Je vais d'abord tracer un rapide bilan budgétaire, puis je formulerai une proposition qui, je l'espère, va vous séduire. (Sourires)
Pour la gendarmerie nationale, l'exercice 2017 analysé de manière globale tend à indiquer une exécution conforme aux prévisions. Les autorisations d'engagement consommées atteignent 8,84 milliards d'euros, témoignant d'une sous-réalisation de 0,4 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale, ce qui représente 37 millions d'euros. Les crédits de paiement consommés s'élèvent à 8,65 milliards d'euros environ, soit une sous-consommation de 0,3 %, équivalente à 25,6 millions d'euros.
Toutefois, cette vision « macro-budgétaire » masque des réalités opérationnelles et de gestion plus contrastées.
Les forces de sécurité intérieure ont à nouveau été fortement mobilisées en 2017. Outre un niveau de menace particulièrement élevé, il convient de rappeler les différents événements de sécurité publique qu'elles ont dû gérer avec efficacité, qu'il s'agisse de maintien de l'ordre ou de gestion de crise. Je pense par exemple aux opérations conduites après le passage de l'ouragan Irma aux Antilles.
Or, faute de crédits suffisants, notamment à la suite des annulations de crédits en cours d'exercice, des dépenses ont dû être reportées en 2018. L'un des faits majeurs de la gestion 2017 est ainsi l'annulation très significative de crédits mis en réserve, par le décret du 20 juillet 2017 : 90 millions d'euros en crédits de paiement, soit un taux d'annulation de 47 %. Le gestionnaire du programme a dû faire porter ces annulations sur des dépenses obligatoires et notamment les loyers, pour près de 51 millions d'euros. Cette opération a ainsi alimenté la fameuse « dette loyers » dont je vous ai déjà tant parlé, qui est apparue en 2016 et qui doit être progressivement résorbée, comme s'y est engagé le ministre de l'Intérieur. Elle atteignait 75,7 millions d'euros au 31 décembre 2017.
Ces annulations ont également touché les crédits de fonctionnement, mais également d'investissement, alors que la gendarmerie dispose de marges de manoeuvre très réduites en la matière. Elles ont ainsi affecté la réalisation des dernières annuités du plan de lutte contre le terrorisme et du pacte de sécurité, qui n'ont pu être mis en oeuvre en totalité.
Je souhaite toutefois m'extraire de la vision purement budgétaire à laquelle invite l'analyse d'une loi de règlement pour faire passer un message plus politique, et de plus long terme. Le niveau d'engagement des forces de sécurité intérieure est total. Il plaide donc, d'une part, pour que les ressources qui leur sont allouées soient prévisibles et, d'autre part, pour que ces ressources soient fermes. Du moins qu'elles ne fassent pas l'objet de mesures de gestion trop importantes, qui privent pratiquement les gestionnaires de tout levier d'action, notamment en matière de politique d'investissement.
Sachant que la notion d' « investissement » reste relative pour la gendarmerie. En effet, il s'agit notamment, d'une part, de renouveler des équipements indispensables à la conduite des missions – je pense en particulier aux moyens automobiles, et, d'autre part, d'assurer des conditions de vie décentes à nos gendarmes – je pense aux opérations de rénovation immobilière.
J'estime ainsi absolument indispensable que nos forces de sécurité intérieure puissent bénéficier d'une programmation de leurs ressources similaire à celle qu'offre la LPM à nos armées. Une loi de programmation pour la sécurité intérieure permettrait, d'une part, de préciser clairement le « contrat opérationnel » attendu de la part des forces de sécurité intérieure, dans une perspective pluriannuelle, et, d'autre part, de déterminer en conséquence le niveau des crédits nécessaires et de planifier les programmes d'équipement et d'investissement jugés indispensables.
Cette loi de programmation serait précédée d'une revue stratégique ou d'une commission du Livre blanc de la sécurité intérieure, qui associerait des parlementaires, l'ensemble des administrations concernées, des personnalités qualifiées et des chercheurs.
Un tel exercice permettrait de poser un diagnostic objectif et partagé. Au total, une telle loi de programmation constituerait un fort engagement juridique, à la fois budgétaire et opérationnel. Mais elle constituerait aussi et surtout un fort engagement politique, qui témoignerait de l'importance accordée aux forces de sécurité intérieure et qui donnerait la visibilité indispensable aux personnels et à leurs gestionnaires.
Je suis consciente du fait qu'une loi de programmation n'est pas une « assurance tous risques » et que, même une fois adoptée, il faut la défendre chaque année, à chaque budget. Mais la loi de programmation est un outil qui s'use que si l'on ne s'en sert pas. Le dernier exercice de ce type date de 2011 avec la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2.
À plus court terme, dans la perspective du budget pour 2019, il faudrait sans doute revoir les modalités d'application de la mise en réserve pour la mission « Sécurité ». Juridiquement, il semble compliqué d'exonérer totalement cette mission de la mise en réserve. Toutefois, au regard de la situation sécuritaire et du niveau d'engagement de l'ensemble des forces de sécurité publique, la future réserve devrait pouvoir être levée, au moins partiellement, dès le début de l'exercice 2019, afin de donner toutes les marges de manoeuvre nécessaires aux administrations concernées.