La séance est ouverte à 11 heures 15.
Présidence de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente.
La Délégation procède à l'audition de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, sur la feuille de route gouvernementale en matière d'égalité femmes-hommes.
Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, que je remercie chaleureusement d'être venue dès aujourd'hui nous présenter la feuille de route du Gouvernement en matière d'égalité femmes-hommes.
Cette première audition de la délégation sera l'occasion d'évoquer ensemble les grands défis que nous avons à relever pour faire progresser l'égalité. Et ceux-ci sont malheureusement encore nombreux. En effet, malgré les importantes avancées législatives intervenues dans ce domaine, de nombreuses difficultés persistent : les violences faites aux femmes, dans l'espace public comme dans l'espace privé restent bien trop élevées, les inégalités professionnelles demeurent – avec en particulier un « plafond de mère », pour reprendre le titre de l'un de vos ouvrages. Plus généralement, le sexisme est encore omniprésent.
Au cours de cette législature, nous devons parvenir à changer cette réalité en complétant l'arsenal législatif, mais aussi et presque avant tout, en améliorant la connaissance et l'effectivité des dispositifs dans l'ensemble des territoires, en métropole et dans les outre-mer.
Dans cette perspective, notre délégation aura un rôle important à jouer à travers les trois principales missions dont elle est chargée : premièrement, une mission législative, qu'elle exerce par ses avis sur des projets ou propositions de loi, et par ses amendements ; deuxièmement, une mission d'évaluation et de contrôle : elle est chargée d'assurer le suivi de la politique du Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l'égalité femmes-hommes et d'assurer l'évaluation des lois dans ce domaine ; troisièmement, des activités européennes et internationales, et c'est là une dimension importante, en vue de développer le benchmarking et de repérer les bonnes pratiques à l'étranger.
La délégation mènera des travaux sur des sujets variés de société et d'actualité, en formulant des recommandations d'action publique. Et je crois pouvoir parler au nom de l'ensemble de ses membres en soulignant que nous avons à coeur de faire oeuvre utile sur ces sujets cruciaux pour notre société, et que nous souhaitons, à vos côtés, madame la secrétaire d'État, faire avancer très concrètement l'égalité entre les femmes et les hommes.
Dans ce domaine, les attentes sont grandes et les sujets sont nombreux : ont d'ores et déjà été évoqués la réforme du congé de maternité, le harcèlement de rue et, plus généralement, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, et je tiens à saluer votre engagement de longue date en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Sachez en tout cas que pour toutes ces problématiques, vous trouverez au sein de notre délégation un partenaire institutionnel, force d'évaluation et de proposition – à la fois « think tank » et « do tank ».
Madame la ministre, vous avez présenté hier en conseil des ministres votre feuille de route et vous pourrez nous détailler vos chantiers prioritaires et les prochaines échéances.
Vous pourrez également nous apporter des précisions sur les moyens budgétaires alloués à cette politique, dans un contexte budgétaire contraint. J'en profite d'ailleurs pour rappeler qu'il ne faut pas sous-estimer le budget de l'État en faveur de l'égalité, car celui-ci ne se restreint pas aux seuls crédits du programme 137. En effet, de nombreux ministères concourent à la politique d'égalité, qui est par nature transversale : pour 2017, le budget total en faveur de cette politique est ainsi estimé à 310 millions d'euros – pour ce qui concerne le budget de l'État.
Afin de veiller au pluralisme et à l'interactivité de nos débats, je ne prolonge pas davantage mon intervention, et vous précise qu'à la suite de votre allocution, les orateurs et oratrices des groupes présenteront leurs priorités en matière d'égalité femmes-hommes et vous poseront leurs questions, avant que les autres députés vous posent à leur tour les leurs, qui seront certainement nombreuses.
Merci beaucoup, madame la présidente. Merci à toutes et à tous. C'est un vrai plaisir pour moi d'être là aujourd'hui.
Je tiens à féliciter d'abord les membres de cette délégation, qui ont manifesté leur volonté de s'engager sur la question des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Je félicite également votre présidente, Mme Marie-Pierre Rixain, pour son élection à la tête de cette délégation. Je ferai en sorte que nous ayons un dialogue permanent sur ces sujets qui sont nos engagements communs.
Vous êtes parlementaires et quels que soient vos groupes politiques respectifs, vous représentez le peuple français, les femmes et les hommes, les citoyennes et les citoyens, et j'entends bien écouter les propositions que vous formulerez pour enrichir ma feuille de route et mes projets. J'entends également vous rendre des comptes sur les actions qui seront menées en matière d'égalité entre les femmes et les hommes au sein du Gouvernement, et par votre intermédiaire, rendre des comptes à l'ensemble de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Madame la présidente, j'ai ouvert en conseil des ministres un débat visant à enrichir la réflexion sur ces questions de l'égalité entre les femmes et les hommes, en m'adressant à l'ensemble des membres du Gouvernement. Comme vous l'avez vous-même souligné, l'enjeu est interministériel.
Mon secrétariat d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes – et non plus aux droits des femmes, pour bien marquer que nous entrons dans une nouvelle ère – est rattaché à Matignon, ce qui est une première dans l'histoire de la Ve République et lui donne un poids politique supplémentaire. Le Premier ministre adresse lui-même à l'ensemble des membres du Gouvernement des feuilles de route avec des volets et des objectifs très précis sur l'égalité entre les femmes et les hommes, dans tous les domaines qui sont couverts par leurs portefeuilles ministériels.
Ces débats avec mes collègues membres du Gouvernement ont eu lieu hier en conseil des ministres. Ils seront actés par la lettre de mission officielle du Premier ministre, qui me sera rendue dans le courant de l'été, une fois enrichie par l'ensemble des travaux de mes collègues.
J'en profite pour saluer l'engagement de mes collègues du Gouvernement. Si l'on peut arriver à un tel budget interministériel – vous avez fait état de 310 millions d'euros, on parle aussi de 400 millions – c'est précisément parce qu'ils portent collectivement ce qui est la grande cause nationale du quinquennat du Président de la République : l'égalité entre les femmes et les hommes.
La loi a considérablement évolué. Les droits des femmes ont sans cesse été renforcés au cours des dernières années, tout particulièrement au cours du dernier quinquennat, notamment grâce au travail mené par les parlementaires. Je sais que vous veillerez à poursuivre ce travail, car je connais votre sincérité et la profondeur de votre engagement.
« La loi a changé, maintenant la vie doit changer », comme l'a souvent dit le Président de la République. En effet, si l'on constate que les lois sur l'égalité professionnelle étaient nécessaires parce qu'elles ont posé un cadre, elles n'ont pas été suffisantes puisque malgré ces lois, on déplore encore 12 à 27 % d'inégalité de salaire – pour ne donner que ce chiffre.
Je l'ai souligné ce matin devant la Délégation aux droits des femmes du Sénat, l'un de nos enjeux phare sera de sortir de nos zones de confort habituelles. En tant que militantes et militants féministes, en tant que militantes et militants pour l'égalité entre les femmes et les hommes, nous connaissons les chiffres et nous faisons le même constat. Mais notre plus grand ennemi idéologique est de céder au mythe de « l'égalité déjà là », comme l'appelle une sociologue, en partant du principe que, puisque les femmes sont les égales des hommes au niveau des droits, elles le sont forcément dans les actes, et que donc, il n'y a plus de sujet. Or ce n'est pas le cas.
Les chiffres : 27, 80, 98, 100, 3, 83 000, vous parlent sans doute, mais je ne pense pas qu'ils parlent à l'immense majorité de la population française. Rappelons donc que l'écart de salaire entre les femmes et les hommes va de 12 à 27 % ; que 80 % des tâches ménagères sont accomplis par les femmes ; que dans 98 % des familles hétérosexuelles, lorsqu'un parent s'arrête de travailler pour s'occuper des jeunes enfants, c'est la mère ; que près de 100 % des femmes déclarent avoir déjà été harcelées dans les transports en commun, et que, pour éviter de l'être, dans une large majorité, elles changent de tenue ou quelque chose de leur apparence quand elles prennent le métro ; que tous les 3 jours en France, une femme meurt sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint – les féminicides sont une réalité dans notre pays ; enfin, le nombre de viols par an serait de 83 000, chiffre contesté par un certain nombre d'associations, qui vont jusqu'à 200 000 ou 250 000, en France, en 2017 !
Il existerait une sorte de consensus social tacite suivant lequel ces chiffres sont là, ces faits sont là, qu'on ne peut pas les changer, que rien ne peut être fait massivement pour y remédier, que ce sera très long et que « c'est comme ça ». Mais le fameux « c'est comme ça » est notre ennemi. Nous devons lutter contre ce point de vue, en faisant d'abord en sorte de « visibiliser » l'inégalité constatée entre les femmes et les hommes, puis en proposant des solutions.
Nous avons un programme très ambitieux pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui a été porté par le Président de la République et par les parlementaires de la majorité. Vous savez que c'est la grande cause nationale du quinquennat. Cela signifie que le sujet va irriguer l'ensemble des politiques publiques menées par mes collègues du Gouvernement, mais aussi votre action de parlementaires.
Je sais, mesdames et messieurs les députés, madame la présidente, que vous souhaitez passer l'ensemble des dispositifs législatifs au crible de l'égalité entre les femmes et les hommes. Et je pense que nous allons pouvoir mener, sur tous ces dispositifs, un travail que nous mettrons en commun et qui s'enrichira en permanence.
Avant d'exposer les axes principaux de ma feuille de route, je voudrais rappeler quelques faits.
Certaines de mes expressions publiques n'ont pas été bien comprises. Étant à l'origine une professionnelle de la communication, je sais que lorsqu'une chose est mal comprise, c'est qu'elle a été mal exposée. Je profiterai donc de l'occasion pour m'expliquer sur un certain nombre de sujets.
D'abord, le fil rouge de l'action gouvernementale, c'est d'adapter les politiques publiques d'égalité aux spécificités des territoires, ce qui signifie que nous devons adapter nos actions à la réalité concrète de chaque région, de chaque département, de chaque ville, de chaque village.
C'est ce qui prévaut en matière de santé : on n'agit pas de la même façon dans une zone de désert médical et dans une zone où il y a un certain nombre d'infrastructures et des médecins spécialistes très facilement accessibles. C'est ce qui prévaut dans les transports : on adapte nos politiques publiques de transports à la spécificité géographique, sociologique de chaque territoire. Et c'est ce qui prévaut pour l'égalité.
Cela ne veut pas dire que l'égalité soit négociable : l'égalité est un objectif dans toute la France, sur l'ensemble du territoire, dans l'ensemble de la République française, mais les inégalités entre les femmes et les hommes ne sont pas homogènes. Les situations ne sont ainsi pas les mêmes dans le Nord de la France, où le nombre de viols sur la voie publique est très élevé, et en Corse, où il est très faible.
Autre exemple, la politique de lutte contre le harcèlement dans les transports en commun lancée par Pascale Boistard et que j'avais reprise en tant que maire adjointe du Mans, est efficace dans certaines zones, mais pas dans d'autres. Elle ne l'est pas en Corse, pour parler d'un territoire que je connais, parce qu'il n'y a pas de métro, parce les visuels n'ont pas grande signification et parce le harcèlement de rue y est très rare.
L'idée est de partir de la situation et des besoins, qui sont connus principalement par les élus – c'est pour cela que j'aurai besoin de vous et des remontées que vous pourrez me faire – pour adapter nos moyens à cet objectif commun et non négociable pour la République française.
C'est peut-être l'occasion de rappeler que la République française ne reconnaît aucun relativisme culturel. Vous avez sans doute vu la campagne que nous avons lancée au sujet de l'excision. Nous y rappelons que l'excision n'est pas une coutume mais une mutilation. Des dizaines de milliers de petites filles, de jeunes filles et de femmes vivent excisées en France. Souvent, elles l'ont été à l'occasion de vacances à l'étranger, sans avoir même été mises au courant. Je pense qu'il est important de rappeler que la loi française ne tolère pas cela. De la même façon, le mariage forcé n'est pas une tradition, mais un viol de la loi, et – c'est important de le rappeler au regard de ce que nous vivons – la burqa n'est pas une mode vestimentaire, c'est une tenue oppressive et elle est illégale en France.
Il est également important de rappeler que la trinité républicaine ne se négocie pas, et qu'adapter nos politiques publiques aux spécificités de chaque territoire signifie simplement que nous devons être vigilants afin que ces politiques soient efficientes et efficaces. Ce que je vise, ce n'est pas la symbolique, c'est l'efficacité.
Je pense que nous avons attendu collectivement trop longtemps pour agir réellement sur la réalité des inégalités entre les femmes et les hommes. Les lois ont changé, grâce à un travail considérable et formidable, que je le salue bien évidemment. Mais maintenant, nous devons en mener un autre pour faire exister ces lois.
Je peux vous donner un dernier exemple, celui « téléphone grave danger » (TGD), qui est un dispositif de lutte contre les violences et contre la récidive, principalement des violences conjugales. Il est donné par les procureurs aux femmes, qui peuvent appeler lorsqu'un conjoint ou un ex-conjoint violent revient vers elles et les menace. Il fonctionne très bien dans beaucoup de zones, notamment en Seine-Saint-Denis où il est né, à Bobigny. Mais il est inopérant dans d'autres zones, par exemple dans celles où l'on ne capte pas, en montagne ou dans certaines zones rurales.
Cela peut paraître banal et évident, mais nous devons le mettre en lumière pour prouver qu'il ne peut pas y avoir de solutions homogènes, et que nous devons trouver des réponses spécifiques qui s'adaptent à la géographie et à la sociologie de chaque territoire.
Je vais maintenant vous parler du fond et des axes de ma feuille de route.
Le premier axe est le travail car c'est dans le travail des femmes que se projettent l'ensemble des inégalités. Le travail est une forme d'aboutissement des inégalités. Comme le disait Simone de Beauvoir, « c'est par le travail seul que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ». Car le travail garantit l'autonomie financière, l'émancipation réelle, économique et sociale des femmes.
Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, si une quinzaine de lois ont été prises pour l'égalité professionnelle, nous avons encore à travailler à l'égalité professionnelle, à l'égalité salariale, à l'articulation des temps de vie, et aux conditions de travail des femmes.
Je me suis aperçue, pendant les dix ans de ma présidence du réseau « Maman travaille », et pendant l'année de campagne présidentielle où j'ai animé des ateliers, que les femmes méconnaissent profondément leurs droits.
Vous m'avez toutes et tous entendu parler de cette affaire qui m'a beaucoup marquée, celle d'une femme qui était hôtesse de caisse à Auchan, et qui avait fait une fausse couche sur son lieu de travail. Au-delà du drame humain, on pouvait s'étonner que cette femme ne sache pas qu'en état de grossesse légalement constaté, elle avait le droit à un aménagement de travail, et que ni son employeur, ni aucun syndicat ne le lui aient dit. Et son médecin ne lui avait vraisemblablement pas dit non plus qu'elle avait le droit de demander et d'obtenir un aménagement de travail puisqu'elle était dans un état de grossesse dite « à risque » et médicalement constaté.
Cette affaire est flagrante. Elle a été médiatisée, mais il y en a des dizaines comme cela chaque année, voire chaque mois, qui montrent que les femmes ne connaissent pas leurs droits. Avec mes collègues Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, nous travaillons à l'élaboration d'un document de communication, très simple et très accessible. Il ne s'agit pas de faire un guide de cent pages que personne ne lira, mais de publier les droits fondamentaux des femmes enceintes au travail, de les faire connaître massivement aux femmes elles-mêmes, aux employeurs, aux partenaires sociaux, et de faire en sorte que ces droits soient respectés.
À ce propos, si cette information n'est pas encore parvenue jusqu'à vous, je crois utile de vous indiquer – en me permettant de parler au nom de Mme Muriel Pénicaud – que tout l'édifice concernant la parité, l'égalité salariale et professionnelle, dans le cadre des ordonnances, restera au niveau du code du travail et ne fera pas l'objet de négociations entreprise par entreprise, ni branche par branche, parce que le rapport de forces ne serait sans doute pas favorable aux femmes dans un tel contexte. Il me semble intéressant de faire connaître cette information.
Je voudrais vous faire part maintenant d'un de nos engagements de campagne que nous allons tenir, et que nous avons appelé le « Name and change » – par référence au « Name and shame » des Anglo-Saxons. Il s'agit donc, pour nous, de « Nommer et changer ». Nous partons du principe que les entreprises qui ne respectent pas l'égalité professionnelle ne le font pas forcément par misogynie pure, mais plutôt par manque d'information, par manque de moyens, de leviers pour mettre en oeuvre l'égalité entre les femmes et les hommes.
Nous avons demandé au baromètre Ethics & Boards, de nous indiquer quelles sont les dix entreprises les plus mal classées en matière d'égalité professionnelle. Nous les convoquerons à une formation qui sera assurée par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), l'Observatoire de l'équilibre des temps et de la parentalité en entreprise et une formatrice en innovation sociale. L'objectif est de faire de ces entreprises des actrices et des acteurs positifs de l'égalité professionnelle et salariale. Nous évaluerons les effets de cette formation au bout de six mois. Bien évidemment, si les entreprises refusaient de se rendre à cette convocation, elles seraient citées et dénoncées publiquement pour respecter notre engagement de campagne. Mais nous allons valoriser les entreprises qui ont de bonnes pratiques – je vous donnerai un peu plus de détails tout à l'heure.
Nous agissons également sur la cause des inégalités professionnelles. On l'a dit, les inégalités entre les hommes et les femmes au travail sont souvent la conséquence d'autres inégalités.
C'est ainsi le cas de celles qui sont liées au congé maternité. Nous travaillons, avec ma collègue ministre des Solidarités et de la Santé, à la création d'un congé maternité unique ou harmonisé. Nous partons du constat qu'actuellement, le congé de maternité n'est pas le même pour toutes les femmes, qu'elles soient salariées, professions libérales, autoentrepreneuses ou intermittentes du spectacle. Cela pose un problème en termes de protection et de trajectoire professionnelle pour les femmes concernées. J'en profite pour dire que ce congé maternité ne sera pas obligatoire, puisque déjà, le congé maternité des salariées ne l'est pas. Avec ma collègue et avec l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), nous nous penchons sur la budgétisation de ce congé maternité. Cela coûtera cher, mais nous pensons que c'est une mesure essentielle. J'ajoute que nous allons sans doute commencer par le congé maternité des femmes agricultrices, qui nous est apparu comme le congé maternité le plus injuste qui existe actuellement.
J'observe que ce travail d'harmonisation s'inscrit dans la même logique que le travail visant à fusionner le Régime social des indépendants (RSI) dans le régime général. C'est aussi la même logique qui prévaut en matière de protection des personnes, c'est pourquoi nous travaillons à un droit au chômage, dont pourraient bénéficier des personnes qui ne seraient pas salariées.
La maternité marque un point de décrochage dans la trajectoire professionnelle des femmes, notamment en lien avec la question des modes de garde. Je le disais tout à l'heure, dans 98 % des familles hétérosexuelles, c'est la femme qui s'arrête de travailler pour garder les enfants quand il n'y a pas de place en crèche.
Nous travaillons à la transparence en reprenant le pacte « Transparence crèches » que j'avais initié il y a quelques années avec mon réseau « Maman travaille ». L'objectif est de demander aux collectivités de rendre publics leurs critères d'attribution de places en crèche, leur barème de cotation, ainsi que la composition des commissions d'attribution des places en crèche. En effet, une étude a montré que la plupart des jeunes parents qualifiaient d'« épreuve » le fait de trouver un mode de garde pour leur enfant – et l'on sait très bien que lorsque l'on dit parents c'est par pudeur, parce qu'en réalité, ce sont les mères qui s'en préoccupent.
Lorsqu'on leur demande comment ils ont fait pour obtenir une place en crèche à ceux qui en ont obtenu une, les parents répondent que c'est par chance, par hasard ou par piston, et pas parce qu'ils remplissaient les critères demandés. Cela prouve pour le moins une certaine rupture du lien de confiance avec les collectivités.
Nous souhaitons mettre fin à cette situation. Il s'agit de faire en sorte que les collectivités qui, pour la plupart, ont déjà des systèmes transparents, communiquent sur ces systèmes, et d'y inciter fortement les autres. C'est un travail que nous menons avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), avec laquelle une convention est en cours de renégociation. L'idée est d'aller vers un partenariat aux termes duquel les caisses continueraient à financer les crèches municipales, à condition que l'attribution des places en crèche se fasse de façon totalement transparente.
Il ne s'agit évidemment pas de s'ingérer dans les politiques municipales : chaque collectivité reste libre de fixer les critères qu'elle entend fixer. Nous n'harmonisons pas les critères, puisque c'est la prérogative de chaque politique municipale, mais nous demandons aux collectivités de communiquer et de faire connaître plus massivement ces critères aux parents.
Un sujet très important me tient tout particulièrement à coeur : celui de l'insertion professionnelle des mères, notamment des mères qui sont en situation de précarité. Nous sommes ainsi en train de travailler avec mon collègue Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, à une forte innovation : la création d'un dispositif de validation des acquis de l'expérience (VAE) des jeunes parents.
Je m'explique : un certain nombre de femmes, notamment dans des banlieues ou dans des zones rurales, ont eu des enfants jeunes et se retrouvent à vingt-cinq, trente, trente-cinq ans, sur le marché du travail, sans qualification, sans expérience professionnelle, avec un CV qui est une page blanche. Elles n'ont pas de diplôme et dans un entretien d'embauche, leur seul argument est de dire « j'ai élevé mes enfants », ce qui jusqu'à présent n'est pas le plus efficace pour trouver du travail – et je le déplore.
Nous allons donc lancer un dispositif de validation des acquis de l'expérience, qui serait un parcours diplômant. Nous sommes en train d'y réfléchir, et vos suggestions, à cet égard, seront plus que bienvenues. Nous sommes en train de voir si nous pouvons transformer cette expérience en CAP petite enfance, en diplôme d'État, en brevet d'éducatrice de jeunes enfants. Ce serait le moyen de faire se rencontrer l'offre et la demande sur le marché du travail avec, d'un côté, la demande de professionnels de la petite enfance qualifiés justement pour les crèches, mais pas uniquement et, de l'autre côté, cette offre de compétences de jeunes mères qui ont acquis de l'expérience et qui peuvent la compléter par ce dispositif diplômant.
Tous ces sujets sont liés. Je crois qu'il est impossible de lutter contre le plafond de verre et contre l'autocensure des femmes si, du côté des pouvoirs publics, nous ne prenons pas nos responsabilités. Dire aux femmes qu'elles doivent percer le plafond de verre, lutter contre l'autocensure, pouvoir tout faire et devenir des wonder women, etc. est un discours d'empowerment – ce mot anglais n'a pas d'équivalent sociologique en français ; certains disent « empouvoirement », mais cela me semble un peu compliqué… Quoi qu'il en soit, ce discours ne peut être tenu que si les pouvoirs publics offrent les infrastructures nécessaires pour permettre aux femmes de réussir. Cela suppose des modes de garde, une protection face aux discriminations à l'embauche, une protection face aux inégalités salariales et face aux violences sexistes et sexuelles. En effet, je ne vois pas comment on peut attendre des femmes qu'elles exigent des formations, des promotions, qu'elles prennent leur carrière professionnelle en main si elles doivent craindre pour leur intégrité physique dans les transports en commun ou être victimes de violences intrafamiliales lorsqu'elles rentrent chez elles. C'est une situation qui est proprement intenable ! J'ai donc la conviction que lutter contre les violences sexistes et sexuelles, c'est aussi lutter pour l'égalité professionnelle.
C'est le deuxième axe de ma feuille route : la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Je l'ai dit tout à l'heure, il y a plus de 83 000 viols par an en France, et encore c'est le chiffre officiel. Et il y a plusieurs centaines de milliers d'agressions sexuelles et d'actes de harcèlement sexuel. Le harcèlement de rue, quant à lui, n'est pas quantifié, mais il est une réalité pour les femmes. La République française doit affirmer fermement que le corps des femmes n'est pas un bien public, qu'il n'appartient pas au premier venu mais à elles et à elles seules, et qu'elles ont ce droit total et absolu de disposer de leur propre corps.
À cet égard, je pense qu'il est important de communiquer sur la réalité des faits, de parler de violences sexistes et sexuelles, et pas de violences faites aux femmes, de « visibiliser » le système ou les auteurs d'agressions, et pas les femmes, et de responsabiliser les auteurs d'agression, et pas leurs victimes.
Nous allons donc poursuivre les formations des professionnels, qui ont été engagées dans le cadre du cinquième plan interministériel, toujours en cours. Nous allons lutter très fermement contre ce que l'on appelle la « culture du viol », qui est présente, trop présente dans notre société. Dès lors qu'il s'agit d'une question culturelle, cela veut dire que nous pouvons la combattre.
Selon Amnesty International, 90 % des violeurs n'ont aucune pathologie mentale. Cela signifie que le violeur « moyen » n'est pas un tueur en série, mais un homme qui n'a pas acquis la notion de consentement, qui n'a pas acquis la notion du fait que violer est un crime, que c'est interdit, que la loi ne le permet pas et qu'elle le punit par de la prison et par des amendes.
Nous avons à faire de la pédagogie, en rappelant que ce l'on appelle familièrement une « main aux fesses », ce n'est pas une « blague potache », ce n'est pas « rigolo », mais une agression sexuelle qui vaut deux ans de prison et 75 000 euros d'amende.
C'est aussi pour cela que nous voulons verbaliser le harcèlement de rue. L'idée n'est pas de dégrader les agressions sexuelles, mais de dire qu'il y a d'un côté les agressions sexuelles, de l'autre la séduction qui est caractérisée par un consentement et un rapport réciproque, et qu'au milieu il y a cette zone grise que dénoncent les femmes avec raison, et que l'on appelle familièrement le harcèlement de rue. Nous créons donc, avec mes collègues Gérard Collomb et Nicole Belloubet, respectivement ministre de l'Intérieur et garde des Sceaux, une verbalisation du harcèlement de rue. Les 10 000 policiers de proximité qui seront recrutés dans le courant du quinquennat pourront ainsi être sensibilisés à ces questions, et verbaliser directement le harcèlement de rue.
Nous sommes tout à fait conscients qu'il n'y aura pas un policier derrière chaque fait de harcèlement de rue. Néanmoins, il nous semble important de dire le droit, de dire que la République française ne tolère pas le harcèlement de rue, qu'elle l'interdit, et de dire aux femmes que nous nous tenons avec elles pour lutter contre ces phénomènes de harcèlement de rue qui interdisent à certaines de fréquenter certains quartiers.
Comme je le disais, c'est un combat culturel. C'est pour cela que nous lançons une vaste campagne de communication qui s'adressera aux auteurs et non pas aux victimes, comme on le fait très souvent à l'étranger.
Ainsi, il y a un an et demi, des campagnes ont été lancées sur les campus américains après l'affaire Brock Turner – cet homme qui se défendait en disant qu'il était un excellent sportif et qu'on ne pouvait donc pas l'accuser de viol. Ces campagnes s'adressaient aux étudiantes et leur disaient en substance : ne buvez pas d'alcool, sinon vous risquez d'être violées. De la même façon, dans le cadre d'une campagne lancée par certaines villes allemandes, on incitait à arborer un autocollant nein quand on allait à la piscine, pour dire que « non », on n'était pas disposée à être agressée sexuellement.
Je pense que ces campagnes sont contreproductives, qu'il ne faut pas culpabiliser les victimes, qu'il faut dire que le viol n'est jamais le choix de la victime, que c'est toujours le choix du violeur, que la responsabilité est du côté de l'agresseur sexuel et au grand jamais du côté de la victime. C'est pour cela que notre campagne de communication parlera de la notion de consentement, et ne s'adressera pas aux femmes en leur disant de se protéger, de se cacher, de ne pas mettre de minijupe, de ne pas sortir à telle heure, de ne pas boire d'alcool, etc. Elle s'adressera aux hommes, puisque ce sont majoritairement les hommes qui sont les auteurs d'agressions sexuelles, non pas en partant du principe que tous les hommes sont des violeurs en puissance, mais qu'il est de la responsabilité des pouvoirs publics de dire qu'il est interdit de violer des femmes. Nous savons que de très nombreux hommes sont avec nous dans ces combats – et j'en profite pour saluer les parlementaires masculins, qui se sont engagés à nos côtés.
Au-delà de cette campagne de communication, nous lançons des formations.
Depuis la loi de 2001, trois jours d'intervention en milieu scolaire (IMS) sont censés être faits sur l'éducation à la sexualité. Mais en réalité, ils ne sont pas faits, ou très peu et de façon très inégale. Un certain nombre d'associations de parents nous ont alertés à ce sujet.
Nous complétons cette formation dans le cadre d'une « mallette des parents », qui est constituée par mon collègue Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, avec une fiche qui s'adresse aux parents pour leur dire ce qu'est l'égalité entre les filles et les garçons dès le plus jeune âge.
Il est également prévu d'organiser, au cours du service militaire et civil, une journée de formation sur la lutte contre les stéréotypes et contre la culture du viol, et la lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
La construction du service militaire et civil fera l'objet d'un certain nombre de réunions interministérielles. Les parlementaires seront bien évidemment associés à ces débats, et je vous dis d'ores et déjà que nous sommes très preneurs de toutes les propositions que vous pourrez nous faire, à la fois sur le modus operandi et sur le contenu de cette journée de formation.
Enfin, nous allongerons, avec ma collègue garde des Sceaux, le délai de prescription des violences sexuelles en le portant de vingt ans à trente ans, suivant en cela les propositions d'un rapport d'une mission de consensus commandée par ma prédécesseure.
De mon côté, j'ai commandé au Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) un rapport sur les violences obstétricales, sujet qui me tient à coeur et dont les femmes s'emparent massivement. J'ai eu notamment des retours au travers du réseau « Maman travaille » que j'ai monté il y a une dizaine d'années ; vous devez savoir qu'en France, les taux d'épisiotomies – qui parfois ne sont même pas validées par les femmes – dépassent 75 % d'après les derniers chiffres dont je dispose, alors que l'OMS recommande de ne pas dépasser 25 %.
Des femmes en situation de handicap nous ont fait part des violences gynécologiques et obstétricales qu'elles ont subies, ainsi qu'un certain nombre de femmes étrangères, qui méconnaissent leurs droits, plus encore que les femmes de nationalité française. Nous devons évidemment leur garantir une égalité d'accès aux droits.
Nous avons lancé, avec ma collègue ministre des solidarités et de la santé, un travail sur l'information autour de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) à destination des professionnels. En effet, le planning familial m'a fait part d'une information selon laquelle la plupart des médecins n'étaient pas encore au courant du fait que le délai de sept jours de réflexion n'existait plus et qu'il n'était donc plus nécessaire de le demander aux femmes.
Nous travaillons également à l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA), à toutes les femmes, que le Président de la République avait conditionnée à l'avis positif du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). L'avis a été rendu et il est favorable ; la PMA sera donc ouverte à toutes les femmes.
Plus généralement, nous mènerons un travail sur la place des femmes, leur droit à disposer de leur corps, leurs droits sexuels et reproductifs, et le rapport des femmes à la douleur, sujet qui m'intéresse tout particulièrement. Le fait que les femmes intériorisent leur douleur, les fameux « il faut souffrir pour être belle », « vous enfanterez dans la douleur », etc. ont des conséquences médicales graves, comme le faible dépistage de l'endométriose. En effet, les douleurs pendant les règles en constituent le premier symptôme, mais quand une femme n'ose pas dire qu'elle a mal au ventre parce qu'il est « normal » d'avoir mal, elle ne va pas se plaindre, elle ne va pas chez le médecin et peut passer à côté d'une maladie grave comme celle-ci.
Enfin, nous travaillons sur l'exemplarité de l'État. Celui-ci a encore des progrès à faire – c'est un euphémisme. Avec le ministre de l'Action et des comptes publics, Gérard Darmanin, nous nous intéressons notamment au conditionnement du financement public au respect de l'égalité professionnelle, et à la mise en oeuvre d'un budget sensible au genre, ou gender budgeting. Les collectivités ont des obligations en ce sens. Il s'agit, par un calcul très précis, de déterminer si l'argent utilisé finance les femmes ou les hommes. Par exemple, si on fait un gender budgeting des subventions municipales aux associations sportives, on s'aperçoit la plupart du temps que les municipalités financent d'abord des clubs de foot, des clubs de boxe, des terrains de basket qui vont être occupés exclusivement par des hommes et où peu de femmes se risqueront, ou des skate parks qui seront majoritairement utilisés par des hommes. La finalité du budget sensible au genre est de connaître la façon dont l'argent est réparti. Pour la première fois, un budget sensible au genre sera établi au niveau de l'État. C'est le ministère de l'agriculture qui mènera une expérience pilote en la matière. Je tiens à en remercier mon collègue, ministre de l'agriculture.
Je vous le disais, notre objectif est d'adapter nos politiques publiques aux spécificités de chaque département, région, ville et village. Voilà pourquoi nous lancerons à l'automne, avec le Président de la République, un « Tour de France de l'égalité entre les femmes et les hommes », sur le thème du travail et de l'égalité professionnelle, et de la conciliation vie professionnelle-vie familiale. À terme, il y aura dix-huit ambassadrices dans les régions métropolitaines et d'outre-mer. De fait, la place des femmes dans l'outre-mer mobilise tout particulièrement ma collègue ministre des Outre-mer, Annick Girardin, avec laquelle nous lançons des actions.
Il s'agit de faire remonter, un peu comme un cahier de doléances ou comme un Livre blanc, l'état des lieux du travail des femmes partout en France, dans tous les domaines, en partant du principe que ce n'est pas la même chose de travailler dans le septième arrondissement de Paris, à Marigné-Laillé dans la Sarthe, en Corse, à Mayotte, dans la Creuse…
Comme je le disais toute à l'heure, les situations sont hétérogènes, le tissu social aussi. Par exemple, certaines régions sont en pointe s'agissant de la mixité dans le numérique, d'autres n'ont pas encore de couverture 4G ou de fibre optique. Nous devons donc avoir une connaissance très fine et très précise de la situation selon les territoires, pour pouvoir apporter des améliorations et garantir l'égalité, totale, absolue, parfaite et non négociable entre les femmes et les hommes, partout en France, dans chaque ville, dans chaque rue, dans chaque espace.
La France a été le berceau du féminisme philosophique et c'est une source de fierté nationale, mais je pense qu'il est temps, au XXIe siècle, de passer à l'action et de faire en sorte que la France s'affirme comme l'un des leaders mondiaux de l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est possible, mais cela dépendra de l'implication de toutes et de tous, de notre capacité à être vigilantes et vigilants, de notre capacité à ne rien lâcher jamais, de notre capacité à travailler de façon concertée, en réseau, pour être plus efficaces. À cet égard, j'ai pleinement confiance en l'ensemble de votre délégation, en vous, mesdames et messieurs les parlementaires, et plus particulièrement en vous, madame la présidente. (Applaudissements.)
Merci, madame la secrétaire d'État, pour toutes les précisions que vous nous avez apportées quant à votre feuille de route.
Je vous rejoins, s'agissant de l'impact des politiques publiques sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Dans cette délégation, nous y serons particulièrement vigilants, notamment lorsque nous travaillerons sur des études et des projets de loi. Je vous rejoins également, s'agissant des violences conjugales et intrafamiliales, que nous nous attacherons à combattre. Je vous rejoins enfin, à titre personnel, s'agissant des violences obstétricales et gynécologiques. C'est un sujet encore tabou, sur lequel nous devons nous pencher.
Cela étant dit, vous comprendrez l'inquiétude que la question des crédits budgétaires a pu faire naître. Nous savons pouvoir compter sur votre engagement, vous venez de nous le dire. Nous ne doutons pas que l'égalité entre les femmes et les hommes constituera une priorité pour le gouvernement d'Édouard Philippe. Néanmoins, pouvez-vous nous confirmer que les associations dont l'objet est la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ne seront pas frappées par les réductions budgétaires ? Et pouvez-vous nous donner davantage de précisions sur les orientations qui seront données en matière de gestion et d'évolution des crédits ?
Merci, madame la présidente pour cette question qui me permet de vous apporter des clarifications.
Un certain nombre de chiffres sont sortis dans la presse, dont je n'ai pas connaissance. Je ne me fie qu'au document dont nous avons authentifié la réalité, et dont j'ai amené une copie, qui est une note de cadrage budgétaire que j'ai signée. Les autres documents dont j'ai entendu parler sont vraisemblablement des documents de travail qui n'ont pas été actés. Le budget global est en cours de construction, comme l'ensemble des budgets des ministères.
Ce qui est vrai, c'est qu'une demande d'économies a été formulée par le ministre de l'action et des comptes publics, à la demande du Premier ministre, dans tous les ministères.
Ce qui est vrai, c'est que nous sommes en train de construire notre budget, en y ajoutant des crédits, notamment interministériels. La plupart des actions que j'ai citées tout à l'heure – mallette des parents, interventions en milieu scolaire, construction du service national, congé maternité, etc. – ne sont pas financées par le secrétariat d'État, mais par les ministères concernés qui ont accepté d'y consacrer des crédits pour servir la grande cause nationale du quinquennat.
J'ajoute que tout ce qui concerne la sensibilisation, les campagnes de communication, etc. autour de la grande cause nationale du quinquennat est pris en charge par les budgets du Premier ministre, qui viennent s'ajouter au programme 137. De la même façon, tout ce qui concerne le projet de « Tour de France de l'égalité » est financé par l'Élysée au titre de cette grande cause nationale.
On ne peut donc plus raisonner budget par budget. Il nous faut additionner le budget propre du secrétariat d'État et la contribution budgétaire de Matignon, de l'Élysée et de l'ensemble des ministères.
Nous devons aussi faire face à une exigence d'économies structurelles, qui nous a amenés à prendre un certain nombre de décisions.
Premièrement, l'arrêt total et complet de toutes les notes de frais. J'ai été pendant quatre ans maire-adjointe, et le sénateur-maire du Mans nous a toujours dit que les notes de frais n'étaient pas tolérées. Aucun élu du Mans n'a jamais fait aucune note de frais, dans la mesure où l'on n'est pas obligé d'aller au restaurant pour des déjeuners de travail. C'est ce que j'ai demandé à l'ensemble des collaborateurs et des services de mon secrétariat d'État.
Deuxièmement, l'arrêt de l'appel aux prestataires extérieurs. L'administration française est ce qu'elle est, mais elle est composée d'un certain nombre de services, avec des professionnels très compétents. Nous ne sommes pas obligés de faire appel à des prestataires extérieurs, même si c'est parfois plus long et plus contraignant. Nous devons nous appuyer très fortement sur les ressources de l'administration, et sur la formidable richesse humaine représentée par les fonctionnaires qui travaillent pour mettre en oeuvre les politiques publiques que nous décidons.
Enfin, je souhaite vous rassurer sur le fond en ce qui concerne les subventions. J'ai eu l'occasion de le dire à de très nombreuses reprises et je le redirai chaque fois que nécessaire : les subventions du secrétariat d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes en direction des associations dont l'objet est la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ne baisseront pas. Cela apparaissait déjà dans la note de cadrage budgétaire que j'avais écrite le 11 juillet, et dont voici un extrait : « Comme indiqué lors de notre réunion budgétaire sur les subventions de ce jour, je vous confirme mes instructions de sanctuariser, dans l'exécution du budget 2017, les subventions venant du programme 137 versées aux associations dont l'objet est la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, qui sont un des axes prioritaires de ma feuille de route ».
En revanche, il est vrai qu'à la suite de la note de cadrage budgétaire, dans la droite ligne de l'orientation donnée par le Président de la République, à savoir la reprise en mains de l'administration par les ministres, j'ai demandé qu'on porte à ma connaissance l'ensemble des demandes de subventions. Cela m'a permis de réaliser qu'un certain nombre de subventions allaient être reconduites automatiquement, sans que des dossiers aient été déposés en ce sens. Ces subventions-là ne seront pas financées. Le principe est en effet que les gens qui disposent de l'argent public rendent compte de ce qu'ils en font.
Les associations concernées ont déjà été prévenues. Je précise au demeurant que leur objet n'est pas de lutter contre les violentes sexistes et sexuelles, mais qu'il porte plutôt sur l'organisation d'actions ponctuelles. Leurs subventions sont purement supprimées. Je répète que cela ne concerne aucune association dont l'objet est de lutter contre les violences sexistes et sexuelles, qui voient leurs subventions pleinement maintenues.
À ce propos, je profite de mon audition devant la représentation nationale pour dire que j'estime devoir rendre des comptes aux associations et que je respecte profondément leur travail parce qu'elles sont en première ligne et assurent quotidiennement un travail de terrain. J'ai été présidente d'une association pendant près de dix ans, et bénévole dans un certain nombre d'entre elles, et je les ai soutenues en tant qu'élue locale.
En revanche, je ne tolère pas l'instrumentalisation qui peut en être faite par des personnes qui ne représentent qu'elles, et qui appellent, par exemple, à harceler les standardistes de Matignon et de l'Élysée. Il ne m'était pas apparu que c'était un apport constructif à la défense du budget du droit des femmes que d'aller harceler des femmes qui sont en train de travailler. (Applaudissements.)
Merci, Madame la secrétaire d'État, pour votre présence. J'en profite pour saluer mes collègues masculins ici présents, quel que soit leur groupe. Même si nous ne sommes pas très nombreux, je pense qu'il est important que nous, les hommes, nous nous mobilisions aussi sur ces questions.
Le Président de la République l'a affirmé lors de la campagne des élections présidentielles, l'égalité entre les femmes et les hommes sera la grande cause nationale de notre quinquennat. Cette volonté s'est concrétisée tout au long de la campagne puisque notre mouvement La République en Marche a oeuvré pour la parité dans toutes ses instances et à tous les niveaux de responsabilité.
Pour servir ces objectifs, Emmanuel Macron avait publié une vidéo encourageant les femmes à se présenter aux élections législatives. Son intervention a eu un réel effet politique sur les femmes puisque l'on a constaté une hausse sensible des candidatures féminines. Et on a abouti, notamment grâce à vous, madame la secrétaire d'État, puisque vous avez fait partie des personnes qui ont investi les candidats de La République en Marche, à l'investiture de 50 % de femmes. Grâce à notre groupe, le nombre de femmes députées est aujourd'hui passé de 155 à 224 – ce qui représente 39 % de l'Assemblée nationale. Et à l'intérieur de notre groupe, nous avons quasiment atteint la parité, avec 47 % de femmes.
Aujourd'hui, le combat est culturel. L'effort doit se poursuivre dans tous les domaines, dans tous les milieux et dans toutes les générations. Le Président de la République a ainsi fixé trois priorités : l'égalité dans la sphère privée ; l'égalité dans la sphère professionnelle et publique ; et la lutte contre les violences faites aux femmes, dont vous avez également parlé.
Dans la sphère privée, il s'agit d'abord de permettre aux femmes, mais également aux hommes, de concilier vie familiale et vie professionnelle. Parmi les nombreuses actions à mener pour atteindre cet objectif, nous soutenons évidemment l'instauration d'un congé maternité unique, garanti pour toutes les femmes quel que soit leur statut – et c'est une dimension importante de la politique que l'on souhaite mener – et aligné sur le régime le plus avantageux.
Dans la sphère professionnelle, lorsque l'on n'instaure pas la parité en entreprise, on ne fait pas émerger tous les talents. Or aujourd'hui les inégalités persistent sous la forme d'un plafond de verre que vous avez également évoqué. Un exemple criant : une seule femme est à la tête d'une entreprise du CAC 40, et les conseils d'administration sont trop rarement paritaires.
Le secteur privé est loin d'être le seul concerné, et il n'est pas normal que dans certaines collectivités, la parité ne soit pas respectée. Aujourd'hui, les femmes ne représentent que 16 % des maires. Il aura aussi fallu attendre le changement de scrutin en 2013 dans les conseils départementaux pour imposer la parité dans cette institution via les binômes paritaires ; nous avions alors seulement 13,5 % de femmes élues conseillères générales, et parfois aucune dans certains départements.
Nous, responsables politiques, devons montrer l'exemple. Nous devons et nous devrons être tous aussi exigeants envers nous-mêmes que nous le serons envers les entreprises que nous souhaitons sanctionner durement en cas de non-respect de l'égalité femmes-hommes ou de non-respect des droits des femmes.
Enfin, je voudrais évoquer la lutte contre les violences faites aux femmes. Vous l'avez dit, près de 100 % des femmes ont été au moins une fois harcelées dans les transports ou dans l'espace public. Nous les hommes, nous avons souvent été témoins de ces actes. Et à titre personnel, je suis fier de dire que je suis intervenu à plusieurs reprises pour les faire cesser. La lutte contre les violences faites aux femmes est aujourd'hui un combat de tous les jours, que l'on doit mener en tous lieux.
Les attentes des femmes et des hommes sont énormes en la matière, et notre programme est ambitieux. Mais nous ferons notre possible pour que l'égalité entre les femmes et les hommes devienne réelle, car aujourd'hui ce n'est pas entièrement le cas.
Sur tous ces sujets, soyez assurée, madame la secrétaire d'État, du soutien plein et entier du groupe La République en Marche. (Applaudissements.)
Madame la secrétaire d'État, je tiens à saluer votre engagement, et la conviction avec laquelle vous défendez les droits des femmes.
Personnellement, je travaille dans la petite enfance depuis de nombreuses années. J'observe que l'on a pu mettre en place, dans les structures, des formations destinées à éviter le sexisme dès la petite enfance. Mais à l'école, le problème du sexisme est encore flagrant. C'est ce qui ressort du rapport du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) de février 2017.
Dans les manuels scolaires, les clichés de genre persistent. Les filles sont cantonnées aux rôles traditionnels des stéréotypes. Ainsi, dans les manuels de CP, 70 % des personnages qui représentent une personne en train de faire la cuisine ou le ménage sont des femmes, alors qu'elles illustrent seulement dans 3 % des cas des personnages exerçant des métiers scientifiques. Par ailleurs, les enseignants interagissent beaucoup plus facilement avec les garçons – 56 % – qu'avec les filles – 44 %. Un travail très important doit donc être fait dans l'enseignement.
J'aimerais donc savoir quelle politique vous entendez mener pour réduire le sexisme à l'école, car je pense que le problème doit être pris à la base.
Mes deux collègues femmes étant absentes, j'interviens au nom du Mouvement démocrate (MODEM), même si je pense que, nous, hommes, devons veiller à ne pas trop prendre la parole ici aussi, alors que nous ne la partageons pas assez souvent !
Je vous remercie, Madame la secrétaire d'État, pour votre exposé liminaire et votre détermination.
Certes, l'égalité entre les hommes et les femmes a fait des progrès au cours des dernières années. Ainsi, alors que notre Parlement était parmi les moins paritaires, nous sommes devenus les meilleurs en Europe. De même, au niveau municipal, grâce aux lois sur la parité, les femmes ont obtenu des postes à responsabilité au sein des conseils municipaux, premier échelon de la démocratie. Dans l'entreprise, elles sont aussi plus nombreuses aux responsabilités.
Pour autant, elles ont rarement de très hautes responsabilités, du fait du plafond de verre et du « plafond de mère ». C'est un véritable souci, qu'illustre par exemple la récente nomination de trois hommes au Conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Il conviendrait de corriger le tir si ce n'est pas trop tard, afin de prévoir la nomination de femmes dans cette institution importante.
Votre feuille de route dénote d'une volonté forte, inédite. Votre positionnement interministériel est le bon : cette conception transversale nous permettra de disposer d'une vision globale de l'égalité femmes-hommes au sein des politiques publiques.
À mon sens, il faut travailler sur deux axes prioritaires. En premier lieu, nous devons nous pencher sur ce que je considère, avec d'autres, comme un angle mort des politiques femmes-hommes : les femmes de plus de 50 ans. Elles sont les plus discriminées au travail, souvent les plus mal soignées, et les plus précarisées. Alors qu'elles représentent un quart de la population française et la moitié de notre population féminine adulte, elles accumulent les handicaps. Il conviendrait donc de mener en leur faveur des politiques ciblées de soutien.
En second lieu, nous devons faire preuve de pédagogie et mener des actions de sensibilisation pour que les hommes s'emparent de ce sujet et comprennent enfin qu'être une femme, c'est la même chose qu'être d'un homme ! J'ai participé à de nombreuses manifestations sur l'égalité femmes-hommes, souvent, j'étais le seul homme de l'assemblée. Ainsi, lors de la récente présentation du rapport relatif à la santé et l'accès aux soins du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), nous étions quatre hommes au milieu de plus de 300 femmes… Or, nous représentons, hommes comme femmes, la moitié de la population et devons travailler ensemble au changement des mentalités. Ce n'est pas que les hommes soient particulièrement machos, simplement, il faut qu'ils comprennent que ces problématiques sont aussi les leurs et qu'ils se les approprient.
Au nom des Constructifs, je salue votre engagement et la richesse de vos propositions. Nous accompagnerons votre combat.
Pourriez-vous nous fournir des chiffres précis sur la baisse de vos crédits pour 2017 ? En outre, votre volonté d'« interministérialité » est louable mais, dans ce contexte d'économies, disposez-vous de garanties quant au maintien de l'affectation des crédits des différents ministères en faveur de vos actions ? En tant qu'ancien ministre, je suis bien placé pour savoir que ce n'est pas simple…
Vous avez par ailleurs évoqué une annulation de crédits pour des associations n'ayant pas déposé de dossier. Cette démarche me semble légitime, les reconductions automatiques me semblant, vous avez raison, de très mauvaises pratiques et on imagine mal qu'une association perçoive de l'argent sans avoir déposé de dossier et expliqué à quoi il sera destiné. Mais pourriez-vous préciser le nombre des associations concernées et le montant des crédits qui leur était alloué ?
Les radicalisations religieuses mettent en cause les droits des femmes, par exemple en matière d'IVG ou de visibilité dans l'espace public. Avez-vous discuté de ce sujet fondamental avec les autorités religieuses concernées ? Le gouvernement doit engager ces débats, même s'ils sont sensibles.
Enfin, le 25 novembre est la journée internationale pour l'élimination des violences à l'encontre des femmes. C'est un sujet qui nous rassemble tous ici. Jusqu'à maintenant, l'État français s'associait peu à cette manifestation, ce que je déplore. Qu'en sera-t-il cette année et l'année prochaine ? Il s'agit d'un moment symbolique et fort. Il serait bon de mobiliser le service public audiovisuel, afin que des débats soient organisés et certaines réalités rappelées.
Au nom de la Nouvelle Gauche, je tiens à rappeler que, depuis 2012, l'égalité réelle entre les femmes et les hommes est une priorité politique forte et ambitieuse. La précédente majorité a ainsi vu la constitution du premier gouvernement paritaire de l'histoire de la République, l'installation d'un ministère des droits des femmes de plein exercice, la réunion du comité interministériel aux droits des femmes et à l'égalité ainsi que la nomination de référents égalité dans chaque ministère.
Vous avez affirmé à plusieurs reprises que l'égalité femmes-hommes était érigée au rang de grande cause nationale. Nous nous en réjouissons.
Depuis 2012, le budget du programme 137 a augmenté de 50 %, passant de 20 à 30 millions d'euros. Il finance les actions menées par les associations chargées de la promotion et de la défense des droits des femmes, de l'égalité professionnelle et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Près de 80 % de ces crédits sont destinés à la lutte contre les violences faites aux femmes, qui est une priorité.
Mais constituent également des priorités les mesures pour l'égalité professionnelle, la garantie contre les impayés des pensions alimentaires, l'accueil des jeunes enfants ou le fonctionnement du réseau des droits des femmes et de l'égalité dans les départements et les régions. Le projet de décret portant annulation de crédits sur le programme 137 semble vous priver de 7,5 millions d'euros, soit 25 % des crédits du programme. Dans une note de cadrage budgétaire destinée au directeur général de la cohésion sociale, mais aussi devant nous, vous avez confirmé que les subventions des associations luttant contre les violences sexistes et sexuelles leur seraient bien versées.
Pourriez-vous rassurer toutes les associations – le Planning familial, le Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF), le Mouvement du Nid, la Fédération nationale Solidarités femmes, etc. – sur le fait qu'elles recevront bien les subventions allouées ? En effet, tout dépend de ce que l'on entend par « violence sexiste »… Toutes les associations entrent-elles bien dans ce cadre selon votre ministère ? Qu'en sera-t-il des conventions signées pour trois ans par certaines d'entre elles ? Nous avions plaidé pour que les associations exerçant une mission au nom de l'État et employant des salariés puissent disposer de cette visibilité. Ce conventionnement était un progrès car tout le monde s'accorde sur le caractère chronophage des appels à projets annuels. Reviendrez-vous sur la parole de l'État ?
Les décrets de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées sont publiés. La loi peut désormais s'appliquer. Les premiers parcours de sortie se mettent en place. Quelle sera votre position ? Comment seront utilisés les fonds de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) ?
Par ailleurs, comptez-vous profiter du projet de loi de ratification des ordonnances de réforme du code du travail pour inscrire votre projet de congé maternité unique dans un cadre législatif ? Vous avez indiqué qu'il serait opérationnel avant l'été.
Les référents égalité, déployés dans chaque ministère avec une lettre de mission, vont-ils perdurer ?
Je rappelle enfin à mes collègues qu'un rapport de synthèse de 200 pages, reprenant les travaux de la délégation présidée par Mme Catherine Coutelle sous la dernière législature, est à la disposition de tous.
Nous sommes invités à nous exprimer sur les priorités de la législature. La France Insoumise considère qu'un ministère de plein exercice consacré aux droits des femmes est la première des priorités. La relégation de ce ministère au rang de secrétariat d'État est un recul symbolique, mais aussi une insulte (Murmures) envers celles et ceux qui se sont battus pour l'égalité des citoyennes et des citoyens depuis que le droit de vote des femmes est devenu effectif en 1944, grâce à un amendement du communiste Fernand Grenier.
L'égalité effective reste un objectif à long terme, qui exige volonté politique, concertation et moyens. Il est de la responsabilité de l'État de prendre des mesures immédiates et concrètes pour faire évoluer les choses. Comment, par exemple, comptez-vous résorber la précarité des métiers exercés majoritairement par des femmes ? Comment leur assurer qualifications et salaires en conséquence ? Comment obliger les entreprises à adopter des plans d'action contre les inégalités ? Cela passera-t-il par la suppression de subventions publiques ou par des sanctions financières ?
Les pouvoirs publics doivent se fixer pour objectif de passer de l'égalité formelle à l'égalité réelle. Cela suppose des moyens.
Il est nécessaire de garantir une politique de santé égalitaire. Cela doit se traduire, selon nous, par la constitutionnalisation du droit à l'IVG, afin de garantir un accès réel et gratuit à la contraception et à l'avortement.
Comment pensez-vous garantir les moyens alloués aux associations locales et sanctuariser votre budget ? Les coupes budgétaires annoncées – mais vous nous indiquez que les chiffres publiés dans la presse ne sont pas les bons – sont inquiétantes : pourriez-vous nous fournir la liste des associations qui verront leurs subventions diminuer ? Sur quels critères sera assuré le suivi des subventions allouées ?
Pourrez-vous créer un service public d'accueil de la petite enfance, qui permettrait de lutter contre le plafond de verre dans l'entreprise ? Quels moyens seront alloués à la police, à la justice et aux services de santé pour lutter contre les violences faites aux femmes ?
Est-il question de rouvrir les centres nationaux d'information sur les droits des femmes ?
Comme le souligne le récent rapport du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), 64 % des femmes reportent ou renoncent aux soins. Comment comptez-vous agir ?
À l'école, vous voulez lutter contre les stéréotypes et améliorer l'éducation à l'égalité et à la sexualité. Nous espérons que vous ne reculerez pas, comme l'a fait le précédent gouvernement face aux intégristes qui avaient remis en question les « ABCD de l'égalité ».
La création d'un secrétariat d'État, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, et rattaché au Premier ministre, serait, Madame Taurine, une « insulte » aux femmes et aux hommes qui ont combattu pour cette égalité ? Est-ce une insulte que de disposer d'un secrétariat d'État qui, pour la première fois, est rattaché au Premier ministre ? Est-ce une insulte que l'égalité entre les femmes et les hommes soit la grande cause nationale du quinquennat du Président de la République ? Je suis frappée par ce mot d'« insulte » que vous utilisez. Ce combat me tient à coeur, je le défends depuis une douzaine d'années, en tant que bénévole, lobbyiste, puis en tant que maire adjointe et maintenant au gouvernement, avec vous. Nous devons le mener côte à côte. Je ne suis pas attachée aux symboles, mais à l'efficacité. (Applaudissements.)
J'entends qu'il aurait été plus symbolique d'avoir un ministère de plein exercice, mais c'est moins efficace… L'efficacité, c'est de répondre aux besoins des associations dont vous avez parlé. Or, lorsque je les ai rencontrées pendant la campagne présidentielle, elles m'ont fait part de ce besoin d'interministérialité. Quand il faut neuf mois pour qu'une association de lutte contre l'endométriose ou une association de défense des personnes prostituées fasse valider une convention, ministère par ministère, où est l'efficacité ? C'est la raison pour laquelle nous sommes rattachés au Premier ministre, ce qui par ailleurs nous permettra de bénéficier de son autorité politique.
Avoir face à vous une membre de gouvernement qui veut échanger de façon constructive pour améliorer concrètement la vie des femmes, n'est pas une insulte, bien au contraire ! J'ai beaucoup de respect pour le travail parlementaire, et je donne acte à la France Insoumise du combat qu'elle mène sincèrement pour l'égalité. Je regrette que vous vous abaissiez à ces joutes verbales qui, elles, relèvent de l'insulte pour les femmes dont nous parlons !
Sur le fond, Madame Trastour-Isnart, je partage votre constat sur le sexisme à l'école. Quand les petites filles parlent beaucoup en classe, on dit qu'elles sont « bavardes », alors que les petits garçons, dans la même situation, sont des « leaders »… En politique, de la même façon, quand un groupe d'hommes soutient un candidat à l'élection présidentielle, on parle de « comité de soutien », très sérieux, mais lorsque le groupe est composé de femmes, ce sont forcément des « pom pom girls », des « groupies » ou des « fans »… On essaie ainsi de discréditer leur engagement politique, en le déplaçant vers l'émotionnel ou une préférence physique. Or, ce n'est évidemment majoritairement pas le cas.
Nous travaillons actuellement sur la visibilité des femmes dans les sciences. Personne n'est aujourd'hui capable de citer une autre scientifique française que Marie Curie. Pourtant, il y en a. Le défaut de visibilité est donc patent. Ce travail porte par ailleurs sur l'encouragement des parcours scientifiques, en liaison avec le ministre de l'Éducation nationale, afin que les femmes s'orientent plus vers les grandes écoles scientifiques, techniques et technologiques et vers les professions d'ingénieurs. C'est un travail de très longue haleine. Je suis preneuse des propositions que vous avez faites.
Monsieur Balanant, vous avez raison, les droits des femmes et l'égalité progressent, notamment la parité en politique. Quelles que soient les critiques que l'on peut formuler à l'égard de la parité et des quotas, force est de constater que, quand il n'y a pas de quotas, il n'y a pas de parité et même pas de mixité… Ainsi, nous avons en effet été alertés sur la désignation de trois hommes parlementaires par l'Assemblée nationale pour siéger à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). De ce fait, la commission sera entièrement masculine. Mais une nomination doit intervenir à la tête de la CDC. Elle est de la prérogative du Président de la République. Par ailleurs, ma collègue Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et moi-même avons formulé une préconisation afin que l'État, qui compte des représentants au sein de cette commission, y nomme des femmes. Nous disposons d'un important vivier, notamment l'excellent réseau des Femmes de Bercy, qui sont parfaitement compétentes en administration, finances et économie, mais aussi le réseau des hauts fonctionnaires à l'égalité.
Je partage votre inquiétude concernant les femmes de plus de 50 ans, qui sont souvent dans un tunnel. Mme Laurence Rossignol, ma prédécesseure, avait lancé des initiatives en la matière, notamment concernant les femmes dans la culture. Cela fait partie de ces bonnes pratiques que nous devons développer en nous inspirant de la pratique anglo-saxonne du late blooming, qui permet par exemple de promouvoir des femmes plus âgées, en sortant de l'idée que l'on peut être promue uniquement à l'âge charnière de 35-40 ans, car cela correspond à l'âge moyen auquel on a des enfants en bas âge à charge. Au-delà de 50 ans, on est tout à fait capable d'être identifiée comme un « potentiel » ou un « talent », d'être promue et de prendre des responsabilités.
Monsieur Jégo, la pédagogie étant l'art de la répétition, je reprends mes explications sur le budget. Je vous confirme une baisse structurelle de budget, mais elle sera compensée par des crédits interministériels. Tout ce qui concerne la grande cause nationale du quinquennat – notamment le « Tour de France de l'égalité » – est pris en charge par le budget de la Présidence de la République et des crédits spécifiques du budget du Premier ministre. Chaque ministère alloue par ailleurs à cette grande cause nationale un budget qui viendra s'additionner au mien. Je ne peux vous communiquer de chiffre définitif pour la bonne et simple raison que nous n'avons pas finalisé ce budget ! Il est en cours de construction avec le ministre chargé de l'Action et des Comptes publics et le Premier ministre. Les chiffres qui circulent sont faux et n'ont rien d'officiel : il s'agit d'éléments de cadrage interne et de bases de discussion, les arbitrages n'ayant pas encore été rendus. Dès lors que je disposerai du chiffre définitif, je vous les communiquerai.
Une dizaine d'associations seront concernées par la non-reconduction des subventions. Je vous transmettrai la liste. Par ailleurs, 179 000 euros de crédits autorisés au titre de la réserve parlementaire ne seront pas affectés car les dossiers n'ont pas été reçus. Il me semble important d'acter que nous ne reconduirons plus automatiquement les subventions et que les associations doivent rendre compte de l'utilisation de l'argent public.
Je partage votre constat concernant la radicalisation. Ce sujet a fait partie de nos échanges lors du séminaire gouvernemental. M. François Molins, procureur de la République de Paris, était présent. Il nous a parlé de la radicalisation des femmes et des difficultés à les gérer lorsqu'elles reviennent de Syrie, souvent avec des enfants en bas âge… Selon lui, les pouvoirs publics ont longtemps fait preuve de naïveté, estimant que ces femmes partaient par amour ou étaient opprimées. En réalité, au même titre que les hommes, elles sont radicalisées, endoctrinées et partent avec une idéologie djihadiste affirmée. À leur retour, elles passent, après décision de la justice, par la prison.
La position de la République française est claire : nous combattons fermement la radicalisation, nous ne tolérons aucun compromis. Je l'ai déjà dit, l'excision n'est pas une coutume, mais une mutilation ; les mariages forcés ne sont pas une tradition mais un viol de la loi ; la burqa ne peut être considérée comme une mode vestimentaire, c'est une tenue oppressive et illégale en France. La République française, le gouvernement, mais aussi les parlementaires, doivent avoir un discours clair sur le sujet. Si mon discours a été mal compris, c'est sans doute qu'il était mal émis ; cette audition me permet donc de clarifier nos positions.
Je ne partage pas votre constat sur le 25 novembre. Mais votre ressenti souligne que nous ne sommes pas, sur ce sujet comme sur d'autres, sortis de notre zone de confort, puisque les parlementaires n'ont pas une connaissance suffisante des actions de l'État. Nous devons cesser de parler entre personnes convaincues, pour convaincre et communiquer au-delà de notre cercle. Différents projets sont à l'étude pour le 25 novembre, nous pourrions en discuter lors d'une prochaine réunion avec votre délégation.
Vous avez aussi parlé du service public de l'audiovisuel. France Télévisions est très motivée sur ce dossier, j'ai pu le constater à l'occasion d'un rendez-vous avec la direction de la chaîne. Je leur laisse la primeur de l'annonce de leurs programmes, mais différents sujets seront proposés, afin de lutter contre la culture du viol. C'est de notoriété publique, un programme pédagogique sera développé autour du livre de Flavie Flament, La Consolation, qui a très largement contribué à faire entrer le débat sur la lutte contre les violences dans la sphère publique.
La protection de l'enfance est du ressort de ma collègue Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, mais nous travaillons sur la protection contre les violences sexistes et sexuelles sur mineurs conjointement avec Mme Buzyn et Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, afin d'allonger les délais de prescription des crimes sexuels commis sur des mineurs.
Les associations que vous citez, Madame Battistel, ne connaîtront aucune baisse des subventions de mon secrétariat d'État. Elles en sont d'ailleurs informées. Je l'ai moi-même confirmé directement à leurs responsables – hier soir à l'une des coprésidentes du Planning familial, ce matin même au président du Mouvement du nid. Si les parlementaires sont tout à fait légitimes à m'interroger, je suis surprise de la récupération de ce sujet par des personnes non informées, qui prennent la parole au nom d'associations qu'elles ne représentent pas, et qui ne sont pas non plus élus… Cela crée un climat délétère, de suspicion, entretenu dans un but qui m'échappe, où chaque association n'est pas inquiète pour elle-même, mais pour les autres… Cela ne permet en tout cas pas de préserver le travail de ces associations, ni de bonnes conditions de coopération. Je le répète – une fois de plus –, les subventions aux associations que vous avez citées seront maintenues ; il n'a jamais été question de les diminuer ou de les supprimer !
Concernant la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, un décret en Conseil d'État n'est malheureusement pas sorti. La loi est récente – je ne blâme donc personne – mais nous attendons depuis janvier la validation par le Conseil d'État du décret sur les parcours de sortie de la prostitution. Comme c'est une priorité de notre action, j'ai demandé aux réseaux déconcentrés des droits des femmes et à toutes les déléguées régionales, que j'ai réunies, de commencer à installer dans chaque département et chaque région les commissions, dispositifs et parcours prévus par la loi et de m'en rendre compte.
Le réseau des hauts fonctionnaires à l'égalité a effectivement été créé en 2012. J'en profite pour saluer l'ensemble des initiatives prises au cours du dernier quinquennat afin d'améliorer les droits des femmes et l'égalité entre les femmes et les hommes. La création de ce réseau en fait partie. Mais, après son lancement, il avait un peu été laissé de côté. Nous avons la ferme volonté de le relancer, d'autant que ma directrice de cabinet était haut fonctionnaire à l'égalité au ministère de l'Intérieur. Ce réseau ne peut vivre en autarcie. Il doit être accompagné par notre volonté politique commune.
Madame Taurine, vous m'interrogez sur les critères d'attribution des subventions aux associations.
En premier lieu, leur activité doit avoir un lien avec ma lettre de mission. Je serai évaluée régulièrement, par le Président, le Premier ministre, mais aussi par vous-mêmes, sur la mise en oeuvre de cette lettre de mission. Ainsi, il est logique que le budget soit construit en fonction de nos priorités politiques, et non l'inverse : les priorités n'ont pas à s'adapter à un budget préexistant ou déterminé par l'administration.
En second lieu – mais c'est du bon sens lié à mon expérience de terrain –, les associations doivent être en mesure de démontrer l'effectivité et l'efficacité de leurs actions. Un compte rendu d'activité, même succinct, permettra de juger de cette effectivité, les déclarations d'intention ne suffisant pas en la matière. La mesure de l'efficacité est également importante car on ne peut continuer d'entendre : « on a toujours fait comme cela ». Les associations que vous avez citées ne sont absolument pas visées car elles ont fait preuve de leur efficacité et l'effectivité de leur action ne fait aucun doute. Pour les autres associations, les reconductions ne seront plus automatiques. Je ne mets pas en cause mes prédécesseures, car l'automatisation était liée à des habitudes dans l'administration, mais nous devons perdre ces habitudes.
Nous disposons de 106 centres d'information sur les droits des femmes et des familles en France. Je pense que peu de pays sont dotés d'un tel maillage territorial. Ils sont majoritairement financés par l'État.
Emmanuel Macron a fait de l'égalité femmes-hommes la grande cause nationale de son quinquennat. Il faut le marteler, le dire et le redire, pour lui donner du poids. Notre délégation a la volonté et la détermination de nourrir ce combat. Mais force est de constater que certains domaines politiques sont considérés comme « majeurs », aux dépens d'autres domaines, dits « mineurs ». L'égalité femmes-hommes n'est pas considérée à sa juste mesure – je parle pour notre délégation. Il est regrettable que notre enthousiasme soit freiné par les statuts et les compétences qui lui sont dévolus. Peut-être, avant d'aborder les différentes thématiques que nous aurons à traiter, pourrions-nous réfléchir ensemble aux moyens de créer un cadre favorable à la réforme, afin que notre travail soit proportionnel à l'ambition qui est la nôtre. Madame la ministre, comment comptez-vous articuler le travail de la délégation et celui du gouvernement ? Quelles seraient vos solutions pour lui donner un maximum d'impact, au regard des obstacles que nous pourrions rencontrer ?
Je vous remercie pour la détermination dont vous faites preuve sur ces questions qui nous rassemblent. Votre volonté politique est de bon augure pour traiter les défis qui nous attendent. Je me réjouis de votre ambition, qui va désormais s'adosser à Matignon. Je regrette que vous ne soyez pas ministre de plein exercice mais j'entends vos arguments sur le rattachement de votre secrétariat d'État au Premier ministre. Vous aurez du travail à le convaincre… Comme député, il n'a malheureusement pas voté la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, ni la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Mais la période qui vient de s'écouler nous a montré que l'on pouvait changer politiquement et je vous fais confiance pour le persuader !
Pourriez-vous dresser un premier bilan de la loi du 13 avril 2016 ?
Vous avez évoqué l'insertion des femmes dans le monde du travail. Vous avez par ailleurs été adjointe d'une grande collectivité territoriale. Pensez-vous que nous pourrions porter ensemble, dans le cadre du Conseil des territoires un projet visant à abonder un fonds permettant aux collectivités de construire de nouvelles places de crèches ? Chacun connaît leur coût et nous avons bien entendu que les collectivités devraient réaliser 13 milliards d'euros d'économies au cours des prochaines années…
Dans le cadre de la réforme constitutionnelle, seriez-vous prête à défendre la constitutionnalisation de l'IVG ?
Je suis très inquiet pour votre budget. J'entends que vous souhaitez un travail interministériel. Pour autant, un décret en préparation supprimerait 7 millions d'euros de vos crédits. Si vous n'êtes pas informée, c'est de mauvais augure pour votre travail partenarial avec M. Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics. Pouvez-vous nous confirmer que ce décret n'est pas en préparation ?
Ma question sera empreinte d'efficacité et de pragmatisme. Le travail, tout comme la parentalité, peuvent être et sont souvent sources d'épanouissement. Mais la conciliation des deux est encore trop souvent un défi, assumé par les femmes. Trouver un mode de garde est un défi. C'est aussi un choix et un renoncement. Lorsque les parents l'ont trouvé, comment faire pour répondre à leurs besoins inopinés et brefs lorsqu'ils sont en difficulté, pour une raison ou une autre ? Vous avez mis en lumière le travail de l'association CoworkCrèche en la matière. Vous avez par ailleurs annoncé la mise en place d'un bureau des enfants au sein de votre secrétariat d'État, inspiré des Kinder Burö allemands. Animée par le souci du pragmatisme et de l'efficacité, quels enseignements tirez-vous de telles initiatives et comment développer ce type de projet partout, dans les entreprises, pour les indépendants, mais également pour les parlementaires ?
Notre présence au sein de cette délégation atteste de notre intérêt commun pour l'égalité femmes-hommes et pour de nombreuses causes. Notre pays a, vous l'avez rappelé, connu de grandes avancées au siècle dernier, mais il faut désormais aller plus loin en actes. Vous avez évoqué des initiatives, de pédagogie, d'information, d'études comparatives avec d'autres pays européens. Mais, pour avancer, il nous faut connaître vos moyens. M. Darmanin annonçait la semaine dernière dans la presse les baisses de budget. J'ai du mal à croire que votre secrétariat d'État ne soit pas informé et que vous n'ayez pas pu décider de ce budget. Pour lever nos doutes, nous devons très rapidement connaître vos moyens, ainsi que la liste des associations touchées. Pour avancer tous ensemble, il faut éviter de dire que les militantes féministes ne représentent qu'elles-mêmes. Elles ont participé aux avancées et continuent de le faire.
Au-delà des campagnes de communication pour dénoncer certaines situations, des sanctions financières seront-elles appliquées aux entreprises qui ne respectent pas les dispositions relatives à l'égalité salariale ?
Je n'ai à aucun moment mis en cause les militantes féministes dans leur ensemble. Je suis moi-même militante, j'ai créé un réseau, j'ai été bénévole pendant plus de dix ans au sein d'une association, j'ai produit un certain nombre de notes… Je suis d'accord, ne nous divisons pas. Je ne pense pas qu'appeler publiquement au harcèlement des standardistes de Matignon et de l'Élysée soit une forme de lutte constructive et efficace. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Appeler des préfets pour demander des informations est une chose, appeler à saturer le standard de Matignon en est une autre… À aucun moment, je n'ai méprisé le travail des militantes féministes, j'en suis moi-même une ! Je les ai toujours soutenues et vous ne trouverez jamais, en quinze ans de vie publique, aucune déclaration agressive ou les mettant en cause ad hominem, quels que soient nos désaccords, y compris politiques.
Je ne pense pas que mon discours était creux ou vide de sens : j'ai détaillé des mesures et les moyens que nous mettons en face. Ainsi, la verbalisation du harcèlement de rue est une mesure inédite et concrète. Il en est de même de l'allongement du délai de prescription. L'harmonisation du congé de maternité aura un impact concret sur la vie quotidienne de millions de femmes en France. Tout cela, ce sont bien des actes et vous ne pouvez nier que notre programme est construit, sur la base de propositions concrètes, au-delà des simples intentions.
En matière d'égalité professionnelle, madame Faucillon, avec Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, nous mettons en place un dispositif qui permettra de prélever les amendes. Nous avons réalisé que, même si les lois existent – la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « loi Sauvadet » –, les amendes sont rarement payées. J'ai par ailleurs proposé à M. Darmanin – cette proposition est en cours d'arbitrage – de reverser lesdites amendes au programme 137.
Monsieur Carvounas, vous avez insisté comme beaucoup d'autres sur mon budget et je répéterai donc une nouvelle fois ce que j'ai déjà dit. Je n'ai pas connaissance du document diffusé dans la presse. On peut certes le déplorer, mais ma note de cadrage est le seul document authentique. Je vous la relis : « comme indiqué lors de notre réunion budgétaire " subventions " de ce jour, je vous confirme mes instructions de sanctuariser dans l'exécution du budget 2017 les subventions venant du programme 137 versées aux associations dont l'objet est la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, un des axes prioritaires de ma feuille de route ». Je vous le répète, les associations ont toutes été prévenues.
Je vais demander à M. Darmanin de bien vouloir être auditionné par votre délégation ! Il est très investi sur ce sujet. Ainsi, il s'est engagé à travailler sur un budget de l'État sensible au genre, c'est inédit et cela doit être salué. Il s'engage également sur la création d'un dispositif de prélèvement pour les entreprises qui ne respectent pas l'égalité professionnelle et salariale. En tant que ministre, il soutient très fortement le réseau des Femmes de Bercy pour féminiser et renforcer la mixité et la parité. J'ai pleinement confiance en lui. Il a une exigence de baisse globale des dépenses de l'État pour tous les ministères. J'ai détaillé quelles étaient les baisses structurelles de budget. Je vous ai répondu quant aux associations dont les subventions seraient supprimées et celles qui verront leur subvention maintenue. Le budget est en cours d'arbitrage. Je me propose de venir vous le présenter dès que nous serons fixés.
Monsieur Carvounas, le Premier ministre n'a certes pas voté certains dispositifs, mais vous aurez noté qu'il n'a pas voté contre, contrairement à son groupe. C'est déjà une forme d'action politique. Dès le début de nos échanges, je l'ai trouvé très désireux de faire mieux. Il a apporté les crédits de son budget pour soutenir la grande cause nationale du quinquennat, alors que rien ne l'y obligeait. Il a demandé au Service d'information du gouvernement de prendre en charge les moyens humains et financiers de cette grande cause. Je suis très à l'aise pour travailler avec lui et peux me prévaloir d'un fort soutien aux mesures que nous prenons, en application du programme du Président de la République.
Madame Chapelier, je suis respectueuse de la séparation des pouvoirs. C'est pourquoi je ne me prononcerai pas sur la structure et l'organisation de la Délégation. Cette décision vous revient pleinement. Pour autant, vous aurez mon entier soutien dans cette démarche, si vous décidez d'évoluer dans votre constitution ou votre mode de travail. J'ai pleinement confiance car je sais que vous rechercherez l'efficacité.
J'envisage notre travail commun de manière constructive, dans le dialogue. J'ai pris note de vos propositions et suggestions. Toutes les fois que vous le jugerez utile, dans le format qui vous conviendra – rendez-vous individuel, réunion de travail, audition, échange d'information, remontée de propositions –, je suis à votre entière disposition.
Madame Calvez, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale est le nerf de la guerre pour la plupart des mères qui travaillent. Je soutiendrai la transparence dans l'attribution des places en crèche, l'effort de construction de nouvelles crèches, mais aussi l'innovation sociale. Vous avez rappelé l'existence de CoworkCrèche. Cette association, non subventionnée par l'État, est en danger pour des raisons financières – elle vit de ses fonds propres et dispose, me semble-t-il, de quelques subventions de la ville de Paris. J'alerte les parlementaires d'Île-de-France et de Gironde – les deux régions où elle est installée – car elle remplit une mission de service public et aurait besoin de soutien matériel et financier.
J'ai effectivement ouvert un « bureau des enfants » au sein de mon ministère, en m'inspirant des expériences allemandes de Kinder Burö. Ce bureau permet aux parents qui ont un problème ponctuel de garde de venir avec leur enfant. Ce n'est pas un mode de garde pérenne. Il s'agit de servir d'exemple afin que les entreprises comprennent que le problème des modes de garde n'est pas un problème individuel, mais un problème de société. Il concerne à la fois les pouvoirs publics – c'est la raison pour laquelle nous nous emparons de cette question – et les employeurs.
Bien évidemment, je soutiendrai les éventuelles propositions de construction de crèche à l'Assemblée nationale. C'est une excellente idée, non seulement pour les parlementaires et tous ceux qui auraient à s'en servir, mais encore pour sa valeur d'exemple. Ce serait une façon très positive d'agir, en montrant aux entreprises que, même l'Assemblée nationale prend en charge les modes de garde. Par ailleurs, nous ne serons pas crédibles dans notre discours sur le renouvellement des usages politiques et notre volonté que chaque citoyen et chaque citoyenne accède aux fonctions représentatives dans la démocratie française, tant que seuls celles et ceux qui ont les moyens d'organiser la garde de leurs enfants pourront accéder à ce statut…
Derrière ces problématiques, il y a un enjeu démocratique. Nous devons garantir à toutes les personnes qui veulent être élues et devenir parlementaires que l'État français leur apportera des solutions de garde. Cela explique en partie pourquoi les femmes se sont si massivement détournées de l'engagement politique. Vous l'avez rappelé, Monsieur Nogal, pendant les commissions d'investiture, nous avons eu toutes les peines du monde à trouver des femmes candidates, notamment pour des questions de conciliation de leur vie professionnelle – et politique – et de leur vie familiale.
La constitutionnalisation de l'IVG ne fait pas partie de nos engagements mais, s'il s'agit d'une demande votée à l'unanimité ou à la majorité par la délégation, bien sûr, je la soutiendrai.
Un travail conjoint est mené avec la ministre des Solidarités et de la Santé sur la création des places en crèche. J'ai reçu hier le directeur de la CNAF afin de réfléchir aux modalités d'un soutien massif. À l'évidence, nous n'imposerons pas l'uniformité. Pour ne prendre que deux exemples, la maire adjointe de Paris, qui a déjà créé beaucoup de places, a un vrai problème de foncier qui rend délicat l'équilibre des budgets de ses crèches. À l'inverse, dans des zones rurales, des maires de petites communes m'ont indiqué qu'ils ne disposaient d'aucune visibilité sur la natalité dans deux ans et ne voulaient donc pas s'engager. Nous devrons partir des réalités de terrain et travailler sur ce dossier avec les élus – qui doivent pouvoir disposer d'une enveloppe budgétaire. Je ne sais pas si ce sera dans le cadre de la Conférence nationale des territoires ou par le biais de la CNAF, mais je note votre question et nous allons y réfléchir sérieusement.
Madame la ministre, je vous remercie pour les réponses détaillées que vous avez bien voulu nous apporter avec conviction, précision et respect pour l'ensemble de nos groupes.
La séance est levée à 13 heures.
Membres présents
Présents – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Erwan Balanant, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Pierre Cabaré, Mme Céline Calvez, M. Luc Carvounas, Mme Annie Chapelier, Mme Bérangère Couillard, Mme Pascale Fontenel-Personne, Mme Laurence Gayte, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Yves Jégo, M. Mustapha Laabid, Mme Fiona Lazaar, M. Mickaël Nogal, Mme Sophie Panonacle, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Josy Poueyto, Mme Isabelle Rauch, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Bénédicte Taurine, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Stéphane Viry.
Excusés – Mme Sophie Auconie, Mme Marie-George Buffet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Annie Genevard, Mme Nicole Le Peih.
Assistait également à la réunion – Mme Elsa Faucillon.