Après la catastrophe de Fukushima, des dogmes sur la sûreté nucléaire ont été remis en cause. On considérait que la catastrophe de Tchernobyl avait eu lieu parce que le projet était soviétique et les réacteurs d'un type différent. On considérait qu'il était quasiment impossible de connaître un accident aussi grave dans une centrale nucléaire occidentale. Le fait que la catastrophe ait eu lieu dans un pays très avancé technologiquement, un pays dont la technologie est très proche de celle utilisée en Europe, a été un choc pour de nombreuses personnes. L'ordre de grandeur des rejets est similaire à Fukushima et à Tchernobyl, 10 % à 40 % des rejets de Tchernobyl. Le Japon a eu la chance que 80 % des rejets soient retombés dans le Pacifique. En Europe, les vents dominants ne sont pas toujours orientés vers l'océan.
Une catastrophe grave due à un réacteur semblable au nôtre est possible, et aurait des conséquences transfrontalières. La catastrophe a donc remis en cause nombre de dogmes. Sur le plan européen, des évaluations complémentaires de sûreté ont été une démarche très positive, d'autant plus intéressantes qu'elles reposent sur un regard croisé. Nous déplorons toutefois la lenteur du déploiement des mesures demandées à EDF. C'est ainsi que l'installation des diesels d'ultime secours n'est pas achevée et qu'aucune des salles de contrôle bunkérisées prévues n'est en service. Le calendrier de mise en oeuvre est très lent. Nous espérons qu'aucune catastrophe n'interviendra d'ici son achèvement. C'est le principal problème qui se pose en termes de sûreté.
La cinquième barrière de protection dans la doctrine de défense en profondeur repose sur les plans d'urgence. Dans la mesure où ces plans n'ont pas fait l'objet de dialogues croisés au plan européen, des progrès considérables restent à réaliser. Relevons également l'absence de dialogue avec les populations alors qu'elles sont les premières concernées. Quant aux mesures prises en France, elles ne sont pas à la hauteur, ne serait-ce que pour la distribution de comprimés d'iode. La Suisse est passée d'un rayon de distribution de 20 à 50 kilomètres, la Belgique de 20 à 100 kilomètres, soit l'ensemble de son territoire, alors que la France passera de 10 à 20 kilomètres. C'est un exemple typique du retard de la France s'agissant des plans d'urgence.
La catastrophe de Fukushima a également mis au jour une réelle perte de confiance de la population et une forte demande de mesures indépendantes. C'est pourquoi l'ACRO a ouvert un laboratoire sur place. Une présence d'expertises indépendantes avant une catastrophe est indispensable. Il faut absolument la maintenir. Tous les plans de gestion à long terme des catastrophes nucléaires marquent la nécessité d'impliquer les populations. Selon nous, il est nécessaire de les impliquer avant.