Doctolib est ce qu'on appelle un copycat dans le milieu des start-up, c'est-à-dire une société qui a repris un modèle déjà existant, en l'occurrence celui de Zocdoc aux États-Unis. Des fonds d'investissement américains ont permis la création de Doctolib en 2013 par trois diplômés de l'École des Hautes Etudes commerciales (HEC). Depuis sa création, cette start-up a reçu 91 millions d'euros. Elle se lance aujourd'hui à l'international en se développant sur le marché allemand.
Cette parenthèse étant refermée, je reviens à la question des urgences hospitalières. Pourquoi appeler le 15 et bénéficier de la régulation d'un médecin généraliste plutôt que de se rendre aux urgences ? Parce que les urgences représentent souvent quatre à six heures d'attente. Les patients n'y sont pas, en outre, forcément satisfaits de leur prise en charge. Dans certains territoires, les maisons de garde sont parfois opérationnelles juste à côté des urgences. J'ai même travaillé à La Réunion dans une maison médicale qui se trouvait au sein des urgences. Il y avait beaucoup moins d'attente et les gens étaient très satisfaits d'avoir pu bénéficier d'une prise en charge adaptée.
Il faut remettre de la cohérence dans le système en apportant des réponses adaptées. Il faut éviter de saturer les services d'urgence.
Le patient doit toujours être replacé au coeur du système. Les exemples concrets tirés de la réalité du terrain sont riches d'enseignement. Au tout début de mon cabinet de soins non programmés, j'ai reçu un patient qui avait fait une crise d'épilepsie dans la rue. Il s'était retrouvé aux urgences et le médecin urgentiste lui avait prescrit un antiépileptique pour quinze jours. Il est venu chez moi en me suppliant de renouveler son ordonnance et de le prendre comme patient. J'ai continué à le suivre depuis et je lui ai fait faire des bilans. Cette personne n'avait plus de médecin traitant depuis plusieurs années. Il était en errance médicale.
Au cours des trois derniers mois, j'ai découvert des cancers chez deux patients qui n'avaient pas vu de médecins depuis trois ans. J'assure désormais leur suivi. Quand les gens n'ont plus aucun suivi médical, ils ne bénéficient d'aucune prévention. Dans mon territoire de 28 000 habitants, 2 000 patients n'ont plus de médecin généraliste référent, d'après la caisse primaire d'assurance maladie. Ce chiffre est de 4 000 selon le Conseil national de l'ordre des médecins. Sur le territoire de Saint-Étienne, à proximité, qui compte environ 300 000 habitants, ce sont 20 000 personnes qui sont sans médecin traitant.
Concernant maintenant l'ARS, nous avons des discussions avec ses responsables, qui sont souvent compréhensifs et conscients des enjeux. Dans d'autres instances, nos interlocuteurs sont parfois moins au fait des problématiques de l'économie du numérique et quelque peu donneurs de leçons. J'ai souvent eu l'impression d'être au café du commerce tant certaines questions qui m'étaient posées trahissaient une méconnaissance du sujet. Les gens ne savaient même pas ce qu'était une donnée numérique ou comment fonctionnait une startup. Nos interlocuteurs abondent parfois dans notre sens, mais ils changent en permanence, ce qui est compliqué. J'ai eu affaire à six intervenants en quatre ans dans le cadre du programme « territoire de soins numérique ». J'ai dû à chaque fois raconter à nouveau mon histoire et convaincre.