Quand je dis qu'on est à la fin d'un cycle, c'est un constat. On est à la fin du cycle industriel du parc nucléaire existant et de l'outil industriel qui l'entoure. Les réacteurs actuels et La Hague ont été pensés pour une période d'une quarantaine d'années environ. On peut étendre cette période jusqu'à cinquante voire jusqu'à soixante ans mais on arrive au terme de cette aventure industrielle.
Ensuite, on peut discuter de la question de savoir si la suite sera une nouvelle aventure industrielle nucléaire. Je pense pour ma part qu'EDF n'a pas les moyens financiers ni les capacités industrielles de se lancer dans une nouvelle aventure de ce type. J'en veux pour preuve l'échec qu'est malheureusement le réacteur de Flamanville – je dis « malheureusement » au sens où cet échec témoigne pour moi, là où l'industrie française se veut d'excellence, d'une difficulté à atteindre cette excellence. Cela nous dit quelque chose non seulement de la filière nucléaire, mais de l'état de l'industrie française en général. Je ne suis pas heureux de constater les difficultés de Flamanville. La question d'un nouveau cycle pour le système énergétique et pour la gestion de l'héritage nucléaire se pose.
L'industrie nucléaire dit qu'il faut construire de nouveaux réacteurs pour pouvoir continuer. Lors d'un atelier auquel j'ai participé sur le nouveau nucléaire dans le cadre du débat public sur la PPE, j'ai entendu des gens nous dire qu'il fallait continuer à attirer des compétences dans la filière nucléaire et que, pour ce faire, il fallait de nouveaux projets. Je réponds à cela qu'il faut évidemment conserver et attirer les meilleures compétences dans la filière nucléaire et autour d'elle – j'inclus dans ce périmètre l'IRSN, l'ASN, l'expertise non institutionnelle et la société civile.
Il faut que les gens continuent à se préoccuper de ces questions, car les jeunes d'aujourd'hui, qu'ils aillent dans l'industrie ou dans le milieu associatif, ont plutôt envie de travailler dans le secteur des énergies renouvelables. Il faut donc continuer à attirer des compétences dans le nucléaire et pour cela, faire de la filière du démantèlement et de la gestion des déchets une filière d'excellence. Il faut en faire le coeur de la stratégie pour l'industrie nucléaire car quoi qu'il arrive, c'est le seul secteur dans lequel la croissance est certaine – tant au niveau national qu'à l'international. Je pense que l'industrie nucléaire est capable de se positionner fortement dans ces secteurs. Il faut arrêter de penser que les seuls secteurs porteurs, sexy et capables d'attirer des compétences sont les nouveaux projets de réacteurs car le déclin dans ce domaine est inéluctable. Il faut faire de la gestion de l'héritage nucléaire un projet porteur qui attire des compétences. Je pense avoir un discours responsable. À l'inverse, je me demande s'il est responsable de dire que c'est seulement en faisant de nouveaux projets que nous maintiendrons nos compétences et notre capacité à gérer l'héritage, alors même que la capacité à mener de nouveaux projets n'est pas là.