Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du lundi 18 juin 2018 à 21h30
Mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de résolution amène dans notre hémicycle une question cruciale, celle de mettre le peuple et ses aspirations au coeur des débats budgétaires. En effet, la répartition des ressources et des dépenses de l'État est une question éminemment politique : sur qui porte l'effort et à quoi sont employés les moyens de l'État ?

Dans une République comme la nôtre – respublica en latin, à savoir la chose publique – , le budget de l'État devrait être alloué au bien commun et tourné vers l'intérêt général. La souveraineté du peuple est normalement le fondement de notre démocratie. Comment est-il donc possible que le débat budgétaire exclue à ce point le peuple et ses aspirations, alors que c'est le premier lieu où devrait s'exprimer sa souveraineté ? Pourtant, le peuple est exclu des débats budgétaires, et le rôle de ses représentants réduit au minimum. Et encore ! Dans les projets de réforme institutionnelle, le temps du débat alloué au budget devrait être encore limité. Quant aux aspirations populaires, elles en sont depuis très longtemps absentes.

Les débats budgétaires sont trop souvent réduits à des questions techniques, qui seraient réductibles à des débats d'experts et d'efficacité économique. Les projets et rapports annuels de performances – les PAP et les RAP – de la LOLF, auxquels nous sommes ici habitués, sont incompréhensibles pour le grand public, et empêchent le peuple de saisir les enjeux que nul ne songe vraiment à lui expliquer. Les indices technocratiques de performance, qui ne font pas l'objet d'une délibération démocratique, tiennent lieu de boussole budgétaire.

Pourtant, c'est le peuple qui, par l'impôt, contribue au budget de l'État, et c'est lui qui en bénéficie, du moins en théorie. Mais nous pouvons tous constater le dépérissement des services publics, qui sont pourtant les seuls biens de ceux qui n'ont rien. Le service public hospitalier, déjà en piteux état, ne tient que par le dévouement de ses agents. Mais tous sont dans le même état – éducation nationale, culture, justice, transports en commun. Partout, règnent la désorganisation et la pagaille du fait de réductions absurdes de budgets et de personnels.

Par exemple, à Aubervilliers, dont je suis le député, le tribunal d'instance a dû être fermé au public de longs mois faute de personnels. Le délai d'audiencement y est de douze mois, contre deux à Paris. Imaginez ce qui se passe quand il faut autant de temps rien que pour audiencer un contentieux locatif : il est quasiment insoluble au moment où il va être enfin traité !

C'est donc le peuple qui devrait pouvoir arbitrer les grands choix budgétaires, au moins par l'intermédiaire de ses représentants. Pourtant, les possibilités d'amendements pour les parlementaires sont réduites à peau de chagrin : il est bien possible de proposer de transférer des crédits, mais seulement au sein d'une même mission, et à condition de ne pas augmenter le montant de ses crédits. Les parlementaires ne peuvent donc pas proposer de répartition alternative globale des différentes missions. Les grands équilibres du budget sont soustraits au débat. Le reste du temps, l'article 40 se charge d'empêcher toute initiative parlementaire qui nécessiterait financement.

Pire, que le budget de l'État soit en équilibre n'est plus sujet à discussion, étant donné que les règles européennes interdisent ce qu'on appelle le déficit structurel au-delà de 0,5 %, et le déficit tout court au-delà de 3 % : c'est la fameuse règle d'or. Ces règles budgétaires non délibérées par le peuple, imposées par d'obscurs mécanismes européens, contraignent de toute façon les budgets. L'objectif imposé de tout budget est la réduction des déficits. L'austérité budgétaire est inscrite dans la loi organique française.

Ainsi, les aspirations technocratiques de Bruxelles sont très présentes lors des débats budgétaires ; celles du peuple, inexistantes. Rappelons la forfaiture qu'a constitué l'adoption du traité de Lisbonne, afin d'imposer au peuple un traité qu'il avait refusé par référendum trois ans plus tôt !

Toutes ces raisons font que le peuple est totalement absent des débats budgétaires, sauf au titre de contribuable dévoué, ou de pourvoyeur d'économies faites sur son dos, lorsque sont allègrement sabrés les budgets qui profitent à tous. Tout cela pour pouvoir faire des cadeaux aux plus riches !

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