Intervention de Philippe Vigier

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier, rapporteur :

Tous les députés sont extrêmement sensibilisés par ces questions, et je vous remercie de votre liberté de ton et des réponses à nos questions.

Premièrement, concernant les pratiques avancées – vos derniers propos l'illustrent parfaitement –, vous couvrez des actes que vous ne devriez pas couvrir. Voilà la vérité. Disons les choses clairement. Il serait bien que l'on vous remette un tout petit peu à contribution. Nous avons parlé du diabète, de la surveillance des traitements anticoagulants, des vaccins, etc. Sans que cela ne déclenche la guerre des polices ni la guerre des professions, un pharmacien, un biologiste et un infirmier peuvent vacciner. L'audition des infirmiers puériculteurs a été très intéressante. Il y a des choses à faire.

Madame, vous avez raison, la médecine du travail est un naufrage dans ce pays. C'est un naufrage absolu. Les kinésithérapeutes et les podologues connaissent ces pathologies. Voyez le taux d'accidents du travail, notamment dans le domaine de la santé dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les problèmes de dos que rencontre le personnel – 98 % sont des femmes. Ne pourrait-on pas inventer de nouveaux dispositifs pour la médecine du travail ? Pour les infirmiers, dans le cadre de la régulation ? Voyez ce drame du service d'aide médicale urgente (SAMU) de Strasbourg ; un nouveau cas est évoqué ce matin. Avec l'arrivée de la télémédecine, ne peut-on pas imaginer l'émergence de nouveaux métiers – des infirmiers régulateurs, des infirmiers internistes, voire des kinésithérapeutes régulateurs ? Il nous faut inventer. Nous allons faire des propositions, mes collègues et moi-même. Nous allons nous mettre d'accord sur un document de synthèse. Vous pouvez constater que, quelles que soient les sensibilités politiques, l'envie d'avancer est prégnante.

Je vais vous poser une question encore un peu plus directe. Voilà la proposition : nous vous laissons pendant deux ans plus de liberté de prescription. Si des dérives sont constatées, vous ne pourrez plus prescrire. Cela vous semble-t-il recevable, ou inenvisageable ? Seriez-vous prêts à assumer une telle responsabilité ?

Deuxièmement, pour reprendre les propos de ma collègue sur la question des diplômes européens, je souhaiterais que vous, responsables des ordres, vous disiez avec force que le niveau de diplôme n'est pas le même. Qui mieux que vous peut le dire ? Je suis un Européen convaincu, génétiquement. Cependant, disons les choses clairement : nous allons être, entre guillemets, « envahis  », et je pèse mes mots. Cela fait trente ans que, quand un étudiant veut être vétérinaire et qu'il n'arrive pas à entrer à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort, il part en Belgique. Sommes-nous capables de mettre ces questions sur la table ?

Troisièmement, nous ne vous avons pas entendus concernant le dossier médical partagé. J'aimerais bien que vous me fassiez des propositions, car le DMP fait partie du parcours de santé, de la non-redondance d'examens et de la qualité de la prise en charge. C'est un dispositif essentiel.

Quatrièmement, nous croyons à la télémédecine, mais pour des actes identifiés, réalisés par des professionnels.

Je terminerai par un mot sur le problème de l'attractivité, notamment dans le domaine public, à l'hôpital, avec les débuts de carrière à 1 350 euros que vous évoquez. Pourriez-vous nous faire des propositions comparatives ? Je pense qu'une des solutions passe aussi par une meilleure attractivité à l'hôpital. Neuf médecins sur dix vont à l'hôpital, et ceux qui suivent les cursus habituels sont plutôt très mal payés pour des « bac + 12 » ou « bac + 13 ». Ce sont les mercenaires qui font le prix, à la dernière minute de la dernière heure ! C'est lastminute.com ! Untel vient faire la garde de 24 heures, mais réclame 1 800 euros. Voilà la situation dans laquelle nous sommes.

Pourriez-vous essayer de synthétiser vos propos pour apporter quelques éléments de réponse sur ces quatre ou cinq questions, qui résument cette audition particulièrement riche ? Je ne reviens pas sur les maisons de santé, mais je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut un projet médical à la clé. Serait-il possible de synthétiser tous ces éléments, pour que nous puissions être encore plus prospectifs dans nos propositions ?

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