Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 20 juin 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général :

On voit qu'il y a une divergence idéologique entre les groupes politiques, ce qui n'est finalement pas très étonnant.

J'ai dit mon attachement très fort à ce que la Sécurité sociale ait une identité et un budget propres, ce qui n'est pas une idée de gauche ou de droite. Yves Bur, qui a longtemps siégé dans cette commission et qui a été rapporteur du budget de la sécurité sociale, s'est battu pied à pied pour mettre en place et préserver un budget propre qui lui soit propre, à côté de celui de l'État.

Que s'est-il passé depuis l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et l'instauration du vote annuel d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ? Du côté de la sécurité sociale, la situation des finances publiques s'est considérablement améliorée : alors que le déficit, apparu pour la première fois il y a vingt ans, atteignait 20 milliards d'euros en 2008, nous savons qu'il sera totalement résorbé l'année prochaine et que l'on va pouvoir commencer à parler d'excédents éventuels. La dette sociale reste importante, et il faut être capable de la rembourser, ce que nous faisons à travers la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) – il y a aussi une dette sociale importante, de 30 milliards d'euros, qui est logée auprès de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Compte tenu de la situation des finances publiques, je crois que la question de ce que l'on fera des éventuels excédents ne se pose guère…

Alors que les finances sociales s'améliorent, est-ce le moment de se dire, monsieur Door, qu'un outil qui a fait la preuve de son efficacité en matière de gestion doit disparaître pour se fondre dans le budget de l'État ? Est-ce le moment de considérer que l'on pourrait remplacer un impôt par une taxe ou une contribution sociale et vice-versa ? Est-ce le moment d'envisager que les Français qui cotisent auprès d'une caisse de sécurité sociale pour leur retraite pourraient finalement voir leurs cotisations abonder les caisses de l'État, alors que ce serait toujours une caisse de sécurité sociale qui verserait leur pension ? Est-ce très sécurisant pour la population ? Nos concitoyens s'y retrouveraient-ils ? La réponse est négative. Si l'on remonte à 1945 et au discours fondateur de Pierre Laroque, l'orientation prise par la France au lendemain de la seconde guerre mondiale a été de commencer par créer un premier pan de la sécurité sociale, avant de l'étendre progressivement en constituant toute une sphère de protection sociale. Il n'y avait pas en 1945 le chômage de masse que nous connaissons aujourd'hui, et les retraites complémentaires n'existaient pas non plus, car la durée de vie était plus courte une fois que l'on était à la retraite. Aujourd'hui, on peut se demander si la sécurité sociale a toute l'ampleur qui devrait être la sienne et s'il ne conviendrait pas de la renforcer.

Je crois que le moment n'est pas venu de se poser la question d'une fusion des deux budgets, notamment en ce qui concerne les recettes. Allez-vous dire aux Français que leurs cotisations iront dans les caisses de l'État, tandis qu'une caisse indépendante, celle de la sécurité sociale, versera les prestations ? En tant que citoyen et en tant que cotisant, je préfère que mes cotisations aillent à la caisse qui les redistribue : c'est conforme au principe fondateur de la sécurité sociale, selon lequel on contribue en fonction de ses moyens et l'on reçoit selon ses besoins. Si l'on commence à faire de la tuyauterie avec la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et la contribution sociale généralisée (CSG), on perdra toute lisibilité et toute clarté, et notre modèle social sera remis en cause. Je suis très attaché à cette question, dont nous aurons manifestement l'occasion de débattre à la commission des lois.

Enfin, je voudrais répondre à M. Vallaud que rien n'est joué : il n'y a pas, à l'heure actuelle, de disposition inscrite dans un projet de loi organique qui traduirait ce qui est prévu à l'article 7. Néanmoins, rien n'empêchera le Gouvernement de revenir devant le Parlement, dans le cadre d'un projet de loi organique ultérieur, pour définir et préciser ses intentions au sujet de l'examen conjoint du PLF et du PLFSS, et rien n'empêchera alors les parlementaires de se prononcer. Soyez certain que nous serons extrêmement vigilants, sur les bancs de la majorité, à ce qu'il n'y ait pas de dilution de la sécurité sociale dans un budget global de l'État.

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