Intervention de Yannick Rousselet

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 14h30
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Yannick Rousselet, chargé des questions relevant du nucléaire au sein de Greenpeace France :

La question est complexe. Vous avez vu comme moi la réaction extrêmement virulente des délégués syndicaux à la réunion publique de Cherbourg. Ce sont eux qui ont réagi les premiers. Pour eux, la situation est extrêmement grave, que ce soit sur les installations du cycle ou dans les centrales. On l'entend dire de façon récurrente dans les commissions locales. La situation a évolué dans le mauvais sens. La sous-traitance pouvait être une « valeur ajoutée » dans certaines spécialités. Par exemple, l'entreprise STMI a pris un créneau très particulier, très spécialisé, et a ainsi pu apporter une plus-value car elle avait une vraie compétence.

Le problème, c'est quand on sous-traite des pans entiers de la sûreté. Citons l'exemple typique de la base d'énergie de l'usine de La Hague pour laquelle la CLI a estimé à l'unanimité – pronucléaires comme antinucléaires – qu'il était grave que cette installation qui fournit l'air propre aux gens qui sont en scaphandre, ainsi que l'électricité et la chaleur nécessaires aux installations de sûreté, soit sous-traitée. Pourquoi a-t-on sous-traité, si ce n'est uniquement pour des raisons économiques ? Le problème, c'est que la situation globale d'EDF et d'Orano est extrêmement tendue – pour ne pas dire plus – sur le plan économique si bien que la tendance est toujours d'aller au moins-disant. On dépasse des seuils de plus en plus importants car, désormais, une partie de la radioprotection est sous-traitée. Or, c'était vraiment le domaine régalien de l'industrie. Auparavant, il était hors de question d'y toucher : cela devait rester sous la responsabilité des gens sous statut. Si la CLI s'en est mêlée, c'est que nous considérons qu'il y a un problème de sûreté. Nous sommes évidemment restés dans notre rôle. Nous ne voulions pas nous mêler de la question du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Nous avons considéré que la dégradation des conditions de travail à l'intérieur de l'entreprise pouvait avoir des conséquences environnementales et pour les populations.

Je vous invite d'ailleurs à lire la dernière lettre d'inspection de la division de l'ASN de Caen : le bilan qu'a fait sa commission « facteurs sociaux, organisationnels et humains » (FSOH) de la réorganisation de La Hague est catastrophique. Cela faisait des mois qu'on demandait à l'ASN de faire ce bilan. Elle l'a fait et je peux vous assurer que la situation est extrêmement inquiétante du point de vue de l'organisation de la sûreté et des effectifs dans l'établissement de La Hague. L'ASN a d'ailleurs laissé deux mois à l'établissement pour régler la situation. Autant vous dire que vu ce qui est demandé, je n'imagine pas une seconde que les choses puissent être réglées dans ce délai. C'est l'organisation fondamentale de l'établissement qui est en question.

Se pose la question de la sous-traitance en tant que telle, mais aussi celle de la transmission de la connaissance et du savoir. On assiste à des dégagements de cadres en nombre extrêmement important et les tuilages qui existaient par le passé entre personnes ayant travaillé ensemble pendant longtemps se font de moins en moins. On pense aujourd'hui remplacer par le papier et la procédure quantité de choses qui étaient transmises par les hommes eux-mêmes. Je n'ai pas de solution à proposer car nous ne sommes pas dans l'entreprise. C'est avec les syndicalistes qu'il faut en parler au maximum. À cet égard, la suppression des CHSCT ne me semble pas vraiment une bonne idée car c'était malgré tout un lieu dans lequel il se passait énormément de choses. Les personnes qui occupaient des postes de représentants syndicaux avaient une vraie compétence et une vraie spécificité qui vont être perdues avec la création de la nouvelle structure de concertation. Les CHSCT contribuaient selon moi à la sûreté à l'intérieur de l'entreprise mais aussi à la sûreté en général. Je ne comprends absolument pas qu'on puisse se passer des CHSCT dans des entreprises à risque. Vous m'avez demandé de proposer des solutions : je n'en ai pas forcément à proposer mais éviter de supprimer les CHSCT irait dans le bon sens.

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