La question que vous soulevez se pose d'abord du point de vue des travailleurs, compte tenu des risques et des conditions de travail auxquels ils sont exposés. J'ai le plus grand respect pour ces travailleurs et je ne peux qu'apporter mon soutien à leurs préoccupations. Cependant, je ne suis pas compétent pour apporter des réponses sous cet angle.
Derrière la question de la sous-traitance, il y a une question plus large d'organisation, de culture de sûreté et de compétences. Cela nous renvoie à la capacité des industriels à faire. Si les industriels démontrent que la sous-traitance telle qu'ils la pratiquent est parfaitement compatible avec les objectifs de sûreté, les engagements qu'ils prennent et les exigences à atteindre, pourquoi pas – si, par ailleurs, les conditions de travail des salariés sont respectées ? Aujourd'hui, la sous-traitance contribue au fait que les objectifs de sûreté ne soient pas atteints et que les engagements, les exigences de qualité et les délais ne soient pas respectés par les industriels. C'est une dérive globale du système qui est accompagnée par les autorités.
Je prendrai un exemple provenant de la réunion de dialogue technique de lundi dernier où l'on parlait de l'échéance de la quatrième visite décennale (VD4) – ou quatrième réexamen de sûreté – pour les réacteurs à 900 mégawatts (MW). EDF et l'ASN y ont ouvertement parlé d'un calendrier de mise en oeuvre en « VD4 +4 » – c'est-à-dire du fait qu'une partie des travaux associés au renforcement des exigences pour la prolongation de fonctionnement se passerait au moment de la quatrième visite décennale et qu'une autre partie – 10 % à 20 %, peut-être plus – serait reportée quatre ans plus tard. J'ai demandé à l'Autorité de sûreté nucléaire quel était le fondement réglementaire sur lequel s'appuyait ce choix. L'ASN m'a répondu qu'il n'y avait pas de fondement réglementaire particulier mais que la réglementation le permettait. Question suivante : qu'est-ce qui justifie d'envisager que les choses se passent de cette manière ? Réponse d'EDF et de l'ASN : c'est une question de capacité de l'exploitant à mettre en oeuvre l'ensemble des travaux concernés. En effet, on sait depuis longtemps que la quatrième visite décennale va engager des travaux beaucoup plus importants que par le passé et que si on attend le dernier moment pour les faire – sachant qu'en plus, il faut traiter beaucoup de réacteurs en même temps – EDF n'aura pas la capacité à faire. Les travaux auraient pu être anticipés mais on est dans la situation inverse : non seulement ils n'ont pas été anticipés mais c'est la limite de la capacité à faire de l'exploitant qui devient le pilote de la mise en oeuvre des exigences de sûreté. Je vous incite donc à réfléchir à la définition des critères de capacité des exploitants à faire qui s'imposent et qui nous évitent cette perpétuelle fuite en avant.