Plusieurs régions commencent à utiliser les coursiers sanitaires et sociaux. Elles nous demandent l'autorisation, parce que nous avons déposé le nom, et nous la leur donnons évidemment. Après notre étude d'opportunité et de faisabilité, j'avais déposé le dossier dans cinq régions. Seule la région Île-de-France l'a accepté, avec un financement très réduit.
Notre modèle est très particulier. Nous touchons des financements de l'ARS et des collectivités territoriales, mais aussi des aides financières liées à la création d'emplois. Les profils de nos coursiers sanitaires et sociaux sont très variés. Il s'agit en réalité d'un nouveau métier, que j'ai créé en 1991, il n'y a donc pas si longtemps. Jusqu'en 2001, j'ai eu dix-sept salariés. Nous recrutons avant tout des gens atypiques. J'ai commencé par recruter des assistants sociaux, mais ils ne connaissaient rien aux problèmes de santé. J'ai embauché ensuite des infirmières, mais c'était encore pire : elles ne connaissaient pas le social et avaient beaucoup de mal à collaborer avec les médecins de ville. C'est pourquoi nous recrutons désormais des gens atypiques, que nous formons et professionnalisons en interne dans le cadre de notre « école d'application ».
Aujourd'hui, les coursiers sanitaires et sociaux sont une centaine, répartis dans plusieurs villes. Dans son rapport de mars 2012, le défenseur des droits a fortement préconisé le recours aux coursiers sanitaires et sociaux. Nous sommes également référencés par la Haute Autorité de santé (HAS) comme apportant un appui à la coordination en médecine générale. Tout ceci nous est favorable, mais nous continuons de nous heurter à la question du financement. Il n'est pas facile d'innover dans des cultures très horizontales, caractérisées par des financements tout aussi horizontaux.
Le programme « territoire de soins numérique » a été évoqué tout à l'heure. Nous avons proposé des expérimentations intégrées aux cabinets de médecins de ville. La réponse a été négative alors que 37 cabinets généralistes étaient prêts à s'impliquer concrètement et à utiliser le numérique dans leur pratique quotidienne. Cette réponse s'explique certainement par le fait que nous n'avons pas choisi la même société que l'ARS d'Île-de-France. Cette société travaille notamment avec les EHPAD alors que nous sommes spécialisés en médecine de ville. Sur le terrain, la situation est compliquée.
Les coursiers sanitaires et sociaux pourraient toutefois créer beaucoup d'emplois. Le ministère du travail et le préfet de Paris nous ont financés pour cette raison. Nous pouvons créer des emplois utiles dans le cadre de la silver economy et aider les médecins à mieux travailler dans leur cabinet. Tout le monde parle du temps médical, mais quand les médecins généralistes travaillent avec nous, ils gagnent en moyenne sept heures par semaine. Ils ont le choix d'utiliser ce temps libéré pour leurs loisirs ou pour le temps médical.
De nouvelles expérimentations vont démarrer sur les modes organisationnels. Le modèle des coursiers sanitaires et sociaux ressemble beaucoup aux link officers du Royaume-Uni, qui commencent aujourd'hui à publier leurs résultats.