La création d'un secrétariat d'État, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, et rattaché au Premier ministre, serait, Madame Taurine, une « insulte » aux femmes et aux hommes qui ont combattu pour cette égalité ? Est-ce une insulte que de disposer d'un secrétariat d'État qui, pour la première fois, est rattaché au Premier ministre ? Est-ce une insulte que l'égalité entre les femmes et les hommes soit la grande cause nationale du quinquennat du Président de la République ? Je suis frappée par ce mot d'« insulte » que vous utilisez. Ce combat me tient à coeur, je le défends depuis une douzaine d'années, en tant que bénévole, lobbyiste, puis en tant que maire adjointe et maintenant au gouvernement, avec vous. Nous devons le mener côte à côte. Je ne suis pas attachée aux symboles, mais à l'efficacité. (Applaudissements.)
J'entends qu'il aurait été plus symbolique d'avoir un ministère de plein exercice, mais c'est moins efficace… L'efficacité, c'est de répondre aux besoins des associations dont vous avez parlé. Or, lorsque je les ai rencontrées pendant la campagne présidentielle, elles m'ont fait part de ce besoin d'interministérialité. Quand il faut neuf mois pour qu'une association de lutte contre l'endométriose ou une association de défense des personnes prostituées fasse valider une convention, ministère par ministère, où est l'efficacité ? C'est la raison pour laquelle nous sommes rattachés au Premier ministre, ce qui par ailleurs nous permettra de bénéficier de son autorité politique.
Avoir face à vous une membre de gouvernement qui veut échanger de façon constructive pour améliorer concrètement la vie des femmes, n'est pas une insulte, bien au contraire ! J'ai beaucoup de respect pour le travail parlementaire, et je donne acte à la France Insoumise du combat qu'elle mène sincèrement pour l'égalité. Je regrette que vous vous abaissiez à ces joutes verbales qui, elles, relèvent de l'insulte pour les femmes dont nous parlons !
Sur le fond, Madame Trastour-Isnart, je partage votre constat sur le sexisme à l'école. Quand les petites filles parlent beaucoup en classe, on dit qu'elles sont « bavardes », alors que les petits garçons, dans la même situation, sont des « leaders »… En politique, de la même façon, quand un groupe d'hommes soutient un candidat à l'élection présidentielle, on parle de « comité de soutien », très sérieux, mais lorsque le groupe est composé de femmes, ce sont forcément des « pom pom girls », des « groupies » ou des « fans »… On essaie ainsi de discréditer leur engagement politique, en le déplaçant vers l'émotionnel ou une préférence physique. Or, ce n'est évidemment majoritairement pas le cas.
Nous travaillons actuellement sur la visibilité des femmes dans les sciences. Personne n'est aujourd'hui capable de citer une autre scientifique française que Marie Curie. Pourtant, il y en a. Le défaut de visibilité est donc patent. Ce travail porte par ailleurs sur l'encouragement des parcours scientifiques, en liaison avec le ministre de l'Éducation nationale, afin que les femmes s'orientent plus vers les grandes écoles scientifiques, techniques et technologiques et vers les professions d'ingénieurs. C'est un travail de très longue haleine. Je suis preneuse des propositions que vous avez faites.
Monsieur Balanant, vous avez raison, les droits des femmes et l'égalité progressent, notamment la parité en politique. Quelles que soient les critiques que l'on peut formuler à l'égard de la parité et des quotas, force est de constater que, quand il n'y a pas de quotas, il n'y a pas de parité et même pas de mixité… Ainsi, nous avons en effet été alertés sur la désignation de trois hommes parlementaires par l'Assemblée nationale pour siéger à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). De ce fait, la commission sera entièrement masculine. Mais une nomination doit intervenir à la tête de la CDC. Elle est de la prérogative du Président de la République. Par ailleurs, ma collègue Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et moi-même avons formulé une préconisation afin que l'État, qui compte des représentants au sein de cette commission, y nomme des femmes. Nous disposons d'un important vivier, notamment l'excellent réseau des Femmes de Bercy, qui sont parfaitement compétentes en administration, finances et économie, mais aussi le réseau des hauts fonctionnaires à l'égalité.
Je partage votre inquiétude concernant les femmes de plus de 50 ans, qui sont souvent dans un tunnel. Mme Laurence Rossignol, ma prédécesseure, avait lancé des initiatives en la matière, notamment concernant les femmes dans la culture. Cela fait partie de ces bonnes pratiques que nous devons développer en nous inspirant de la pratique anglo-saxonne du late blooming, qui permet par exemple de promouvoir des femmes plus âgées, en sortant de l'idée que l'on peut être promue uniquement à l'âge charnière de 35-40 ans, car cela correspond à l'âge moyen auquel on a des enfants en bas âge à charge. Au-delà de 50 ans, on est tout à fait capable d'être identifiée comme un « potentiel » ou un « talent », d'être promue et de prendre des responsabilités.
Monsieur Jégo, la pédagogie étant l'art de la répétition, je reprends mes explications sur le budget. Je vous confirme une baisse structurelle de budget, mais elle sera compensée par des crédits interministériels. Tout ce qui concerne la grande cause nationale du quinquennat – notamment le « Tour de France de l'égalité » – est pris en charge par le budget de la Présidence de la République et des crédits spécifiques du budget du Premier ministre. Chaque ministère alloue par ailleurs à cette grande cause nationale un budget qui viendra s'additionner au mien. Je ne peux vous communiquer de chiffre définitif pour la bonne et simple raison que nous n'avons pas finalisé ce budget ! Il est en cours de construction avec le ministre chargé de l'Action et des Comptes publics et le Premier ministre. Les chiffres qui circulent sont faux et n'ont rien d'officiel : il s'agit d'éléments de cadrage interne et de bases de discussion, les arbitrages n'ayant pas encore été rendus. Dès lors que je disposerai du chiffre définitif, je vous les communiquerai.
Une dizaine d'associations seront concernées par la non-reconduction des subventions. Je vous transmettrai la liste. Par ailleurs, 179 000 euros de crédits autorisés au titre de la réserve parlementaire ne seront pas affectés car les dossiers n'ont pas été reçus. Il me semble important d'acter que nous ne reconduirons plus automatiquement les subventions et que les associations doivent rendre compte de l'utilisation de l'argent public.
Je partage votre constat concernant la radicalisation. Ce sujet a fait partie de nos échanges lors du séminaire gouvernemental. M. François Molins, procureur de la République de Paris, était présent. Il nous a parlé de la radicalisation des femmes et des difficultés à les gérer lorsqu'elles reviennent de Syrie, souvent avec des enfants en bas âge… Selon lui, les pouvoirs publics ont longtemps fait preuve de naïveté, estimant que ces femmes partaient par amour ou étaient opprimées. En réalité, au même titre que les hommes, elles sont radicalisées, endoctrinées et partent avec une idéologie djihadiste affirmée. À leur retour, elles passent, après décision de la justice, par la prison.
La position de la République française est claire : nous combattons fermement la radicalisation, nous ne tolérons aucun compromis. Je l'ai déjà dit, l'excision n'est pas une coutume, mais une mutilation ; les mariages forcés ne sont pas une tradition mais un viol de la loi ; la burqa ne peut être considérée comme une mode vestimentaire, c'est une tenue oppressive et illégale en France. La République française, le gouvernement, mais aussi les parlementaires, doivent avoir un discours clair sur le sujet. Si mon discours a été mal compris, c'est sans doute qu'il était mal émis ; cette audition me permet donc de clarifier nos positions.
Je ne partage pas votre constat sur le 25 novembre. Mais votre ressenti souligne que nous ne sommes pas, sur ce sujet comme sur d'autres, sortis de notre zone de confort, puisque les parlementaires n'ont pas une connaissance suffisante des actions de l'État. Nous devons cesser de parler entre personnes convaincues, pour convaincre et communiquer au-delà de notre cercle. Différents projets sont à l'étude pour le 25 novembre, nous pourrions en discuter lors d'une prochaine réunion avec votre délégation.
Vous avez aussi parlé du service public de l'audiovisuel. France Télévisions est très motivée sur ce dossier, j'ai pu le constater à l'occasion d'un rendez-vous avec la direction de la chaîne. Je leur laisse la primeur de l'annonce de leurs programmes, mais différents sujets seront proposés, afin de lutter contre la culture du viol. C'est de notoriété publique, un programme pédagogique sera développé autour du livre de Flavie Flament, La Consolation, qui a très largement contribué à faire entrer le débat sur la lutte contre les violences dans la sphère publique.
La protection de l'enfance est du ressort de ma collègue Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, mais nous travaillons sur la protection contre les violences sexistes et sexuelles sur mineurs conjointement avec Mme Buzyn et Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, afin d'allonger les délais de prescription des crimes sexuels commis sur des mineurs.
Les associations que vous citez, Madame Battistel, ne connaîtront aucune baisse des subventions de mon secrétariat d'État. Elles en sont d'ailleurs informées. Je l'ai moi-même confirmé directement à leurs responsables – hier soir à l'une des coprésidentes du Planning familial, ce matin même au président du Mouvement du nid. Si les parlementaires sont tout à fait légitimes à m'interroger, je suis surprise de la récupération de ce sujet par des personnes non informées, qui prennent la parole au nom d'associations qu'elles ne représentent pas, et qui ne sont pas non plus élus… Cela crée un climat délétère, de suspicion, entretenu dans un but qui m'échappe, où chaque association n'est pas inquiète pour elle-même, mais pour les autres… Cela ne permet en tout cas pas de préserver le travail de ces associations, ni de bonnes conditions de coopération. Je le répète – une fois de plus –, les subventions aux associations que vous avez citées seront maintenues ; il n'a jamais été question de les diminuer ou de les supprimer !
Concernant la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, un décret en Conseil d'État n'est malheureusement pas sorti. La loi est récente – je ne blâme donc personne – mais nous attendons depuis janvier la validation par le Conseil d'État du décret sur les parcours de sortie de la prostitution. Comme c'est une priorité de notre action, j'ai demandé aux réseaux déconcentrés des droits des femmes et à toutes les déléguées régionales, que j'ai réunies, de commencer à installer dans chaque département et chaque région les commissions, dispositifs et parcours prévus par la loi et de m'en rendre compte.
Le réseau des hauts fonctionnaires à l'égalité a effectivement été créé en 2012. J'en profite pour saluer l'ensemble des initiatives prises au cours du dernier quinquennat afin d'améliorer les droits des femmes et l'égalité entre les femmes et les hommes. La création de ce réseau en fait partie. Mais, après son lancement, il avait un peu été laissé de côté. Nous avons la ferme volonté de le relancer, d'autant que ma directrice de cabinet était haut fonctionnaire à l'égalité au ministère de l'Intérieur. Ce réseau ne peut vivre en autarcie. Il doit être accompagné par notre volonté politique commune.
Madame Taurine, vous m'interrogez sur les critères d'attribution des subventions aux associations.
En premier lieu, leur activité doit avoir un lien avec ma lettre de mission. Je serai évaluée régulièrement, par le Président, le Premier ministre, mais aussi par vous-mêmes, sur la mise en oeuvre de cette lettre de mission. Ainsi, il est logique que le budget soit construit en fonction de nos priorités politiques, et non l'inverse : les priorités n'ont pas à s'adapter à un budget préexistant ou déterminé par l'administration.
En second lieu – mais c'est du bon sens lié à mon expérience de terrain –, les associations doivent être en mesure de démontrer l'effectivité et l'efficacité de leurs actions. Un compte rendu d'activité, même succinct, permettra de juger de cette effectivité, les déclarations d'intention ne suffisant pas en la matière. La mesure de l'efficacité est également importante car on ne peut continuer d'entendre : « on a toujours fait comme cela ». Les associations que vous avez citées ne sont absolument pas visées car elles ont fait preuve de leur efficacité et l'effectivité de leur action ne fait aucun doute. Pour les autres associations, les reconductions ne seront plus automatiques. Je ne mets pas en cause mes prédécesseures, car l'automatisation était liée à des habitudes dans l'administration, mais nous devons perdre ces habitudes.
Nous disposons de 106 centres d'information sur les droits des femmes et des familles en France. Je pense que peu de pays sont dotés d'un tel maillage territorial. Ils sont majoritairement financés par l'État.
Le 20/08/2017 à 08:43, Laïc1 a dit :
"Quand les petites filles parlent beaucoup en classe, on dit qu'elles sont « bavardes », alors que les petits garçons, dans la même situation, sont des « leaders »…"
Moi, quand j'étais en classe, les petits garçons qui parlaient beaucoup étaient qualifiés de "bavard", et jamais de "leader" pour parler le franglish de mme la secrétaire d'Etat.
Le 20/08/2017 à 08:48, Laïc1 a dit :
"Le réseau des hauts fonctionnaires à l'égalité a effectivement été créé en 2012."
Et le réseau des bas fonctionnaires ? L'égalité, c'est bien, mais surtout pour les autres...
Le 20/08/2017 à 08:51, Laïc1 a dit :
"Madame Taurine, vous m'interrogez sur les critères d'attribution des subventions aux associations."
Celles qui soutiennent M. Macron auront de grosses subventions, quand aux autres, rien du tout. Ce n'est pas compliqué la politique.
Le 20/08/2017 à 08:40, Laïc1 a dit :
"en tant que bénévole, lobbyiste, puis en tant que maire adjointe et maintenant au gouvernement, avec vous. "
On se flatte d'être lobbyiste maintenant, c'est en effet l'"ère Macron". Et la démocratie là-dedans ?
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