À cet égard, lorsque le Président de la République déclare, le 12 avril dernier chez Jean-Pierre Pernaut, que le « sang s'est échauffé sur cette affaire », il démontre son incompréhension des Français, qui désapprouvent sa mesure.
Fondamentalement, si l'on veut dénicher les ressorts profonds de l'hostilité à cette décision de limiter la vitesse, c'est à la forme qu'il faut s'intéresser. La forme, c'est notamment cette façon de décider seul, au nom d'un intérêt supérieur qui serait indiscutable – c'est ce que nous a dit tout à l'heure le député du MODEM : nous n'avons pas le droit de discuter cette mesure – et avec une certaine arrogance polie que le monde rural supporte chaque jour un peu moins. Cette mesure est vécue par beaucoup comme une provocation, voire une intrusion dans leur quotidien. Elle nourrit un sentiment de ras-le-bol chez des millions de Français.
La voiture est le quotidien de six Français sur dix qui ne disposent d'aucune alternative pour aller au travail. Elle n'est pas toujours un choix et elle est souvent une contrainte. Elle est un outil de travail pour certains. Elle est onéreuse dans le budget d'un foyer, parfois même inaccessible à l'achat. Elle crée de l'exclusion pour celui qui n'en dispose pas, notamment à la campagne. Elle est aussi le moyen d'une liberté précieuse pour qui ne souhaite pas rester enfermé dans les limites de son périmètre de vie. En ignorant cette réalité, la majorité affiche sa difficulté à comprendre tous les Français. Certes, la France est faite de startuppers, de traders, de clients d'Uber, d'usagers du métro ou du Vélib. Mais elle est faite de plus de 26 millions de Français qui se déplacent sur quatre roues chaque matin. Ces 26 millions de Français ne contestent pas les règles de sécurité : ils mettent leur ceinture, sont ravis de leurs airbags, s'arrêtent au feu rouge, savent que l'on ne peut raisonnablement boire et conduire.