Que d'amertume à l'issue de ces débats ! Le rapporteur a fourni un travail remarquable, qui cherchait à combler une carence dans notre droit, au bénéfice de tous les Français et Françaises, qui en ont marre, nous le savons, d'être importunés à tout moment et à tout propos dans leur vie privée. Lorsque l'on siège dans cet hémicycle, on attache du prix à quelques principes généraux du droit, fondamentaux, dont la liberté individuelle et le respect de la vie privée. Or la proposition de loi initiale tendait effectivement à protéger la vie privée : chacun doit être libre d'accepter ou non d'être dérangé, je dirais même harcelé, par un opérateur qui cherche in fine à susciter un acte commercial à son préjudice. J'ai beaucoup d'amertume en cet instant.
Cette proposition de loi ne tombait pas du ciel : elle correspondait à un besoin exprimé et ressenti dans nos territoires ; elle concernait un élément fondamental, la vie privée ; notre réglementation présentait des lacunes. À l'issue des débats, je le dis à mon tour : vous avez vidé ce texte de sa substance, parfois même avec une forme d'hypocrisie. On a déjà fait le coup du « on va travailler ensemble » à Gilles Lurton, ici même, le 5 avril dernier. Il avait présenté un texte sur les soldats engagés en Algérie entre 1962 et 1964, car il y avait, là aussi, une carence. On a tout fait pour que le dossier ne soit pas évoqué ; on lui a dit : « on va travailler ensemble » ; et, trois semaines plus tard, le Gouvernement a repris sa proposition de façon unilatérale, en faisant fi du travail qu'il avait réalisé. Vous nous faites le même coup ce soir, à vingt-deux heures trente. Cette façon de procéder, assez déplorable, fait donc jurisprudence.
Pour notre part, nous insistons sur le fait qu'il faut que chacun soit libre de recevoir ou non des coups de téléphone. On accepte ou pas de téléphoner à sa famille, à ses amis, à ses proches. On accepte ou pas d'être importuné par un tiers étranger, a fortiori quand il cherche à obtenir quelque chose avec le goût du lucre. C'est pourquoi ce texte était essentiel. Désormais, il est vide. Aussi, malgré tout le travail du rapporteur, nous ne pourrons finalement que nous abstenir.