La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Le président de l'Assemblée nationale a reçu du Premier ministre communication du décret du Président de la République en date du 18 juin 2018 portant convocation du Parlement en session extraordinaire le mardi 3 juillet 2018.
L'ordre du jour de cette session extraordinaire sera publié au Journal officiel du 19 juin 2018.
Rappel au règlement
Madame la présidente, pouvez-vous préciser la date à laquelle s'achèvera la session extraordinaire ?
Rires.
La question a été soulevée en conférence des présidents. D'après les indications du président de l'Assemblée nationale, mais ce ne sont que des indications, la session extraordinaire devrait s'achever à la fin du mois de juillet ou au début du mois d'août.
Sourires.
L'ordre du jour appelle les questions sur les annulations de crédits en 2017.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
Nous commençons par les questions du groupe La France insoumise.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour la première de ses deux questions.
En juillet 2017, le Gouvernement a pris la responsabilité d'annuler 850 millions d'euros de crédits de la mission « Défense ». Cette décision a provoqué une crise inédite entre le chef d'état-major des armées et le Président de la République, laquelle s'est soldée par la démission du général Pierre de Villiers, qui estimait ne plus pouvoir accomplir sa mission en conscience.
Cette annulation de crédits a eu lieu dans un contexte de tension extrême au sein de nos armées, du fait de l'engagement opérationnel extraordinaire de nos forces depuis plusieurs années. Cette amputation massive des crédits de la défense a été vécue comme une véritable trahison.
À présent, il est possible de dresser le bilan de cette disposition. Comme nous étions nombreux à le craindre à l'époque, la Cour des comptes indique qu'elle a induit des reports d'engagements significatifs. Pourtant, l'information des parlementaires à ce sujet demeure très vague. Le rapporteur spécial de la mission budgétaire, François Cornut-Gentille, a interrogé le ministère des armées. Les réponses qu'il a obtenues témoignent selon lui d'une volonté manifeste et déplorable d'esquive.
Certes, le ministère a bien donné quelques informations sur la façon dont il a cherché à atténuer les effets des annulations de crédits, mais presque aucune sur leurs effets réels, qu'il n'a pas empêchés. La liste des procédés employés pour les minimiser est étonnamment précise au regard de la liste des commandes qui ont été retardées.
Pourtant, les dépenses d'investissement du programme 146, qui préparent l'avenir, ont un très fort coefficient multiplicateur : pour 1 euro de budget supprimé, ce sont en réalité près de 10 euros qui ne seront pas dépensés pour le financement des programmes d'équipement.
C'est précisément lorsque l'on cherche à savoir quels programmes ont été pénalisés que commencent les difficultés. C'est pourquoi nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, de nous indiquer précisément et sans détour quels projets et quelles missions ont dû être recalibrés en raison de l'annulation de 850 millions d'euros de crédits.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
Monsieur le député, vous évoquez l'annulation de 850 millions d'euros de crédits par le décret d'avance publié au mois de juillet. Le ministère des armées gère chaque crédit dont il dispose ligne budgétaire par ligne budgétaire, en fonction de ses objectifs stratégiques et des moyens de défense nécessaires à notre pays pour faire face tant à la menace terroriste qu'aux nécessités découlant des interventions extérieures.
Vous évoquez un gel de crédits de 850 millions d'euros de la mission « Défense ».
Une annulation, pardonnez-moi. Celle-ci s'inscrivait dans le cadre d'une procédure visant à maintenir le déficit public à un niveau inférieur à 3 % du PIB, ce qui a été le cas en fin d'exercice budgétaire. Vous auriez pu préciser, pour être tout à fait complet, que nous avons dégelé, par ailleurs, 1,2 milliard dès le mois de juillet 2017 – des crédits qui n'étaient pas annulés mais gelés – et 700 millions au mois de décembre dernier.
Cela signifie que le montant des dégels de crédits est très largement supérieur au montant des annulations de crédits que vous avez évoquées.
Par ailleurs, il faut préciser que la loi de programmation militaire récemment adoptée prévoit une augmentation des crédits alloués au ministère des armées de 1,7 milliard d'euros par an pendant toute la durée de la programmation. L'objectif est de porter l'effort budgétaire de la nation en faveur du ministère des armées à 2 % du PIB.
Peut-être aurait-il fallu soutenir la loi de programmation militaire pour pouvoir ensuite se féliciter du fait que le ministère des armées dispose des moyens nécessaires pour assurer la sécurité des Français.
Ce dont je puis vous assurer, c'est que celui-ci fait face à tous les enjeux auxquels il est confronté et à tous les défis qu'il doit relever. Il met tout en oeuvre pour assurer la sécurité des Français, sur le territoire national comme à l'extérieur. Les mesures de régulation et gels budgétaires dont nous avons eu à décider au mois de juillet dernier n'ont pas eu d'effet sur la sécurité des Français.
J'espère qu'elle recevra une réponse un peu plus précise. Il y a un peu moins d'un an, au cours de l'été 2017, le gouvernement dont vous êtes membre, monsieur le secrétaire d'État, choisissait d'avancer à marche forcée vers l'austérité. Personne n'était épargné. La décision a été prise de sabrer dans les dotations aux collectivités territoriales, pour un montant de 275 millions d'euros.
Ainsi, il les a contraintes à renoncer à des centaines de projets d'investissement et de solidarité. Il a empêché des centaines d'actions d'insertion et de développement économique local. Avec cette décision, vos slogans sur « les vérités du terrain » apparaissaient déjà pour ce qu'ils sont : des mots creux utilisés pour tromper.
Évidemment, ces annulations de crédit auront été préjudiciables aux territoires dont les populations sont les plus vulnérables. Elles auront encore affaibli celles et ceux qui ont besoin du soutien des collectivités territoriales pour créer une entreprise, trouver un emploi ou bénéficier d'un service public que l'État, de plus en plus souvent hélas, n'est plus en mesure de rendre.
Bien entendu, cette annulation de crédits s'inscrivait dans la logique « austéritaire » du quinquennat de François Hollande, auquel Emmanuel Macron, on ne saurait trop le répéter, a apporté une contribution décisive. Elle participe du mouvement général d'assèchement des finances publiques locales.
Pour exemple, la dotation globale de fonctionnement a connu une hémorragie désastreuse, avec un montant diminué de 26 %. Et cela n'ira pas en s'améliorant : votre programmation budgétaire pour les années à venir forcera les collectivités territoriales à renoncer à près de 13 milliards d'euros supplémentaires.
À l'époque, monsieur le secrétaire d'État, vous n'aviez pas encore tourné casaque, et vous trouviez un tant soit peu d'énergie pour écrire une tribune sur le sujet. Vous étiez président de l'Association des petites villes de France et considériez ces annulations budgétaires comme les signes avant-coureurs des décisions désastreuses qui seraient prises ensuite. La suppression de dizaines de milliers d'emplois aidés, décidée à l'époque, résultait selon vous « d'une décision précipitée et qui ne fait que des perdants ».
Vous en aviez parfaitement conscience il y a un an. Soucieux de l'avenir, vous l'exprimiez sans véhémence mais néanmoins avec clarté. À présent, je suis curieux de savoir comment vous pourrez justifier des annulations que vous réprouviez alors. Saurez-vous faire la démonstration qu'elles ont été si bien ciblées qu'elles ont été indolores, et que votre parole de l'époque ne méritait pas d'être écoutée ? Nos concitoyens en seront édifiés.
Monsieur le député, vous m'interrogez sur un sujet que je connais relativement bien. Vous soulevez la question du soutien de l'État à l'investissement, en évoquant plus spécifiquement l'annulation de crédits de paiement au titre de l'exercice budgétaire 2017.
Je l'avais en effet commentée, affirmant qu'il s'agissait d'un mauvais coup et que je considérais que la méthode n'était pas la bonne, car ladite annulation avait lieu trois jours après la Conférence nationale des territoires. Et le Président de la République a dit, devant le Congrès des maires de France, qu'effectivement la méthode aurait pu être meilleure.
Vous m'interrogez, par le biais de cette question, sur le niveau d'engagement de l'État en matière de soutien à l'investissement local pour l'exercice budgétaire 2017. Permettez-moi seulement de souligner, puisque nous examinons ce soir la question des annulations de crédits pour l'exercice 2017, qu'en exécution, sur l'ensemble de l'année 2017, l'État a soutenu l'investissement local à hauteur de 863 millions d'euros, contre 700 en 2016. Cela signifie que les annulations de crédits que vous avez évoquées n'ont pas diminué le soutien de l'État aux collectivités locales à l'investissement, qui a augmenté en exécution.
Par ailleurs – et loin de moi l'idée de prétendre que cela est indolore – il faut noter, les chiffres de l'INSEE comme ceux de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales le corroborent, que 2017 marque une phase de hausse de l'investissement des collectivités locales. Après une phase de récession, de près de 10 % en 2015 et de 3,7 % en 2016, l'investissement local repart nettement à la hausse en 2017, avec une augmentation de 5,7 % – hors Société du Grand Paris, pour être tout à fait précis.
Cela signifie que les collectivités locales ont plus investi en 2017 qu'en 2016. Cela signifie aussi – les chiffres parlent – qu'en 2017 les collectivités locales ont généré une épargne de fonctionnement supérieure à celle de 2016, ce qui est aussi dû au fait que la baisse des dotations de l'État, prévue pour l'année 2017 à hauteur de 3,67 milliards d'euros, a été ramenée à 2,7 milliards. Le milliard de baisse en moins a été entièrement affecté au bloc local – communes et intercommunalités – en raison de la mobilisation de plusieurs parlementaires attachés aux libertés locales.
Les efforts qui ont été demandés aux collectivités locales sont importants, je l'ai dit et je le maintiens. Nous l'avons toujours dit. Elles ont consenti cet effort. C'est pourquoi nous avons changé de méthode. Nous nous inscrivons désormais dans la perspective d'une stabilité des dotations en échange non pas d'une baisse de leurs dépenses mais d'une modération de leur hausse, ce qui est bien différent.
Je souhaite revenir sur les annulations de crédits affectés par la loi de finances initiale pour 2017 à la mission « Recherche et enseignement supérieur » réalisées en juillet dernier par Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Certes, le budget de la mission budgétaire a augmenté dans la loi de finances pour 2018 par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Mais cette augmentation doit être relativisée, car vous l'avez associée à une annulation de crédits, monsieur le secrétaire d'État.
Pour rappel, 398,55 millions d'euros en autorisations d'engagement et 331,33 millions d'euros en crédits de paiement ont été annulés par décret en 2017. Si une partie résiduelle des crédits a été annulée par vos prédécesseurs par l'arrêté du 28 mars 2017, vous étiez aux responsabilités en juillet et en novembre 2017, lorsque deux décrets portant ouverture et annulation de crédits ont été pris.
À titre de comparaison, en 2016 et en 2015, respectivement 150 et 175 millions d'euros avaient été annulés, soit environ deux fois moins. D'après la Cour des comptes, de tels montants d'annulation apparaissent exceptionnels au regard des montants constatés les années précédentes.
Ces annulations de crédits, cela signifie 81,6 millions d'euros en moins pour l'enseignement scolaire, 95 millions en moins pour les universités et 46 millions d'euros en moins pour la vie étudiante. Le ministère s'était alors défendu en arguant que l'annulation de crédits destinés à la recherche et l'enseignement supérieur ne s'élevait qu'à 180 millions d'euros et portait essentiellement sur des crédits provisionnés au titre des réserves de précaution.
Premièrement, cela n'enlève rien au fait que l'argent manque pour l'éducation de nos enfants. Deuxièmement, les réserves de précaution n'ont pas vocation à masquer les choix austéritaires du Gouvernement. En principe, elles servent à surmonter des aléas budgétaires et pas à couvrir des annulations de crédits. Nous savons bien qu'il est impossible de rogner sur les dépenses de personnel et que les annulations de crédits porteront sur l'investissement et la recherche.
Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi de passer par la voie réglementaire pour procéder à ces annulations de crédits au lieu de les soumettre au Parlement dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative ? De quoi aviez-vous peur ? Du débat ? Ou du refus des parlementaires de voter des annulations de crédits pour une mission si importante ?
Madame la députée, votre question me permet d'aborder les deux principaux programmes budgétaires consacrés à la recherche et à l'enseignement supérieur.
Il s'agit d'abord du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ». Je vous rappelle que les crédits prévus pour ce programme par la loi de finances initiale pour 2017 étaient insuffisants pour financer la contribution française aux organisations internationale, avec une sous-budgétisation de 139 millions d'euros portant principalement sur deux organismes : le CERN, à hauteur de 53 millions d'euros, et le projet ITER, à hauteur de 43 millions d'euros.
Des efforts en gestion sur les autres dispositifs du programme ont permis un redéploiement des crédits pour financer cette contribution. Par ailleurs, dans le cadre de la loi de finances pour 2018, nous avons veillé à ce que les crédits ouverts soient équivalents au niveau d'exécution 2017, de manière à ne pas connaître les mêmes difficultés.
En ce qui concerne le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », l'exécution 2017 a été en hausse de 300 millions d'euros par rapport à 2016, soit un total de 13 milliards en 2017, après un peu plus de 12,6 milliards en 2016. Il faut préciser – vous l'avez fait en posant votre question – que l'annulation de 95 millions par le décret d'avance de l'été dernier portait quasi intégralement sur des crédits de réserve, ce qui signifie qu'aucune subvention ni dotation réellement perçue n'ont été affectées par cette annulation de crédits. Là encore, les crédits ouverts par la loi de finances pour 2018 sont équivalents au niveau d'exécution 2017, de façon à ne pas connaître les mêmes désagréments.
Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Stéphane Peu.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État ! Nous avons enfin l'opportunité de débattre dans cet hémicycle des 4 milliards d'euros d'annulations de crédits décidés unilatéralement, par décret, au cours de l'été 2017, au mépris des règles budgétaires, comme l'a rappelé la Cour des comptes dans son dernier rapport.
Qui ne se souvient de cette mise en scène estivale, en trois temps ? Premier temps : un nouvel exécutif et une nouvelle majorité. Deuxième temps : un rapport de la Cour des comptes, forcément alarmiste, sur la situation budgétaire de la France, qui appelle des mesures choc. Troisième temps : des milliards d'euros d'économies décidées unilatéralement.
Dans la même période, vous avez brutalement diminué de 5 euros le montant des aides personnalisées au logement – APL – pour l'ensemble des allocataires. Cette décision a occasionné, de la part de plusieurs membres du Gouvernement, de vives réactions dont je vous donne un florilège. « S'ils continuent comme ça, je me casse ! » a dit Jacques Mézard. Julien Denormandie a parlé de « mauvaise décision », tandis que le Premier ministre disait que « les mesures de rabot ne sont jamais intelligentes ». Enfin, le Président de la République l'a qualifiée de « connerie sans nom ». J'arrête là cette énumération de citations, dont je partage l'esprit.
Le grand écrivain brésilien Paulo Coelho disait qu'une erreur constamment répétée, ce n'est plus une erreur, c'est un choix. Monsieur le secrétaire d'État, la baisse des APL décidée en 2017 a fait la quasi-unanimité contre elle, et a été condamnée jusqu'au plus haut sommet de l'exécutif. En tirerez-vous les conclusions en rétablissant ces 5 euros en 2018 ? Ou bien confirmerez-vous l'erreur de 2017 en 2018, ce qui la transformerait en choix politique ?
Monsieur le député, vous connaissez vous-même la réponse à la question que vous posez. Nous sommes en 2018, et la loi de finances pour 2018 a été votée, en fixant ces allocations au niveau que vous connaissez, au terme d'un débat auquel vous avez participé.
Votre question sur le niveau des APL me permet d'abord de souligner que le montant de dépenses exécutées en 2017 a été supérieur au montant observé pour l'année 2016, malgré la mesure que vous avez évoquée.
Vous avez commencé votre question en faisant référence au décret d'avance portant sur l'annulation de 4 milliards d'euros de crédits. Ce décret a été pris après que le Premier ministre eut commandé à la Cour des comptes un rapport d'audit ayant pointé les risques d'un dérapage des dépenses, qui aurait eu pour conséquence de porter le déficit public à 3,2 ou 3,3 % du PIB. Pour éviter cela, des engagements ont été pris en dépense, et les objectifs ont été atteints : à la fin de l'année, cet effort d'économie a représenté 2,6 milliards d'euros.
Il faut aussi avoir en tête qu'au total, sur l'année 2017, 4,2 milliards ont été annulés en dépense, mais 7 milliards ont été ouverts pour financer de nouvelles priorités : le solde des annulations et des ouvertures est donc positif. Je précise en outre qu'en termes d'exécution, les moyens dont ont disposé les ministères au cours de l'année 2017 ont été en augmentation par rapport à l'exécution 2016, à hauteur de 9 milliards.
Je ne crois donc pas que l'on puisse réduire notre politique économique à une politique d'austérité en se fondant sur un seul décret d'avance. En revanche, je tiens à dire – j'aurai certainement l'occasion de le répéter ce soir – qu'un effort de « sincérisation » budgétaire a été accompli à l'occasion de l'élaboration de la loi de finances initiale pour 2018 et que la réserve de précaution est passée de 8 % à 3 %, avec l'objectif que les crédits programmés soient le plus proche possible de la réalité.
Nous sommes à la mi-juin et, comme vous avez pu le constater, aucun décret d'avance n'a été pris et aucun n'est prévu : cela nous permet de dire à l'ensemble de ceux qui gèrent des crédits d'État ou qui bénéficient de crédits d'État que l'exécution budgétaire telle que nous la prévoyons pour la fin de l'année 2018 se fera sans décrets d'avance, et sans le mouvement qu'on a pu connaître au mois de juillet dernier.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le secrétaire d'État, ne jouez pas sur les mots ! Ce que je voulais savoir, c'est si, lors du débat que nous aurons à l'automne 2018 sur la loi de finances initiale pour 2019, vous confirmeriez la baisse de 5 euros des APL. C'est ainsi qu'il fallait comprendre ma question, et vous le savez bien.
J'en viens à ma deuxième question. La Cour des comptes évoque, au sujet des annulations, un « effort budgétaire inégalement réparti ». Certaines missions ont été singulièrement touchées : la politique de la ville, à hauteur de 300 millions d'euros, l'enseignement supérieur et la recherche, pour 331 millions, et l'administration pénitentiaire, pour 77 millions.
C'est sur l'évolution du budget alloué au secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes que nous aimerions vous interroger. Bien que l'égalité entre les femmes et les hommes ait été érigée au rang de grande cause nationale du quinquennat, ce secrétariat d'État s'est vu confisquer plus de 7 millions sur un budget initial de moins de 30 millions – montant déjà fort peu élevé au vu des prétendues ambitions du Gouvernement. C'est près de 27 % de son budget qui a été amputé !
Nous doutons que cette baisse puisse se faire sans toucher les services des droits des femmes et les associations qui les défendent. Permettez-moi de citer les propos de Marilyn Baldeck, directrice générale de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail : « C'est une baisse de 2,5 % du budget de l'armée qui a entraîné la démission de son chef d'état-major. À 27 % de baisse sur un budget déjà ridicule, devrions-nous nous taire ? »
Je demande des précisions, sans langue de bois, sur les conséquences de ces annulations de crédits.
Monsieur le député, vous avez évoqué les annulations de crédits, à hauteur de 7,5 millions d'euros, pour le secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il faut préciser qu'un peu plus de la moitié de ces 7,5 millions ont été eux aussi pris sur des crédits en réserve, donc non affectés : ceux-là sont donc certes désagréables, mais indolores en termes de montants de subventions.
Tous les ministères ont été mis à contribution dans le cadre de l'effort de 4 milliards d'euros que j'ai évoqué en répondant à votre question précédente. Il est bien évident que la suppression de 3,5 millions sur ce secrétariat d'État a pu avoir des conséquences sur le niveau d'accompagnement et de subvention. En revanche, il faut souligner – je souhaite que ce soit le cas dans les prochains mois – que le secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes travaille aussi de manière interministérielle, en ce sens que chaque ministère, dans son périmètre, développe en lien avec lui des actions en matière d'égalité salariale et d'égalité de droits entre les femmes et les hommes.
Pour ne prendre qu'un exemple, celui de la fonction publique – dossier que je connais le mieux – nous avons publié il y a quelques semaines une circulaire commune visant à la prévention de l'ensemble des actes, des propos et des comportements sexistes et des actes de violence sexiste ou sexuelle dans l'ensemble des administrations. Cela se traduit par la mise en place de référents et de procédures, par le renforcement des sanctions disciplinaires contre celles et ceux qui se rendent coupables de ces actes qui ne sont pas acceptables dans la fonction publique ni d'une manière générale au travail. Ce type d'initiative n'a pas de traduction budgétaire et ne nécessite pas de mobiliser les moyens financiers spécifiquement affectés au secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les hommes et les femmes. Cela ne l'empêche pas d'être menée, et nous continuerons d'agir de la sorte.
Pour conclure, ce qui compte, c'est la manière dont nous voyons l'avenir. Or vous avez pu constater, dans la loi de finances initiale pour 2018, que les moyens de ce secrétariat d'État ont été sanctuarisés – ils ont même connu une légère hausse – pour répondre aux besoins et aux enjeux de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Nous en venons aux questions du groupe La République en marche.
La parole est à M. Daniel Labaronne.
Monsieur le secrétaire d'État, le premier projet de loi de finances initiale adopté par notre majorité à l'automne dernier a mis en évidence les deux valeurs clefs de notre action : la sincérité budgétaire et le courage.
La sincérité des prévisions macroéconomiques du projet de loi de finances 2018 a été saluée par le Haut Conseil des finances publiques. Par ailleurs, pour assurer le respect du plafond global des dépenses, le taux de mise en réserve a été abaissé à 3 % hors dépenses de personnel, alors que la précédente majorité appliquait depuis 2015 un taux de 8 %.
Le Gouvernement a fait preuve de courage à l'automne, en annonçant malgré le rebond de l'économie des objectifs de réduction ambitieux : une diminution de cinq points de PIB pour la dette, de trois points pour la dépense publique, de deux points pour le déficit et d'un point pour les prélèvements obligatoires.
À l'inverse, dans son rapport de juin 2017 sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes alertait sur l'héritage de la loi de finances initiale pour l'année 2017 en soulignant des prévisions de recettes surestimées et des dépenses manifestement sous-évaluées. La Cour estimait que sans mesures fortes, le déficit de la France risquait de ne pas passer sous la barre des 3 % fixés par le pacte de stabilité européen.
Notre majorité a montré son courage budgétaire dès l'été dernier, en prenant des mesures exceptionnelles sur les dépenses de l'État pour le deuxième semestre de l'année 2017, tout en déployant des budgets pour couvrir les besoins résiduels de financement. À ce titre, des annulations ont été décidées par le décret d'avance du 20 juillet 2017 sur un certain nombre de postes budgétaires, en contrepartie d'ouvertures de crédits sur d'autres postes.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quels arbitrages principaux ont conduit à ces annulations de crédit au regard des redéploiements budgétaires qui étaient indispensables ? Quel rôle ont joué ces annulations dans le maintien du déficit public sous la barre des 3 %, ce qui a permis à la France de sortir enfin de la procédure européenne pour déficit public dont elle faisait l'objet depuis 2009 ?
Monsieur le député, vous avez évoqué la situation des finances publiques, notamment au prisme de l'audit commandé par le Premier dès sa prise de fonctions. Un certain nombre d'impasses budgétaires ont alors été identifiées. Il s'agissait par exemple d'un manque de 500 millions d'euros sur la masse salariale globale ou de la nécessaire recapitalisation d'Areva. En matière agricole, il y avait un défaut de budgétisation de 1 milliard d'euros notamment s'agissant de la prise en charge de l'apurement d'un certain nombre de contentieux liés aux aides communautaires, qui doit se faire sans peser sur les agriculteurs, ou des moyens nécessaires pour faire face aux crises sanitaires ou climatiques. D'autres problèmes de financement concernaient l'allocation aux adultes handicapés et d'autres allocations sociales. Tout cela nécessitait des réajustements.
Cet audit avait signalé que le déficit en fin d'année risquait de s'établir à 3,2 % du PIB, soit au-delà de la barre des 3 %. Les mesures de régulation qui ont été prises ont participé à la réduction du déficit à hauteur de 0,2 à 0,3 point, de manière à tenir l'objectif. Par ailleurs, le ressaut de la croissance a généré des recettes supplémentaires. Tout cela a permis à la France de ramener le déficit public en dessous de l'objectif de 3 % du PIB. Il s'établit même à 2,6 % à la fin de l'année 2017.
La stratégie qui a prévalu, qui a guidé les choix du Gouvernement, consistait à atteindre cet objectif afin de tenir la parole de la France sur la scène européenne. C'est pourquoi l'ensemble des secteurs ministériels ont été mis à contribution par des mesures de régulation de la dépense. Les éléments que vous avez mentionnés – ramener la réserve de 8 % à 3 % et fixer des hypothèses macroéconomiques au plus juste – participent de cette démarche très saine : ils permettront d'exécuter le budget sans avoir à prendre de décrets d'avance, sans avoir à recourir à des mesures de régulation budgétaire.
Évidemment, si la France devait connaître un événement climatique sans précédent, une crise particulière, nous nous donnerions les moyens de réagir, mais dans les conditions normales de l'exercice budgétaire, nous exécutons la loi de finances initiale sans prévoir d'autres ajustements que d'ordre purement technique.
Monsieur le secrétaire d'État, les contrats aidés, qui permettent de subventionner des emplois, se sont caractérisés par un coût très élevé pour des résultats largement insuffisants dans la lutte contre le chômage : uniquement 36 % des personnes sorties d'un contrat unique d'insertion du secteur non marchand étaient en emploi, contre 66 % dans le secteur marchand. Dans ce secteur, ces contrats ont clairement causé un effet d'aubaine.
Comme l'indiquent des études de la DARES – direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – , de l'OCDE et de la Cour des comptes réalisées en 2017, ces subventions permettaient aux associations et aux collectivités locales qui en étaient bénéficiaires de rééquilibrer leur budget, alors qu'elles devaient avoir pour objectif de dynamiser l'embauche des personnes en difficultés d'insertion sur le marché du travail. Ainsi, alors que 2,4 milliards d'euros de crédits étaient consacrés aux contrats aidés dans la loi de finances initiale pour l'année 2017, la loi de finances initiale pour l'année 2018 n'y a consacré que 1,4 milliard, soit une diminution de 41,6 %. Cette situation équivaut à un passage de 280 000 contrats aidés en 2017 à 200 000 contrats aidés en 2018.
Soulignons que 189 500 nouveaux contrats ou renouvellements étaient programmés sur le premier semestre de l'année 2017, soit plus des deux tiers de l'enveloppe. On peut donc parler de sous-budgétisations qui ne laissaient au nouveau gouvernement que le choix d'augmenter les budgets afin de terminer correctement l'année tout en recentrant les contrats sur les secteurs les plus prioritaires : c'est ainsi que 250 millions d'euros supplémentaires ont été octroyés pour 13 000 contrats négociés. Le travail ensuite a été de faire des choix pour valoriser et budgétiser de façon suffisante tous les dispositifs qui fonctionnaient, et de réduire ou de recentrer sur l'objectif initial ceux qui avaient déjà donné des résultats. D'où l'investissement massif sur la formation professionnelle, un réel enjeu pour ramener les personnes très éloignées de l'emploi sur le marché du travail.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous confirmer le cheminement qui a conduit à ces annulations ainsi que les types de politiques de l'emploi qui ont été privilégiées en remplacement de ces crédits ? Enfin, pouvez-vous nous affirmer que les crédits qui bénéficiaient aux contrats aidés seront bien utilisés pour améliorer notre formation professionnelle, surtout à l'égard des plus éloignés de l'emploi, et ainsi lutter contre le chômage ?
Tout d'abord, un ralentissement des prescriptions de contrats aidés a en effet été décidé pour le second semestre 2017 mais, au total, ce sont tout de même 289 000 contrats aidés qui auront été réalisés cette année-là, ce qui constitue malgré tout un dépassement par rapport à la prévision de la loi de finances initiale, qui était de 280 000 contrats, l'enveloppe de crédits étant, quant à elle, en dépassement de 300 millions d'euros. Le ralentissement de la prescription ne s'est donc pas traduit par une baisse par rapport à la loi de finances initiale.
Pour 2018, vous l'avez dit, 200 000 contrats aidés ont été programmés. Les crédits que vous avez évoquée et la stratégie du Gouvernement que vous avez rappelée consistent bien en effet à mieux soutenir l'emploi associatif, ce qui passe par un crédit d'impôt à destination de ce secteur, et aussi à développer un plan d'investissement dans les compétences, avec la conviction que plus les gens sont formés, plus ils sont en mesure de trouver un emploi durable et non pas un emploi aidé ou accompagné.
Votre question me permet aussi de souligner un autre aspect de la problématique. Les contrats aidés existent depuis presque quarante ans dans notre pays. Les uns et les autres, nous avons tous connu les différents acronymes : les TUC, les CPE, les CIP... En réalité, on a laissé s'installer un modèle économique qui a contribué à rendre solvables des employeurs qui ne l'étaient pas toujours, et souvent avec l'intention, louable, d'améliorer le service rendu ou de diminuer le reste à charge pour l'usager ou pour sa famille. Les décisions prises alors doivent nous amener à nous interroger sur le partage du coût entre le contribuable et l'usager parce que derrière ce modèle économique, c'est ce partage qui est en jeu aujourd'hui.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, l'exécution budgétaire pour 2017, plus précisément le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes que nous aurons à débattre mercredi dans l'hémicycle, est un exercice dont nous partageons la responsabilité avec la majorité précédente. Lors des discussions du dernier projet de loi de finances rectificative, le ministère s'est engagé à confirmer la démarche de sincérisation de nos comptes entamée à l'été, suite à l'impasse d'une ampleur inédite révélée par l'audit de la Cour des comptes, à opérer divers ajustements budgétaires nécessaires à la mise en oeuvre des priorités du Gouvernement et à ne plus recourir à un décret d'avance en fin d'année. Il apparaît nécessaire de remettre du sens dans chaque euro dépensé, puisqu'il provient de l'impôt des Français, et de défendre un budget lisible tout au long de l'année.
Je vais illustrer mon propos en prenant l'exemple du programme 219 « Sport », qui bénéficie d'un petit budget pour une ambition pourtant importante, en vue notamment des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. En loi de finances initiale pour 2017, une somme de 267 millions d'euros en crédits de paiement avait été retenue. Mais cette enveloppe a été victime de plusieurs évolutions tout au long de l'année 2017 : en janvier, gel initial 19,2 millions d'euros ; en février, dégel de 3,7 millions ; en avril, gel de 10,2 millions ; en juillet, dégel pour annulation de 16,7 millions ; en fin d'année, annulation du solde des crédits gelés. Le budget a fondu au total de 9 %, soit 28,9 millions d'euros, portant tous sur l'annulation de crédits gelés.
Nous sommes tous d'accord pour dire que le pilotage d'un budget dans ces conditions est impossible. Le Parlement vote un budget, les ministères le pilotent et doivent faire face à la crainte d'être à tout moment une variable d'ajustement budgétaire. Nous devons, dans la mesure du possible, mettre fin à cela afin de rendre efficients nos engagements budgétaires.
J'aurai donc deux questions : comment faire pour que les ministères puissent réellement piloter le budget que l'Assemblée nationale leur a octroyé sans craindre des annulations importantes ? Vous engagez-vous à sincériser le budget du programme « Sport » pour lui permettre de faire face aux enjeux multiples à venir ?
Madame la députée, pour ce qui est de la sincérisation, les éléments de réponse que j'ai apportés précédemment doivent être de nature à vous rassurer, qu'il s'agisse de la baisse de la réserve de précaution ou encore de la volonté du ministère d'adopter des hypothèses les plus justes possibles afin d'éviter les décrets d'avance que nous avons connus.
Quant au programme 219, il a été rehaussé en 2018 par rapport à l'année précédente à hauteur de 37 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 35 millions en crédits de paiement. À périmètre constant, il a notamment bénéficié d'une remise à niveau sur les dispositifs sociaux de compensation auprès de l'ACOSS – Agence centrale des organismes de sécurité sociale – des exonérations de charges sociales sur les rémunérations des arbitres et des juges sportifs, ainsi que d'un renforcement de ses moyens en vue de la montée en puissance de l'Agence française de lutte contre le dopage.
En outre, dans le cadre de la clarification des missions entre l'État et le Centre national pour le développement du sport, le programme a bénéficié d'un mouvement de transferts en provenance de l'opérateur, conforté ainsi dans son rôle de soutien au sport pour tous, et ce à hauteur de 72 millions d'euros, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement. Parmi les dispositifs transférés au programme figurent notamment les dotations aux organismes nationaux comme le CNOSF – Comité national olympique et sportif français – et le CPSF – comité paralympique et sportif français – et les subventions pour l'organisation des grands événements sportifs internationaux. La programmation budgétaire en faveur du programme 219 recentre ainsi l'action de l'État dans le domaine sportif sur le portage des politiques sportives nationales et internationales.
Le sujet du financement par l'État du programme « Sport » ne peut être dissocié, vous l'avez rappelé, de celui de la préparation des Jeux olympiques de 2024. La loi de finances pour 2018 a créé à cet effet un nouveau programme, no 350, « Jeux olympiques et paralympiques 2024 », qui rassemble les crédits en provenance de l'État en faveur de la préparation de la compétition, c'est-à-dire au total 1 milliard d'ici 2024. Pour l'année 2018, ce programme a été doté de 58 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 48 millions en crédits de paiement, afin de financer notamment les études préalables aux premières opérations. Pour les années 2019 et 2020, les montants inscrits dans la trajectoire de la loi de programmation s'élèvent à 80 millions puis à 120 millions d'euros.
Nous prenons ainsi la mesure de l'exigence qui nous incombe en tant qu'organisateur des Jeux olympiques. Surtout, par ce recentrage, par la redéfinition des périmètres de chacun des programmes concernés et par l'effort de sincérisation que j'ai évoqué, nous veillons à ce que le ministère des sports puisse sereinement et avec lisibilité gérer les crédits qui lui sont affectés.
Monsieur le secrétaire d'État, à la lecture du rapport sur les crédits du budget de l'État ouverts par décret d'avance et à l'écoute du discours du Président de la Cour des comptes ici même cet après-midi, on comprend qu'une grande partie des crédits ainsi ouverts en 2017 s'explique par des sous-budgétisations et non par des urgences caractérisées telles que l'ouverture d'hébergements d'urgence ou des crises sanitaires. Cela pose la question de la sincérité et de la rigueur dans l'élaboration de budget.
Je prendrai l'exemple de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », qui me semble caractéristique de cette sous-budgétisation. Des crises, en partie prévisibles, et une sous-évaluation des besoins financiers ont obligé à ouvrir beaucoup de crédits afin de faire face aux dépenses réelles de cette mission et donc à nos responsabilités. En contrepartie, des secteurs annexes à l'agriculture, comme l'écologie, sont essentiellement concernés par des fermetures.
Les insuffisances de l'élaboration initiale du budget conduisent ainsi à devoir ouvrir des crédits en cours d'année et à en fermer d'autres sur des missions pour lesquelles ils ont pourtant été votés, remettant en cause la valeur du travail parlementaire. Cela conduit à opposer des politiques publiques les unes aux autres et à répondre aux urgences à court terme, en lieu et place d'une programmation volontariste de long terme. Cela témoigne aussi de l'importance de revoir les bases de la programmation du budget, en particulier pour des missions comme l'agriculture : il n'est pas tenable à la fois d'allouer des crédits pour faire face aux crises et d'ouvrir des lignes budgétaires à cause de la sous-évaluation des besoins financiers inhérents à ce type de missions.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, comment pensez-vous éviter ces sous-budgétisations et sincériser notre budget, en particulier s'agissant de la mission Agriculture ?
Monsieur le député, s'agissant de cette mission, l'année 2017 a été marquée par des événements majeurs, pour beaucoup imprévisibles, qui ont eu des effets sur le budget du ministère de l'agriculture. Le financement des conséquences des crises sanitaires – grippes aviaires, fièvre catarrhale ovine ou encore tuberculose ovine – ainsi que de la crise du lait a coûté au total, au titre des indemnisations, 262 millions d'euros en autorisations d'engagement et 300 millions en crédits de paiement, ouverts par décrets d'avance et validés en loi de finances rectificative.
Il a fallu aussi prendre en compte, d'une part, les refus d'apurement communautaire notifié par la Commission européenne en cours d'année, ce qui a conduit à l'ouverture de crédits supplémentaires à hauteur de 721,1 millions d'euros en fin d'année, et d'autre part le financement des conséquences budgétaires des retards de paiement des campagnes PAC 2016. L'indemnité compensatoire de handicap naturel a été payée en 2017 en utilisant les crédits budgétaires alloués en 2016 à hauteur de 256 millions d'euros, crédits qui avaient été reportés en 2017.
Tous ces éléments ont rendu la gestion de la mission particulièrement difficile en 2017. Globalement, l'ouverture nette a été de 827,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et de plus de 1 milliard en crédits de paiement. Cela s'est avéré nécessaire en fin d'année pour faire face aux besoins. Ces ouvertures de crédits, assumées et gagées par des annulations sur d'autres dépenses, sont aussi un signe de soutien fort du Gouvernement au monde agricole. Ainsi, afin d'accompagner les exploitants agricoles, plusieurs dispositifs ont été mis en oeuvre. Je pense entre autres au plan de 180 millions d'euros pour indemniser les éleveurs des pertes de revenus induites par les crises sanitaires, le ministère finançant également les dépenses directement liées à leur gestion pour un montant de 100 millions. Il faut rappeler qu'un plan de crise, lancé en 2016 pour la filière laitière, s'est achevé en 2017.
Ces aléas sont nombreux et connus, et pour renforcer la sincérité budgétaire et assurer sa réactivité, le Gouvernement a notamment mis en place deux mesures afin d'éviter à l'avenir de tels chocs pour cette mission. Le premier est la création d'une provision pour aléas en loi de finances 2018, à hauteur de 300 millions d'euros, permettant ainsi de financer une hausse éventuelle des dépenses en cas de dégradation de la situation économique ou sanitaire ainsi que les refus d'apurement communautaire. S'ajoute à cette budgétisation prudente un dispositif de renforcement des effectifs chargés d'instruire les dossiers de la PAC et d'assurer les paiements afin de ne pas avoir à subir la charge des indemnités et des frais de retard comme précédemment.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, mercredi dernier, nous avons adopté ici même à une large majorité le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Cette réforme était indispensable pour rénover notre système ferroviaire afin de garantir un meilleur service aux Français, mais aussi pour renforcer la SNCF en assumant des investissements sans précédent. Nous l'avions dit, nous l'avons fait : un check de plus donc, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Le Gouvernement prévoirait la reprise d'environ 35 des 47 milliards d'euros de dette de l'opérateur ferroviaire, et d'investir dans la rénovation des lignes, conformément au discours du Président de la République tenu le 1er juillet 2017 en gare de Rennes.
Toutefois, devant cette nouvelle impulsion inédite, nous devons faire face à une légère tendance récurrente des finances publiques à annuler ou à reporter des crédits de rénovation des infrastructures ferroviaires, crédits pourtant inscrits dans les différentes lois de finances, et, je tiens à le préciser, tant durant l'ancienne que sous la nouvelle législature, comme l'ont souligné mes deux collègues rapporteurs spéciaux du programme « Infrastructures et services de transports ». En effet, à mi-parcours des contrats de plan État-région 2015-2020, seul 28 % du niveau d'engagement avait été réalisé et 9 % des crédits de paiement consommés.
Les risques que cela pourrait entraîner ont été relevés par la Cour des comptes mais aussi par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Comme l'a évoqué Mme la ministre chargée des transports Élisabeth Borne devant notre commission des finances le 4 juin, nous constatons un décalage entre le moment où les fonds de concours sont rattachés au budget de l'État et le moment où ils peuvent être décaissés pour participer aux opérations qu'ils ont vocation à financer. On assiste donc à une montée préoccupante des montants non décaissés en fin d'exercice ces dernières années. Des travaux de rénovation promis mais non réalisés mettent à mal la force de la parole de l'État.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer de l'étroite collaboration du ministère de l'action et des comptes publics avec celui des transports afin de pallier ces décalages de paiements ? Quel est l'état de vos réflexions sur la concomitance de la future trajectoire de la prochaine loi de programmation des infrastructures avec celle des finances publiques ? Je souligne que pour assurer la pérennité de notre réseau, il nous faut passer par des investissements massifs de rénovation tout en ayant conscience que le coût impose des choix.
Monsieur le député, la question que vous posez permet de souligner une des causes d'un mal français. Depuis maintenant trente ans, nous programmons collectivement, génération après génération, des opérations d'infrastructures et d'équipements qui ont toutes leur raison d'être et qui répondent toutes à des besoins exprimés par les populations, par les élus et par les territoires dont elles sont censées améliorer la desserte. Mais la réalité, c'est que depuis trente ans, nous programmons des opérations, engageons l'État sur leur réalisation, sans avoir la moitié du financement nécessaire pour le faire.
Vous évoquez le fait que sur le programme des infrastructures, année après année, il y a des reports de crédits, sinon des annulations de programmes.
Il faut noter qu'entre 2017 et 2018, le montant total des reports de crédits pour travaux a été inférieur à celui constaté les années précédentes, ce qui constitue un signe encourageant.
Par ailleurs, les annulations de crédits que vous avez évoquées concernant ce programme 203 « Infrastructures et services de transports » n'ont concerné que des crédits mis en réserve, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas eu d'impact sur les opérations effectivement réalisées au cours de l'année 2017, ce qui est plutôt rassurant en termes d'effectivité des réalisations.
La ministre chargée des transports, Élisabeth Borne, aura prochainement l'occasion de présenter devant le Parlement le projet de loi d'orientation sur les mobilités : cela sera pour elle l'occasion de faire un point sur l'intégralité des travaux programmés, en s'appuyant sur les différentes études et rapports publiés notamment par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Il s'agira notamment de déterminer ceux d'entre eux qui sont réalisables immédiatement. Nous aurons alors à faire des choix. Je puis vous assurer que ceux ayant trait au caractère « finançable » ou non des projets ou à la priorité à donner à l'un ou à l'autre seront évidemment faits par le ministère des transports en fonction de leur opportunité.
Quoi qu'il en soit, la coopération entre le ministère des transports et le ministère de l'action et des comptes publics est totale en vue de s'assurer à la fois que ces choix s'inscrivent dans la loi de programmation et qu'ils respectent les trajectoires budgétaires que nous avons fixées, de manière à ce que, dans les années qui viennent, les mauvaises nouvelles que sont les annulations ou les reports de crédits soient les moins nombreuses possible, voire disparaissent de notre exécution budgétaire.
Nous en avons terminé avec les questions du groupe La République en marche. Nous pouvons revenir à M. Éric Coquerel, pour la dernière question du groupe La France insoumise.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Monsieur le secrétaire d'État, je m'étonne tout d'abord que vous soyez le seul membre du Gouvernement à nous répondre, sur tous les dossiers. Quoi qu'il en soit, je vous interpelle sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont chacun s'accorde à dire qu'elle est essentielle mais qui est victime d'une sous-exécution globale, qui se monte à 414 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse 3,4 % par rapport aux 12,3 milliards votés par le Parlement, et qui atteint 1,34 milliard en autorisations d'engagement, ce qui correspond à 10,3 % des crédits ouverts en loi de finances initiale. En outre, en termes d'emplois, nous en sommes à 1 000 équivalents temps plein de moins que la prévision initiale, soit une chute de 2,3 %.
Deux décrets du 20 juillet 2017 ont aggravé la situation en annulant, en gestion, un total de 434 millions d'euros en crédits de paiement. Le ministre nous avait indiqué qu'une telle évolution n'abîmait pas le service public. Je vais essayer de vous montrer que c'est faux en prenant l'exemple du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », dont je suis le rapporteur spécial.
Il est question, dans mon rapport, du programme 181 « Prévention des risques : chacun conviendra ici de son importance, tant au regard de la question de l'évolution climatique que de celle des risques industriels ou nucléaires.
En loi de finances initiale pour 2017, ce programme était doté de 103,4 millions d'euros en autorisation d'engagement. Or, en réalisation, seulement 29,8 millions ont pu être débloqués, soit un tiers des crédits initialement prévus. Quant aux crédits de paiements, moins d'un quart des crédits initialement prévus ont été mobilisés, soit 20,8 millions sur les 88,2 millions prévus.
Cette situation est absolument gravissime pour les opérateurs publics. Ainsi, l'Agence française pour la biodiversité a vu sa subvention pour charges de service public réduite, en exécution, à 27,3 millions d'euros, contre 34,5 millions votés. Météo France a également souffert de coupes budgétaires, à hauteur de 8,35 millions, soit une baisse de 4,3 % par rapport à la loi de finances initiale, alors que nous savons que cet opérateur se trouve dans une situation absolument catastrophique, avec notamment des suppressions d'emplois estimées à 100 équivalents temps plein dans les années à venir.
La subvention de l'IGN – Institut national de l'information géographique et forestière – a elle aussi été réduite en exécution, alors que cet établissement est au coeur de la production de données géographiques souveraines. Même chose pour le CEREMA – Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement. On se demande même si cet opérateur public pourtant indispensable en matière de planification écologique ne va pas disparaître dans les années à venir, tant l'exécution budgétaire ne cesse de faiblir. C'est également le cas pour l'INERIS – Institut national de l'environnement industriel et des risques : en juillet 2017, coupe de 2,5 % des crédits votés, sans compter un prélèvement sur son fonds de roulement. Je rappelle que l'INERIS gère les risques industriels : le moins qu'on puisse dire est que lorsque tout à coup on en a besoin, par exemple lorsqu'une usine chimique rencontre un problème, on ne regrette pas longtemps les investissements qu'on y a faits !
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite obtenir de votre part des réponses sur toutes ces baisses qui grèvent le budget d'un ministère qui, malheureusement, est traité comme une variable d'ajustement alors qu'il devrait être considéré comme primordial, et donc préservé de toute baisse.
Monsieur le député, le ministère de la transition écologique et solidaire, que vous avez cité, n'a pas contribué plus que les autres à l'effort de régulation budgétaire au cours de l'année.
Vous avez évoqué de très nombreux sujets, dont certains très techniques, dont j'ai pris bonne note. S'agissant des réponses que je ne pourrai pas vous apporter ce soir, le Gouvernement vous les fournira dans le cadre d'un échange ultérieur.
Il me faut préciser que la baisse des emplois du ministère que vous avez évoquée a été conforme à la loi de finances initiale pour 2017. Aucune mesure aggravante n'a été prise par décret d'avance ou par mesure réglementaire.
S'agissant du décret d'avance, les crédits annulés étaient pour l'essentiel des crédits mis en réserve, ou portaient sur des mesures relevant de dépenses discrétionnaires. Cela nous a permis de respecter les objectifs de notre trajectoire budgétaire.
J'ai par ailleurs deux compléments d'information. D'abord, l'Agence française pour la biodiversité, que vous avez citée, a fait l'objet non d'un décret d'avance mais d'un prélèvement sur trésorerie, à l'occasion de la loi de finances rectificative. En effet, sa trésorerie s'était singulièrement améliorée du fait d'une montée en puissance, pour le dire ainsi, beaucoup plus lente que prévu : sur l'année 2017, le niveau d'engagement enregistré a été beaucoup moins important que celui envisagé initialement. Nous avons donc veillé à ces différents éléments, afin que les priorités du ministère soient préservées.
J'en viens au point de forme que vous avez soulevé, monsieur le député, regrettant que je sois le seul membre du Gouvernement à vous répondre : j'en suis désolé, mais il va falloir vous en satisfaire pour ce soir. Les membres du Gouvernement, c'est l'objet même de l'exercice, ne connaissent pas à l'avance les questions des députés : j'ai donc découvert la vôtre au moment où vous vous êtes exprimé.
Vu la diversité des sujets que vous avez choisi d'aborder, il aurait fallu, pour vous répondre précisément, que la totalité des membres du Gouvernement soient présents. Votre question aurait donc plus eu sa place dans une séance soit de questions orales sans débat, soit de questions au Gouvernement, le mardi ou le mercredi à quinze heures : vous auriez pu ainsi mobiliser tout le Gouvernement. Mais je ne crois pas que ce soit l'esprit des questions cribles portant sur l'exécution budgétaire.
Nous en venons aux questions du groupe du Mouvement démocrate et apparentés. La parole est à Mme Sophie Mette.
Monsieur le secrétaire d'État, les annulations de crédits de 2017, et plus particulièrement celles de juillet dernier, font suite à l'audit des finances publiques mené par la Cour des comptes au mois de juin.
Cet audit a en effet mis en évidence d'importantes sous-budgétisations, de l'ordre de 4 milliards d'euros. Plus grave, ces dernières ne provenaient majoritairement pas d'écarts en cours de gestion, mais de l'inscription initiale de crédits insuffisants dès le projet de loi de finances pour 2017, s'agissant notamment des emplois aidés.
Si l'action du Gouvernement a, dès juillet 2017, permis d'assurer une exécution du budget en phase avec les besoins des ministères, quelles actions sont et seront, monsieur le secrétaire d'État, menées par votre ministère pour rendre nos comptes publics plus sincères ?
Madame la députée, vous posez la question, en définitive, de la sincérité du budget, qui permet une exécution budgétaire plus souple. Vous l'avez noté, un certain nombre d'annulations de crédits ont permis de financer des dépenses qui ne l'étaient pas nécessairement, notamment dans le champ social, à hauteur de 2,4 milliards. Le principal contingent, c'est-à-dire 840 millions, a été affecté à la prime pour l'emploi.
Comme je l'ai déjà dit, il a aussi fallu financer des dépenses du ministère de l'agriculture à hauteur de 1 milliard d'euros, ainsi que des dépenses relatives aux opérations extérieures et aux missions intérieures du ministère des armées pour 950 millions et des dépenses de personnel de certains ministères, à hauteur de 516 millions. Les annulations ont dont constitué un moyen d'urgence exceptionnel permettant de répondre à une situation héritée de la construction de la loi de finances pour 2017.
Le Gouvernement en a tiré les leçons, et c'est là le principal enseignement de ce premier exercice budgétaire. La loi de finances pour 2018 a ainsi été l'occasion de remettre à niveau les dotations concernées, que je viens d'évoquer, en vue de renforcer la sincérité budgétaire. À ce titre, les opérations extérieures et les missions intérieures du ministère des armées ont été revalorisées de 200 millions d'euros. Le ministère de l'agriculture a été doté d'une provision pour risques de 300 millions. Les dépenses de personnel du ministère de l'éducation nationale ont été remises à niveau. Enfin, la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles a été augmentée de 120 millions.
Cet effort de sincérité permet de rendre la gestion en cours d'année plus fluide pour les gestionnaires et plus respectueuse de l'autorisation parlementaire. La disponibilité des crédits, pour les ministères, a été augmentée de façon significative suite à la baisse de la réserve de précaution de 8 % à 3 %.
Contrairement à ce qui s'est fait ces dernières années, le Gouvernement n'a à ce jour présenté aucun décret d'avance ou d'annulation visant à modifier la répartition des crédits initialement votés, et aucun élément n'indique aujourd'hui qu'un tel besoin se sera exprimé d'ici la fin de l'année.
Monsieur le secrétaire d'État, alors que 280 000 contrats aidés avaient été programmés en loi de finances pour 2017, les crédits ouverts, qui se sont avérés insuffisants, avaient été consommés aux deux tiers dès la fin du premier semestre.
Dans le budget voté par la précédente majorité, qualifié d'insincère par la Cour des comptes, les emplois aidés ont donc été sous-budgétés. Au mois de juillet, un redéploiement des crédits a donc dû être effectué, et des annulations de crédits ont ainsi permis de financer près de 40 000 nouveaux contrats.
Pour 2018, ce sont près de 200 000 contrats aidés qui ont été annoncés, avec un recentrage sur les secteurs où les publics cible en ont le plus besoin : l'urgence sanitaire et sociale, l'outre-mer, l'accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire et l'insertion des jeunes et des chômeurs de longue durée.
Les contrats aidés sont notamment indispensables à beaucoup de structures, dont certaines associations, qui ont déjà souffert l'année dernière lorsque l'enveloppe budgétaire s'est tarie dès l'automne. En effet, malgré leurs limites, les contrats aidés représentent un outil utile à court terme pour lutter contre le chômage et permettre l'insertion. Ils permettent à de nombreuses associations ainsi qu'à des services publics de survivre.
Ces structures, déjà fragilisées par les annonces de l'année passée, ne peuvent se permettre de revivre une telle situation et de voir leurs effectifs de nouveau impactés par une baisse du nombre de contrats aidés.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer que la budgétisation initiale de ces secteurs essentiels à la cohésion sociale et territoriale de notre pays est parfaitement sincère ?
Madame la députée, dans un contexte de retour de la croissance et de création d'emplois plus dynamique, l'objectif du Gouvernement est d'augmenter l'efficacité des dispositifs d'insertion par l'emploi comme les contrats aidés, en les ciblant vers les publics les plus éloignés du marché du travail, en cohérence avec les besoins des territoires.
Il a ainsi été décidé, comme vous l'avez rappelé, de recentrer les contrats aidés vers le secteur non marchand et de les transformer en parcours emploi compétences mêlant expérience professionnelle, accompagnement et formation, dans l'idée qu'ils soient moins nombreux mais plus efficaces en termes de retour à l'emploi.
Après des dérapages budgétaires préoccupants ces dernières années – notamment 900 millions en 2016 – le Gouvernement s'est engagé à assurer la sincérité budgétaire sur ce dispositif. Ainsi, il est parvenu dès 2017 à contenir le dépassement à 300 millions d'euros, grâce à la baisse de la prescription au second semestre, que j'ai rappelée en réponse à une question précédente. Pour 2018, ce sont bien 200 000 parcours emploi compétences dans le secteur non marchand qui sont inscrits en loi de finances, avec un taux moyen de prise en charge de 50 % du SMIC. Si certains publics bénéficient d'un taux de prise en charge plus élevé, notamment outre-mer, avec 60 %, les volumes prescrits seront si besoin adaptés à la baisse, pour respecter l'enveloppe budgétaire.
La programmation annuelle s'est également inscrite cette année dans le strict respect du principe de précaution budgétaire, en prenant en compte, sur ce programme concerné, une réserve de gestion de seulement 3,5 %. Ainsi, environ 160 000 parcours emploi compétences ont été notifiés au mois de janvier aux prescripteurs : il faut leur ajouter 30 500 autres parcours ouverts à compter de la prochaine rentrée scolaire au sein de l'éducation nationale afin d'accompagner les enfants en situation de handicap.
La gestion 2018 des contrats aidés a également introduit la possibilité pour les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de redéployer, selon les besoins locaux observés, jusqu'à 20 % des crédits budgétés en faveur des parcours emploi compétences en faveur de postes supplémentaires dans les structures d'insertion par l'activité économique.
Cette faculté rend moins pertinentes les comparaisons historiques en termes de volume de prescription des seuls contrats aidés. L'effort d'insertion par l'emploi comme de renforcement de l'accompagnement en faveur des publics les plus éloignés de l'emploi est en effet désormais globalisé au sein du nouveau fonds d'inclusion dans l'emploi.
Ainsi, non seulement les crédits inscrits au titre de la loi de finances pour 2018 seront respectés, ce que vous appelez de vos voeux, madame la députée, mais ils permettront une approche plus efficace, nous l'espérons, des problèmes d'insertion par l'emploi.
Monsieur le secrétaire d'État, je reviens sur l'un des mouvements de crédits de l'exercice budgétaire 2017 les plus commentés : l'annulation, au mois de juillet dernier, de 850 millions d'euros de crédits du ministère des armées.
Dans un contexte de déploiement important de nos forces militaires, soit dans le cadre d'opérations extérieures, soit sur notre territoire dans le cadre de l'opération Sentinelle afin de lutter contre le terrorisme, pouvez-vous nous préciser les impacts attendus, notamment en matière d'équipements des forces, de cette décision ?
Monsieur le député, l'annulation de 850 millions d'euros de crédits inscrits au programme 146 « Équipements des forces » de la mission « Défense » a été réalisée, comme je l'ai dit il y a quelques instants, au titre de la contribution du ministère des armées à la solidarité interministérielle dans le cadre de la tenue de l'objectif fixé par le Président de la République, qui était de respecter nos engagements budgétaires européens.
Cette annulation portant sur les crédits mis en réserve de précaution a conduit à réduire les paiements de 500 millions d'euros en 2017 et de 350 millions en 2018. Cette répartition a été réalisée dans l'objectif de minimiser les conséquences immédiates sur les opérations d'armement.
À titre d'illustration, la réduction des paiements au cours de l'exercice 2017 a porté en partie, c'est-à-dire pour 230 millions, sur les versements en faveur de la trésorerie de l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement et de la NATO Helicopter Management Agency, ce qui n'a pas eu d'impact sur le déroulement technique des programmes concernés.
Ces décalages n'ont pas pesé sur la conduite des engagements opérationnels et l'annulation s'est par ailleurs accompagnée dès le 20 juillet d'un dégel de 1,2 milliard d'euros des crédits de la mission « Défense » restant en réserve, et cela afin de donner plus de visibilité à la gestion du ministère des armées.
En outre, le programme 146 a fait l'objet d'un autre dégel, en fin de gestion, à hauteur de 700 millions, et les travaux de programmation inclus dans le projet de loi de finances pour 2018 et le projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 ont permis de reprogrammer les opérations reportées, afin d'éviter toute conséquence néfaste sur le niveau d'équipement de nos forces armées et de leur permettre d'assurer l'intégralité de leurs missions dans les meilleures conditions qui soient.
Nous en venons aux questions du groupe UDI, Agir et indépendants.
Monsieur de Courson, vous m'avez demandé la possibilité de poser vos deux questions à la suite. Je vous l'accorde. Si un autre groupe formulait la même demande, j'y accéderais bien sûr de la même façon.
Madame la présidente, je vous remercie de votre immense bonté à mon égard.
Rires.
Monsieur le secrétaire d'État, comme l'a indiqué au milieu de l'après-midi le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, dans son intervention sur le budget de l'État en 2017, le dérapage constaté pour 2017 s'est élevé à 6,4 milliards d'euros – soit le haut de la fourchette retenue par la Cour des comptes au début de la législature – dont 4,4 milliards pour les seules sous-budgétisations de dépenses.
Pour couvrir ces écarts, une vaste opération de « reprogrammation » – mot pudique ! – des crédits a été décidée par le Gouvernement lors de son arrivée aux affaires. Des annulations et des redéploiements massifs sont intervenus. Ces annulations de crédits se sont montées à 4,2 milliards d'euros : ce sont les plus importantes depuis la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Or ces annulations de crédits nécessitent la rédaction de décrets d'avance, sur lesquels le Conseil d'État émet un avis, qui n'est malheureusement pas communiqué de manière automatique au Parlement – il peut l'être si le Gouvernement en décide ainsi.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur les mesures que compte prendre le Gouvernement pour limiter à l'avenir ces cas manifestes de sous-budgétisation – dont certains remontent à des années, y compris à l'époque où M. Éric Woerth était ministre du budget, notamment s'agissant des OPEX, les opérations extérieures de l'armée.
Elles existaient donc, mais elles étaient moins importantes qu'aujourd'hui. Il faut donc les limiter, ainsi que les opérations comptables qui en découlent lors de l'exécution de l'année budgétaire, et renforcer les moyens de contrôle du Parlement.
Le groupe UDI, Agir et indépendants, poussera dans ce sens. Dans le cadre de la réforme des institutions, nous proposerons deux amendements.
Le premier vise à ce que soient systématiquement transmis au Parlement les avis du Conseil d'État sur les décrets d'avance et, plus largement, sur l'ensemble des projets de loi. Y seriez-vous favorable ?
Le second vise à l'extension des compétences du Haut Conseil des finances publiques, afin que celui-ci puisse évaluer les crédits. Actuellement, le Haut Conseil a compétence sur l'évaluation, premièrement, des hypothèses économiques, donc des recettes, et deuxièmement du solde, mais pas sur l'évaluation du niveau des crédits. Il ne peut pas dire, par exemple, qu'il manque 600 millions pour les OPEX. De même, notre collègue du MODEM a soulevé tout à l'heure la question des contrats aidés : dans le dernier budget, leurs crédits étaient manifestement sous-évalués, et cela dans des proportions considérables. L'idée serait donc que le Haut Conseil des finances publiques donne un avis au Parlement, en disant si les crédits sont ou non correctement évalués – au regard des dispositifs existants bien sûr : il ne s'agirait pas de dire si la politique est bonne ou non. Cela éviterait aux gouvernements successifs de mauvaises surprises.
Monsieur le député, vous avez posé de nombreuses questions. Certaines trouveront, sinon leur réponse, du moins un terrain de discussion plus approfondi à l'occasion de la révision constitutionnelle lancée par le Président de la République et aussi de l'examen du projet de loi de règlement, sur lequel vous avez d'ailleurs déposé un certain nombre d'amendements.
Vous mettez en avant la nécessité de renforcer les attributions et les compétences du Haut Conseil des finances publiques. Cela peut être une piste intéressante, mais il faut avoir en tête que cet organisme dispose d'une compétence, reconnue par tous ici, en matière d'évaluation des hypothèses sur les recettes et de macroéconomie.
En matière d'évaluation des dépenses et de suivi de l'exécution…
L'évaluation des dépenses et des crédits, certes. En ces matières donc, le Gouvernement considère que les services de l'Assemblée sont au moins autant, sinon mieux armés pour assurer ce suivi, notamment dans le cadre de la mission de contrôle et d'évaluation qui est la vôtre.
Au-delà des questions de procédure et des compétences de tel ou tel organisme, je crois que l'essentiel des réponses à vos questions seront apportées à l'occasion du débat sur la révision constitutionnelle et, plus précisément, à l'occasion du débat sur les moyens dont dispose le Parlement pour assurer une meilleure évaluation du travail gouvernemental, en matière budgétaire comme en d'autres matières. Je ne doute pas que vous y participerez. Vous aurez noté que, cette année, dans le cadre de ce qu'on a appelé le « Printemps de l'évaluation », chacun des ministres est venu devant les commissions du Parlement pour rendre compte de l'exécution budgétaire et répondre, de manière parfois plus précise que ce que je peux faire ce soir, aux questions concernant le périmètre des uns et des autres.
Ce que je peux vous assurer aussi, c'est que le Gouvernement a la volonté de s'engager dans un exercice de sincérisation budgétaire. Vous l'avez rappelé, des mesures de redressement ont été prises au mois de juillet dernier, à hauteur de 4 milliards d'euros, par l'intermédiaire d'un décret d'avance pour 3 milliards, d'un décret d'annulation pour 300 millions et de mesures de ralentissement d'un certain nombre de dépenses. Cela a été complété par le redéploiement de besoins résiduels, avec un nouveau décret d'avance à hauteur de 800 millions à l'automne, essentiellement pour couvrir les besoins en matière de masse salariale. Au total, ce sont 5,4 milliards d'économies qui ont été réalisées, pour 0,2 point de PIB, ce qui nous a permis d'atteindre notre objectif, qui était de descendre sous le seuil des 3 % de déficit.
Ce qui a été fait à l'occasion de la préparation du projet de loi de finances pour 2018, avec la baisse de 8 à 3 % de la réserve, la remise à niveau d'un certain nombre de dotations et un travail de rebudgétisation de dépenses qui recouvraient des taxes affectées à tel ou tel organisme, nous permet d'accéder à cette sincérité budgétaire que vous appelez de vos voeux. Ce que nous souhaitons, c'est pouvoir mener cette année 2018 sans avoir recours ni à des décrets d'avance ni à des décrets d'annulation, hormis sur des aspects purement techniques. La meilleure façon de respecter le Parlement, c'est encore d'éviter d'avoir à prendre en cours d'exécution budgétaire de telles mesures réglementaires, dont l'objet est d'assurer une régulation en cours d'année.
Nous passons aux questions du groupe Nouvelle Gauche.
La parole est à Mme Valérie Rabault.
Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais moi aussi vous interroger sur les contrats aidés. La rupture opérée en août 2017 est inédite. Même sous les gouvernements de Nicolas Sarkozy, il y avait en moyenne entre 387 000 et 474 000 créations d'emplois aidés par an. Mais on est tombé de 460 000 créations en moyenne à 300 000 en 2017 et, en 2018, c'est l'effondrement.
Je voudrais vous poser deux questions très précises, auxquelles je vous serais reconnaissante de bien vouloir me donner une réponse précise.
Premièrement, que sont devenus ceux et celles dont les contrats aidés sont arrivés à échéance ? Toutes celles et ceux que je connais se retrouvent aujourd'hui chez Pôle emploi. Je voudrais savoir si le Gouvernement a eu la curiosité d'examiner cela.
Si je vous pose la question, c'est que sur le site du ministère du travail a été publiée une étude très intéressante sur l'efficacité des emplois aidés. On y lit la phrase suivante : « Les résultats montrent que, dans le secteur marchand, l'insertion dans l'emploi était meilleure à l'issue d'un contrat aidé que lorsque les chômeurs n'ont pas bénéficié d'un contrat aidé ». J'invite la ministre du travail à lire cette étude.
Deuxièmement, s'agissant des PEC – parcours emploi compétences – qui remplacent les contrats aidés : dans mon département, le préfet n'arrive pas à les placer.
À ce jour, seulement 9 % de l'enveloppe allouée a été attribuée. Je souhaiterais donc que vous nous indiquiez quel pourcentage de l'enveloppe nationale a été attribué jusqu'à présent.
Madame Rabault, vous avez posé deux questions extrêmement précises. Je pourrai répondre à l'une d'entre elles, mais ce sera moins facile pour la seconde. En effet, je ne dispose pas en cet instant du pourcentage d'engagement des PEC, mais je suis convaincu que Mme Pénicaud mettra un point d'honneur à apporter une réponse à cette question – en tout cas, je la lui transmettrai.
S'agissant du devenir des anciens bénéficiaires de contrats aidés, dont le contrat est arrivé à échéance, cette question, madame la députée, vous auriez pu la poser tous les ans. Vous savez comme moi, voire mieux que moi, qu'au cours de la dernière période, même si l'on parlait de contrats de deux ans, les contrats aidés étaient en réalité limités à quatre fois six mois. La question que vous posez pourrait concerner l'ensemble des bénéficiaires.
Par ailleurs, vous avez pu constater que les chiffres du chômage n'avaient pas augmenté après la décision qui avait été prise ; ils ont même baissé.
S'agissant des contrats aidés, j'ai déjà répondu à Mme El Haïry qu'il y avait de la part du Gouvernement une volonté de sincérité, qui expliquait le chiffre de 200 000, et aussi que lors de l'exécution budgétaire en 2017, le dépassement par rapport à la loi de finances initiale s'était élevé à 300 millions d'euros. La rupture que vous pointez, c'est qu'auparavant – non depuis cinq ou dix ans, mais depuis bien plus longtemps – les lois de finances initiales étaient systématiquement sous-budgétées et qu'année après année, il fallait systématiquement injecter de nouveaux crédits.
Avant que vous ne nous rejoigniez, j'avais répondu à une députée qui avait posé une question sur les contrats aidés que cette décision, qui avait certes pu avoir des conséquences brutales, posait aussi la question d'un modèle économique que nous avons laissé s'installer dans le pays depuis trente ou quarante ans, un modèle qui consiste à rendre solvables des employeurs qui ne le sont pas nécessairement. Je ne dis pas que c'était en soi une mauvaise chose, dans la mesure où il s'agissait à chaque fois de rendre un service au public ou de réduire le reste à charge. En revanche cela nous a dispensés du débat sur la prise en charge par le contribuable ou par l'usager de tel ou tel service.
S'agissant plus généralement de l'effort de sincérisation du budget, nous sommes à la mi-juin et, à ce stade, nous n'avons pris ni mesure de gel, ni mesure de surgel, ni décret d'avance. Je pense qu'au-delà de toute appréciation qu'on peut porter sur les choix politiques qui furent à l'origine de la loi de finances pour 2018, en matière d'exécution budgétaire chacun conviendra que, pour les gestionnaires comme pour les bénéficiaires des dotations inscrites au budget, cela est plutôt un gage de sérénité.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, deux minutes, c'est court, aussi vais-je me concentrer exclusivement sur le décret d'avance du 20 juillet 2017 et ses conséquences pour les collectivités locales.
La première Conférence nationale des territoires s'est réunie le lundi 17 juillet 2017 au Sénat, en présence du Président de la République et du Premier ministre. L'objectif était clair : il s'agissait de « bâtir un pacte de confiance entre les pouvoirs locaux et l'État, sur la base d'une organisation souple et intelligente ». Beaucoup y ont cru ! Las, patatras, trois jours après était publié un décret d'avance par lequel le Gouvernement retirait 216 millions d'euros de crédits à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », provoquant fort logiquement la colère et l'incompréhension des élus présents quelques jours auparavant à la Conférence nationale des territoires et que l'on s'était bien gardé de prévenir. Pour bâtir le pacte de confiance, on peut dire que les fondations étaient bien mal engagées !
Ça, c'est pour la forme. Quant au fond, les conséquences pour certains territoires ont été dramatiques. En l'occurrence, dans les départements qui avaient engagé peu ou pas de crédits, les préfets ont dû faire remonter l'argent et des projets ont été abandonnés ou différés. L'engagement d'un soutien à l'investissement, qui avait été vendu comme une contrepartie à la baisse de la dotation globale de fonctionnement, a été trahi pour certains, mais pour certains seulement, ce qui a constitué en plus une iniquité de traitement.
Vous étiez à l'époque, monsieur le secrétaire d'État, président de l'Association des petites villes de France et vous aviez relayé la colère des élus lors de la séance des questions au Gouvernement du 2 août dernier. Vous souligniez alors, à juste titre, les sentiments d'abandon et de trahison ressentis par les élus.
Quant au prétexte retenu pour opérer cette coupe, à savoir l'anticipation d'une moindre consommation, il est fallacieux puisque l'on sait que, dans certains départements, des projets n'ont pu être engagés faute d'autorisations d'engagement ou, pire, que des demandes de versement n'ont pu être honorées en fin d'année faute de crédits de paiement, obligeant certaines communes à recourir à des lignes de trésorerie.
Aussi, ma question est simple. Vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d'État, qu'aucun crédit d'investissement des missions « Relations avec les collectivités territoriales » et « Cohésion des territoires » ne sera annulé pour 2018, ni en autorisations d'engagement ni en crédits de paiement. Le confirmez-vous ? Confirmez-vous également que des crédits de paiement seront bel et bien disponibles en fin d'année ?
Pour finir, permettez-moi une remarque sur les chiffres que vous avez mentionnés, s'agissant des investissements, en réponse à la première question de mon collègue du groupe La France insoumise. Il s'agit certes de crédits, mais ils ont été votés par l'ancienne majorité, et la nouvelle les a « sabrés ».
Permettez-moi tout d'abord, madame Pires Beaune, de vous féliciter pour la qualité de vos références.
J'ai précédemment répondu à votre seconde question, tout d'abord pour dire que la méthode avait été remarquée. Devant le Congrès des maires de France, le 23 novembre dernier, le Président de la République a souligné que, conformément aux engagements pris lors de la Conférence nationale des territoires, ce type de situation n'aurait plus cours et que la concertation serait de mise.
En réponse à la deuxième question, j'ai dit aussi, s'agissant de l'exécution budgétaire de 2017, que 863 millions d'euros ont été engagés au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux – DETR – et de la dotation de soutien à l'investissement local – DSIL – , soit 163 millions d'euros de plus qu'en 2016, où ces crédits s'établissaient à quelque 700 millions d'euros – 696 millions, pour être précis.
Aujourd'hui, le Gouvernement entend rendre pleinement visibles les relations entre l'État et les collectivités territoriales. C'est la raison pour laquelle, au titre de l'exercice 2018, ont été votés 48,1 milliards d'euros de concours de l'État aux collectivités, contre 47,8 milliards en 2017. Ce montant devrait être revu à la hausse, à hauteur d'une centaine de millions d'euros, conformément à la décision prise avec Gérald Darmanin de ne pas appliquer la minoration de DCRTP – dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle – pour les établissements publics de coopération intercommunale.
Nous nous inscrivons dans une relation confiante et contractualisée avec 322 collectivités qui représentent à elles seules un peu plus de 70 % de la dépense publique, de manière à limiter l'augmentation des dépenses des collectivités à 1,2 % – et non à diminuer ces dépenses ! L'objectif est de respecter la trajectoire budgétaire tout en maintenant les dotations.
Quant à l'investissement, vous avez noté, comme d'autres, que les crédits de paiement inscrits pour 2018 sont supérieurs à ceux de 2017, malgré une légère diminution en autorisations d'engagement. Je puis vous assurer, ce soir, que l'ensemble des crédits de paiement, nécessaires au financement des opérations retenues, seront disponibles.
Je conclurai par une simple remarque. Vous avez évoqué, madame la députée, les modalités différentes, d'un département à l'autre, des engagements de crédits au titre de la DETR. Nous nous étions entretenus du sujet, d'une manière plus privée, à l'occasion du décret d'avance. Dans certains départements, comme le vôtre, les engagements au fil de l'eau s'étaient en effet traduits par une remontée des crédits, et dans d'autres départements – dont un que je connais bien – , les crédits engagés en début d'exercice ont également permis de préserver une large part des projets des communes, aucune d'entre elles n'ayant eu à faire face à un défaut de crédits de paiement.
Nous en venons à une question d'un député non inscrit.
La parole est à M. Michel Castellani.
J'associerai à ma question, monsieur le secrétaire d'État, mon collègue Jean-Felix Acquaviva, député de la Corse et président du comité de massif de notre île.
Le décret 2017-1183 du 20 juillet 2017 est désastreux pour les territoires ruraux et de montagne. Il a notamment coupé l'élan de plusieurs intercommunalités et des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux – PETR. Dans les régions de droit commun, il est compréhensible que l'État copilote les orientations qu'il définit en matière d'aménagement et de développement des territoires. En Corse, deux éléments tangibles sont de nature à conforter le positionnement de la collectivité territoriale vis-à-vis des contrats de ruralité : la loi et les compétences qui sont les siennes, notamment à travers le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse – PADDUC.
Par ailleurs, la mise en place de la collectivité unique et l'effacement de l'échelon départemental sont des éléments pertinents qui conduisent les décideurs à réorienter la territorialisation des politiques publiques dans les priorités déclinées au sein de chacun des contrats de ruralité signés ou en cours d'élaboration, en vertu, non seulement des orientations contenues dans le PADDUC, mais aussi des capacités financières disponibles.
Ainsi, la collectivité de Corse affirme son rôle comme prescripteur en termes d'aménagement et de développement des territoires, malgré la faiblesse des moyens humains ou financiers, en dehors des contractualisations de droit commun – contrats de plan ou fonds européens – ou celles propres à la Corse – programme exceptionnel d'investissements ou comité de massif. Je souhaite connaître les intentions de l'État pour pallier les carences financières engendrées par le décret du 20 juillet 2017, lequel met en péril, comme vous le savez, de nombreux contrats de ruralité, en Corse comme ailleurs.
Vous êtes revenu, monsieur le député, sur les contrats de ruralité, tout particulièrement en Corse. La présente séance de questions est consacrée à l'exécution budgétaire de 2017. Sur ce plan, je puis vous assurer que l'exécution des contrats de ruralité sera garantie cette année comme les années suivantes.
Le décret d'avance que vous avez évoqué n'a pas plus de conséquences pour la Corse que pour les autres territoires de la République. Il procède à des mesures de régulation qui s'appliquent de manière uniforme. La situation de la collectivité de Corse présente peut-être une particularité ; mais cette particularité ne concerne pas l'exécution budgétaire de 2017. La première raison est que cette collectivité a été formellement créée un peu plus tard, et qu'elle est née, si l'on peut dire, de la fusion de deux départements et de la collectivité régionale de Corse.
Pour m'être rendu en Corse il y a quelques semaines et m'être entretenu avec le président du Conseil exécutif – y compris sur la situation financière et sur les demandes qui émanent d'un certain nombre d'élus corses en matière de fiscalité, voire de territorialisation de la fiscalité – , j'ai cru comprendre qu'une partie des difficultés rencontrées par la nouvelle collectivité unique de Corse tiennent aussi à ce qu'elle doit assumer les décisions prises précédemment, en particulier par les trois collectivités dont elle est issue, à commencer par les deux départements : je pense par exemple à des baisses de fiscalité locale pour la partie correspondant à l'ancien département de Corse du Sud ; à la révision à la hausse des régimes indemnitaires du personnel, notamment des SDIS – services départementaux d'incendie et de secours – , dans chacun des deux départements ; à une trésorerie qui, entre le moment où la collectivité unique de Corse fut décidée et celui où elle est née, a été singulièrement dégradée – ou, en tout cas, consommée.
Un certain nombre de décisions budgétaires prises par les collectivités qui ont ensuite fusionné dans la collectivité unique sont aujourd'hui présentées comme des éléments dont la collectivité unique doit aujourd'hui assurer la pérennité et le financement. Nos discussions ont aussi porté sur la façon dont l'État pourrait mieux accompagner la collectivité de Corse dans le cadre d'un plan d'investissement. Ces discussions font écho à d'autres de nature, soit constitutionnelle, soit simplement interministérielle. L'objectif est de garantir un traitement égal et équitable de la Corse dans la République, et d'assurer le financement des investissements dans le respect des engagements budgétaires de l'État français. L'État n'interférera en aucun cas dans les décisions relatives à la gestion des collectivités précédentes, et ne les assumera pas davantage à la place de ceux qui les ont prises.
Nous avons terminé les questions sur les annulations de crédits en 2017.
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de MM. André Chassaigne, Jean-Paul Dufrègne, Fabien Roussel et plusieurs de leurs collègues, visant à mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires (no 1032).
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires : voilà une belle ambition, une ambition noble, fondamentale ; une ambition qui doit animer tous les démocrates, et toutes celles et tous ceux qui sont attachés à l'expression de la souveraineté populaire, quels que soient les bancs qu'ils occupent dans cet hémicycle.
La politique budgétaire constitue le socle des choix politiques effectués pour la vie du pays. C'est elle qui détermine la contribution de chacun à l'effort de la nation, par le biais de l'impôt, des droits et des taxes. C'est elle aussi qui détermine l'ampleur de la réponse de la puissance publique apportée aux besoins exprimés par la population. C'est elle, enfin, qui détermine les ressources allouées aux politiques publiques.
La politique budgétaire représente ainsi l'une des assises de ce pacte social qui unit le peuple. Aussi la souveraineté populaire doit-elle pleinement s'exprimer dans la délibération budgétaire : c'est là une exigence fondamentale pour garantir que la démocratie relève, non d'un concept, mais bien d'une réalité que nous devons nous efforcer de faire vivre, nous, les représentants du peuple. Nous sommes, mes chers collègues, les porte-voix du peuple. La démocratie représentative est ainsi faite. Élus du peuple, nous sommes chargés, dans cet hémicycle, d'exprimer ses besoins et de répondre à ses attentes, dans l'intérêt général. En démocratie, la délibération publique appelle la confrontation des idées, l'échange des opinions et la capacité effective de décider, de trancher, de faire la loi.
En matière de politique budgétaire, ces prérequis, décisifs en démocratie, sont aujourd'hui largement fragilisés, pour ne pas dire bafoués. De fait, depuis plusieurs années, nos discussions budgétaires tournent bien souvent au débat technique, pour ne pas dire technocratique, à mille lieues des aspirations populaires. La « technocrature » a pris le dessus et, avec elle, ce sont les logiques comptables qui ont pris la main. L'oeil est désormais rivé sur les indicateurs financiers. Les experts auto-proclamés, les comptables asservis, les gestionnaires aux ordres ont pris le pouvoir ! Nos discussions et nos choix sont neutralisés par des indicateurs chiffrés censés être les incarnations du bien commun et du vivre-ensemble. Mais ce ne sont en fait là, mes chers collègues, que des grigris conçus pour ne pas décevoir ces êtres fragiles, fébriles, et que la moindre alerte met dans des états épouvantables : les marchés. C'est à vous fendre le coeur !
La construction européenne participe indéniablement de ce mouvement technocratique, de cette confiscation du pouvoir par une poignée de techno-experts imprégnés des valeurs inhérentes à l'ordre marchand, à rebours de l'expression de la souveraineté du peuple. En témoigne l'emprise du critère des 3 % de déficit, ces sacro-saints 3 % de déficit, dont les bigots hantent désormais tant les lieux de pouvoir que la scène médiatique. Conscient de cette emprise, un Président de la République fraîchement élu avait d'ailleurs parlé de « fétichisme budgétaire » à propos du prétendu attachement des Allemands à l'excédent budgétaire : propos osés, quand on sait que ces 3 % constituent la clé de voûte du projet politique de sa propre majorité !
S'il est un domaine dans lequel le processus d'intégration européenne s'est consolidé ces dernières années, c'est bien le domaine budgétaire, avec, à la clé, un véritable transfert de pouvoir vers l'Europe, et ce en l'absence de véritables contreparties en matière de souveraineté. Les discussions budgétaires nationales sont désormais intégrées dans un agenda contraignant, qui conduit de facto à octroyer, en cette matière, un droit de regard à la Commission européenne et aux États membres, dans le cadre du Conseil européen.
Qu'il puisse y avoir une coordination supranationale des politiques budgétaires dès lors que l'on souhaite faire avancer le projet européen ne me paraît pas illégitime, bien au contraire. En revanche, la ligne rouge est franchie lorsque ce contrôle supranational est exercé par des institutions sans légitimité démocratique, qui prônent un agenda budgétaire orthodoxe et des réformes rétrogrades.
Une telle évolution tend à nous mener vers une neutralisation de la chose budgétaire, comme ce fut le cas en matière monétaire. Indépendante du pouvoir politique mais certes pas du pouvoir financier, la Banque centrale européenne – BCE – opère des choix monétaires qui échappent aujourd'hui à la délibération publique. C'est ainsi qu'elle a décidé unilatéralement d'injecter, depuis plusieurs mois, des centaines de milliards d'euros dans l'économie, avec peu d'égards pour les représentants élus par le peuple. Prétendue indépendance, prétendue expertise, prétendue neutralité… Voulons-nous appliquer à la politique budgétaire ces principes qui s'appliquent aujourd'hui à la politique monétaire ? Cette question me paraît essentielle au moment où l'évolution de la construction européenne est en débat.
En tout état de cause, c'est un fait : que l'on y soit favorable ou non, le processus d'intégration européenne a contribué à la dilution du pouvoir des parlementaires nationaux en matière budgétaire, pouvoirs déjà fort limités par la Constitution de 1958, qui s'était notamment attachée à « rationaliser » les pouvoirs du Parlement, jugé responsable des dérives d'une IVe République qui aurait rendu notre pays ingouvernable.
Le résultat du rééquilibrage des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif est connu de tous : un Parlement cantonné à un rôle secondaire face à un pouvoir exécutif prédominant.
Cette redéfinition des rôles est singulièrement prégnante dans l'édiction de la norme budgétaire. Un article de la Constitution en est le symbole, gravant dans le marbre l'impuissance du peuple et de ses représentants à participer activement à la définition du budget, donc des politiques publiques. C'est le fameux article 40 de la Constitution, dont je me dois ici de rappeler les termes : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. » Les conséquences de cet article constitutionnel sont lourdes : il est un verrou emprisonnant l'expression parlementaire, privant le peuple et ses représentants de l'initiative de la dépense publique.
Ainsi, les parlementaires, représentants du peuple, ne peuvent proposer d'allouer des moyens financiers additionnels aux différents budgets définis par le Gouvernement. Créer une charge pour les finances publiques leur est tout bonnement interdit. À titre d'exemple, et sans esprit de provocation – vous me connaissez – eu égard à l'actualité, les parlementaires ne peuvent créer ou revaloriser des prestations sociales. Nous ne pouvons pas davantage proposer d'augmenter le point d'indice des fonctionnaires, ni d'ailleurs élaborer un plan de soutien au secteur industriel, ni même organiser la transition écologique.
Certes, il nous est possible – maigre lot de consolation – de modifier la répartition des crédits des programmes d'une même mission, mais à la seule condition de ne pas en augmenter le montant. En clair – et puisque je me suis longtemps intéressé au budget de l'agriculture – , pour habiller Stéphane Travert, il faudra obligatoirement déshabiller Travert Stéphane !
Vous me rétorquerez que le peuple, par ses représentants, peut proposer de diminuer les recettes publiques, par exemple l'impôt sur le revenu ou la TVA ; mais cette diminution doit être gagée, c'est-à-dire compensée financièrement à due concurrence.
Au total, et sans parler d'autres règles contraignantes fixées par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, l'article 40 revient à placer l'exécutif en situation de quasi-monopole en matière budgétaire. L'hégémonie gouvernementale s'impose, réduisant le rôle du Parlement à la portion congrue dans l'édiction de la norme budgétaire. Pour reprendre une sentence latine : « Rome a parlé, la cause est entendue. » Le Parlement est ainsi infantilisé, déresponsabilisé, marginalisé, dans l'incapacité de formuler de véritables propositions alternatives. Ses choix sont même parfois brutalement remis en cause par le Gouvernement, lorsque celui-ci recourt aux secondes délibérations ou au vote bloqué, artifices réglementaires bafouant la délibération souveraine. Nous l'avons vu récemment au Sénat à propos des retraites agricoles.
Ainsi, les lois de finances se succèdent, mais le pouvoir du Parlement en matière financière reste limité, sans effet réel sur les grands équilibres budgétaires.
Ce corset serait-il gage d'efficacité budgétaire face à des représentants du peuple présumés dispendieux ? Garantirait-il la bonne santé financière de notre pays ? L'évolution de la dette publique depuis plusieurs années, ainsi que la financiarisation toujours plus forte de notre économie, apportent des réponses irrécusables à ces deux interrogations. Le dispositif a même des effets pervers, telle la multiplication des crédits d'impôts et autres dépenses fiscales, qui sape le consentement à l'impôt en rendant celui-ci illisible, injuste et inefficace.
Mes chers collègues, l'heure est donc au retour du peuple dans nos travaux budgétaires. L'heure est venue de faire de notre Parlement un Parlement adulte. Tel est le sens de cette proposition de résolution qui, sans préjuger du débat sur la prochaine réforme constitutionnelle, invite le Gouvernement à formuler des propositions visant à renforcer le droit d'initiative parlementaire en matière budgétaire. Beaucoup ici sont d'ailleurs sensibles à cette préoccupation : nombreux sont ceux concernés par un article paru dans un grand quotidien du soir, intitulé « Des députés en guerre contre l'article 40 de la Constitution ».
Au-delà du vote de la loi, l'article 24 de la Constitution dispose que le Parlement « contrôle l'action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ». Le contrôle parlementaire est l'un des piliers de l'État de droit. C'est un droit qui s'exerce d'autant plus efficacement qu'il se conjugue à une évaluation des politiques publiques effective et tangible.
Dans les faits, l'exercice de ce contrôle par les représentants du peuple n'est pas satisfaisant, faute de moyens humains et techniques permettant au Parlement d'être véritablement autonome. Le pouvoir législatif est tributaire de l'accès à l'information et du traitement de celle-ci dont dispose l'exécutif. Dès lors, mes chers collègues, comment évaluer et contrôler le Gouvernement s'il est le seul à disposer des données à évaluer et à contrôler ?
Nous considérons qu'il y a lieu de garantir l'indépendance du Parlement dans l'exercice de ses prérogatives : son indépendance à l'égard du pouvoir exécutif comme à l'égard de toute autre forme de pouvoir, notamment financier. C'est bien par le renforcement de ses pouvoirs propres, de son expertise interne, notamment celle des services de la commission des finances, que le Parlement parviendra à assurer le contrôle et l'évaluation de l'action du Gouvernement dans un cadre véritablement démocratique. Notre Assemblée ne doit pas être la proie d'officines externes, prétendument indépendantes, obéissant à d'autres logiques que celles de la démocratie, du bien commun et de la souveraineté du peuple. Nous ne croyons pas aux bienfaits de l'externalisation, puisque nous avons la chance de disposer de compétences internes : celles de notre remarquable fonction publique parlementaire, des compétences tout à fait incontestables et qu'il faut renforcer.
Aussi devons-nous être vigilants, mes chers collègues : gardons-nous bien d'engager une réforme constitutionnelle qui viserait, dit-on, à faire du Parlement un véritable contrôleur et un véritable évaluateur mais qui, in fine, viendrait sacraliser son incapacité à faire les lois de finances et consacrer son impuissance face à l'omnipotence de l'exécutif en matière budgétaire.
Monsieur de Courson, pouvez-vous vous retourner, s'il vous plaît ?
Sourires sur les bancs du groupe GDR.
Tel est l'écueil qui se présente devant nous. Nous devons certes évaluer et contrôler, mes chers collègues ; mais nous devons aussi faire la loi – y compris la loi de finances, monsieur de Courson !
Sourires.
C'est une question de savoir-être et de savoir-vivre dans cette enceinte !
Enfin, un point de notre proposition de résolution concerne spécifiquement les juridictions financières, en premier lieu la Cour des comptes. Quel symbole de la montée en puissance de la juridiction financière dans notre ordre institutionnel que la réception de son Premier président dans l'hémicycle aujourd'hui – même si elle n'est pas chose nouvelle ! Sans remettre en cause les compétences techniques de la Cour, force est de constater, et de déplorer, que celle-ci fait aujourd'hui office de mère la rigueur et d'apôtre de la réduction des dépenses publiques. Dans un passé récent, drapée dans ses certitudes de gardienne du temple libéral, il lui est arrivé de préconiser, au choix, l'augmentation du temps de travail des fonctionnaires, le gel du point d'indice ou encore la suppression de postes dans l'administration. Dans le même temps, son silence est assourdissant concernant la gabegie d'argent public que représente le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE.
Imposer des mesures d'un côté, donner des leçons de l'autre, en restant complètement aveugle à des analyses objectives : un « deux poids, deux mesures » difficilement compréhensible et acceptable, alors que l'indépendance de l'institution est censée en garantir le fonctionnement juste et équilibré.
Mes chers collègues, le rôle d'une cour des comptes n'est-il pas dévoyé lorsque ses travaux viennent légitimer l'orthodoxie des politiques budgétaires ? Pour pérenniser la légitimité et la crédibilité de cette juridiction financière, nous pourrions commencer par en ouvrir davantage la composition et, ainsi, permettre à une pluralité d'opinions de s'y exprimer, à une pluralité d'expériences d'y prendre sa place. À l'heure actuelle, les principales responsabilités y sont exercées par des personnes au parcours assez similaire, bien souvent énarques, comme il se doit. Nous considérons qu'en ouvrant l'institution et l'exercice de ces responsabilités à d'autres profils, venant d'autres horizons, on enrichirait les travaux de la Cour, qui alimenteraient alors utilement le débat public et la délibération politique.
Voilà, mes chers collègues, …
Je termine ! Voilà, disais-je, l'ambition de cette proposition de résolution, que je vous invite naturellement à voter à l'unanimité.
Voyez-vous, « celui qui déplace la montagne, c'est celui qui commence à enlever les petites pierres ». Cette phrase finale est de Confucius.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, votre proposition de résolution visant à mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires encourage le Gouvernement à renforcer le droit d'initiative parlementaire en matière budgétaire, à accorder des moyens financiers au Parlement pour qu'il puisse disposer de ses propres moyens d'expertise, enfin à diversifier la composition de la Cour des comptes.
Ces propositions expriment une vérité. Vous avez raison de dire dans la proposition de résolution que « la politique budgétaire constitue ni plus ni moins que le socle des choix politiques effectués pour la vie du pays ».
Votre exposé des motifs établit également trois constats que nous partageons au sein de la majorité présidentielle, et plus particulièrement de la commission des finances : il est nécessaire que les Français et leurs aspirations soient au coeur des débats budgétaires ; le Parlement ne dispose pas des moyens humains et techniques lui permettant d'assurer ses missions de contrôle et d'évaluation en toute autonomie vis-à-vis du Gouvernement ; le Parlement ne dispose pas des outils lui permettant de réaliser un chiffrage des propositions qu'il entend défendre.
Nous rejoignons donc en substance une part de votre analyse mais différons, comme souvent, sur les solutions à mettre en oeuvre pour arriver au résultat souhaité.
S'agissant du renforcement du droit d'initiative parlementaire en matière budgétaire et de l'article 40, tout d'abord, le « totem », comme vous l'appelez, ou plutôt le critère des 3 % de déficit public ne s'impose pas seulement au Parlement, mais à toutes les autorités publiques.
Ensuite, cette limite assignée au déficit public représente pour nous une règle d'or à respecter. L'Europe est au coeur de nos projets et, grâce à l'action du Président de la République, la France est devenue un pays moteur dans l'entreprise de réforme de l'Union européenne. Mais, pour y parvenir, la France doit être crédible et, pour l'être, elle doit respecter ses engagements et sa signature. Pour être exemplaires, il nous faut respecter les règles que nous nous sommes fixées à nous-mêmes dans le cadre des traités que nous avons signés avec nos partenaires européens.
Dans son rapport de juin 2017 sur « La situation et les perspectives des finances publiques », la Cour des comptes alertait sur l'héritage de la loi de finances initiale pour 2017, insistant sur des prévisions de recettes surestimées et sur des dépenses manifestement sous-évaluées. La Cour estimait que, sans mesures fortes, le déficit de la France risquait d'être au-dessus des 3 % fixés par le pacte de stabilité européen.
Nous devrions donc saluer collectivement le courage budgétaire dont notre majorité fait preuve depuis son élection, et qui permettra à la France de sortir enfin de la procédure européenne pour déficit public excessif dont elle faisait l'objet depuis 2009.
Le contexte de rétablissement des finances publiques que nous vivons en France, comme dans beaucoup des pays du monde, nous impose une vraie rigueur pour que les efforts et les résultats déjà constatés se transforment en dynamique pérenne. Cette rigueur doit s'appliquer à tous les pouvoirs publics, dont le Parlement lui-même.
Voilà pourquoi, même si nous reconnaissons bien sûr le droit d'amendement octroyé aux parlementaires par l'article 44 de la Constitution de 1958 comme un droit fondamental, nous reconnaissons également la nécessité d'un garde-fou encadrant la dépense budgétaire et nous ne remettons donc pas en cause l'article 40.
Vous le savez, la loi organique du 1er août 2001 relative aux fois de finances, la LOLF, a déjà atténué la sévérité de la restriction en autorisant les parlementaires à opérer des mouvements entre les programmes d'une même mission – vous en avez fait mention, monsieur Chassaigne – sans augmenter le montant total des crédits de celle-ci.
Quant aux moyens financiers à accorder au Parlement pour qu'il puisse disposer de ses propres moyens d'expertise, permettez-moi de vous donner d'abord ma position personnelle. Dans mon rapport spécial de l'automne dernier sur la mission budgétaire « Conseil et contrôle de l'État », qui comprend l'audit du budget de la Cour des comptes, je soulignais qu'il appartient aux assemblées parlementaires de mieux se saisir des ressources en expertise que procurent les travaux de la Cour des comptes, dans le cadre de la mission d'assistance consacrée par l'article 47-2 de la Constitution ou par la réalisation des enquêtes autorisées par la LOLF.
L'appui fourni par la Cour des comptes n'exclut toutefois pas une réflexion tendant à renforcer les capacités d'expertise propres à l'Assemblée nationale et au Sénat. À cet égard, je préconisais par exemple la création d'un office parlementaire commun aux deux chambres, qui jouerait un rôle similaire à celui du National Audit Office et du Public Accounts Committee dont dispose la Chambre des Communes au Royaume-Uni.
S'agissant de la position de notre groupe, comme nous l'avons expliqué dans une tribune parue dans Les Échos, le 15 novembre dernier, nous travaillons pour augmenter le temps parlementaire dédié à l'évaluation, dans le but de contrôler les choix du Gouvernement en matière de politique publique. Nous estimons le temps passé au contrôle trop faible par rapport à celui passé à légiférer. À ce titre, le projet de loi constitutionnelle, qui sera étudié en juillet à l'Assemblée nationale, propose de réduire le temps d'examen du projet de loi de finances à l'automne à cinquante jours…
… pour pouvoir, en parallèle, renforcer le contrôle de l'action gouvernementale lors de l'examen du projet de loi de règlement durant le Printemps de l'évaluation. Je terminerai par un mot sur le travail de la Cour des comptes.
Nous pensons qu'il faut mieux exploiter les travaux de la Cour des comptes et renforcer nos relations, afin d'utiliser au mieux ces travaux, sans qu'il y ait pour autant nécessité de modifier la loi à cet égard.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le président Chassaigne, votre proposition de résolution pose trois questions : celle de la place de l'article 40 de la Constitution dans nos débats budgétaires ; celle du contrôle de l'action du Gouvernement ; celle de l'évaluation des politiques publiques.
S'agissant de l'article 40, il est exact que les parlementaires sont assez bridés dans leur initiative pour réformer l'action publique ou faire des propositions à ce sujet, puisque la Constitution leur interdit d'augmenter les charges de l'État, même s'ils proposent, en parallèle, une diminution équivalente de ces charges. Supposons que les parlementaires veuillent augmenter les dépenses en faveur de l'éducation nationale et baisser celles d'un autre ministère que je ne citerai pas, …
… la Constitution le leur interdit. On se rend vite compte que le Parlement a très peu de pouvoirs dans l'élaboration des lois de finances. Il est obligé de voter, de manière un peu contrainte, les propositions de dépenses publiques formulées par le Gouvernement. Il n'en reste pas moins qu'il faille trouver un équilibre, puisque l'article 40 constitue une sorte de bouclier qui évite d'engager au Parlement des dépenses qui ne pourraient être supportées au regard des recettes de l'État. Nous devons trouver une forme d'équilibre qui laisse une marge d'initiative au Parlement. Certains amendements, par exemple, pourraient être jugés recevables s'ils n'avaient qu'un faible impact sur la dépense publique. Cela permettrait, dans de très nombreux cas, de résoudre des situations pour lesquelles nos collègues parlementaires ont des solutions qui ne peuvent même pas être examinées dans l'hémicycle, parce que leur amendement est jugé irrecevable au titre de l'article 40. Aussi pourrions-nous, tous ensemble, définir un seuil, de sorte que les amendements n'induisant pas une dépense supérieure à ce seuil pourraient être examinés.
Mais, pour parvenir à cette solution, encore faut-il être en mesure d'évaluer ce que propose le Gouvernement dans les projets de loi de finances, mais aussi les amendements que nous déposons en commission ou en séance. Lorsque j'étais rapporteure générale, je respectais un principe très clair : un amendement pas évalué était un amendement auquel j'avais du mal à donner un avis favorable. La responsabilité de chacun suppose que, lorsque l'on fait une proposition, surtout en loi de finances, il faut être en mesure de l'évaluer. Vous avez eu raison de souligner, monsieur le président Chassaigne, qu'il y a une inégalité frappante entre le rapporteur général qui, grâce à la loi organique relative aux lois de finances de 2001, votée sous le gouvernement Jospin, dispose de tous les pouvoirs à Bercy – aucun secret fiscal ne lui est opposable – et, nous, parlementaires, qui ne sommes ni président de la commission des finances, ni rapporteur général et n'avons aucune facilité pour mener des évaluations.
Ainsi, soit nous procédons nous-mêmes à ces évaluations, dans un petit fichier Excel, soit nous avons des amis ou des connaissances, qui font de l'économie ou travaillent dans les ministères, qui nous donnent quelques tuyaux, soit nous arrivons dans l'hémicycle un peu dépourvus, avec des amendements qui n'ont pas été évalués. Cela ne peut pas continuer ! Je remercie Mme de Montchalin, la whip du groupe La République en marche à la commission des finances, ainsi que MM. Barrot et Guerini, qui ont demandé la création d'un office d'évaluation parlementaire. Il faut que cet office soit capable de proposer des chiffrages macroéconomiques. Prenons, au hasard, l'exemple de la TVA. Si nous proposons une mesure qui vise à la faire baisser, nous sommes capables d'appliquer une règle de trois, pour savoir à peu près ce qui manquera dans les caisses de l'État. En revanche, il est impératif de connaître l'impact sur l'économie.
En 2009, nous avons eu un débat sur la baisse de la TVA dans la restauration. Si nous avons tout de suite vu le manque à recevoir pour les caisses de l'État, il n'était pas aussi évident de connaître l'impact économique. Cela allait-il créer de l'emploi ? De l'activité économique ? Cela allait-il renforcer l'activité ? Ces questions sont essentielles. De la même façon, lorsque le Gouvernement annonce vouloir supprimer 120 000 postes de fonctionnaires, cela aura un impact négatif sur la croissance économique.
C'est le fameux modèle MÉSANGE – Modèle économétrique de simulation et d'analyse générale de l'économie – du ministère de l'économie et des finances, qui est capable de faire cette analyse d'impact sur la macroéconomie. Or, de telles données ne sont actuellement pas à la disposition du Parlement. La cellule de chiffrage que nous appelons de nos voeux doit remplir au moins deux conditions : tout d'abord, elle doit pouvoir être utilisée par l'opposition, qui est la plus dépourvue en matière d'évaluation ; …
C'était mentionné, madame de Montchalin ! Je le reconnais bien volontiers !
… ensuite, elle doit pouvoir fonder ses analyses sur des modèles macroéconomiques. À mon sens, seuls les administrateurs de l'INSEE sont capables de remplir ces deux conditions. Certains d'entre eux pourraient être mis à la disposition de notre assemblée, ainsi que l'avait proposé M. Barrot lors de la réunion du groupe de travail du 19 avril.
Enfin, votre proposition de résolution, monsieur le président Chassaigne, pose la question du contrôle. Au fond, à quoi sert un contrôle ? Il peut servir à établir un diagnostic pour déterminer si les mesures fonctionnent. Si ce n'est pas le cas, nous écrivons tous ensemble un rapport pour constater le dysfonctionnement. Mais que se passe-t-il ensuite ? Notre collègue Daniel Labaronne vient d'expliquer que, dans la réforme constitutionnelle à venir, il y aura des avancées sur ce sujet. Oui et non ! S'il y est bien fait mention d'un renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement, il faudrait aller plus loin et traduire cette volonté en action. Dans l'examen de la loi de règlement, je serai conduite à évoquer certains dysfonctionnements relatifs à la justice. Cela signifie-t-il pour autant que les choses changeront immédiatement ? Nous n'avons pas aujourd'hui de mode d'emploi pour que le contrôle se traduise par un changement opérationnel de la loi – et cela ne figure pas dans le projet de réforme.
Or, dans les lois de finances, l'agenda est toujours entre les mains du Gouvernement. La prise d'initiative parlementaire sur ces questions est extrêmement ténue. Prenons un exemple concret : la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a voté la création d'un fonds. Le décret n'en est toujours pas signé. Bien évidemment, ce n'est pas de la faute de cette majorité – je n'accuse personne. Les associations ont saisi le Conseil d'État, qui a condamné l'État à 100 euros d'amende par jour, ce qui, même pour un État en déficit, n'est pas grand-chose. Ce décret n'est toujours pas signé, alors qu'il est prévu dans la loi de 2005.
Sous la précédente législature – je pense que Joël Giraud s'en souviendra, puisqu'il était aussi de la partie – , nous avons déposé en loi de finances un amendement qui a été considéré, à raison, comme un cavalier. En toute logique, il n'aurait pas dû être discuté dans l'hémicycle ; mais on trouve parfois des accords avec le président de la commission des finances. Voilà un objet de contrôle, qui doit donner lieu à une action immédiate : un dysfonctionnement est constaté ; mais rien ne se fait, alors même que l'État a été condamné par le Conseil d'État. Le contrôle ne sera efficace que s'il se traduit par une action concrète qui force le Gouvernement à agir conformément à la loi votée et à la décision du Conseil d'État. Nous ne pouvons plus continuer à contrôler sans ne rien faire ensuite. C'est pour toutes ces raisons, monsieur le président Chassaigne, que nous voterons votre proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG et GDR.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, monsieur le président Chassaigne, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu votre proposition de résolution et son exposé des motifs. Vous avez raison de dire que l'article 40 encadre la capacité des parlementaires à participer à l'élaboration du budget de la nation. Faut-il pour autant n'imposer aucune limite à notre droit d'amendement en matière de finances publiques ? Nous ne le croyons pas ; car nous pensons que leur équilibre repose sur un principe de solidarité avec les générations futures. Cela veut-il dire, pour autant, qu'il ne faille absolument pas toucher à l'article 40 ? Nous estimons qu'il faut non pas y toucher, mais revoir son interprétation et en discuter. L'interprétation de la loi organique relative aux lois de finances est spécifique. Peut-être pourrait-on l'ouvrir dans le cas précis d'un rééquilibrage entre dépenses et recettes ? Il nous semble néanmoins tout à fait pertinent de conserver un principe d'équilibre des finances publiques. C'est la position du Mouvement démocrate, que François Bayrou défend depuis longtemps.
Faut-il, dans le même geste, rejeter les principes de gestion des finances publiques que nous nous sommes donnés démocratiquement au niveau européen ? Ce n'est pas tout à fait l'objet de la proposition de résolution, mais cela figure dans l'exposé des motifs.
Là non plus, nous ne le croyons pas, pour estimer qu'il y va de notre crédibilité sur la scène européenne. Peut-être faut-il aller plus loin, vers une Europe plus souveraine, plus unie et plus démocratique, dans laquelle le budget serait centralisé dans les mains d'un ministre des finances de la zone euro, comme l'a proposé le Président de la République. N'oublions pas que ces impératifs que nous nous sommes fixés préservent la solidarité entre les peuples européens.
Faut-il croire que c'est l'article 40 qui explique la prolifération des crédits d'impôt que vous dénoncez ? Malheureusement, il est à craindre que ce soit moins le fait des parlementaires que celui des gouvernements successifs. Il serait sans doute bon d'aller dans le sens proposé cet après-midi, lors de la discussion avec le premier président de la Cour des comptes : celui d'une analyse plus rigoureuse et détaillée des crédits d'impôt, afin de supprimer ceux qui ne produisent pas les effets escomptés.
Vous avez aussi raison de dire que la mission que confie l'article 24 de la Constitution est bien de contrôler l'action du Gouvernement et d'évaluer les politiques publiques. S'agit-il uniquement d'une question de moyens financiers ? Certainement pas. Cela relève également d'une question institutionnelle. Il faut que l'ordre du jour de notre assemblée puisse faire plus de place aux activités d'évaluation et de contrôle, notamment en matière budgétaire, alors qu'une seule journée est réservée à la loi de règlement. Grâce aux initiatives prises par la commission des finances, le rapporteur général et le président de la commission, s'est tenu le Printemps de l'évaluation, au cours duquel tous les ministres sont venus rendre des comptes devant les rapporteurs spéciaux, les rapporteurs pour avis et la représentation nationale.
Ces débats ont donné lieu aux propositions de résolution que nous discutons aujourd'hui en séance publique. C'est la première fois dans l'histoire de la Ve République ! Cela représente un véritable pas en avant, destiné à être institutionnalisé par l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, lequel dispose que les ministres viendront répondre de leur budget devant les parlementaires.
L'article 9 de ce même projet de loi constitutionnelle prévoit que les semaines d'évaluation et de contrôle seront consacrées non seulement au contrôle de l'action du Gouvernement, mais également à l'examen des textes issus des activités de contrôle et d'évaluation. Il fallait réaliser un lien entre l'activité d'évaluation et de contrôle et l'activité législative ; c'est désormais chose faite dans la rédaction actuelle de l'article 9. Bien sûr, il ne s'agit pas uniquement d'une question institutionnelle, mais également d'une question de moyens : le groupe de travail transpartisan que je préside, dont le rapporteur est Jean-François Eliaou, partage avec vous et avec de nombreux collègues l'idée que nous avons besoin de ressources propres pour exercer notre mission d'évaluation et de contrôle.
Pour essayer de définir les contours de ce que pourrait être un office budgétaire propre au Parlement, nous avons mené de nombreuses auditions dans cette assemblée, auprès de nos collègues sénateurs et à l'étranger. Il nous est apparu que pour qu'un office budgétaire puisse jouer pleinement son rôle, il était fondamental de lui donner de la crédibilité. Celle-ci devrait reposer en premier lieu sur l'expertise, comme vous le dites dans l'exposé des motifs de votre proposition de résolution. Les personnes qui composeraient cette unité de chiffrage devraient être qualifiées pour réaliser les exercices de micro- et de macro-simulation, qu'évoquait Valérie Rabault, permettant de contre-expertiser le chiffrage budgétaire du Gouvernement, et le cas échéant les amendements parlementaires. La deuxième condition, c'est évidemment l'indépendance, qui, dès lors que le Parlement se dotera d'un tel office, sera garantie par une gouvernance qui préservera les droits de l'opposition et donnera à tout parlementaire accès à ces analyses et à ces expertises.
Ne reste-t-il rien à faire sur le plan législatif pour permettre l'émergence de cette agence parlementaire d'évaluation ? Je me tourne vers vous, mes chers collègues, car – nous avons mené cette réflexion dans le groupe de travail – il y a au moins deux évolutions constitutionnelles que nous devons promouvoir collectivement pour la rendre possible. Premièrement, cet office devrait bénéficier, par délégation, des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place qui sont conférés aux rapporteurs spéciaux, et en particulier au rapporteur général et au président de la commission des finances, sans quoi cet organisme n'aura pas accès aux données très sensibles et pointues qui lui permettront de développer des analyses précises.
Deuxièmement, la commission des finances devrait disposer d'assez de temps pour contre-expertiser le chiffrage du Gouvernement, ce qui suppose que le projet de loi de finances soit déposé suffisamment en amont de son inscription à l'ordre du jour. Ces deux points sont essentiels pour qu'un office budgétaire puisse jouer pleinement son rôle.
J'ajoute, en m'écartant un peu de la question de l'office budgétaire, que l'Assemblée nationale et nos collègues sénateurs ont fait une série d'autres propositions dans le cadre des groupes de travail lancés par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Ces propositions ont notamment porté sur le contrôle des décrets d'application – point que Valérie Rabault a évoqué dans son intervention – et celui des amendements du Gouvernement, l'idée étant de conditionner ceux-ci à un avis du Conseil d'État ou à des études d'impact dès lors qu'ils seraient signalés par le rapporteur général, le président de la commission des finances ou le président de l'Assemblée. Il y a là des pistes que nous pourrions explorer collectivement.
Enfin, pour ce qui est du troisième point, vous avez raison de dire que la Cour des comptes est devenue un acteur incontournable du débat public. En effet, le Parlement lui a confié le monopole du contrôle, et si le Printemps de l'évaluation qui a lieu actuellement bouscule les habitudes, c'est que les parlementaires reprennent leur rôle de contrôleurs et d'évaluateurs, alors que jusqu'à présent, ce rôle était joué par les magistrats de la Cour des comptes. Les notes d'exécution budgétaire que celle-ci produit nourriront la réflexion des parlementaires, mais sans en représenter le seul élément. Vous avez raison de dire que la Cour des comptes a une perspective particulière sur les finances publiques ; les débats qui auront lieu lors des commissions d'évaluation de politiques publiques dans les années à venir devront être irrigués non seulement par le travail de la Cour, mais également par celui de l'agence parlementaire d'évaluation et par des analyses externes. L'essentiel est que les députés restent les seuls maîtres à bord, les seuls à prendre les décisions politiques et à pouvoir peser ce qui, dans les évaluations qui proviennent de la Cour des comptes ou d'autres institutions, utilisant d'autres méthodes ou approches, peut nous aider à améliorer nos politiques publiques. La Cour des comptes est aussi devenue un acteur incontournable du débat public parce que ses compétences et ses procédures d'instruction, de contradiction et de collégialité lui permettent de jouer pleinement son rôle de certificateur des comptes de l'État en toute impartialité, et il faut respecter ce fonctionnement interne de cet organisme qui lui permet d'appuyer fortement l'activité de notre Parlement.
Malgré tout l'intérêt que présentent cette proposition de résolution et les questions que vous avez soulevées dans son exposé des motifs, le groupe MODEM ne la votera pas en raison de ces quelques réserves.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cher André Chassaigne, la proposition de résolution dont nous débattons ce soir ne manque pas d'intérêt puisqu'elle nous permet d'aborder la question du fonctionnement du Parlement, et plus spécifiquement de notre Assemblée, celle de ses débats et de l'impact réel que nous pouvons avoir sur les textes budgétaires. De nombreux points intéressent le groupe UDI-Agir et indépendants, et si cet exercice novateur ne nous permet pas de tous les aborder aujourd'hui, il ne fait aucun doute que nous pourrons en débattre plus longuement lors de la réforme constitutionnelle. Tout d'abord, un peu d'histoire : en Europe, nous constatons que les assemblées parlementaires sont principalement nées contre le souverain pour consentir l'impôt, et c'est la progression de cette concession de l'approbation des impôts qui a ouvert la voie à la représentation parlementaire de 1789. Plus près de nous, l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 a accentué fortement la prééminence de l'exécutif et a limité l'initiative financière du Parlement. Mais depuis cette époque, les pouvoirs financiers du Parlement n'ont cessé de croître. C'est notamment le cas avec la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, remplaçant l'ordonnance de 1959, qui réaffirme les principes du droit budgétaire, modifie les règles de présentation, de discussion et d'exécution du budget, mais surtout augmente l'information et les pouvoirs de contrôle du Parlement en mettant en place des objectifs et des indicateurs de performance. Ce texte a été un tournant majeur en faveur du renforcement du pouvoir parlementaire, obligeant le Gouvernement à une plus grande rigueur de gestion.
Je comprends, bien sûr, la frustration de mes collègues qui aimeraient que l'idéologie de la démocratie représentative s'applique de tout son poids. Mais il faut néanmoins garder à l'esprit que notre régime est celui de la Ve République et que c'est l'exécutif, désigné conjointement par l'élection du Président de la République au suffrage universel et la nomination du Premier ministre issu de la majorité à l'Assemblée nationale, qui détient les clés de l'orientation financière et des priorités du pays pour cinq ans. Le Parlement vote la loi de finances, mais l'on met trop volontiers l'accent sur son pouvoir de décision, mesuré à son droit de modifier le contenu des projets qui lui sont soumis, plutôt que sur celui de son contrôle a priori comme a posteriori. Dans ce domaine, la LOLF a apporté de réels changements, dont jusqu'ici le Parlement ne s'était pas saisi. Il s'agit notamment de la possibilité, lors de la loi de règlement, c'est-à-dire en ce moment même, d'expertiser l'exécution d'un projet selon des critères différents de ceux qui ont présidé à son élaboration, afin de contraindre le Gouvernement à présenter la meilleure proposition, sachant qu'il devra justifier ses hypothèses et ses choix.
En outre, au-delà des décisions prises par les assemblées, le passage au Parlement produit des bénéfices par lui-même : l'information doit être réunie, complétée, être exacte et sincère. Elle est soumise à critique dans un débat contradictoire sous les yeux de tous les intéressés concernés : citoyens, mais aussi acteurs économiques, marchés financiers, etc. Cela vise à assurer que les données sont objectives, que les choix sont éclairés et qu'ils peuvent s'expliquer rationnellement. On est dans une logique d'optimisation de la décision et non plus dans la croyance que telle autorité a le dernier mot parce qu'elle a tout le savoir. La grande originalité de la LOLF ne vient pas de ce qu'elle étend les moyens de contrôle du Parlement, mais de ce qu'elle les réorganise de manière à créer une véritable obligation d'exercer cette fonction, que les députés eux-mêmes, depuis l'entrée en vigueur de la LOLF en 2005, avaient négligée. Jusqu'à présent, la fonction de contrôle, réputée si importante, était en réalité diffuse, inorganisée et, pour tout dire, délaissée – notamment durant l'examen de la loi de règlement. C'est pourquoi notre groupe soutient l'initiative de la commission des finances d'en faire un moment clé du contrôle et de l'évaluation des politiques publiques, au sens de l'article 24 de la Constitution. Bien sûr, tout est perfectible, mais c'est incontestablement une avancée qu'il faut accompagner plutôt que ralentir.
Pour ce qui est de l'article 40 de la Constitution et de la limitation du pouvoir d'amendement effectif sur les dépenses, nous sommes arrivés à un stade où il ne paraît plus pertinent de conserver un dispositif qui institue une présomption d'irresponsabilité des parlementaires vis-à-vis de l'équilibre des finances publiques. La tradition avait cantonné le pouvoir d'initiative financière des députés et sénateurs, et quasiment supprimé celui de proposer des dépenses, sauf au sein d'une mission, à condition de ne pas en augmenter les crédits globaux. La remise en cause et la revalorisation des prérogatives des parlementaires en matière budgétaire et financière apparaissent souhaitables et ont été mûries. Cette proposition rejoint d'ailleurs les réflexions du groupe de travail de la commission des finances sur l'évolution de la procédure budgétaire, conduit par son président Éric Woerth et le rapporteur général Joël Giraud, qui propose la suppression de l'article 40 de la Constitution.
Le groupe UDI-Agir et indépendants se retrouve parfaitement dans cette proposition de suppression de l'article 40 de la Constitution, qui fera l'objet d'amendements lors de l'examen de la réforme constitutionnelle. Toutefois, il nous paraît indispensable d'adjoindre à cette ouverture une véritable augmentation de moyens, mettant à disposition du Parlement une cellule ou un organisme possédant les informations et les compétences nécessaires pour éclairer pleinement les initiatives financières des parlementaires. C'est pour nous une condition sine qua non. En effet, les assemblées n'ont que peu de moyens pour réunir des informations et doivent s'adresser à des assistants extérieurs. Tout va donc se jouer sur la production d'informations et d'évaluations qui devront être de véritables occasions de contrôle. Le Parlement devrait employer ses moyens d'investigation accrus pour chercher les causes des excès ou carences et proposer des remèdes, avec comme menace ou comme sanction son pouvoir de décision sur les programmes. C'est une contrepartie nécessaire pour que le Parlement ne soit plus aveugle et dépendant des informations des ministères-forteresses comme Bercy.
Je conclurai mon propos par deux pistes de réflexion que nous souhaitions évoquer. Tout d'abord, rendre plus difficiles les reports, virements, transferts, annulations ou gels de crédits en cours d'année, ce qui peut être présenté comme un moyen de mieux faire respecter la volonté du Parlement ; ensuite, limiter la possibilité pour le Gouvernement de déposer un amendement en dehors des délais de dépôt ou directement en séance, sans étude d'impact et sans passer par la commission des finances. La seule véritable limite du Parlement, dans les différents domaines que nous venons d'évoquer, c'est lui-même, notamment quand la majorité abandonne sa liberté de contrôle critique de l'action du Gouvernement. Par conséquent, le groupe UDI-Agir et indépendants s'abstiendra sur cette proposition de résolution, qui mentionne des points intéressants, mais pèche par un manque d'orthodoxie objective.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le thème de la place de nos concitoyens dans le débat budgétaire au Parlement et l'idée qu'il faut les remettre au coeur de cet exercice sont tout à la fois attrayants et porteurs d'espoir. Ils sont aussi l'occasion d'une série de remarques que je vais tenter de balayer ce soir à cette tribune afin, je l'espère, de permettre aux Français qui nous suivraient de mieux appréhender les tenants et aboutissants de nos travaux dans cet hémicycle et des décisions qui les touchent – souvent dans leur quotidien, surtout à leur porte-monnaie. Je tiens tout d'abord à souligner que nous souscrivons massivement et unanimement à l'orientation qui consiste à mieux prendre en considération nos concitoyens dans le débat budgétaire et dans tout ce qui se rapporte aux finances de notre pays, et je remercie le président Chassaigne d'avoir déposé cette proposition de résolution.
Comment ne pas le faire lorsqu'on est parlementaire d'un des pays occidentaux où la dette par habitant a explosé au cours des dernières décennies jusqu'à atteindre des niveaux qui font légitimement peur lorsqu'on prend conscience de ce qu'ils pourraient signifier ? Comment ne pas le faire lorsqu'on est parlementaire d'une des nations où le taux de prélèvements est parmi les plus élevés au monde, avec des impôts, taxes et charges en tout genre, dont les Français sont repus et qui ponctionnent lourdement leurs revenus jusqu'à en étrangler leur pouvoir d'achat et représenter aujourd'hui un frein très préjudiciable à la liberté d'entreprendre ? Comment, enfin, ne pas le faire, lorsqu'on est parlementaire d'une nation où cet argent qu'on prélève est censé alimenter le moteur des solidarités nationales, dont on ressent pourtant à bien des égards qu'il est grippé et qu'il ne sert pas toujours les causes auxquelles on le destine, ou du moins pas assez efficacement ? Pour toutes ces raisons, nous sommes donc, et je le suis personnellement, favorables à ce que l'on donne à nos concitoyens la juste place qui est la leur et le regard auquel ils ont droit sur le budget, ou plutôt les budgets de notre pays, leurs grands équilibres et les questions qu'ils suscitent.
Ces constats étant posés, je souhaiterais soulever deux séries de questions qui me sont venues à l'esprit en lisant la proposition de résolution et en abordant ce travail, l'une sur la forme et l'autre sur le fond.
Commençons, donc, par la forme, afin de susciter, je l'espère, certains éclaircissements. Il me semble que si l'on veut placer nos concitoyens au coeur des débats budgétaires, il convient tout d'abord de restaurer à la démocratie un peu de sa vigueur, et, dans le cas particulier des mécaniques budgétaires de l'État, de redonner aux représentants élus du peuple, aux parlementaires donc, les moyens de mener à bien leurs missions de décision et de contrôle. Je me risque à dire que cette première étape est loin d'être atteinte, si l'on ne considère que quelques réalités aussi manifestes que démoralisantes.
Le travail sur le budget ici, à l'Assemblée nationale, se fait dans des formats et des calendriers absolument invraisemblables, avec des réunions de commissions superposées à des tas d'autres réunions, des séances concomitantes avec l'examen des autres budgets en commission, des rapports produits en nombre insuffisant pour que chaque parlementaire en dispose en temps utile, des montagnes de chiffres et d'études d'impact communiqués quelques heures seulement avant les réunions où il faut voter, lorsque ce n'est pas en séance.
Le budget de la France, jusqu'à présent, se divise entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la Sécurité sociale et, pour avoir siégé ici pendant quatre exercices budgétaires, je peux témoigner du fait qu'à moins d'avoir le don d'ubiquité, aucun parlementaire, aussi zélé soit-il, ne peut matériellement être présent sur les deux volets budgétaires, car rien n'est fait pour que ce soit possible. Les députés doivent choisir de se préoccuper soit d'un des aspects du projet de loi de finances, soit du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Étrange manière d'associer le peuple !
Le processus de décision, enfin, fait que la plupart du temps, les grands arbitrages régissant le budget sont annoncés lors d'une conférence de presse ministérielle, avant même que les députés de la commission des finances n'aient pu commencer à travailler sur des éléments, qui ne leur sont fournis qu'après.
Enfin, le morcellement des commissions fait que pour acquérir une vision d'ensemble du budget de la nation, un parlementaire doit, pardonnez-moi l'expression, se lever de bonne heure.
Je participe par ailleurs à l'un des groupes de travail sur la modernisation des travaux de l'Assemblée, précisément celui qui planche sur la question de l'évaluation. À ce titre, je reste sur ma faim quant aux conclusions de nos travaux sur ces aspects fondamentaux.
Je partage complètement les constats posés par ce groupe, à savoir que les outils de l'évaluation ne sont pas suffisants et que les parlementaires doivent disposer de données objectives, de rapports et d'avis aussi étayés que possible, afin de mieux faire la loi, de mieux voter les budgets et de mieux apprécier, surtout, l'impact des décisions qu'ils prennent.
En revanche, je ne souscris aucunement à l'idée que l'on puisse confier ces travaux à une agence extérieure. C'est le travail du Parlement, singulièrement de l'Assemblée nationale, d'élaborer ces éléments, sous l'autorité du peuple souverain, et en notre qualité de représentants élus de nos concitoyens.
Les personnels de l'Assemblée nationale sont parfaitement compétents pour élaborer ces documents et réaliser ces évaluations. Soustraire à notre emprise ces travaux, tant préparatoires que de bilan, va à mes yeux totalement à l'encontre de la volonté affichée dans la proposition de résolution qui nous réunit ce soir, qui vise à placer le peuple au coeur des débats budgétaires.
En outre, et pour achever cette première série de remarques de forme, je pense qu'ouvrir à une large concertation populaire, quelle qu'en soit la forme, nécessite au préalable que les élus démocratiquement désignés pour accomplir ces tâches puissent le faire de manière efficace.
J'en viens à présent à mes remarques, tout aussi nombreuses, sur le fond, qui précédent l'actuel débat sur la place à faire à nos concitoyens.
Tout d'abord, ce dessein de replacer le peuple au coeur du débat budgétaire exige une forme de sincérité politique, qui, me semble-t-il, est loin d'être atteinte, ne fût-ce que dans les dernières annonces gouvernementales concernant le budget.
Que dire par exemple, d'un État qui supprime un impôt comme la taxe d'habitation, laquelle sert principalement à alimenter les finances locales, sans jamais dire par quel mécanisme il sera remplacé ni comment les besoins que ces finances locales permettent de satisfaire seront assumés dans le futur ?
Que dire de ce même État, qui fait décider au Parlement d'absorber 35 milliards d'euros de dettes de la SNCF, pour ne pas la citer, afin de permettre à cette entreprise de traverser un moment difficile, sans jamais annoncer comment ces montants seront pris en charge par le budget national et à quelle échéance ?
Que dire d'un État qui n'a toujours pas proposé à sa représentation nationale une réflexion approfondie et fondée sur des éléments d'analyse des conséquences budgétaires du Brexit sur le budget européen, donc sur nos budgets nationaux, alors même que les premiers effets de ce séisme commencent à se faire sentir, notamment sur la politique agricole commune.
Plus légèrement peut-être, mais cela va exactement dans le même sens, que penser d'un État qui ne dit pas que sa principale motivation pour abaisser la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure réside dans l'argent que procureront les contraventions supplémentaires ?
Le ministre de la transition écologique et solidaire a lâché le morceau : 230 millions d'euros supplémentaires par an vont rentrer dans les caisses ! Si l'on veut donner la parole aux Français sur le budget, il faut aussi les interroger sur cette question-là, et je ne doute pas de leur réponse en la matière.
Que dire encore d'un État, toujours le même, qui continue de laisser s'envoler les taxes sur le pétrole qu'utilisent chaque jour des millions de nos compatriotes pour se déplacer, pour se rendre à leur travail, conduire leurs enfants à l'école, peut-être pour certains, bientôt, pour prendre quelques vacances, jusqu'à nous placer dans le palmarès de tête des pays au monde où le carburant est le plus cher ?
Cette question aussi est au coeur des préoccupations du peuple sur notre budget. Et le peuple attend beaucoup qu'on lui fournisse non seulement des explications mais surtout les manières de contourner cette difficulté, qui devient omniprésente dans sa vie quotidienne.
Que dire encore de ce même État qui annonce avec fierté la fin du « trou de la Sécu », avec lequel nous vivions depuis des décennies sans parler de la dette accumulée ; ni de la situation de nos assurances retraite ; ni des voies envisagées pour financer la dépendance.
La sincérité budgétaire, c'est aussi cela !
Que dire d'un État qui témoigne à son peuple de la pire marque de défiance qui soit en prévoyant, au 1er janvier 2019, de prélever l'impôt sur le revenu à la source, c'est-à-dire avant même que chacun n'ait perçu son argent, …
… et contribue ensuite pour une part justement proportionnée au collectif en exigeant au passage des employeurs qu'ils accomplissent cette tâche qui ne relève pas d'eux et qui va générer d'effroyables surcoûts dans les entreprises de France…
… alors que ce même État en profitera pour déserter encore certains de nos territoires en fermant les services du Trésor public ? Associer le peuple au budget, est-ce cela ?
Vous l'aurez donc compris, nous ne sommes pas opposés à l'ouverture de ce débat.
Nous voulons simplement souligner qu'un préalable indispensable est nécessaire, si nous voulons parvenir à ce qu'il contribue efficacement à l'amélioration du fonctionnement du Parlement et de notre démocratie. Le premier préalable, je le répète, est parlementaire : il faut que les parlementaires disposent des moyens nécessaires à l'exécution des tâches qui sont au coeur de leur mission. Le second moyen est celui de la sincérité politique, qui consiste à dire aux Français où se trouve notre pays et où il va sur le plan budgétaire. Actuellement, nous n'en sommes pas là.
Tous les éléments que je viens d'énoncer ne remettent pas en question le bien-fondé de la proposition de résolution du groupe GDR sur laquelle nous nous abstiendrons.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de résolution amène dans notre hémicycle une question cruciale, celle de mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires. En effet, la répartition des ressources et des dépenses de l'État est une question éminemment politique : sur qui porte l'effort et à quoi sont employés les moyens de l'État ?
Dans une République comme la nôtre – respublica en latin, à savoir la chose publique – , le budget de l'État devrait être alloué au bien commun et tourné vers l'intérêt général. La souveraineté du peuple est normalement le fondement de notre démocratie. Comment est-il donc possible que le débat budgétaire exclue à ce point le peuple et ses aspirations, alors que c'est le premier lieu où devrait s'exprimer sa souveraineté ? Pourtant, le peuple est exclu des débats budgétaires, et le rôle de ses représentants réduit au minimum. Et encore ! Dans les projets de réforme institutionnelle, le temps du débat alloué au budget devrait être encore limité. Quant aux aspirations populaires, elles en sont depuis très longtemps absentes.
Les débats budgétaires sont trop souvent réduits à des questions techniques, qui seraient réductibles à des débats d'experts et d'efficacité économique. Les projets et rapports annuels de performances – les PAP et les RAP – de la LOLF, auxquels nous sommes ici habitués, sont incompréhensibles pour le grand public, et empêchent le peuple de saisir les enjeux que nul ne songe vraiment à lui expliquer. Les indices technocratiques de performance, qui ne font pas l'objet d'une délibération démocratique, tiennent lieu de boussole budgétaire.
Pourtant, c'est le peuple qui, par l'impôt, contribue au budget de l'État, et c'est lui qui en bénéficie, du moins en théorie. Mais nous pouvons tous constater le dépérissement des services publics, qui sont pourtant les seuls biens de ceux qui n'ont rien. Le service public hospitalier, déjà en piteux état, ne tient que par le dévouement de ses agents. Mais tous sont dans le même état – éducation nationale, culture, justice, transports en commun. Partout, règnent la désorganisation et la pagaille du fait de réductions absurdes de budgets et de personnels.
Par exemple, à Aubervilliers, dont je suis le député, le tribunal d'instance a dû être fermé au public de longs mois faute de personnels. Le délai d'audiencement y est de douze mois, contre deux à Paris. Imaginez ce qui se passe quand il faut autant de temps rien que pour audiencer un contentieux locatif : il est quasiment insoluble au moment où il va être enfin traité !
C'est donc le peuple qui devrait pouvoir arbitrer les grands choix budgétaires, au moins par l'intermédiaire de ses représentants. Pourtant, les possibilités d'amendements pour les parlementaires sont réduites à peau de chagrin : il est bien possible de proposer de transférer des crédits, mais seulement au sein d'une même mission, et à condition de ne pas augmenter le montant de ses crédits. Les parlementaires ne peuvent donc pas proposer de répartition alternative globale des différentes missions. Les grands équilibres du budget sont soustraits au débat. Le reste du temps, l'article 40 se charge d'empêcher toute initiative parlementaire qui nécessiterait financement.
Pire, que le budget de l'État soit en équilibre n'est plus sujet à discussion, étant donné que les règles européennes interdisent ce qu'on appelle le déficit structurel au-delà de 0,5 %, et le déficit tout court au-delà de 3 % : c'est la fameuse règle d'or. Ces règles budgétaires non délibérées par le peuple, imposées par d'obscurs mécanismes européens, contraignent de toute façon les budgets. L'objectif imposé de tout budget est la réduction des déficits. L'austérité budgétaire est inscrite dans la loi organique française.
Ainsi, les aspirations technocratiques de Bruxelles sont très présentes lors des débats budgétaires ; celles du peuple, inexistantes. Rappelons la forfaiture qu'a constitué l'adoption du traité de Lisbonne, afin d'imposer au peuple un traité qu'il avait refusé par référendum trois ans plus tôt !
Toutes ces raisons font que le peuple est totalement absent des débats budgétaires, sauf au titre de contribuable dévoué, ou de pourvoyeur d'économies faites sur son dos, lorsque sont allègrement sabrés les budgets qui profitent à tous. Tout cela pour pouvoir faire des cadeaux aux plus riches !
Le grand principe selon lequel l'impôt et les services publics servent à redistribuer les moyens pour corriger les inégalités n'est plus qu'un lointain souvenir. Les innombrables niches fiscales inutiles et les cadeaux faits aux plus riches, notamment dans le dernier budget, en apportent des preuves précises. À ce point qu'au bout d'un moment, l'imposition devient dégressive au lieu d'être progressive. Plus on est riche, plus on a de moyens d'échapper à l'impôt par des mécanismes d'optimisation légaux, voire de désertion fiscale, illégaux.
Dans le dernier budget, si l'on s'en tient à la fiscalité des personnes physiques, le coût annoncé des cadeaux aux riches, 4,7 milliards d'euros, semble nettement sous-évalué. En réalité, il devrait dépasser les 10 milliards d'euros ! Cette politique budgétaire et fiscale creusera les inégalités, sans aucune espèce de garantie de succès pour relancer l'investissement et l'emploi. Au contraire, on peut prévoir qu'il y aura davantage d'effets d'aubaine que de résultats réels pour les particuliers comme pour les grandes entreprises.
Pendant ce temps, on enlève les aides personnalisées au logement – APL – aux plus modestes pour 400 millions d'euros, montant que l'on redonnera aux 1 000 contribuables payant le plus d'impôt sur la fortune – ISF. Beau symbole de l'inscription des aspirations populaires au sein des débats budgétaires !
Surtout que nous parlons d'une toute petite partie de la population française : la suppression de l'ISF profitera avant tout aux 0,1 % et surtout aux 0,01 % des foyers les plus riches. La France compte 3 400 foyers dont le patrimoine va de 15 millions à 49 milliards d'euros.
Et que l'on n'essaie pas de nous faire croire que cela créera de l'investissement et de l'emploi ! Loin d'être dynamique, le capitalisme français a prélevé au cours de la période récente une part croissante des profits pour rémunérer la rente financière, au détriment de l'investissement et des salaires. Les aspirations populaires – vivre dignement du fruit de son travail – sont bien plus aisées à satisfaire que la cupidité insatiable des ultra-riches.
Nous attendons toujours le million d'emplois qu'avaient promis François Hollande et Pierre Gattaz avec l'argent du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE. Au total, 62 milliards d'euros ont été gaspillés depuis sa création : 11,59 milliards en 2013 ; 17,5 en 2014 et 17,9 en 2015, pour un nombre d'emplois créés ridicule.
Selon un rapport de France Stratégie, le CICE a probablement eu un effet direct de l'ordre de 50 000 à 100 000 emplois créés ou sauvegardés sur la période 2013-2014. Même en tablant sur le chiffre optimiste de 200 000 emplois créés ou sauvegardés entre 2013 et 2015, le prix de l'emploi sauvé à l'unité s'élève à 235 000 euros – c'est délirant ! À titre de comparaison, un SMIC coûte, en salaire super-brut, c'est-à-dire en incluant l'ensemble des cotisations sociales, 25 000 euros par an, donc à peu près dix fois moins ! Il aurait été plus simple et plus efficace que l'État embauche directement. Pour le même prix, d'innombrables emplois auraient été créés et de façon certaine. Résultat : la France est surtout riche en millionnaires et en pauvres !
Pour mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires, il faut faire la révolution fiscale. La France insoumise a déjà fait de nombreuses propositions chiffrées et raisonnables en la matière. Il faut entièrement refonder l'imposition : rendons l'impôt sur le revenu plus progressif avec un barème comptant quatorze tranches contre cinq aujourd'hui – tout le monde doit payer et chacun selon ses moyens réels ; instaurons 100 % d'impôt sur la tranche supérieure à vingt fois le revenu médian – cela concernerait ceux qui gagnent plus de 400 000 euros par an et cela leur laisserait j quand même une belle marge !
Créons un impôt universel pour les Français de l'étranger, pour terrasser la fraude et la désertion fiscale des ultra-riches qui croient échapper aux agents du fisc en se domiciliant ailleurs – la lutte contre la fraude rapporte déjà 10 milliards d'euros ; il faut pourchasser la fraude patronale aux cotisations sociales – la Cour des comptes l'évalue à 20 milliards, qu'il serait urgent de récupérer pour que les comptes de la Sécurité sociale passent au vert, plutôt que de sabrer encore dans les prestations.
Supprimons les niches fiscales injustes, inefficaces socialement ou nuisibles écologiquement, comme celles sur les yachts – et il y en a beaucoup d'autres. 85 % des réductions d'impôts profitent aux 10 % les plus riches. En outre, 5 milliards d'euros de niches fiscales subventionnant l'utilisation d'énergies fossiles et polluantes doivent être récupérées impérativement. En tout, 38 milliards d'euros sont récupérables, dont 26 immédiatement.
Instaurons un barème progressif de l'impôt sur les sociétés et favorisons l'investissement plutôt que la distribution de dividendes. Baissons le taux de l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % pour alléger la fiscalité sur les PME.
La taxation des profits distribués et des rachats d'actions rapporterait déjà 3 milliards.
Rétablissons et renforçons l'ISF et les droits de succession pour faire payer les milliardaires aujourd'hui largement exonérés pour leurs biens professionnels.
Il faudrait également instaurer un héritage maximal de 33 millions d'euros. Cela correspond aux 0,01 % des foyers les plus riches et rapporte 3 milliards.
Réduisons la TVA sur les produits de première nécessité, et rétablissons une « TVA grand luxe » pour financer ces baisses : le solde reste créditeur de 5 milliards d'euros ; obligeons les entreprises à déclarer leurs résultats pays par pays et taxons les bénéfices des entreprises là où ils sont réalisés ; interdisons aux banques françaises toute activité dans les paradis fiscaux en retirant les licences bancaires des établissements récalcitrants ; renforçons les moyens humains et techniques de l'administration fiscale et des douanes dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Recrutons des agents du fisc pour traquer les fraudeurs et les déserteurs – c'est de l'argent utilement dépensé et des fonctionnaires qui rapporteraient beaucoup plus d'argent à l'État que leurs salaires ne lui coûtent : on estime entre 60 et 80 milliards d'euros les sommes qui échappent aux caisses de l'État.
Voilà mes chers collègues comment mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires est une résolution vertueuse. Pour autant, cet objectif doit être atteint en s'appuyant sur le principe de démocratie représentative, dont le Parlement est déjà le garant.
Bien que la Ve République s'inscrive dans une logique de parlementarisme rationalisé, il n'en demeure pas moins que le Parlement reste la pierre angulaire de notre démocratie. Le pouvoir législatif dispose de prérogatives. Le titre IV de la Constitution lui confère des moyens d'action variés, l'érigeant en un véritable contre-pouvoir.
Bien que les révisions constitutionnelles se succèdent dans le but de renforcer l'effectivité de son action, le texte de 1958 lui concède d'ores et déjà des pouvoirs importants. Finalement, il ne tient qu'à lui de montrer la volonté politique de s'en saisir. Dès lors, ce qui fait défaut ne tient pas tant à la Constitution écrite qu'à la pratique des institutions. C'est dans le jeu politique pur, qui relève du fait et non du droit, que se joue la place du Parlement. Le défi est davantage de sortir de l'inertie institutionnelle pour retrouver une vigueur et une force de contrepoids.
Rappelons que les fondements du pouvoir parlementaire résident dans les articles 24 et 34 de la Constitution. C'est bien le Parlement qui vote la loi, et c'est bien sous la forme de loi que sont fixées les dispositions financières et fiscales.
S'il constitue une limitation du droit d'initiative parlementaire, l'article 40 demeure un pilier de l'équilibre de la Ve République, symbolisant la lutte contre les dérives parlementaristes antérieures. Il permet d'éviter que des dispositions ayant une incidence financière directe puissent être votées, sans qu'il soit tenu compte des conséquences qui pourraient en résulter pour la situation d'ensemble des finances publiques.
Dans une période charnière de redressement des comptes publics, disposer de garde-fous financiers s'avère essentiel. La multiplication de dispositifs parcellaires créant çà et là des recettes et dépenses, sans vision d'ensemble et sans perspective d'avenir, serait préjudiciable.
S'agissant de la participation de la France à l'Union européenne, elle procède de l'expression de la souveraineté étatique émanant principalement du Parlement qui a autorisé la ratification des traités. Le titre XV de la Constitution témoigne de la volonté d'appartenir à l'ensemble économique et politique qu'est l'Union européenne. Les contraintes résultant des textes européens ne sont pas des obstacles posés au Parlement national mais une discipline budgétaire nécessaire à la survie de la France dans une économie mondialisée. Le Parlement français ne doit pas perdre de vue l'action coordonnée des parlements européens. Tous oeuvrent de concert à la réduction des déficits publics et à la mise en place d'une économie de reprise.
Pour ce qui est du droit d'initiative parlementaire en matière budgétaire, le Parlement doit d'abord s'emparer de ses prérogatives actuelles avant de demander au Gouvernement de lui en donner de nouvelles. À ce jour, le problème réside plus dans la pratique et dans le rapport de force politique, que dans les moyens d'action juridiques.
Quant à la création de pouvoirs d'expertise propres au Parlement, d'une part, cela suppose des moyens financiers supplémentaires qui ne sont pas d'actualité dans un contexte de restrictions budgétaires. D'autre part, vous le savez, une réflexion est en cours pour doter le Parlement de moyens d'évaluation renforcés, par un travail plus approfondi avec la Cour des comptes, avec des organismes indépendants, ou encore par le biais de la création d'une agence parlementaire d'évaluation. Il est d'ores et déjà possible, à budget constant, de renforcer les pouvoirs d'expertise du Parlement : le Printemps de l'évaluation en est un exemple.
De nos jours, les parlementaires peuvent avoir accès à des documents objectifs délivrés par des autorités compétentes.
En ce qui concerne la composition de la Cour des comptes, la loi du 1er juillet 2006 portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes a déjà répondu à l'objectif d'ouverture et de diversification. Par ailleurs, la Cour des comptes est avant tout une juridiction financière : elle est donc censée être impartiale et indépendante. Dès lors, les opinions de ses membres s'effacent lorsqu'ils exercent leur mission juridictionnelle. En outre, la crédibilité de l'institution ne tient pas tant à l'origine de ses juges qu'à leur degré de compétence, seule vraie source légitimité. Enfin, leur statut découlant d'une loi qui n'a pas d'incidence financière, le Parlement serait autant en mesure que le Gouvernement de demander la diversification de la composition de la Cour, sans se voir opposer l'irrecevabilité de l'article 40.
Mettre le peuple et ses aspirations au centre des débats budgétaires, c'est le coeur de notre action. C'est une préoccupation que nous partageons mais cela implique déjà de prendre conscience des pouvoirs qui sont les nôtres et d'en user de façon efficace et responsable. C'est notre ambition.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il y a beaucoup de bon sens dans cette proposition de résolution. Au-delà de la rhétorique – Karl Marx dont on fête le bicentenaire de la naissance n'est manifestement pas mort, contrairement à toutes les apparences – , une bonne partie des critiques formulées dans ce texte sonne juste.
C'est vrai, le Parlement est souvent désarmé face au gouvernement. C'est vrai, il en est réduit à peser à la marge sur les choix budgétaires. C'est vrai, une bonne partie de notre indépendance est mise à mal par l'omniprésence de Bruxelles. C'est vrai, nous ne disposons pas des moyens humains et techniques pour remplir notre tâche d'évaluation et de contrôle de l'action gouvernementale. C'est vrai, nous sommes dans l'incapacité de débattre à armes égales avec le pouvoir en place, faute des outils nécessaires pour chiffrer nos propositions. C'est vrai, au sein même du Parlement, l'opposition est réduite à la portion congrue. C'est vrai, la Cour des comptes est sur le point d'outrepasser son rôle, devenant peu à peu une sorte de chien de garde de l'orthodoxie financière. Tout cela est vrai.
Et pourtant, même si je voterai cette proposition de résolution – je ne juge jamais de la valeur d'un texte en fonction de la couleur politique de celui ou de ceux qui en sont les auteurs – , je reste perplexe à sa lecture.
Pourquoi ? Le vocabulaire choisi, j'y faisais allusion à l'instant. « La souveraineté du peuple », « le peuple et ses représentants » : ces formules qui reviennent sans cesse sous la plume des auteurs de cette proposition de résolution donnent l'impression que les seuls vrais représentants en question siégeraient dans le coin gauche de l'hémicycle.
Une impression corroborée par l'attitude parfois particulièrement sectaire de certains face à d'autres députés, pourtant eux aussi élus du peuple, mais qui n'ont pas l'heur de partager leurs opinions. Mais passons, difficile manifestement pour ceux-là de cesser d'être un tantinet hémiplégiques.
Et puis, j'ai un peu de mémoire. Cette Constitution que les auteurs de cette proposition de résolution accusent, à juste raison, de cantonner le Parlement à un rôle secondaire n'a jamais été réellement modifiée quand la gauche était aux commandes – y compris quand des ministres communistes participaient au gouvernement.
Au point qu'on serait tenté de se dire qu'on critique la Constitution quand on siège dans l'opposition, et qu'on s'en sert, sans beaucoup d'états d'âme, quand on est au pouvoir.
Mais, c'est vrai, il y a maintenant longtemps que mes collègues communistes n'ont pas usé leurs fonds de culotte autour de la table du Conseil des ministres.
Si, je l'ai dit, je partage une grande partie de l'état des lieux brossé dans ce texte, je suis plus circonspecte sur la remise en question de l'article 40. Je ne crois pas qu'on puisse – à moins de faire preuve de beaucoup de démagogie et, quand on siège dans l'opposition, la tentation est grande – ajouter sans cesse des dépenses sans jamais se soucier d'équilibre financier et donc de recettes.
Une dernière remarque, concernant cette fois Emmanuel Macron.
Lui qui avait promis de renforcer la démocratie et ses institutions n'a pas tenu parole. Comme ses prédécesseurs, il a continué de faire de l'Élysée le coeur et de Matignon les poumons de notre pays, et de maintenir le Parlement au rang de simple figurant.
J'ai encore à l'esprit – et ce n'est pas anecdotique – la loi sur la moralisation de la vie publique de l'été dernier qui nous a privés de notre petit, de notre maigre pouvoir d'aider nos territoires par des subventions, aux associations notamment.
Mais je le répète, je partage, avec mes collègues à gauche de cet hémicycle, l'idée que permettre à l'opposition de jouer pleinement son rôle ne peut être que profitable à notre pays. Oui, j'en suis persuadée, le débat est toujours fructueux, enrichissant. Georges Clemenceau disait ; « Gloire aux pays où l'on parle, honte aux pays où l'on se tait ».
Si nous voulons réconcilier les Français avec la politique, il faudrait faire en sorte que le Parlement ne se réduise pas à une extension de l'Élysée ou de Matignon.
Mais, avec vous, députés de la majorité, qui obtempérez si docilement aux consignes venues d'en haut, je ne pense pas que ce soit pour demain. Aussi, je crains que Thomas Jefferson ait encore raison lorsqu'il disait qu'en démocratie, la politique est l'art de faire croire au peuple qu'il gouverne. Essayons de le faire mentir.
La discussion générale est close.
Sur le vote de la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, monsieur le président Chassaigne, mesdames et messieurs les députés, après les différentes interventions, permettez-moi de formuler simplement trois remarques sur la présente proposition de résolution.
La première porte sur le droit d'initiative parlementaire en matière budgétaire. Le renforcement de ce droit nécessiterait, comme vous l'avez dit, de modifier l'article 40 de la Constitution. En effet, le droit d'amendement parlementaire est encadré par cet article, aux termes duquel « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».
Cet encadrement nous paraît cohérent avec le fait qu'il revient au Gouvernement, en l'état de la Constitution, de déterminer les grands équilibres financiers. En effet, seul celui-ci dispose d'une procédure structurée et des ressources administratives nécessaires à la conciliation des demandes de financement des différentes politiques publiques au regard, notamment, des objectifs de finances publiques. Par ailleurs, la définition des grands équilibres budgétaires s'inscrit dans la compétence plus générale de détermination et de conduite de la politique de la nation, qui revient au Gouvernement en application de l'article 20 de la Constitution.
Il faut souligner qu'il ne s'agit aucunement d'un dispositif propre à la France, les principaux régimes parlementaires étrangers disposant d'un mécanisme d'encadrement des initiatives des membres du Parlement en matière financière – je pense notamment au Royaume-Uni, à l'Allemagne, à l'Italie, au Canada ou bien encore à l'Australie.
En outre, la remise en question de l'article 40 de la Constitution pourrait avoir des effets négatifs non seulement sur les finances publiques, mais également sur la durée et la qualité des débats parlementaires. J'en veux pour preuve que la suppression de l'article 40 priverait de fait le Gouvernement d'un instrument de maîtrise des grands équilibres. Les initiatives parlementaires pourraient alors, en effet, modifier substantiellement l'équilibre budgétaire sans que l'on dispose d'une vision consolidée des finances publiques au cours des débats.
Qui plus est, un assouplissement trop marqué de l'article 40, consistant par exemple à autoriser les initiatives tendant à accroître une charge publique dès lors qu'elles sont compensées, pourrait être néfaste pour les comptes publics en raison du caractère potentiellement artificiel du gage.
Enfin, la mise en discussion de l'ensemble des initiatives tendant à créer ou aggraver les charges publiques aurait pour effet d'accroître significativement la durée des débats parlementaires, ce qui irait à l'encontre de l'objectif de réduction des délais d'examen des textes financiers afin de consacrer davantage de temps à l'évaluation des politiques.
Par ailleurs, il faut relever qu'un équilibre a été trouvé dans l'application de l'article 40, et il me semble nécessaire de le préserver. Bien que cet article soit rigoureux dans son principe, sa mise en oeuvre admet quelques souplesses importantes, tant de la part du Gouvernement que des commissions des finances, avec, par exemple, la prise en compte des engagements du Gouvernement, l'autorisation des initiatives créant des charges de gestion et la possibilité de redéployer des crédits au sein d'une mission dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.
La deuxième remarque concerne la détermination des moyens du Parlement pour assurer ses missions de contrôle et d'évaluation. Il est de mon devoir de vous rappeler qu'une telle prérogative relève exclusivement des assemblées parlementaires, qui jouissent d'une parfaite autonomie en matière administrative et financière, conformément au principe de séparation des pouvoirs.
Dans sa décision du 25 juillet 2001, le Conseil constitutionnel a estimé que le fait de prévoir l'existence d'une mission spécifique ayant vocation à regrouper les crédits consacrés aux pouvoirs publics, dont les assemblées, permettait d'assurer « la sauvegarde du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs ».
À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 7 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, « les crédits nécessaires au fonctionnement des assemblées parlementaires font l'objet de propositions préparées par les questeurs de chaque assemblée et arrêtées par une commission commune composée des questeurs des deux assemblées. [… ] Les propositions ainsi arrêtées sont inscrites au projet de loi budgétaire auquel est annexé un rapport explicatif établi par la commission [précitée]. »
Ainsi, le renforcement des moyens administratifs et financiers dont disposent les assemblées parlementaires pour exercer leurs missions de contrôle et d'évaluation ne relève pas de la compétence du Gouvernement.
La troisième remarque, enfin, a trait à la diversification des membres de la Cour des comptes. Il convient de relever que le recrutement du personnel de cette institution est d'ores et déjà relativement ouvert. Outre ses membres affectés à la sortie de l'École nationale d'administration, la Cour des comptes accueille des fonctionnaires et magistrats nommés au tour extérieur, ainsi que des agents publics détachés. Toutefois, la diversité des recrutements doit aussi être conciliée avec le fait que « les membres de la Cour des comptes ont la qualité de magistrats », comme le rappelle l'article L. 120-1 du code des juridictions financières. Aussi les modalités de recrutement sont-elles fixées par la loi afin de garantir l'indépendance de la Cour en tant que juridiction.
Il faut noter que le législateur est intervenu à plusieurs reprises afin de faire évoluer les règles applicables en matière de nomination des magistrats financiers, notamment en 2006, avec la loi du 1er juillet 2006 portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes, ou encore en 2012. Dans ces conditions, il est loisible aux parlementaires, indépendamment de toute résolution, de proposer des évolutions ayant trait au recrutement des magistrats de la Cour des comptes, dans le respect de la nécessaire indépendance de cette juridiction.
Le débat que vous soulevez, monsieur le président Chassaigne, sur la qualité de l'information dont disposent les parlementaires et sur la nécessité d'ouvrir les débats budgétaires, de rendre l'évaluation plus précise et de remettre en cause certaines procédures, est évidemment intéressant. La révision constitutionnelle à venir sera l'occasion de l'approfondir.
Vous avez conclu votre intervention en citant Confucius : « Celui qui déplace la montagne, c'est celui qui commence par déplacer de petites pierres. » Or Confucius a dit aussi : « Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre les questions ». Je crois avoir compris certaines de vos questions, cela ne nous met pas en situation d'accepter les réponses que vous proposez ce soir, mais l'essentiel est que nous puissions ultérieurement répondre ensemble à ces questions. Par conséquent, le Gouvernement ne soutient pas la proposition de résolution que vous avez présentée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Rappel au règlement
Il n'y a pas d'explications de vote, monsieur le président Chassaigne, mais le rappel au règlement est de droit, à condition qu'il s'agisse d'un vrai rappel au règlement. Je vous donne donc la parole.
Je vous remercie, madame la présidente. Il s'agit d'un vrai rappel au règlement, sur la tenue de nos débats, au titre de l'article 58, alinéa 1 er.
Premièrement, je tiens à dire que nos débats ont été, selon moi, extrêmement enrichissants, et qu'il y a eu des interventions de qualité. Je voudrais, dans le cadre de ce rappel au règlement, remercier tous les intervenants, même s'ils ne souscrivent pas nécessairement aux propositions que nous avons formulées.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Maxime Minot applaudit également.
Deuxièmement, j'ai demandé un scrutin public sur le vote de la proposition de résolution. Or, à l'écoute des différentes interventions, je suis saisi par une crainte, qui part du sol et me monte jusqu'à l'esprit :
Sourires
c'est que le vote ne soit pas motivé par le texte lui-même, qu'il ne porte pas réellement sur les trois propositions qui y sont énoncées. Les différentes interventions ont en effet montré que certains d'entre nous étaient passés par-dessus.
Je les répète donc toutes les trois : nous souhaitons encourager le Gouvernement à formuler des propositions visant à renforcer le droit d'initiative parlementaire en matière budgétaire ; inviter le Gouvernement à accorder les moyens financiers nécessaires pour que le Parlement puisse disposer de ses propres pouvoirs d'expertise, en toute autonomie, afin de contrôler efficacement son action et évaluer les politiques publiques ; encourager le Gouvernement à prendre des initiatives visant à diversifier la composition de la Cour des comptes afin de renforcer la pluralité d'opinion et d'expression en son sein et, ainsi, pérenniser la crédibilité de la juridiction. Avec cela, je sens que l'on s'approche d'un consensus.
Sourires.
Merci, monsieur le président Chassaigne. Vous faites preuve d'une grande habileté, puisque le rappel au règlement est conçu pour relever les éventuels manquements au règlement. Or vous avez souligné la qualité des débats, ce qui signifie qu'ils ont été parfaitement conformes au règlement.
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 30 |
Nombre de suffrages exprimés | 28 |
Majorité absolue | 15 |
Pour l'adoption | 5 |
contre | 23 |
La proposition de résolution n'est pas adoptée.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ;
Discussion de la proposition de résolution visant à pérenniser les moyens nécessaires à la participation du ministère de la justice à l'effort national de lutte contre le terrorisme ;
Discussion de la proposition de résolution visant à promouvoir l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
La séance est levée.
La séance est levée, le mardi 19 juin 2018, à zéro heure vingt-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly