Intervention de Annaïg Le Meur

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnaïg Le Meur :

Je remercie tout d'abord le rapporteur pour les échanges que nous avons eus dans le cadre des auditions que nous avons menées.

Le démarchage téléphonique est effectivement une pratique que beaucoup de Français trouvent très intrusive dans leur vie privée. Comme vous le soulignez dans votre rapport, Monsieur Pierre Cordier, la dernière enquête d'UFC-Que Choisir met en évidence que 91 % des Français trouvent le démarchage téléphonique très agaçant. Quel Français n'a pas connu ce moment pénible, souvent le soir à l'heure du repas, où sonne le téléphone et où, à l'autre bout du fil, un opérateur tente – presque désespérément, parfois – de lui vendre un bien ou un service ?

C'est pourquoi la « loi Hamon » du 17 mars 2014 a prévu plusieurs dispositions, parmi lesquelles la création d'un registre d'opposition au démarchage Bloctel plus efficace que l'ancienne version Pacitel, et l'obligation faite au démarcheur d'informer les particuliers de la nature commerciale de l'appel et de l'identité de la société qui en est à l'origine. Toutes ces mesures allaient dans le sens d'une protection accrue du consommateur et de la lutte contre la manipulation et la vente forcée. Depuis son lancement opérationnel en juin 2016, Bloctel regroupe 3,5 millions de personnes inscrites, représentant 8 millions de numéros de téléphone. C'est une preuve supplémentaire de l'ampleur du phénomène de démarchage téléphonique.

Bloctel donne-t-il entière satisfaction ? Le résultat est mitigé avec un tiers des réclamations provenant de personnes inscrites sur Bloctel concernant effectivement un démarchage abusif. Ce résultat mitigé s'explique par une faille du système. Certaines entreprises ne respectent pas, en effet, leurs obligations, démarchant des numéros inscrits sur Bloctel. Cependant, j'attire votre attention sur la méconnaissance qu'ont parfois de ces obligations les chefs de petites entreprises. Il ne faut pas non plus sous-estimer la confusion que font parfois certains entre la prospection commerciale et le démarchage dans le cadre d'une relation contractuelle. Il y a une grande différence entre un appel prospectif et une arnaque ou un numéro surtaxé qu'on appelle aussi ping call. Plus grave, l'usurpation du numéro de téléphone d'un particulier à des fins malveillantes est très en vogue en ce moment. La mise en place de Bloctel a nourri l'espoir auprès de nos concitoyens que tous ces appels intrusifs allaient cesser alors que ce n'est pas la vocation de ce système. Je pense d'ailleurs qu'une campagne de communication de la part du Gouvernement serait nécessaire sur ce point. J'ai déjà commencé à en parler dans ma circonscription, notamment au sein des chambres de commerce et d'industrie (CCI).

Si je partage certaines des propositions du rapporteur, d'autres me laissent plus sceptique. Je commencerai par celles auxquelles je suis plutôt favorable. L'article 2 impose davantage de transparence en obligeant l'opérateur en centre d'appels à signaler de manière explicite l'identité de son employeur ou de la personne morale pour le compte de qui est effectué l'appel. C'est une bonne chose car cela protège davantage le consommateur. De même, le renforcement des sanctions envers les entreprises qui contreviennent aux règles de Bloctel est nécessaire. Les auditions ont permis de mettre en lumière que les amendes actuelles – administratives et non pas pénales comme le propose notre collègue – étaient insuffisamment dissuasives. C'est pourquoi le groupe La République en Marche propose de porter les amendes administratives à 375 000 euros pour les personnes morales. D'autre part, ces sanctions peuvent être rendues publiques mais ne sont pas diffusées. C'est une autre piste à explorer car l'image des entreprises est importante. La création d'un indicatif d'appel est une piste intéressante prévue à l'article 3 mais est-ce vraiment utile pour les consommateurs, sachant que l'usurpation de numéros de particuliers par certains centres d'appels peu scrupuleux rendrait déjà l'application de cet indicatif inefficace et ne ferait pas cesser ces appels ?

S'agissant en revanche des articles 1er et 4, le groupe majoritaire est très réservé concernant l'instauration d'un système d'opt-in dans lequel le consommateur serait réputé ne pas avoir donné son consentement à l'exploitation commerciale ou à la revente de ses données personnelles, y compris dans le cadre contractuel. Ce serait une révolution dans les relations contractuelles – sans garantie pour les Français d'être enfin tranquilles.

Globalement, nous sommes plutôt favorables aux articles 2, 3 et 5. C'est l'opt-in qui nous pose plus problème.

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