Intervention de Cyrille Charbonnier

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 9h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Cyrille Charbonnier, président de Médiveille :

Comment favoriser l'émergence de solutions numériques ? Le premier problème réside dans la complexité du système de santé français et dans la diversité de ses acteurs, qui travaillent en outre selon des réglementations très contraignantes, propres à un domaine non commercial - les médecins n'ont pas le droit de faire de la publicité. Il n'est pas évident de communiquer avec l'ensemble d'entre eux, d'autant que leurs intérêts sont divergents. Une solution ne pourra s'imposer qu'à condition de les avoir tous convaincus. Qui sont-ils ? Principalement l'assurance maladie, le ministère de la santé, les agences régionales de santé (ARS), le conseil de l'ordre, les hôpitaux publics, les cliniques privées, les médecins libéraux, les médecins hospitaliers et les syndicats de médecins.

Toutes les start-up de l'e-santé sont confrontées à la difficulté de fédérer les acteurs. Nous avons du mal, en particulier, à obtenir des réponses cohérentes à nos demandes. J'ai reçu plusieurs lettres d'accréditation du ministère après que le professeur Jean-Yves Fagon, délégué ministériel à l'innovation en santé, a décidé de soutenir notre projet. Une autre institution m'a envoyé la réponse suivante : « Nous sommes tout à fait disposés, dans le cadre de notre mission, avec le soutien d'une autre instance, à faciliter la mise en oeuvre d'un dispositif expérimental de mise en relation patients-médecins. » Deux ans plus tard, quand nous avons enfin eu la solution technique permettant de mettre en oeuvre notre projet, nous avons proposé à cette institution une expérimentation sur son territoire. Voici sa réponse : « Toute action concernant la continuité ou la permanence des soins doit prendre en compte tous les acteurs. Ces derniers ont eu le sentiment qu'on leur forçait la main dans un projet qui pourrait les intéresser en tant qu'observateurs de l'offre de soins, mais pas en tant qu'acteurs de la mise en place d'un outil sous-tendu par un modèle économique non public. »

On est ici au coeur du problème : certaines instances du secteur de la santé ne peuvent encore se résoudre à des partenariats public-privé avec des start-up. Ce blocage institutionnel handicape les petites entreprises comme les nôtres. Il est d'autant plus regrettable que d'autres institutions, en revanche, sont prêtes à travailler avec nous. Je pense notamment à Martin Hirsch, qui a passé des accords avec des start-up pour des consultations au sein de l'Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP).

En 2016, j'ai décidé de participer à un appel public à projets de plusieurs millions d'euros, qui réservait 10 % des fonds à des start-up de l'e-santé. J'ai répondu point par point au cahier des charges et déposé ma candidature en août sur une plateforme très complexe d'utilisation. On m'a répondu un mois plus tard, par une simple lettre, que ma candidature n'avait pas été retenue. Aucune audition n'avait été organisée. J'ai appris un an plus tard que les 10 % dédiés aux start-up n'avaient finalement pas été utilisés à cette fin. Les crédits avaient été intégralement dépensés dans le cadre d'un projet hospitalier.

Un nouvel appel à projets a été lancé en décembre 2017, auquel j'ai également participé. Cette fois-ci, je n'ai reçu aucune réponse par lettre, mais un simple coup de fil, pour m'expliquer que mon projet privé ne rentrait pas dans les clous de ce type d'expérimentation.

Plus positif, j'ai rencontré il y a trois semaines Yann Bubien, le directeur adjoint du cabinet de la ministre Agnès Buzyn, qui m'a fait part de son vif intérêt pour des start-up comme les nôtres. Elles répondent selon lui à des besoins que l'État ne sait pas satisfaire et peuvent l'aider à mener de nouvelles expérimentations.

Ainsi, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice nous a contactés pour une expérimentation qui vise à décharger les urgences de l'hôpital de Nice, en partenariat avec l'union régionale des professionnels de santé (URPS), la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) et l'agence régionale de santé (ARS).

De manière générale, l'ambivalence à l'égard du privé demeure. Les réponses qui nous sont faites sont parfois positives, parfois négatives, sans que l'on comprenne vraiment leurs motivations intrinsèques.

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