Je veux d'abord saluer la pertinence de l'article 29, qui tend à instaurer un bonus-malus. Je commencerai par un point sur l'ordre des choses. Avec les ordonnances « travail », nous avons débattu des conditions offertes aux entreprises pour leur permettre de s'adapter aux évolutions du marché dans une économie mondialisée, où elles sont soumises à une concurrence exacerbée. Il fallait répondre à la nécessité, pour ces entreprises, de s'adapter. Fort de mon expérience dans un territoire industriel, le nord de la Franche-Comté, je puis dire que ces ordonnances avaient tout leur sens.
Mais elles étaient accompagnées d'une autre exigence : si l'on accorde plus de facilités à ces entreprises pour s'adapter, en même temps, on leur demande de favoriser le contrat à durée indéterminée plutôt que les emplois précaires. Il faut bien reconnaître qu'au cours des dernières années, les contrats précaires sous toutes leurs formes se sont multipliés, tels les contrats à durée déterminée très courts, souvent proposés aux mêmes personnes, lesquelles travaillent quelques jours ou quelques semaines avant de repartir à Pôle emploi puis de revenir travailler, souvent dans la même entreprise. Il en va de même pour l'intérim, qui, de 2015 à 2017, a explosé, augmentant de 34 %.
Compte tenu du nouvel environnement que nous avons créé pour les entreprises, nous pensons qu'il faut mettre un terme à ces pratiques et responsabiliser beaucoup plus les entreprises en mettant en place ce système de bonus-malus.
J'entends déjà les critiques sur les éventuels nouveaux cadeaux que nous ferions au grand capital. Ce n'est pas ce qui est en jeu ici. Doit-on éternellement garder le système en vigueur, dans lequel toutes les entreprises, quel que soit leur comportement, cotisent de la même manière à l'assurance chômage, donc paient le même taux de cotisations sociales même si elles ne contribuent pas de la même façon à la dépense sociale ? C'est là une vraie question.
Nous pensons, justement, que si l'on veut favoriser les entreprises vertueuses, il faut que ces entreprises, qui font le pari de la formation, de l'apprentissage et du CDI pour fidéliser leurs salariés et produire toujours plus de qualité, soient encouragées. A contrario, les entreprises qui utilisent les contrats précaires et en abusent doivent contribuer davantage, en termes de cotisations, car elles contribuent beaucoup plus à la dépense sociale. Cela me paraît être une question de justice.
Il ne s'agit pas de savoir si l'on est pour ou contre l'intérim : la question ne se pose pas en ces termes. Nous serions idiots, bien entendu, de penser que l'intérim doit disparaître. L'intérim, nous en avons évidemment besoin. Mais quand je vois, dans certaines entreprises, depuis des mois, voire des années, des systèmes de production organisés avec des taux d'intérimaires de l'ordre de 30, 40, voire 50 %, cela n'est plus acceptable. Nous avons donc besoin du système de bonus-malus, pour plus de justice et plus d'efficacité sociale, mais aussi, à terme, pour plus d'efficacité économique et une meilleure compétitivité de nos entreprises.