Intervention de Jean-Luc Volatier

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 10h00
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Jean-Luc Volatier, directeur adjoint à la direction de l'évaluation des risques, volet méthodologie et observatoires :

Pour ma part, je suis plutôt chargé de l'évaluation a posteriori. Cela fait déjà une dizaine d'années que nous menons d'importants travaux sur l'« effet cocktail ». On a beaucoup parlé des processus d'autorisation et de la toxicologie a priori, mais il importe aussi de prendre en compte les données issues de l'épidémiologie. De ce point de vue, nous avons mis en place, depuis une dizaine d'années, des procédures pour fournir aux équipes d'épidémiologistes qui gèrent de grosses cohortes – par exemple la cohorte Agrican qui concerne la santé des travailleurs agricoles, la cohorte Elfe sur le développement de l'enfant, ou encore la cohorte Nutri-Net Santé dont vous avez parlé sur la nutrition et les impacts sanitaires de la nutrition – les données de caractérisation des aliments leur permettant de tester des associations entre les substances présentes dans les aliments – additifs, résidus de pesticides, etc. – et les effets sanitaires. Par exemple, nous avons fourni, il y a plusieurs mois, avant même que M. Rustin ne se préoccupe de cette question, des données sur la présence de produits phytopharmaceutiques, dont des SDHI comme le boscalid, à l'équipe chargée des cohortes Eden et Elfe pour voir s'il y avait des associations entre une exposition des femmes enceintes à tout type de substances chimiques, dont des résidus de pesticides, et le développement de l'enfant. Nous avons déjà un certain nombre de résultats qui ne sont pas encore publiés, mais qui seront fournis au groupe de travail.

Nous n'attendons pas que des alertes soient lancées, et nous avons tout un processus qui consiste à mettre à la disposition des chercheurs des données leur permettant d'aller plus loin. Dès que Mathilde Touvier et Serge Hercberg ont publié leur papier sur les aliments ultra-transformés, nous les avons contactés pour leur dire que nous pouvions leur fournir nos données sur la présence d'additifs, sur les matériaux au contact des denrées alimentaires, afin qu'ils aillent encore plus loin que leur premier papier d'associations statistiques sur une catégorie NOVA qui est assez globale et voir s'il existe des liens entre tel ou tel additif et les cancers. L'ANSES est très en pointe en la matière au niveau international. Nous faisons également en sorte que ces données de surveillance existent dans les autres pays, notamment au niveau de l'OQALI qui permet d'avoir des données d'occurrence d'additifs alimentaires et de nutriments.

Nous avons contribué, avec le ministère de la santé, à la mise en place de l'Action conjointe européenne sur la nutrition et l'activité physique – Joint action on nutrition and physical activity (JANPA) pour réaliser une surveillance de la qualité des aliments et de la présence des ingrédients dans les aliments – un appel d'offres sera sans doute lancé dans les jours qui viennent pour essayer d'aller au-delà. Nous avons fait également des comparaisons avec des pays comme l'Autriche et la Roumanie. Nous avons piloté une action sur les expositions alimentaires aux substances chimiques dans le cadre du Programme-cadre de recherche et développement (PCRD) pour que les autres pays se mettent à niveau en termes d'exposition aux substances chimiques. Nous avons fourni toutes ces données à l'EFSA. Nous avons piloté des améliorations en termes d'harmonisation sur les données de consommation alimentaire, notamment dans le cadre du projet GloboDiet de l'OMS. Malheureusement, le CIRC a abandonné ce projet, mais nous le poursuivons avec des partenaires nationaux.

Nous sommes donc vraiment très en pointe sur les liens avec la recherche au niveau national mais aussi européen pour que l'ensemble des données sur la présence de différentes substances dans les aliments puissent être utilisées, notamment dans l'épidémiologie. Nous allons même au-delà de l'épidémiologie traditionnelle puisque, dans le cadre de la phytopharmacovigilance, nous mettons en place des systèmes de fouilles de données, notamment avec l'université de Grenoble et l'École nationale supérieure d'informatique et de mathématiques appliquées de Grenoble (ENSIMAG), dans le cadre du big data, pour exploiter les bases de données médico-administratives de la sécurité sociale et mettre en regard les expositions, par voie alimentaire notamment, aux substances présentes dans l'alimentation pour que des équipes de recherche puissent analyser ces données.

Je pense que nous sommes vraiment très proactifs sur ces sujets au niveau national et européen.

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