratégiques : un axe médical et scientifique visant à accroitre l'accès à la greffe d'organes, avec un objectif de 7 800 greffes en 2021, dont 1 000 grâce à des donneurs vivants – nous sommes aujourd'hui à 6 100 – ; accroître l'accès à la greffe de tissus et de CSH ainsi qu'à l'assistance médicale à la procréation (AMP), l'objectif étant d'atteindre l'autosuffisance nationale en matière de don de gamètes ; la poursuite d'axes transversaux tels que la promotion de la recherche, la communication avec le public et la formation des personnels de santé, le tout évidemment dans un contexte d'efficience.

Enfin, l'ABM a, bien sûr, vocation à apporter son expertise aux travaux de réexamen de la loi de bioéthique, qui sont engagés cette année.

Pour conclure, je suis très motivée à poursuivre mon activité à l'ABM et y apporter mes compétences. La fonction de présidente du CA me fait aborder des sujets en lien avec mon activité hospitalo-universitaire, mais qui prennent une dimension humaine beaucoup plus vaste, en lien avec des personnes d'horizons très différents, dans des domaines qui m'ont passionnée dès le début de mon métier de médecin.

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