Là non plus, nous ne le croyons pas, pour estimer qu'il y va de notre crédibilité sur la scène européenne. Peut-être faut-il aller plus loin, vers une Europe plus souveraine, plus unie et plus démocratique, dans laquelle le budget serait centralisé dans les mains d'un ministre des finances de la zone euro, comme l'a proposé le Président de la République. N'oublions pas que ces impératifs que nous nous sommes fixés préservent la solidarité entre les peuples européens.
Faut-il croire que c'est l'article 40 qui explique la prolifération des crédits d'impôt que vous dénoncez ? Malheureusement, il est à craindre que ce soit moins le fait des parlementaires que celui des gouvernements successifs. Il serait sans doute bon d'aller dans le sens proposé cet après-midi, lors de la discussion avec le premier président de la Cour des comptes : celui d'une analyse plus rigoureuse et détaillée des crédits d'impôt, afin de supprimer ceux qui ne produisent pas les effets escomptés.
Vous avez aussi raison de dire que la mission que confie l'article 24 de la Constitution est bien de contrôler l'action du Gouvernement et d'évaluer les politiques publiques. S'agit-il uniquement d'une question de moyens financiers ? Certainement pas. Cela relève également d'une question institutionnelle. Il faut que l'ordre du jour de notre assemblée puisse faire plus de place aux activités d'évaluation et de contrôle, notamment en matière budgétaire, alors qu'une seule journée est réservée à la loi de règlement. Grâce aux initiatives prises par la commission des finances, le rapporteur général et le président de la commission, s'est tenu le Printemps de l'évaluation, au cours duquel tous les ministres sont venus rendre des comptes devant les rapporteurs spéciaux, les rapporteurs pour avis et la représentation nationale.
Ces débats ont donné lieu aux propositions de résolution que nous discutons aujourd'hui en séance publique. C'est la première fois dans l'histoire de la Ve République ! Cela représente un véritable pas en avant, destiné à être institutionnalisé par l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, lequel dispose que les ministres viendront répondre de leur budget devant les parlementaires.
L'article 9 de ce même projet de loi constitutionnelle prévoit que les semaines d'évaluation et de contrôle seront consacrées non seulement au contrôle de l'action du Gouvernement, mais également à l'examen des textes issus des activités de contrôle et d'évaluation. Il fallait réaliser un lien entre l'activité d'évaluation et de contrôle et l'activité législative ; c'est désormais chose faite dans la rédaction actuelle de l'article 9. Bien sûr, il ne s'agit pas uniquement d'une question institutionnelle, mais également d'une question de moyens : le groupe de travail transpartisan que je préside, dont le rapporteur est Jean-François Eliaou, partage avec vous et avec de nombreux collègues l'idée que nous avons besoin de ressources propres pour exercer notre mission d'évaluation et de contrôle.
Pour essayer de définir les contours de ce que pourrait être un office budgétaire propre au Parlement, nous avons mené de nombreuses auditions dans cette assemblée, auprès de nos collègues sénateurs et à l'étranger. Il nous est apparu que pour qu'un office budgétaire puisse jouer pleinement son rôle, il était fondamental de lui donner de la crédibilité. Celle-ci devrait reposer en premier lieu sur l'expertise, comme vous le dites dans l'exposé des motifs de votre proposition de résolution. Les personnes qui composeraient cette unité de chiffrage devraient être qualifiées pour réaliser les exercices de micro- et de macro-simulation, qu'évoquait Valérie Rabault, permettant de contre-expertiser le chiffrage budgétaire du Gouvernement, et le cas échéant les amendements parlementaires. La deuxième condition, c'est évidemment l'indépendance, qui, dès lors que le Parlement se dotera d'un tel office, sera garantie par une gouvernance qui préservera les droits de l'opposition et donnera à tout parlementaire accès à ces analyses et à ces expertises.
Ne reste-t-il rien à faire sur le plan législatif pour permettre l'émergence de cette agence parlementaire d'évaluation ? Je me tourne vers vous, mes chers collègues, car – nous avons mené cette réflexion dans le groupe de travail – il y a au moins deux évolutions constitutionnelles que nous devons promouvoir collectivement pour la rendre possible. Premièrement, cet office devrait bénéficier, par délégation, des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place qui sont conférés aux rapporteurs spéciaux, et en particulier au rapporteur général et au président de la commission des finances, sans quoi cet organisme n'aura pas accès aux données très sensibles et pointues qui lui permettront de développer des analyses précises.