Intervention de Pascale Mathieu

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Pascale Mathieu, présidente de l'Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes :

Permettez-moi de compléter les propos de M. Dumas.

Nous donnons en effet des primes de 50 000 euros qui ne servent à rien. Quant aux kinésithérapeutes, ils touchent la plus petite rémunération des professionnels de santé. De plus – et c'est une particularité de notre profession –, la majorité d'entre eux s'endettent pour financer leurs études. Pour se former, ils ont le choix entre quatre instituts privés à but lucratif, où les frais de scolarité s'élèvent jusqu'à 10 000 euros par an, des instituts privés à but non lucratif, où les frais de scolarité atteignent jusqu'à 9 200 euros par an, et des instituts publics où les frais d'inscription universitaires sont de 6 000 euros par an. Pour un étudiant dont les parents n'ont pas les moyens, et qui s'endette pour faire ses études, exercer à l'hôpital public pour 1 350 euros par mois n'est pas envisageable. Il n'aurait même pas de quoi vivre.

De plus, les zones très sous-dotées, ou même sous-dotées tout court, ne sont pas attractives ! Disons-le franchement ! C'est ce que nous disent les jeunes. Quand j'ai fini ma journée, j'ai envie d'aller boire un verre avec des amis. Quand je sors de chez moi, à Langon, à 20 heures 30, rien n'est ouvert, pas même un bar sympa pour aller boire un verre avec des amis. Des jeunes, à la sortie des études supérieures, n'ont pas forcément envie de cela. J'entends bien que l'on ne peut pas distribuer de l'argent partout, mais ce n'est pas avec 3 000 euros par an que vous les inciterez à s'installer dans des endroits où il n'y a pas de loisirs. Cela ne correspond pas à l'envie sociétale actuelle.

Pour ma part, j'ai trois enfants et j'habite à 50 kilomètres au sud de Bordeaux. Il fut un temps où je louais un appartement pour ma fille et un autre appartement pour mon fils à Bordeaux, et un troisième à Nice, et ce avec des revenus qui n'étaient pas très importants. J'ai hésité à quitter mon cabinet à Langon, situé en zone moyennement dotée, pour m'installer à Bordeaux et vivre en famille, avec mes enfants. Voilà un vrai problème ! Même 50 000 euros n'incitent pas les médecins à s'installer, et l'échelle n'est pas la même ! D'ailleurs, je ne dis pas que 50 000 euros inciteront les kinésithérapeutes.

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