Intervention de Cyrille Charbonnier

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 9h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Cyrille Charbonnier, président de Médiveille :

À mon tour, je vous remercie pour votre invitation. Je suis médecin généraliste. J'ai travaillé pendant neuf ans comme effecteur SAMU avec la société Médecins à domicile 94. Ce travail constituait à effectuer des visites sur demande du SAMU, dans tout le Val-de-Marne, 24 heures sur 24. J'ai également été le gérant de la structure Médecins à domicile 94, qui comptait une vingtaine de médecins entre 2009 et 2010, et praticien attaché à la régulation du centre 15 de 2011 à 2014.

J'exerce actuellement l'équivalent d'un mi-temps dans un cabinet de soins non programmés que j'ai ouvert en juin 2014 avec deux confrères au Puy-en-Velay. Je suis également médecin, le matin, dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), au sein d'une unité de soins longue durée (USLD). Je m'occupe de ma start-up Médiveille, pour laquelle je travaille bénévolement depuis quatre ans, sur mon temps libre.

Médiveille, qui a vu le jour officiellement en août 2017, a suivi le parcours classique des start-up : incubation, bourse French Tech, accélération, avec désormais deux sites, l'un à Clermont-Ferrand, l'autre à Saint-Étienne, financements régionaux, financement Bpifrance. Médiveille est une application qui facilite l'accès aux soins des patients en temps réel. Le système est aujourd'hui complètement opérationnel.

L'idée de Médiveille est née à l'époque où j'étais régulateur au SAMU de l'hôpital Henri-Mondor. Fin 2013, un samedi à 11 heures, c'est-à-dire en dehors des heures de permanence de soins, nous avons reçu l'appel d'une femme qui venait d'arrêter sa voiture et qui ne connaissait pas du tout la région parisienne. Son fils, à l'arrière, était malade et elle souhaitait consulter un médecin. Elle avait pris la sortie d'autoroute de Champigny-sur-Marne, qui indiquait la ville à deux kilomètres.

Le SAMU d'Henri-Mondor, l'un des plus gros de France, recevait alors entre 400 et 600 appels par jour, et nous n'avions aucune réponse à donner à cette dame. À l'époque, une application mobile existait qui permettait de pointer un avion dans le ciel et de connaître immédiatement sa provenance et sa destination. Quant à nous, nous étions incapables de dire, un samedi, à 11 heures, si un médecin était disponible à cinq kilomètres de notre SAMU. Avec mon collègue, le docteur Denis Andrieu – qui s'est finalement dissocié du projet –, nous avons alors commencé à réfléchir au moyen de remédier à cette situation. C'est ainsi que sont nés l'application et le site internet Médiveille, aujourd'hui opérationnels.

Plus globalement, le constat que je fais sur l'accès aux soins est le même que celui de mon confrère, M. Maisonneuve. Outre le rapport de Thomas Mesnier sur les soins non programmés, je me réfère au rapport de la Cour des comptes de septembre 2014 et, en particulier, à son chapitre 12, « Les urgences hospitalières : une fréquentation croissante, une articulation avec la médecine de ville à repenser. ». Il est indiqué, dans ce chapitre, qu'une consultation aux urgences, sans bilan complémentaire et sans acte de radiologie, a un coût de 161,50 euros. Je rappelle qu'une consultation en médecine générale coûte actuellement 25 euros en cabinet médical.

Le rapport de la Cour des comptes préconise de favoriser la collaboration entre les médecins généralistes volontaires et les services d'urgence afin de développer les consultations médicales de soins non programmés en journée. Il souligne par ailleurs l'intérêt des primary care centers aux États-Unis et au Royaume-Uni, sortes de dispensaires qui permettent d'orienter les patients. Le mot « dispensaire » peut avoir une connotation négative, mais j'ai travaillé à Mayotte pendant un an quand je préparais ma thèse et j'ai pu observer l'efficacité des dispensaires qui existent là-bas : tout le monde peut venir y consulter, on n'y refuse personne.

C'est le principe de mon cabinet médical de soins non programmés : il n'y a pas de sélection à l'entrée. Je suis installé au Puy-en-Velay, dans une zone de désert médical. Les gens qui viennent me consulter me disent qu'ils ont déjà appelé vingt numéros de téléphone avant le mien pour obtenir un rendez-vous. Tous les cabinets médicaux qu'ils ont contactés leur répondent qu'ils ne prennent pas de nouveaux patients et les invitent à aller voir ailleurs. Quand je demande à mes confrères pourquoi ils ne font pas de soins non programmés, ils me répondent qu'ils ont des créneaux libres en fin de journée pour les patients qui appellent en début de journée. En creusant un peu, on se rend compte que ces créneaux sont réservés à leur patientèle. Il ne s'agit donc pas de soins non programmés.

Si tous les généralistes libéraux de France, soit 50 000 praticiens, prenaient en charge ne serait-ce que deux heures par semaine de soins non programmés, via notre application, on pourrait réduire notablement la croissance ininterrompue des urgences. Je rappelle que le nombre de passages aux urgences est passé de 8 millions en 1990 à plus de 21 millions en 2017. Médiveille permet aux médecins de se rendre disponibles en temps réel, de manière visible pour le SAMU et les patients : ils apparaissent en vert sur notre site internet, ce qui signifie qu'ils peuvent être contactés.

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