Intervention de David Boilley

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 16h30
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

David Boilley, président de l'Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest :

Nous avons réalisé cette étude pour l'Association nationale des comités et des commissions locales d'information (ANCCLI), puis une étude similaire pour Greenpeace, en Belgique et en Inde ; nous avons par ailleurs analysé le plan d'urgence de l'Ontario. Ces études dans quatre pays en l'espace de quelques années nous ont permis de croiser les expériences internationales et de relever de bonnes pratiques dans des pays, autres que la France, ou des pratiques françaises qui ne s'appliquent pas ailleurs. Nous bénéficions donc d'un regard croisé et de l'expérience de la catastrophe de Fukushima.

Le premier enseignement que nous tirons réside dans le sous-dimensionnement des plans particuliers d'intervention (PPI) en cas d'accident grave. La distance d'évacuation prévue par les PPI est de cinq kilomètres. Au Japon, les évacuations ont été réalisées jusqu'à 45 kilomètres sous les vents dominants, la limite d'évacuation étant plus élevée que celle qui se serait appliquée en France en cas de catastrophe. En France, nous aurions dû évacuer au-delà de 50 kilomètres sous les vents dominants.

Autre grande leçon de la catastrophe de Fukushima, les personnes vulnérables sont les plus fragiles. L'hôpital de Futaba est situé à deux kilomètres de la centrale de Fukushima Daiichi. L'évacuation de l'hôpital et de la maison de retraite a engendré 50 décès immédiats. Certes, la catastrophe a été d'une ampleur exceptionnelle dans la mesure où elle a conjugué un séisme et une catastrophe nucléaire. L'évacuation d'autres hôpitaux s'est mieux déroulée, mais l'accueil des personnes âgées dans des structures non médicalisées, tels des gymnases, a engendré de nombreux décès. D'où la nécessité de prendre en charge les personnes vulnérables. S'il est déplorable d'être irradié, décéder des suites d'une évacuation est plus grave. Il convient donc que les plans prévoient des rayons d'action très larges.

Depuis l'accident de Fukushima, le Japon considère que la phase d'urgence ne consiste pas à évacuer les hôpitaux. Je suis d'accord sur ce point. Il conviendrait qu'ils soient bunkérisés, dotés d'une ventilation interne pour éviter à la radioactivité d'entrer, et que le personnel médical accepte de rester. À Fukushima, 30 % des infirmières et des médecins sont partis dans les premiers jours alors que sévissait une double catastrophe.

Enfin, les plans d'urgence n'ont pas été évalués scientifiquement. Aux États-Unis, par exemple, le calcul du temps d'évacuation est obligatoire. On compte près d'un million d'habitants dans un rayon de 30 kilomètres autour des centrales du Bugey ou de Fessenheim. Entreprendre des exercices avec l'ensemble de la population ne semble pas raisonnable ; en revanche, il existe des logiciels de simulation du trafic qui permettent de calculer les temps d'évacuation. C'est obligatoire aux États-Unis. Le rapport de calculs et l'ensemble des hypothèses font plusieurs pages ; il est public. Je n'ai jamais vu un tel exercice en France alors qu'il est devenu obligatoire au Japon.

La concertation avec les parties prenantes – que ce soit les pompiers, les secouristes, les populations, les professeurs des écoles qui auront à gérer les enfants – est quasiment inexistante ; or il est nécessaire de coconstruire un dialogue avec les populations touchées.

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