Cette arrogance, qui le conduit à croire tout savoir et pouvoir tout décider seul, amène enfin le Président à décider de renouveler, sans demander l'avis du Parlement, les deux composantes de la dissuasion nucléaire, et d'engager ainsi plusieurs dizaines de milliards d'euros pour plusieurs décennies.
Mais cette manie de vouloir paraître fort l'amène le plus souvent à préférer éviter le débat démocratique, voire à le museler. Ce faisant, il est bien aidé par le Parlement, qui se dessaisit tout seul de sa capacité à débattre en faisant aboutir la commission mixte paritaire. De fait, la majorité Les Républicains du Sénat épargne au Gouvernement une deuxième lecture du projet de loi de programmation militaire. Pourtant, le passage au Sénat a lesté le texte de dispositions concernant le domaine « cyber », qui soulèvent des questions. Il est scandaleux d'avoir cru pouvoir déposer discrètement un amendement, après la première lecture à l'Assemblée et au cours de la discussion au Sénat, sachant que le texte ne connaîtra vraisemblablement pas de nouvelle lecture. Les députés n'auront donc aucune occasion d'en débattre réellement.
La méthode est d'autant plus contestable que l'amendement en question, qui modifie les règles d'échanges d'informations entre services de renseignements intérieurs et extérieurs, touche, une fois de plus, aux libertés publiques. En le déposant, le Gouvernement fait preuve d'une véritable malhonnêteté : non seulement il refuse le débat en agissant de la sorte, mais il fait passer ainsi en catimini un véritable cavalier législatif, les dispositions concernées n'ayant rien à voir avec les questions budgétaire. De plus, en faisant le choix d'un véhicule législatif inadapté, il retarde de fait l'examen d'un texte dédié à la défense et au numérique, dont le besoin se fait pourtant chaque jour sentir davantage. Le Gouvernement ne voit-il donc pas la nécessité d'un tel texte ? Ou s'agit-il, avec cet amendement, de mettre en conformité avec la loi des pratiques qui ont déjà cours alors qu'elles ne sont pas autorisées ? La commission de la défense m'a missionné, avec ma collègue Valetta Ardisson, pour rédiger un rapport d'information sur la cyberdéfense. Espérons que, pour une fois, le travail parlementaire sera respecté et ses recommandations au moins examinées.
Mais puisque vous avez voulu, madame la ministre, évoquer le renseignement dans cet article ajouté au Sénat, permettez que je vous demande pourquoi ne pas en avoir profité pour indiquer explicitement que les recrutements dans ce secteur seront réellement prioritaires et ne seront pas retardés au profit du nombre extravagant de postes que vous prévoyez de créer pour le soutien aux exportations.
Je parle d'exportations, puisque vous semblez considérer la LPM comme un bazar législatif. Pourquoi ne pas avoir donné au Parlement un rôle véritable en matière d'octroi et de contrôle des licences autorisant le transfert d'armements ? L'exécutif ne peut pas en avoir l'exclusivité ! Surtout, il n'est pas acceptable que l'on continue à amuser la galerie en remettant aux députés un rapport sur les ventes d'armes chaque année moins précis, et qui ressemble plus à un catalogue commercial qu'à un instrument de contrôle de l'action gouvernementale.