Intervention de Damien Adam

Séance en hémicycle du jeudi 21 juin 2018 à 21h30
Défense du droit de propriété — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Adam :

Pour légiférer, ne nous laissons pas gagner par l'émotion et par la volonté de répondre aux demandes médiatiques qui peuvent surgir.

En l'état, la proposition de loi nous semble excessive. Je m'explique.

D'abord, son article 1er vise à étendre la procédure d'occupation illégale d'un domicile à tout bien immobilier. Comme je l'ai rappelé en commission, cette mesure nous semble disproportionnée, car la notion de bien immobilier renvoie tant aux logements habités qu'aux logements vacants, aux ateliers, terrains ou bureaux. Cette modification met donc en cause l'équilibre entre le droit de propriété et le droit au logement, et risque de sanctionner des personnes déjà fragiles, qui éprouvent des difficultés à se loger.

De plus, l'article 2 de la proposition vise à priver les personnes condamnées à la suite d'une occupation sans droit ni titre du dispositif du DALO, le droit au logement opposable. Cela nous semble également contre-productif : cette peine est non limitée et exclut définitivement des personnes qui rencontrent souvent des difficultés d'accès au logement.

Ensuite, la proposition de loi prévoit que, lorsqu'un juge constate une occupation sans droit ni titre par un tiers, le préfet du département où se situe l'immeuble occupé recourt dans les quarante-huit heures, sur demande du propriétaire, à la force publique, afin de déloger les tiers occupants de mauvaise foi dudit immeuble. Cet ajout pose problème : la finalité de l'incrimination de violation de domicile est de sanctionner un comportement contraire à la cohésion sociale, non de permettre l'expulsion du logement occupé. Le code pénal, par ailleurs, a vocation à décrire les comportements constitutifs d'infractions et les sanctions encourues, non à préciser les modalités concrètes et particulières d'exécution des condamnations.

Par ailleurs, la proposition précise : « Il incombe au tiers occupant sans droit ni titre de prouver sa bonne foi par la présentation d'un titre de propriété, d'un contrat de bail le liant au propriétaire de l'immeuble occupé, ou d'une convention d'occupation à titre gratuit signée par le propriétaire du bien. » Elle renverse ainsi la charge de la preuve et crée une présomption de culpabilité contre l'occupant d'un logement, ce qui pose évidemment un problème constitutionnel.

Enfin, le dernier article de la proposition met en difficulté les personnes bénéficiant d'un bien à titre gratuit, qui pourraient se faire déloger sans possibilité de recours si le texte venait à être adopté.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche a déposé une motion de rejet du texte, que j'aurai le loisir de vous présenter tout à l'heure.

Pour terminer, je reviendrai sur ce que vous disiez en introduction, monsieur Aubert, à savoir que le droit de propriété n'existe plus dans ce pays. C'est assez cocasse, lorsque l'on sait que les dernières modifications à ce droit ont été apportées par des Républicains en 2015 ! Vous dites que Les Républicains auraient eux-mêmes mis fin au droit de propriété.

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