Le nombre de nos blessés au Mali est très important, quoique l'omertà sur ce sujet soit totale. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer, quatre jours après la journée nationale des blessés de l'armée de terre, combien de blessés nos armées comptent au Mali ?
Le G5 Sahel est encore bien loin d'être opérationnel et, parmi ses principaux bailleurs de fonds, figure l'Arabie saoudite, mécène bien connu de la radicalisation islamiste dans le monde. D'ailleurs la MINUSMA – Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali – vient de confirmer une « bavure » – entre guillemets – des militaires maliens du G5 Sahel, qui a fait douze morts parmi les civils. Est-ce là notre voie de désengagement ?
On comprend aussi que le Gouvernement ne veuille pas remettre en débat deux des dispositions centrales de la LPM.
La première est le postulat selon lequel le taux d'engagement en OPEX au cours des prochaines années sera aussi élevé que pendant ces dernières années, quand bien même l'opération Sangaris est finie et l'opération Chammal devrait à toucher son terme.
La seconde est la création du fichier BIOPEX, destiné à enregistrer les données biologiques de personnes contrôlées sur les théâtres extérieurs. Sur ce sujet, je lance à nouveau un avertissement solennel : les dispositions prises pour garantir aux hommes et femmes qui feront l'objet de contrôle qu'ils et elles pourront s'y refuser, sont d'un formalisme hypocrite.
Quand bien même le droit des personnes serait préservé, ce dont je doute, la mise en oeuvre concrète de ce contrôle sera perçue comme une prérogative de police, ce qu'elle est en vérité. Elle fera naître chez les personnes contrôlées le sentiment d'avoir face à elle une administration d'occupation. Alors que nos soldats sont de plus en plus mal considérés dans un pays qu'ils ont pourtant contribué à sauver du chaos et dans lequel la population leur était globalement favorable, je crains que BIOPEX ne fasse croître encore ce ressentiment, qui s'aggrave déjà tous les jours.
Au Yémen, enfin, nous savions déjà que la France n'avait pas cessé de vendre des armes aux pays de la coalition, Arabie saoudite et Émirats arabes unis en tête, alors que le traité sur le commerce des armes, dans ses articles 6 et 7, le lui interdit formellement. Mme Parly, lors d'un entretien matinal sur France Inter, nous a tous stupéfaits en prétendant qu'on ne peut pas savoir si ces armes serviront à la guerre ou, pire, aux crimes de guerre qui ont sans doute lieu au Yémen.
Une demande de commission d'enquête sur ce sujet a été déposée par Sébastien Nadot, notre collègue du groupe La République en marche. Espérons que celle-ci aboutira. Cependant, il y a deux semaines, nous avons appris par voie de presse que des forces spéciales françaises auraient été envoyées sur le terrain, apparemment aux côtés des troupes émiraties.
Qu'est-ce que cela veut dire ? Quels sont les intérêts français que l'on défend là-bas, alors que le véritable enjeu de la guerre est l'hégémonie régionale de l'Arabie saoudite ou de l'Iran ? Aurions-nous donc un favori entre ces deux théocraties ? Pourquoi Mme Parly a-t-elle cru possible de démentir les propos du président Mélenchon lorsqu'il a réagi à cette information et pourquoi n'a-t-elle pas cru possible de réagir directement aux informations que M. Georges Malbrunot a délivrées dans son journal ?
Pourquoi surtout le peuple français et ses représentants n'ont-ils pas été consultés sur cette décision du Président de la République ? Pourquoi n'en ont-ils même pas été informés ? Selon l'article 35 de la Constitution, c'est pourtant le Président qui décide de l'engagement des forces à l'étranger, avec l'obligation d'en informer le Parlement. La Constitution n'aurait-elle pas été respectée ? Ou pouvez-vous, madame la ministre, démentir cette information devant la représentation nationale ?
Voilà les sujets que nous aurions pu mettre en discussion lors d'une deuxième lecture de la LPM.
La loi de programmation militaire opère une grande braderie de la souveraineté nationale, à laquelle le Gouvernement s'adonne au nom de la défense européenne. L'aveuglement idéologique qui le conduit à vouloir développer un système de combat aérien et un char franco-allemand est désastreux. La souveraineté ne se partage pas, même avec des amis ou alliés ! Que dire s'il s'agit de faire confiance aux dirigeants allemands, qui, ces dernières années, nous ont si souvent bernés ?
Je rappelle le cas exemplaire de la coopération franco-allemande dans le domaine spatial. Alors qu'aux termes des accords de Schwerin, nos deux pays avaient décidé de se répartir chacun un domaine de compétence – à l'un l'optique, à l'autre le radar – , les Allemands se sont finalement assis sur ces accords et ont fini par faire cavalier seul. Comment réagirons-nous ? Lorsque nous aurons partagé les plus précieux de nos savoir-faire de pointe avec cet ami à tout le moins inconstant, le peuple français sera-t-il toujours en mesure de décider seul de son avenir ?
La même question se pose à propos du rapprochement de Naval Group et de Fincantieri, que le Gouvernement favorise discrètement depuis des mois. Qu'avons-nous à gagner en mettant en commun une entreprise capable de satisfaire tous les besoins de la marine nationale, y compris en matière électronique ou dans le domaine de la propulsion nucléaire, avec un armateur italien aux capacités nettement plus restreintes ?
En réalité, le dogmatisme et la naïveté font perdre à ce gouvernement tout sens commun. Pour essayer encore une fois de lui ouvrir les yeux, rejetons ce projet de loi de programmation militaire !