Intervention de Bénédicte Peyrol

Réunion du mercredi 20 juin 2018 à 8h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Peyrol, rapporteure pour avis :

Il faudrait reprendre chaque convention bilatérale avec cet instrument car chacune est modifiée différemment. Cela recoupe votre question sur le cas où la France fait une réserve et l'autre État non. Dans ce cas, la stipulation de la convention multilatérale ne s'applique pas, en vertu du principe de réciprocité, dès lors que les deux États ne se sont pas entendus. En revanche, ce qui s'applique à tout le monde, et nous n'aurons là pas à nous poser de question, ce sont les dispositifs anti-abus, aux articles 6 et 7, et les règles de procédure amiable à l'article 16.

S'agissant de l'établissement stable, je reprends l'exemple de Google. La société mère est en Irlande, il y a des bureaux en France, et l'administration fiscale n'a pas réussi à qualifier d'établissement stable l'activité en France, alors même que les représentants de Google en France jouent un rôle essentiel dans la conclusion des contrats de la société mère. Avec la nouvelle définition proposée, on pourrait qualifier d'établissement stable le bureau en France. J'y mets un bémol : l'Irlande ayant émis une réserve sur l'article 12, il n'y a pas réciprocité. Mais l'Irlande pourra toujours lever la réserve, et ce point peut faire partie de notre travail diplomatique.

Monsieur Dufrègne, oui, le chemin est encore long, nous en sommes collectivement bien conscients. Le projet de loi sur la fraude, même s'il ne concerne pas l'optimisation et l'évasion fiscales, montre que nous avons envie d'avancer. Une mission a été lancée dès le début de la législature et non à la fin, ce qui prouve la volonté d'agir des députés.

Vous rappelez l'idée de COP fiscale et demandez que tout le monde soit autour de la table. Comme je l'ai rappelé, ce qui est innovant dans cet outil et dans la démarche de l'OCDE, c'est justement d'avoir mis les États émergents autour de la table depuis le début, et ils sont aujourd'hui dans le cadre inclusif.

S'agissant du Qatar, je vous invite à poser la question au Gouvernement pour l'aspect diplomatique du sujet, mais je souligne que la France a notifié la convention fiscale bilatérale avec le Qatar et donc, si le Qatar souhaite rejoindre les différentes dispositions pour lesquelles la France a opté, cela ne tient qu'à lui.

Monsieur Labaronne, merci d'avoir employé l'expression de « diplomatie fiscale intelligente ». En matière de fiscalité internationale, on oublie trop souvent que nous n'évoluons pas dans un monde bilatéral mais global. Il faut conduire une vraie réflexion sur la diplomatie fiscale de la France.

Vous m'interrogez sur les actions 8, 9 et 10 du plan BEPS qui ne sont pas intégrées à la convention fiscale et sur l'analyse de la création de valeur. En matière de prix de transfert, un des principaux éléments d'optimisation et d'évasion fiscales, il existe cinq méthodes d'analyse pour calculer un prix de pleine concurrence, mais, pour des entreprises comme les GAFA, il est compliqué de trouver des entreprises comparables, et le contrôle des prix de transfert est donc loin d'être simple. Les discussions à l'OCDE se sont orientées vers l'analyse de la création de valeur. Là où l'on pèche, c'est que nous ne sommes pas d'accord collectivement sur ce qu'est la création de valeur, pour les incorporels par exemple, et encore moins sur ce que devrait être le partage de la valeur entre les différents États. Je pense que la value chain analysis, à savoir prendre la société dans la globalité de sa chaîne de valeur et estimer transaction par transaction ce que serait un bon prix de transfert, est une avancée, mais il reste beaucoup à faire, et l'Union européenne devrait là aussi conduire de manière urgente un véritable travail pour dire ce qu'est pour elle une bonne création de valeur, puis ce que serait un bon partage de la valeur. Les avancées sont encore loin d'être suffisantes.

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