Intervention de Sibel de la Selle Bilal

Réunion du jeudi 7 juin 2018 à 9h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Sibel de la Selle Bilal, fondatrice de Coursier sanitaire et social :

Contrairement à ce que tout le monde pense, les médecins généralistes libéraux n'exercent pas seuls. C'est ce qu'a montré l'étude d'opportunité et de faisabilité que nous avons menée pendant deux ans, dans cinq régions, auprès de 1 700 participants – médecins infirmières et pharmaciens. La quasi-totalité des médecins libéraux collaborent avec d'autres professionnels. François Lescure, qui est pharmacien, le confirmerait sans doute : il ne se passe pas un seul jour sans qu'un médecin appelle un pharmacien ou un pharmacien un biologiste. Cette collaboration a toujours existé. Dans une région, nous avons réussi à mettre en place la prise en charge intégrée des malades de l'hépatite C, des usagers de drogues et des patients alcooliques, en parlant avec un gastro-entérologue local, désormais correspondant des médecins généralistes.

Reste qu'une évolution est patente : les communications entre les professionnels de santé se font de plus en plus par messagerie sécurisée. Il faut donc réfléchir à la manière d'améliorer les conditions de communication interne entre les professionnels du soin de premier recours. Chez Coursier sanitaire et social, nous avons conçu un nouveau système intranet entre le médecin, ses correspondants et nous. Nous communiquons en temps réel avec les médecins par mails ou par Skype. Nos équipes effectuent des visites à domicile pour les patients inclus dans le dispositif. Malheureusement, la sécurité sociale ne rembourse pas le temps passé par un médecin au téléphone pendant un quart d'heure de consultation, non plus que le temps passé par un pharmacien, un kinésithérapeute ou une infirmière diplômée d'État (IDE) avec le patient.

Nous organisons également des réunions de concertation de proximité. D'aucuns pensent que les médecins généralistes devraient se rendre davantage à l'hôpital pour se familiariser avec les dernières évolutions médicales. Les médecins généralistes considèrent pour leur part que les médecins hospitaliers et les salariés des ARS gagneraient à venir les voir travailler dans leur cabinet. Nous sommes tous passés par l'hôpital. Nous avons été internes et nous savons comment il fonctionne. En revanche, il y a peu de médecins hospitaliers qui connaissent le fonctionnement de la médecine libérale.

En ce qui concerne l'opposition entre soins programmés et soins non programmés, les études de la DREES montrent bien que les épisodes de crise aiguë s'expliquent par des lacunes dans le suivi en amont des patients. L'une d'elles a ainsi révélé que plus de la moitié des personnes qui s'étaient rendues aux urgences hospitalières n'avaient pas consulté préalablement leur médecin généraliste, pourtant censé réguler le parcours de soins. Comment l'expliquer ? Tout simplement parce qu'aux urgences, ces personnes n'ont pas besoin de payer. Quand on touche le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ou d'autres minima sociaux, il est très compliqué de faire une avance de frais. Passer au tiers-payant généralisé permettrait de réduire les consultations en soins non programmés.

Quant à la couverture numérique, je rappelle qu'il existe un grand nombre d'endroits en France où le débit est insuffisant. Les patientèles que nous accompagnons ne disposent pas d'une connexion internet. Les personnes qui achètent un smartphone sont souvent obligées de le rendre au bout de six mois. Les conditions du suivi médical des patients en difficulté ne sont pas réunies. Il faudrait leur permettre de s'équiper avec les outils internet et d'acquérir un smartphone.

J'en viens à votre question, monsieur Vigier, sur le nombre de coursiers sanitaires et sociaux nécessaire pour gérer les cabinets de médecins généralistes. D'après l'Atlas de la démographie médicale en France, les médecins généralistes sont 101 000, dont 60 % de médecins libéraux, soit environ 60 000 praticiens. Un cabinet médical couvre en général entre 1 000 et 1 200 patients ; dix cabinets médicaux couvrent donc 10 000 patients environ. Si l'on se réfère aux expérimentations menées en Angleterre depuis 2014 et à notre propre expérimentation depuis 2008, un effectif de trois équivalents temps plein est nécessaire pour couvrir dix cabinets médicaux et 5 % de malades chroniques en situation difficile.

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