La séance est ouverte à neuf heures trente.
Mes chers collègues, en guise d'introduction, il me semble important de rappeler à chacun que la commission mixte paritaire (CMP), réunie hier au Sénat, est parvenue à établir un texte commun aux deux chambres s'agissant du projet de loi de programmation militaire. Hormis deux abstentions, l'ensemble des parlementaires présents a voté en faveur de ce projet. Je n'entrerai pas ici dans les détails, puisque j'aurai plaisir à vous présenter le texte issu des travaux de la CMP le 27 juin, après la séance de questions d'actualité. Le Sénat examinera quant à lui ce texte le 28 juin à midi. Comme je l'indiquais hier au Sénat, je suis très heureux que nous soyons parvenus à trouver un accord avec nos collègues sénateurs. Le travail que nous avons conduit en commun avec eux l'a été en bonne intelligence et de manière constructive et le texte a été enrichi des apports du Sénat comme de l'Assemblée nationale. Je tiens à souligner particulièrement l'engagement de M. Christian Cambon, président de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que la disponibilité des membres du cabinet de Mme la ministre des Armées. Je suis convaincu de l'adoption du projet de loi de programmation militaire à une large majorité, et je m'en réjouis.
D'ici là, nous sommes aujourd'hui réunis autour d'un ordre du jour un peu particulier. Dans le cadre du « printemps de l'évaluation » initié par la commission des Finances, cette dernière a procédé à l'audition de Mme Florence Parly, ministre des Armées, et de Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État, invitées à répondre aux interrogations des rapporteurs intervenus sur l'exécution budgétaire 2017 de la mission « Défense » et de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Permettez-moi de saluer votre engagement, chacun ayant pu constater que les commissaires de la défense étaient plus nombreux que leurs homologues des finances devant leur propre commission. Néanmoins, ne souhaitant pas que ce travail demeure confiné à la seule commission des Finances, j'ai proposé de permettre à nos rapporteurs budgétaires de s'exprimer aujourd'hui sur cette question. Parmi eux, deux sont absents en raison de déplacements à l'étranger. Ils ont néanmoins effectué ce travail d'évaluation et le compte rendu de notre séance contiendra en annexe leurs contributions. Nous débuterons par l'examen de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Permettez-moi d'organiser mon intervention autour de trois points : un constat, une satisfaction et une inquiétude sur laquelle je vous demanderai d'être vigilant à l'avenir.
Premièrement, le constat. Les choses sont assez simples. En ce qui concerne l'évaluation de l'exécution budgétaire 2017 de la mission « Anciens combattants », celle-ci n'appelle pas, à vrai dire, de commentaires particuliers. Le taux d'exécution des crédits ouverts – 2,537 milliards d'euros pour rappel – atteint près de 100 %. Vous n'en serez pas surpris dans la mesure où l'immense majorité des crédits correspond à des dépenses obligatoires ; il s'agit notamment de la retraite du combattant et des pensions militaires d'invalidité. Notons toutefois qu'en raison d'une attrition naturelle de bénéficiaires de ces deux dispositifs, les dotations budgétaires diminuent chaque année.
Au-delà des dépenses budgétaires, il convient de souligner que les dépenses fiscales représentent environ 762 millions d'euros, soit l'équivalent de 31 % des crédits budgétaires de la mission. Ainsi, l'effort de l'État en faveur des Anciens combattants et des victimes de guerre atteint donc près de 3,3 milliards d'euros, ce qui est colossal.
L'attrition naturelle dont je parlais à l'instant conduit la mission à contribuer à l'effort interministériel de réduction des dépenses. À titre d'exemple, le décret d'avance du 20 juillet dernier a prévu une diminution de 25 millions d'euros de la dotation budgétaire du programme 169.
Néanmoins, il nous appartient à tous de veiller collectivement à la préservation de ce budget, malgré la disparition de nos anciens, à laquelle nous ne pouvons rien.
Deuxièmement, une satisfaction. Je pense à une ancienne revendication de nombreuses associations d'anciens combattants, qui n'ont pourtant pas toujours oeuvré dans le même sens en la matière. Vous l'aurez compris, je parle de l'élargissement du bénéfice de la carte du combattant aux militaires français déployés en Algérie après le 2 juillet 1962. Nous en avions parlé en commission à l'automne dernier et l'avis budgétaire n° 277 – je vous invite à le lire – abordait longuement cette question parmi d'autres. En séance, nous avions échangé avec Mme Darrieussecq sur cette possibilité ; elle s'était engagée à conduire une évaluation. De notre côté, une évaluation a également été réalisée afin d'évaluer le nombre de personnes bénéficiaires et le coût correspondant. Au terme de ce travail, le Premier ministre a tranché en faveur de cet élargissement et nous nous en sommes tous réjouis. Qu'il me soit permis de rappeler que l'avis susmentionné évoquait différentes questions sur lesquelles nous aurons sûrement l'opportunité d'avancer au cours de cette législature.
Troisièmement, une inquiétude. Avec l'appui des services de l'Assemblée – permettez-moi, Monsieur le président, de féliciter l'administration – j'ai relevé quelques commentaires surprenants dans la note d'exécution budgétaire (NEB) établie par la Cour des comptes sur l'exécution des crédits de la mission.
À la lecture de cette note, il apparaît que Bercy et la Cour des comptes remettent en cause les justifications historiques de la retraite du combattant, devenues obsolètes selon eux, au prétexte que les armées sont composées de professionnels, qui y acquièrent des droits à retraite, que la carte du combattant, dont l'obtention permet de bénéficier de la retraite du combattant, est attribuée dès 120 jours d'OPEX, sans qu'il soit nécessaire d'avoir participé à des combats, ou encore que les blessures psychiques sont prises en compte par les pensions militaires d'invalidité. En d'autres termes, l'on nous explique que d'autres dispositifs existent…
De son côté, la Cour semble regretter l'augmentation du montant de la retraite du combattant, non justifiée selon elle. Pour mémoire, nous parlons de 748,80 euros par an. Je vous invite à consulter les pages onze à treize de cette note et, plus largement, à la plus grande vigilance. Il nous faut monter la garde sur cette question de manière à ce que les parlementaires conservent la responsabilité de la décision politique. Si nous pouvons comprendre que l'administration cherche à rationaliser des dispositifs existants, nous nous devons de préserver la retraite du combattant. Mme la ministre des Armées et Mme la secrétaire d'État nous ont rassurés lorsqu'elles se sont exprimées devant la commission des Finances mais restons vigilants face à cette idée qui s'insère sournoisement dans certains documents administratifs.
Pourriez-vous m'indiquer le nombre de dossiers des victimes des essais nucléaires qui ont été traités ? Je ne suis d'ailleurs pas certain que cette question relève de cette mission budgétaire.
Je vous confirme que cette question relève dorénavant de la responsabilité du Premier ministre et que les crédits correspondants ne figurent pas à la mission qui nous occupe aujourd'hui. Vous pouvez notamment vous rapprocher de notre collègue Nicole Sanquer, très investie sur cette question. Elle a récemment intégré la Commission de cadrage de la loi d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) aux côtés de deux autres de nos collègues. Mme Sanquer m'a justement saisi de cette question ces derniers jours et je sais que des décisions importantes doivent être prises d'ici la fin de l'année.
Afin de compléter les propos du président, j'ajouterai qu'au sein de notre mission budgétaire se trouvent en revanche les crédits relatifs à l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale, alors que cette mission dépend des services du Premier ministre.
Quelles économies les services de Bercy espéreraient-ils réaliser par la suppression de la retraite du combattant ? Pour ma part, je trouve de telles pistes scandaleuses.
Entendons-nous bien, il ne s'agit pour l'heure pas d'un projet concret mais simplement de quelques commentaires. Ne nous scandalisons pas encore. Il ressort de ces documents budgétaires l'existence d'une certaine redondance, les justifications de la retraite du combattant étant jugées, je l'ai dit « obsolètes ».
Les deux en fait, comme vous pourrez le constater en lisant la NEB. C'est d'ailleurs ce qui est inquiétant. En revanche, aucun chiffre n'est donné quant au montant des économies réalisables. Il nous appartient de toute manière d'être toujours vigilant en maniant les chiffres. C'est d'ailleurs ce qui nous a permis d'avancer sur la question de l'extension de la carte du combattant. Au départ, l'on nous annonçait un coût de 100 millions d'euros alors qu'une simple règle de trois montrait que cela aurait correspondu à 133 000 militaires déployés en Algérie après 1962. Nous le saurions si tel avait été le cas. Si les documents budgétaires ne mentionnent pas de chiffre, ils nous invitent à monter la garde.
Concernant les harkis, disposons-nous, à l'heure actuelle, d'éléments chiffrés s'agissant des conclusions du groupe de travail harkis installé par Mme Darrieussecq qui, d'ailleurs, reçoit plusieurs d'entre eux en ce moment.
À titre personnel, je n'ai pas de tels éléments en ma possession. En revanche, j'ai compris que de belles avancées étaient en jeu mais, vous l'avez dit vous-même, il y a une rencontre en ce moment-même au ministère.
Ma question concerne la journée défense et citoyenneté (JDC), dont une partie du budget est inscrite au sein du programme 212 de la mission « Défense ». D'après vous, ne faudrait-il pas ramener l'ensemble des crédits au sein de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ?
Je partage votre constat, et cette dispersion des crédits entre deux programmes de deux missions différentes ne favorise pas la lisibilité budgétaire. Néanmoins, vous le savez, un certain nombre de militaires d'active et de réservistes participent à l'encadrement des JDC et, dès lors, le financement de la masse salariale des personnels militaires ne saurait être éclaté. Nous avions également interrogé le Gouvernement à ce sujet et, d'après eux, la raison relève de la stricte technique. Gageons que la réforme du service national universel conduira à modifier cette architecture budgétaire.
Le syndrome post-traumatique est beaucoup mieux pris en compte depuis quelques années. Bien entendu, il ne s'agit pas d'un phénomène nouveau – que l'on pense simplement à la Première Guerre mondiale – mais il n'était alors pas reconnu par la science. Aujourd'hui, on sait que beaucoup de nos soldats rentrant d'opérations peuvent être atteints de syndromes post-traumatiques, même si ce n'est pas toujours verbalisé de manière immédiate, notamment car cela pourrait passer pour une faiblesse ou remettre en cause certaines aptitudes. Sur le plan budgétaire, pourriez-vous nous indiquer dans quelle mesure ce phénomène est pris en compte ?
Même si l'action du service de santé des armées (SSA) ne relève pas complètement de la mission budgétaire qui nous occupe aujourd'hui, j'avais conclu mon intervention en séance publique en soulignant l'importance de prendre en compte le syndrome post-traumatique. De manière complètement incidente, nous sommes tous confrontés à cette question sur nos territoires car nous avons réalisé que parmi les personnes qui dorment dehors l'hiver, on trouve de très nombreux anciens combattants. Durant des années, nous avons ainsi perdu de vue un grand nombre de nos anciens atteints de tels syndromes, ce qui doit nous amener à nous interroger sur le handicap, qui n'est souvent traité que dans son aspect physique. Au titre de la présente mission, les crédits inscrits pour financer la reconversion de l'Institution nationale des invalides (INI) – peut-être serait-il d'ailleurs pertinent de visiter ce site – sont essentiels, l'INI s'étant engagé dans un programme de modernisation ayant notamment vocation à en faire le site référent pour la prise en charge des blessés atteints de syndrome post-traumatique. Bien sûr, l'INI conduit son action avec les hôpitaux militaires, et en premier lieu l'hôpital Percy. Dans ce cadre, je rappelle que le projet de transformation de l'INI représente un coût de 50 millions d'euros.
Je me permets d'insister sur la prise en charge des jeunes anciens combattants, dont nous avons parfois du mal à assurer l'accompagnement. Je pense notamment à ceux qui ont été engagés en ex-Yougoslavie, qui ont été confrontés à des événements très durs et que l'on ne connaît pas vraiment, sauf lorsqu'il s'agit de nos anciens camarades.
Je tiens simplement à rappeler que j'ai présenté deux amendements dans le cadre de l'examen du projet de loi de programmation militaire afin de mieux prendre en compte les blessures psychiques. J'ai moi-même été confronté à des anciens militaires qui vivent ces souffrances difficilement et ne savent plus vers qui se tourner depuis qu'ils ont quitté les armées.
Que pouvez-vous nous dire de plus s'agissant de l'extension de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie après le 2 juillet 1962 ?
Je l'ai évoqué tout à l'heure : le Premier ministre a donné son feu vert à la proposition de Mme la secrétaire d'État de procéder à cette extension. J'ai effectivement rappelé que nous en avions débattu à l'automne dernier. L'ensemble des auditions que j'ai reçues au cours de mes auditions soutenaient cet élargissement et je me dois de souligner combien cette unanimité est nouvelle. En effet, alors que j'avais eu l'occasion de travailler sur ce sujet il y a une dizaine d'années, j'avais constaté quelques désaccords. Les échanges que nous avons eus avec Bercy et le cabinet de Mme Darrieussecq nous ont permis de convaincre tout le monde de conduire une nouvelle évaluation budgétaire, alors que le débat en était un peu réduit à une bataille de chiffres. Au total, si l'on ajoute le coût des mesures fiscales associées au bénéfice de la carte, le coût de cette extension serait de 70 millions d'euros par an.
Les évaluations ont été conduites en effet et, comme je l'indiquais, il faut ajouter au coût budgétaire lié au versement de la retraite du combattant le coût de la demi-part fiscale dont bénéficient les titulaires de la carte du combattant au-delà de l'âge de 74 ans. Le coût total est ainsi estimé à environ 70 millions d'euros par an.
Je souhaiterais revenir sur la question de la prise en charge des militaires atteints de syndrome post-traumatique. Pourriez-vous m'indiquer si les familles font également l'objet d'un accompagnement ? De plus, les associations d'anciens combattants sont-elles en mesure de mener cet accompagnement spécifique ?
Un certain nombre d'associations conduisent des actions de solidarité. L'on peut ainsi citer Terre fraternité, présidée par le général Thorette, Solidarité défense, présidée par Claudie Haigneré, ou encore les Ailes brisées. Ces associations prennent en charge et accompagnent immédiatement les familles. S'agissant du budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », la dotation budgétaire de l'Institution nationale des invalides contribue notamment à financer cette prise en charge des blessés physiques et psychiques.
De manière plus large, je rappelle que les crédits budgétaires relatifs à la prise en charge de nos blessés sont inscrits à la mission « Défense ».
Mon intention était simplement de m'assurer qu'une prise en charge complète était proposée.
En guise de conclusion, j'aimerais attirer l'attention de chacun sur un point qui est souvent source de confusion. J'ai moi-même souvent commis l'erreur d'employer le terme de « victime » en parlant de nos militaires blessés. En échangeant avec nos glorieux aînés, j'ai réalisé combien c'était inapproprié. Ne faisons plus cette confusion. Ils meurent en héros, ils sont blessés de guerre. Blessés, ils espèrent avant tout retourner au feu, repartir au combat, et rejettent l'appellation de victime, qui se rapporte aux civils, notamment les victimes des attentats.
Je vous propose d'aborder maintenant l'exécution du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».
Je vais d'abord tracer un rapide bilan budgétaire, puis je formulerai une proposition qui, je l'espère, va vous séduire. (Sourires)
Pour la gendarmerie nationale, l'exercice 2017 analysé de manière globale tend à indiquer une exécution conforme aux prévisions. Les autorisations d'engagement consommées atteignent 8,84 milliards d'euros, témoignant d'une sous-réalisation de 0,4 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale, ce qui représente 37 millions d'euros. Les crédits de paiement consommés s'élèvent à 8,65 milliards d'euros environ, soit une sous-consommation de 0,3 %, équivalente à 25,6 millions d'euros.
Toutefois, cette vision « macro-budgétaire » masque des réalités opérationnelles et de gestion plus contrastées.
Les forces de sécurité intérieure ont à nouveau été fortement mobilisées en 2017. Outre un niveau de menace particulièrement élevé, il convient de rappeler les différents événements de sécurité publique qu'elles ont dû gérer avec efficacité, qu'il s'agisse de maintien de l'ordre ou de gestion de crise. Je pense par exemple aux opérations conduites après le passage de l'ouragan Irma aux Antilles.
Or, faute de crédits suffisants, notamment à la suite des annulations de crédits en cours d'exercice, des dépenses ont dû être reportées en 2018. L'un des faits majeurs de la gestion 2017 est ainsi l'annulation très significative de crédits mis en réserve, par le décret du 20 juillet 2017 : 90 millions d'euros en crédits de paiement, soit un taux d'annulation de 47 %. Le gestionnaire du programme a dû faire porter ces annulations sur des dépenses obligatoires et notamment les loyers, pour près de 51 millions d'euros. Cette opération a ainsi alimenté la fameuse « dette loyers » dont je vous ai déjà tant parlé, qui est apparue en 2016 et qui doit être progressivement résorbée, comme s'y est engagé le ministre de l'Intérieur. Elle atteignait 75,7 millions d'euros au 31 décembre 2017.
Ces annulations ont également touché les crédits de fonctionnement, mais également d'investissement, alors que la gendarmerie dispose de marges de manoeuvre très réduites en la matière. Elles ont ainsi affecté la réalisation des dernières annuités du plan de lutte contre le terrorisme et du pacte de sécurité, qui n'ont pu être mis en oeuvre en totalité.
Je souhaite toutefois m'extraire de la vision purement budgétaire à laquelle invite l'analyse d'une loi de règlement pour faire passer un message plus politique, et de plus long terme. Le niveau d'engagement des forces de sécurité intérieure est total. Il plaide donc, d'une part, pour que les ressources qui leur sont allouées soient prévisibles et, d'autre part, pour que ces ressources soient fermes. Du moins qu'elles ne fassent pas l'objet de mesures de gestion trop importantes, qui privent pratiquement les gestionnaires de tout levier d'action, notamment en matière de politique d'investissement.
Sachant que la notion d' « investissement » reste relative pour la gendarmerie. En effet, il s'agit notamment, d'une part, de renouveler des équipements indispensables à la conduite des missions – je pense en particulier aux moyens automobiles, et, d'autre part, d'assurer des conditions de vie décentes à nos gendarmes – je pense aux opérations de rénovation immobilière.
J'estime ainsi absolument indispensable que nos forces de sécurité intérieure puissent bénéficier d'une programmation de leurs ressources similaire à celle qu'offre la LPM à nos armées. Une loi de programmation pour la sécurité intérieure permettrait, d'une part, de préciser clairement le « contrat opérationnel » attendu de la part des forces de sécurité intérieure, dans une perspective pluriannuelle, et, d'autre part, de déterminer en conséquence le niveau des crédits nécessaires et de planifier les programmes d'équipement et d'investissement jugés indispensables.
Cette loi de programmation serait précédée d'une revue stratégique ou d'une commission du Livre blanc de la sécurité intérieure, qui associerait des parlementaires, l'ensemble des administrations concernées, des personnalités qualifiées et des chercheurs.
Un tel exercice permettrait de poser un diagnostic objectif et partagé. Au total, une telle loi de programmation constituerait un fort engagement juridique, à la fois budgétaire et opérationnel. Mais elle constituerait aussi et surtout un fort engagement politique, qui témoignerait de l'importance accordée aux forces de sécurité intérieure et qui donnerait la visibilité indispensable aux personnels et à leurs gestionnaires.
Je suis consciente du fait qu'une loi de programmation n'est pas une « assurance tous risques » et que, même une fois adoptée, il faut la défendre chaque année, à chaque budget. Mais la loi de programmation est un outil qui s'use que si l'on ne s'en sert pas. Le dernier exercice de ce type date de 2011 avec la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2.
À plus court terme, dans la perspective du budget pour 2019, il faudrait sans doute revoir les modalités d'application de la mise en réserve pour la mission « Sécurité ». Juridiquement, il semble compliqué d'exonérer totalement cette mission de la mise en réserve. Toutefois, au regard de la situation sécuritaire et du niveau d'engagement de l'ensemble des forces de sécurité publique, la future réserve devrait pouvoir être levée, au moins partiellement, dès le début de l'exercice 2019, afin de donner toutes les marges de manoeuvre nécessaires aux administrations concernées.
Ma question concerne les budgets alloués au logement et la façon dont les casernes sont construites. Il existe un rapport tripartite pour construire une caserne. Dans mon département, nous éprouvons actuellement des difficultés à accueillir des médecins du service de santé des armées du fait des difficultés à faire aboutir le projet de caserne. Comment pourrait-on faire avancer ce type de dossier ? Par ailleurs, je souscris totalement à la proposition formulée par la rapporteure.
De fait, ma proposition pourrait permettre de répondre en partie à ce type de préoccupations pour les forces de sécurité intérieure. Une loi de programmation faciliterait sans doute ce type d'opérations par la visibilité qu'elle conférerait.
Je veux saluer la communication de notre collègue. Concernant les annulations de crédits, il est intéressant que nous disposions d'éléments précis permettant d'apprécier les conséquences qu'elles ont produites, notamment sur les loyers. Je souscris tout à fait à l'idée d'une revue stratégique et d'une loi de programmation de la sécurité intérieure. La question qui se pose est la suivante : on peut certes inscrire des ressources dans une loi de programmation, mais cela ne signifie pas qu'elles seront fermes en termes de consommation. Je vois difficilement comment on pourrait mettre en place un tel mécanisme sans l'assortir d'une sorte de mission d'évaluation permanente.
C'est effectivement ce que j'ai souligné dans mon propos : cela supposerait d'intervenir chaque année à l'occasion des projets de loi de finances et de faire preuve d'une grande vigilance, avec des mécanismes de contrôle analogues à ceux prévus pour ce qui concerne la LPM. Je souligne à nouveau qu'une telle loi de programmation constituerait un fort engagement politique qui s'imposerait à tous les ministères.
Tous les élus que nous sommes, et notamment ceux qui ont exercé des responsabilités locales, savent qu'on ne peut pas s'exonérer de certaines règles d'exécution budgétaire. Il y a toujours des aléas de gestion qui font qu'on ne consomme pas systématiquement l'intégralité des crédits programmés. La mise en réserve est une technique utilisée par tout gestionnaire d'un budget, quelle que soit la forme qu'elle prend.
Je remercie notre rapporteure pour son intervention et je souscris totalement à sa proposition d'élaboration d'un Livre blanc sur la sécurité intérieure. Ma question a trait à une réalité locale : dans le golfe de Saint-Tropez, nous sommes particulièrement dépendants des renforts de moyens déployés en période estivale. Ainsi, la ville de Grimaud passe d'environ 4 000 habitants l'hiver à plus de 80 000 habitants l'été. Cette évolution s'observe pour chacune des douze villes du golfe de Saint-Tropez, sans parler de Bormes, du Lavandou ou encore du fort de Brégançon. Ma première remarque porte sur les renforts de gendarmerie mobile et de réservistes, sachant que beaucoup de potentiel a déjà été consommé dans le cadre des opérations conduites à Notre-Dame-des-Landes. Cela pose des difficultés opérationnelles s'agissant de la mobilisation des réservistes. Ma seconde remarque a trait au contrôle du logement des renforts, qui sont parfois accueillis dans des conditions assez spartiates. Quel contrôle pourrait être exercé dans ce domaine ?
Je me permets de rappeler que cette réunion a pour objet l'exécution du budget 2017. Certaines questions pourront être à nouveau posées dans le cadre de la préparation budgétaire 2019 ou lorsque nous auditionnerons les responsables de la gendarmerie. Essayons donc collectivement de nous en tenir à l'exécution budgétaire 2017.
S'agissant de la réserve, des mesures de gestion ont été mises en place pour répartir au mieux la ressource et garantir un déploiement des moyens nécessaires en période estivale. Concernant les logements et au-delà des réservistes, je rappelle que nous éprouvons déjà des difficultés à loger décemment les gendarmes d'active… C'est un sujet important que j'aborde systématiquement avec mes interlocuteurs. Si le président Bridey en est d'accord, nous pourrions auditionner la générale Anne Fougerat, commandant des réserves, avec laquelle nous pourrons évoquer ce problème.
Je remercie notre collègue pour sa communication et pour avoir rappelé le niveau d'engagement de nos gendarmes, dont nous avons pu constater le professionnalisme et le dévouement tout au long de l'année 2017. On peut donc d'autant plus regretter les annulations de crédits opérées en juillet 2017 qui ont des conséquences sur leurs capacités opérationnelles et leurs conditions de vie, alors même que les marges de manoeuvre étaient déjà très réduites. Aussi votre proposition est-elle tout à fait intéressante et opportune, en permettant de sanctuariser les budgets alloués à nos gendarmes. S'agit-il d'une proposition que vous formulez devant nous « en exclusivité », ou avez-vous eu l'occasion de l'évoquer avec la ministre des Armées et son cabinet ? S'agit-il en somme d'une proposition ferme ?
J'ai évoqué cette question avec le général Lizurey. Il s'agit à ce stade d'une réflexion, qui mérite naturellement d'être approfondie. Un tel mécanisme a déjà existé par le passé, il suffirait de s'inspirer de ce qui avait été mis en place.
Notre interlocuteur sera bien sûr le ministre de l'Intérieur et non la ministre des Armées.
Je félicite tout d'abord notre collègue pour le travail accompli. Il est toujours intéressant d'avoir le détail de la composition d'un budget et de son exécution. S'agissant de la proposition formulée et quitte à avoir une appréciation divergente, je suis pour ma part très sceptique sur la notion de loi de programmation pour les forces de sécurité intérieure.
La première raison tient à la structure des budgets. N'oublions pas que la programmation militaire est apparue essentiellement au travers des équipements de défense, avec des programmes qui étaient par nature très étalés dans le temps, qu'il s'agisse des sous-marins nucléaires ou encore du porte-avions. La programmation servait initialement à s'assurer que les ressources nécessaires à ces projets d'investissement extrêmement lourds seraient disponibles le moment venu. Tel n'est pas le cas pour ce qui concerne la gendarmerie. Il s'agit essentiellement de dépenses de fonctionnement, y compris en matière immobilière avec les loyers, puisque de nombreuses casernes sont en réalité la propriété de collectivités territoriales, communes ou syndicats intercommunaux. Les autres investissements concernent des véhicules, avec des commandes assez récurrentes.
Par ailleurs, chaque grand département ministériel veut sa programmation. Sous le gouvernement de Lionel Jospin, l'Éducation nationale voulait ainsi sa propre programmation. Mais à force de multiplier ce type de lois, on fige le budget de l'État et celui-ci perd la capacité de le réguler et de fixer ses priorités année après année. J'invite donc à une réflexion approfondie sur ce sujet.
Il s'agit d'un beau sujet d'échanges, mais nous n'allons pas épuiser le débat aujourd'hui. À ce stade, il s'agit d'une proposition de la rapporteure, qu'elle pourra approfondir si elle le souhaite.
Ma question porte sur les brigades territoriales de contact (BTC) expérimentées en 2017. Nous avons eu la chance d'en avoir en Mayenne. Elles répondent à une attente, notamment des élus locaux, de davantage de proximité avec les forces de l'ordre. Dispose-t-on d'une évaluation du coût que leur déploiement a représenté ? Ces BTC vont-elles être généralisées au regard de ce coût et de leur efficacité ?
Mon département compte également une BTC avec laquelle j'ai passé toute la journée de samedi dernier. J'ai pu en mesurer toute la plus-value et tous les aspects positifs, tant pour la population que pour la gendarmerie elle-même en termes, par exemple, de circulation de l'information et d'efficacité opérationnelle. Sur les aspects financiers, ces BTC ont été mises en place par des redéploiements des moyens existants et par la réorganisation de certaines missions.
Merci pour cette présentation. Je souhaite revenir sur la question immobilière, même si nous sommes moins dans la programmation des moyens à venir que dans l'exécution. Autant dans le cadre de la crise Irma la précarité des solutions de logement des gendarmes était partagée avec la population victime de l'ouragan, autant à Mayotte ou en Nouvelle-Calédonie l'augmentation en 2017 et 2018 des forces déployées pose la question du logement de manière structurelle. Quel en est l'impact budgétaire en 2017 et les prévisions en 2018 ? Quel est le poids des investissements immobiliers dans les territoires ultramarins ?
C'est un sujet que j'avais eu l'occasion d'évoquer avec le général Lambert Lucas, commandant de la gendarmerie d'outre-mer. Il s'agit d'un vrai problème, peut-être moins prégnant à Mayotte d'ailleurs, où les gendarmes partent souvent sans leurs familles.
Je me permets de revenir sur les redéploiements des effectifs sur le terrain. Pensez-vous que ceux-ci n'auront aucun impact budgétaire ? Au détriment de quelles missions ces redéploiements s'effectuent-ils ? Sur mon territoire, les gendarmes subissent de nombreuses contraintes administratives et il est bon qu'ils puissent revenir davantage sur le terrain pour revigorer la rencontre au quotidien avec les populations. Vous avez rappelé que cela permettait d'obtenir des renseignements « de base » supplémentaires. Mais vous pensez qu'il n'y aura pas d'impact budgétaire en 2018 ?
Les moyens à disposition de ces brigades de contact ne sont pas exceptionnels ou différents de ceux alloués à d'autres unités. On peut penser à NEOGEND, qui a vocation à profiter à l'ensemble des gendarmes. C'est ce que ces brigades utilisent au quotidien. S'agissant de celle présente sur mon territoire, les gendarmes qui la composent ont été affectés à cette mission de contact : ils étaient déjà en poste et ont simplement reçu l'instruction de s'investir dans ce type de brigades. Il s'agit de choix opérationnels qui ne supposent pas forcément l'affectation de moyens budgétaires particuliers. Je rappelle également qu'une « feuille de route » a été mise en place, qui a notamment consisté à supprimer un certain nombre de tâches administratives et à alléger certaines procédures. Il s'agit en tout état de cause de la priorité du général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale : que la gendarmerie soit au contact de la population. Personnellement, je souscris totalement à cette vision, et les retours sont d'ailleurs assez exceptionnels. S'il y a des précisions d'ordre financier à obtenir à l'avenir, je vous les communiquerai avec plaisir.
Je rappelle par ailleurs que le Gouvernement prévoit d'augmenter les effectifs des forces de sécurité intérieure à hauteur de 10 000 postes, soit 7 500 pour les policiers et 2 500 pour les gendarmes.
La population se partage à 50 % en milieu urbain et à 50 % en milieu rural. Or, les gendarmes ne bénéficieront que d'un quart des créations de postes.
Notre rapporteure avait déjà souligné ce point lors de la présentation du budget 2018. Nous pourrons poursuivre cet échange avec le ministre concerné mais, à ce stade, c'est bien une répartition 75 %-25 % qui est prévue.
Je remercie notre rapporteure et vous propose de passer à présent à la mission « Défense », en commençant par les crédits relatifs à l'armée de l'air.
À mon tour de me livrer à une analyse de l'exécution budgétaire 2017. En tant que rapporteur des crédits alloués à l'armée de l'air, je me concentrerai sur l'action 4 du programme 178, relative au financement de la préparation des forces aériennes.
Pour l'année 2017, on constate que les autorisations d'engagement consommées représentent 2,69 milliards d'euros, ce qui constitue une diminution de 12,1 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiales 2017 – 3,06 milliards d'euros.
Du côté des crédits de paiement, 2,3 milliards d'euros ont été dépensés, soit une augmentation de 11 % au regard des dispositions de la LFI 2017.
De manière plus fine, ces écarts s'expliquent notamment de la manière suivante.
Premièrement, l'opération stratégique « Activité opérationnelle » enregistre une surconsommation de 46,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 29,4 millions d'euros en crédits de paiement.
Cette hausse est notamment due à l'activité des vols à usage gouvernemental, les dépenses d'escale représentant à elles seules une hausse de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 8,5 millions d'euros en crédits de paiement. Je ne suis néanmoins pas en mesure de vous indiquer si ces vols ont eu lieu au cours du premier ou du second semestre de l'année 2017…
Au-delà, cette hausse s'explique par des dépenses plus directement liées à l'activité des forces. À titre d'exemple, l'augmentation des dépenses d'instruction et d'entraînement externalisées, à hauteur de 9,3 millions d'euros, notamment dans le cadre du programme FOMEDEC, dont la vocation est de moderniser la formation des pilotes de chasse, ou de la formation des opérateurs de drones.
Deuxièmement, l'opération stratégique « Entretien programmé des matériels », a concentré l'essentiel des écarts de consommation, avec, pour les flottes aériennes, une diminution de 211 millions d'euros en autorisations d'engagement et une hausse de 201,8 millions d'euros en crédits de paiement. On constate en particulier :
– à la baisse, la réduction du montant d'engagements pluriannuels, dont ceux concernant le simulateur A400 M, ce qui n'est pas sans poser question ;
– à la hausse, des surcoûts liés aux OPEX, des besoins supplémentaires au titre du remplacement de moteurs M88 du Rafale ou encore des crédits de soutien à l'export de cet appareil.
Troisièmement, l'opération stratégique « Équipements d'accompagnement » représente une hausse de 12,5 et 76,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, qui s'explique notamment par des surcoûts liés aux OPEX.
Mais au-delà de cet inventaire, il importe surtout d'évaluer la capacité de l'armée de l'air à conduire ses missions. Au 31 décembre 2017, seize avions de combat, deux systèmes de drone MALE, deux ravitailleurs C 135, sept avions de transport et deux hélicoptères de manoeuvre étaient déployés sur trois théâtres majeurs.
Ce niveau d'engagement exceptionnel est atteint au détriment d'une préparation opérationnelle cohérente et d'une régénération organique suffisante. Comme je l'indiquais déjà l'an dernier dans mon avis budgétaire, des pertes de compétences sont à craindre. Elles pourraient entraîner, à terme, une moindre capacité de nos aviateurs à conduire les missions qui sont leur sont confiées.
D'abord, la formation et l'entraînement sont pénalisés. À titre d'exemple, le niveau d'activité des pilotes de transport s'établit en 2017 à 219 heures de vol, soit 55 % de la norme prévue par la LPM, qui prévoyait 400 heures de vol.
Au-delà, la préparation opérationnelle est contrainte par le faible taux de disponibilité des flottes. Ainsi, la disponibilité technique opérationnelle des flottes de « transport tactique » n'était que de 60 % en 2017, contre une prévision de 74 %. Ces chiffres ne reflètent pas, par ailleurs, les importantes différences selon les aéronefs – CASA, C160, C130 H, A400M – comme selon les emplois entre la métropole et les OPEX.
Je profite de cette réunion pour informer que je rentre à peine d'un séjour en bande sahélo-saharienne (BSS), au cours duquel j'ai suivi, durant quatre jours, un équipage d'A400M au Tchad, au Burkina Faso, au Niger et au Mali. J'ai ainsi pu approfondir mes travaux relatifs à l'aviation de transport tactique et stratégique, à laquelle je consacrerai mon prochain avis budgétaire. J'ai aussi pu mesurer les difficultés opérationnelles issues de la faible disponibilité des matériels. J'ai hâte d'entendre la directrice de la nouvelle Direction de la maintenance aéronautique (DMAé), le 4 juillet prochain.
Le 4 juillet sera une grande journée Monsieur le président ! Nous entendrons la DMAé le matin et Mme la ministre l'après-midi !
Ainsi que la présentation des conclusions de la mission d'information sur la cybersécurité entre ces deux auditions.
Pour conclure, j'empiéterai, s'il le permet, sur le domaine « réservé » de mon collègue Jean-Charles Larsonneur : le programme 146.
Vous l'aurez compris, nous allons de nouveau parler d'un sujet qui me tient à coeur : le remplacement de l'un des deux Caracal détruits en opérations.
L'an dernier j'avais défendu un amendement permettant de financer l'acquisition d'un nouvel hélicoptère. La ministre m'avait demandé de retirer mon amendement au motif que la commande d'un Caracal était prévue au nombre des reprogrammations prévues en 2018. Or, il y a deux semaines, répondant à une question de M. Larsonneur en commission des Finances, Mme la ministre lui a indiqué que ce n'était pas à l'ordre du jour en 2018, et que rien n'était garanti pour l'année 2019. Chacun connaît l'importance de cet équipement pour les forces spéciales. Je ne manquerai donc pas de l'interroger à ce sujet lors de son prochain passage devant nous !
Vous avez indiqué que les pilotes de transport n'avaient effectué qu'un peu plus de la moitié des heures de vol prévues, principalement en raison de la faible disponibilité des aéronefs. Le MCO est-il ainsi seul en cause ou ce faible taux de réalisation s'explique-t-il également par le niveau d'engagement actuel ?
La disponibilité des aéronefs est l'une des raisons expliquant le faible nombre d'heures de vols réalisés. Mais vous avez raison, le fait que les équipages expérimentés soient très sollicités en OPEX ne leur permet pas d'effectuer en métropole les activités de formation. Les deux sont évidemment liés.
Ma question aurait pu être adressée à tous les rapporteurs pour avis de la mission « Défense ». Chacun a encore en mémoire la petite controverse de l'an dernier autour du décret d'avance de juillet 2017 et de l'annulation de 850 millions de crédits d'équipement. Dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes indique que ce décret représente des « reports d'engagement significatif » et engendre « des impacts physiques de réduction des équipements livrés aux forces ». La ministre nous a indiqué que les conséquences étaient relativement limitées. Les rapporteurs ont-ils pu observer ces conséquences ?
Cher collègue, je ne voudrais pas continuer à empiéter sur le programme 146 dont est en charge M. Larsonneur. Je vous propose de l'interroger directement. En ce qui concerne l'armée de l'air, il y a eu plusieurs impacts, notamment le report du programme de rénovation des Mirage 2000D.
La ministre a eu l'occasion à plusieurs reprises d'expliquer la répartition de ces 850 millions d'euros. Une partie concerne le report de contributions à l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAr) ou à d'autres organismes ; une autre partie a nécessité de différer des programmes. Elle ne s'en est pas cachée, vous pourrez l'interroger à nouveau.
Est-il vrai que le taux de disponibilité de nos avions est de 25 % sur le territoire national aujourd'hui, notamment en raison de sous-investissements chroniques ? Après les attentats de 2015, nous avions collectivement pris des engagements de renforcement de notre sécurité et un tel taux de disponibilité est significatif. Si vous me permettez d'être taquin, je rappellerai que le montant de nos versements à l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) représente 160 millions d'euros alors qu'on pourrait peut-être consacrer ce montant à d'autres sujets.
Pour conclure, j'aimerais savoir si notre collègue, qui est passé rapidement sur le sujet par souci d'efficacité, avait de plus amples informations concernant l'augmentation des vols gouvernementaux. Si j'ai bien noté, cela correspond à 10 millions d'euros supplémentaires et il me semble qu'en tant que parlementaires, nous pourrions en débattre sereinement. Il ne s'agit pas d'incriminer le Gouvernement actuel alors même que l'exécution de l'année 2017 n'est pas de son entière responsabilité !
La somme n'est pas anodine nous pouvons en discuter et éventuellement interroger le Gouvernement.
Cela signifie-t-il que vous n'avez pas obtenu ces informations ? Vous les a-t-on refusées ?
Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Je ne dispose simplement pas d'éléments plus précis que ceux figurant dans le rapport annuel de performance.
Concernant la disponibilité des aéronefs, il n'y a pas de taux unique. Le niveau de disponibilité dépend du type d'avion. Par exemple pour les CASA, elle peut être moins importante parfois. Mais j'ajouterai que les niveaux de disponibilité dépendent du théâtre. En OPEX, la disponibilité est relativement satisfaisante. Les forces spéciales, quant à elles, ne rencontrent pas de réelles difficultés car, dans une certaine mesure, elles bénéficient d'une sorte de traitement particulier bien compréhensible. Mais la disponibilité varie aussi d'un mois à l'autre sur une même flotte en fonction de l'engagement des avions en OPEX et du travail des mécaniciens. Vous retrouverez tous ces éléments de manière détaillée dans mon prochain rapport.
Mon intervention s'inscrit dans la droite ligne de celle de Joaquim Pueyo. Je souhaite simplement faire remarquer, sans en faire grief, que la présentation « programme par programme », indispensable par ailleurs, ne permet pas de se faire une idée de l'exécution d'ensemble du budget de la mission « Défense » en 2017. Il me semble que nous devrions aussi conduire ce travail. Bien sûr, il nous faut regarder les choses dans le détail, « programme par programme », c'est incontestable. Mais il nous faudrait aussi savoir quelles ont été les répercussions de l'annulation de 850 millions de crédits, à quoi ont été consacrés les 700 millions d'euros dégelés en décembre 2017 – la ministre nous en avait parlé mais il faudrait connaître le détail – ainsi que le report de charge sur 2018 de 3,15 milliards d'euros.
Elle a en partie déjà répondu. Je vous invite à relire les comptes rendus, à moins que vous ne souhaitiez toujours poser les mêmes questions. La ministre vous a déjà indiqué que les 700 millions avaient été dépensés en 24 heures, ce que le délégué général pour l'armement vous a, me semble-t-il, confirmé. Concernant les 850 millions, elle a déjà eu l'occasion de répondre. Quant au report de charge, c'est plus compliqué et c'est plutôt au DGA de vous répondre. J'en prends d'ailleurs bonne note en vue de sa prochaine audition.
Permettez-moi de compléter la réponse sur le non-remplacement du Caracal. J'avais effectivement interrogé la ministre à ce sujet à l'occasion du premier rendez-vous du « printemps de l'évaluation », reprenant l'excellente préoccupation de M. Ferrara. Nous verrons effectivement ce qu'il est possible de faire en 2018-2019. Néanmoins, la ministre a d'ores et déjà indiqué que six hélicoptères Caïman seraient adaptés aux besoins opérationnels des forces spéciales. Il y a un premier effort qui est conduit en la matière.
Très bien, je le note, mais je ne lâcherai pas l'affaire cher collègue. (Sourires). Pas pour moi, pour eux sur le terrain.
Tourné vers l'avenir, l'objectif du programme 144 est de fournir les outils matériels et immatériels qui permettent de dessiner à long terme la défense de notre pays et bénéficient à l'ensemble des forces. Les moyens pour remplir cette mission sont divers : renseignement, analyse stratégique, prospective des systèmes de force, études amont, subvention à des instituts de recherche et aux écoles sous tutelle de la DGA, relations internationales et diplomatie de défense.
En 2017 le taux d'exécution des autorisations d'engagement est inférieur de 7,6 % aux crédits ouverts de 1,54 milliard d'euros. En revanche les crédits de paiement, soit 1,37 milliard d'euros ont été consommés quasiment à l'euro près.
Le renseignement est une priorité depuis plusieurs années déjà et a bénéficié de crédits en croissance de 20 % durant la période 2014-2017. Au sein du programme, le renseignement, qui englobe la DGSE et la DRSD, présente une surconsommation de 25 % en crédits de paiement, principalement imputable à la DGSE. En effet, les actions engagées depuis 2014 ont été poursuivies en 2017, afin de prendre en compte l'augmentation de ses effectifs en matière de renseignement humain et de cyber et, par répercussion, celle des investissements immobiliers et des dépenses de fonctionnement courant. Les investissements réalisés par le service ont par ailleurs bénéficié de mouvements en gestion de 71 millions d'euros, soit le quart de ses ressources.
La DRSD a poursuivi elle aussi, sans impact budgétaire notable, sa modernisation avec, parmi d'autres opérations, le renforcement de la sécurisation et du chiffrement de ses réseaux de transmission et de télécommunications et la création d'un service d'anonymisation de la navigation opérationnelle sur Internet.
Les études amont, qui sont la principale composante du programme, avec 856,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 720,4 millions d'euros en crédits de paiement, ont fait l'objet d'une sous-consommation de ces montants à hauteur respectivement de 15 et 5 %. Toutefois avec une réalisation de 731 millions d'euros en autorisations d'engagement, les études amont restent dans la trajectoire budgétaire fixée sous la précédente législature.
Cette sous-consommation s'explique par plusieurs facteurs. Le déroulement des études amont n'est pas linéaire et connaît des ajustements à la marge : certaines prennent du retard, d'autres voient leur définition revue en cours de projet ou encore sont reportées à l'année suivante. Tous les domaines ont été touchés par la sous-réalisation hormis l'opération budgétaire « Terrestre, NRBC et santé » dont la consommation d'autorisations d'engagement a augmenté de 52 %. Parmi les travaux de ce groupe, on peut citer des études portant sur la protection active de blindés médians et lourds, sur un anticorps contre la maladie du charbon ou la validation de protection auditives de nouvelle génération. En matière aéronautique, il n'a pas été possible de lancer la phase suivante du projet FCAS-DP en 2017 en raison de l'état d'avancement des travaux, bien que la coopération franco-britannique se poursuive.
Pour ce qui concerne le soutien à l'innovation, 26 nouveaux projets ASTRID ont été lancés. Le dispositif RAPID a disposé quant à lui d'un financement de 50 millions d'euros conformément au pacte DéfensePME, via un transfert du programme 144 vers le programme 192.
Cette sous-réalisation budgétaire en matière d'études amont ne doit pas laisser penser que les besoins sont satisfaits. Bien au contraire, le besoin s'adapte depuis des années à la ressource budgétaire contrainte et la future LPM, qui prévoit de porter graduellement les crédits d'études amont à un milliard d'euros, apportera enfin l'oxygène nécessaire au dynamisme de la recherche de défense et à l'innovation.
Distinct des études amont, le Centre d'analyse technico-opérationnel de la défense (CATOD), qui constitue pour ainsi dire une interface entre les armées et la DGA, a connu une réforme importante dont le retentissement a été positif sur la consommation d'autorisations d'engagement, celle-ci dépassant de 11 % la ressource initiale.
Dans l'avis budgétaire portant sur la loi de finances 2018, j'avais souligné l'importance de ne pas négliger les sciences humaines, qui sont souvent le parent pauvre de la recherche de défense. La direction générale des relations internationales et de la stratégie a entrepris depuis 2015 une profonde réforme de la contractualisation, en étendant la durée des études afin de fidéliser les chercheurs de haut niveau et de disposer d'un vivier d'experts à la hauteur des enjeux. D'autres projets, tels que le pacte enseignement supérieur, se poursuivent. Ainsi la plus petite action de ce programme, dotée de 6,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 4,5 millions d'euros en crédits de paiement, a enregistré une surconsommation de 72 % de ses autorisations d'engagement.
En ce qui concerne les instituts de recherche et les écoles sous tutelle de la DGA, la surconsommation atteint 4 % tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement. Elle s'explique notamment par un versement exceptionnel de 10 millions d'euros à l'ONERA en raison de l'absence de crédits du programme d'investissements d'avenir inscrits au contrat d'objectifs et de performance de l'office.
En matière de relations internationales et diplomatie de défense, la sous-réalisation des crédits est de 10 % en autorisations d'engagement et crédits de paiement. Elle est principalement due à la sous-estimation de déductions fiscales dans le cadre de la contribution versée à la République de Djibouti selon le traité de coopération entré en vigueur en 2014.
On peut se réjouir de l'augmentation de la consommation de crédits en matière de prospective notamment en ce qui concerne les think tanks ou les fondations, par exemple. Il serait d'ailleurs souhaitable que certains organismes atteignent une taille plus critique au sein de cet écosystème et que l'on évite le saupoudrage de crédits. En revanche, comment analysez-vous la baisse de la consommation des crédits consacrés aux études amont ? Est-ce parce que l'on est arrivé au terme d'une programmation fixée dans le cadre de la précédente loi de programmation militaire, cela relève-t-il d'un rythme cyclique ou bien s'agit-il d'un manque de projets, ce qui serait plus inquiétant ?
Il ne s'agit pas du tout d'un manque de projets mais, comme vous l'avez dit, d'un déroulement cyclique. Certains projets sont arrivés à leur terme. Les 731 millions d'euros ont été correctement utilisés.
Les crédits d'études amont n'étant déjà pas très élevés par rapport à d'autres pays, un ralentissement des consommations pourrait devenir préoccupant.
L'utilisation des crédits a été conforme au document d'orientation des travaux relatifs à la science et la technologie (DOST), déterminant les orientations en matière d'études amont.
Il ressort de votre analyse qu'il existe une compétition entre les centres de recherche, notamment avec nos voisins. La consommation de crédits affectés à la recherche est-elle comparable chez nos voisins ? Sont-ils plus efficaces concernant la commande d'études ? Je pense en particulier à l'ONERA.
Comme je vous l'ai indiqué, un abondement de crédits de dix millions d'euros a été nécessaire afin de rétablir l'équilibre de la trésorerie de l'ONERA. Ses compétences ont été prises en considération. La réorganisation de l'office et son dynamisme justifient pleinement ce soutien financier et, au regard des ressources de nos voisins, nous avons la chance de disposer des capacités de l'ONERA, sans oublier celles de l'Institut Saint-Louis. Pour ce qui est de chiffres concernant la recherche dans d'autres pays, je ne suis pas en mesure de vous répondre mais cela peut faire l'objet d'une étude dans le cadre d'un futur avis.
Il me revient de vous présenter le résultat de l'exécution budgétaire 2017 pour les crédits consacrés à l'équipement des forces et à la dissuasion.
Avant tout, je tiens à souligner l'intérêt de notre réunion de ce matin, et à remercier le président Bridey de l'avoir organisée. En effet, s'il est un budget dont l'exécution en 2017 n'a pas été un long fleuve tranquille, c'est bien le programme 146 « Équipement des forces ». Cela rend d'autant plus nécessaire un examen objectif, à froid, des mesures prises à la suite de l'annulation de 850 millions d'euros de crédits de paiement sur le programme 146.
Le ministère des Armées s'est attaché à en minimiser l'impact « physique », c'est-à-dire son impact concret sur l'équipement des forces. Pour ce faire, il a conduit une manoeuvre budgétaire suivant deux axes.
Premier axe, il s'est employé à « lisser » cet impact. Il a ainsi étalé sur les exercices 2017 et 2018 les mesures prises pour réduire ses besoins de financement. Concrètement, cela signifie que les décalages d'autorisations d'engagement nécessaires pour réduire ses besoins de crédits de paiement ont été calibrés de façon à ce que, sur les 850 millions d'euros annulés, 350 millions d'euros portent sur l'exercice 2018.
Deuxième axe, le ministère a fait en sorte que pour 2017, l'annulation soit amortie autant que possible par des mesures de portée financière et non de portée physique. Il a pris deux séries de mesures en ce sens.
D'une part, il a réduit ses versements à la trésorerie d'organismes de coopération internationale, comme nous l'évoquions il y a quelques instants. Dans le détail, ces ajustements ont permis d'économiser 200 millions d'euros sur la participation de la France à la trésorerie de l'agence de l'OTAN chargée du programme NH 90, 30 millions d'euros sur notre contribution à l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement, et 100 millions d'euros sur le fonds de concours du programme de capacité d'observation spatiale dit Multinational Space-Based Imaging System, ou MUSIS. Bien sûr, comme le dit la Cour des comptes, il faudra veiller à ce que ces organismes ne se trouvent pas gravement à court de trésorerie ; mais il semble que, pour l'heure, ce soit loin d'être le cas. Au total, cette série de mesures a donc permis d'absorber 330 des 850 millions d'euros annulés.
D'autre part, outre ces ajustements de trésorerie, le ministère a pu différer 200 millions d'euros de paiements au titre de programmes qui avaient pris du retard. Ce sont ainsi 330 plus 200 soit 530 millions d'euros d'annulations qui ont pu être amortis sans aucun effet « physique », soit près des deux tiers de l'annulation totale.
Restaient 320 millions d'euros d'économies à trouver. Pour réduire d'autant ses besoins de paiements, le ministère a mis en oeuvre trois séries de mesures. D'abord, il a reporté des commandes prévues en 2017. Ensuite, il a renégocié des contrats avec les industriels, pour 83 millions d'économies en 2018. Enfin, il a décalé de quelques mois des commandes faites en 2018, ce qui permet de reporter des besoins de crédits paiement au-delà.
Ont ainsi été aménagés la commande de la logistique des FTI, des travaux de levée de risque du standard F4 du Rafale, ou encore la troisième tranche conditionnelle du programme de rénovation des Mirage 2000. Les effets physiques de ces commandes sont certes réels, mais limités et différés.
Pour conclure, deux points très rapides. D'abord, comme j'ai tenu à le souligner devant nos collègues de la commission des Finances, il faut saluer le professionnalisme de la direction générale de l'armement. Non seulement parce qu'elle a su minimiser l'impact physique de l'annulation de crédits de juillet 2017, mais surtout parce qu'elle a su faire bon usage des 700 millions de crédits qui n'ont été dégelés que quatre jours ouvrés avant la fin de l'exercice. Que n'auraient dit certains si ces 700 millions d'euros dégelés in extremis n'avaient pas pu être consommés en un temps si court !
Ensuite, alors que la commission mixte paritaire réunie hier ouvre la voie à une adoption rapide d'une nouvelle loi de programmation militaire, il faut tirer les leçons de cette exécution de 2017. Pour ma part, j'en retire la conviction que ce qui n'est pas correctement réglé en programmation finit immanquablement par se payer en gestion. Et, à cet égard, l'exercice 2017 nous montre bien que sous-budgéter les surcoûts d'OPEX, ou opérer des gels très conséquents au titre de la réserve de précaution, constituaient des vulnérabilités pour la gestion de l'exercice budgétaire. On ne peut donc que se féliciter de ce que l'exercice 2018 ait « sincérisé », comme on dit, les mises en réserve, et que la nouvelle loi de programmation militaire vienne consolider le financement des OPEX.
Quelle appréciation portez-vous sur le texte de la loi de programmation militaire 2019‒2025 issu des travaux de la commission mixte paritaire, qui s'est réunie hier ? Rendre plus réaliste le montant fixé par les lois de finances au titre de la provision pour surcoûts liés aux OPEX ne devrait-il pas permettre de lever des aléas dans l'exécution et la gestion du budget du ministère des Armées ?
Cette sincérisation de la provision destinée à couvrir les surcoûts liés aux OPEX est en effet une bonne chose. Le montant retenu est cohérent avec ce que l'on peut prévoir de nos engagements extérieurs futurs. Bien entendu, si ces surcoûts excédaient le montant de cette provision, même après le relèvement de celui, il pourra toujours être fait appel à un mécanisme de financement interministériel pour couvrir ce surplus. L'équilibre retenu par le projet de loi de programmation militaire me semble donc réaliste et soutenable.
C'est à très juste titre que le rapporteur pour avis a dit que l'exécution du programme 146 n'a pas été un long fleuve tranquille en 2017. D'ailleurs, l'expérience des années passées montre que l'exécution de ce programme n'en a jamais été un. En effet, par nature, les ajustements budgétaires décidés en cours d'année portent principalement sur les dépenses d'investissement, qui constituent l'essentiel de ce programme.
Quant aux analyses de la Cour des comptes, en dépit du grand respect que mérite cette institution, je relève un paradoxe : lorsque le Gouvernement n'opère pas d'ajustements budgétaires à la baisse en cours d'année pour assurer le respect de la trajectoire budgétaire définie par la loi de finances, elle proteste ; mais quand il en opère, comme tel a été le cas en juillet dernier, elle proteste également, critiquant les effets de report que cela induit.
Vous avez tout à fait raison, mon cher collègue, de souligner que l'exécution du programme 146 n'est jamais un long fleuve tranquille. Ainsi, entre 2011 et 2017, ce sont trois milliards d'euros qui ont été annulés sur ce programme. Il faut donc remettre l'exercice 2017 dans cette perspective, qui débouche justement sur une nouvelle période de programmation militaire marquée par un effort de sincérisation de ces budgets.
Ayant été longtemps rapporteur pour avis des crédits de la dissuasion et de l'équipement des forces, je tiens à ajouter que le report de charges du ministère, qui dépasse trois milliards d'euros, résulte lui-aussi en majeure partie du cumul d'annulations de crédits de paiement sur le programme 146. On peut donc se féliciter à cet égard de ce que le projet de loi de programmation militaire prévoit de réduire ce report de charges. Cette réduction n'ira peut-être pas sans difficultés, mais elle est nécessaire.
Rapporteur des crédits de l'armée de terre, je me suis attaché moi aussi à suivre de près l'exécution du budget de cette armée pour l'exercice 2017, conjointement avec notre collègue Sereine Mauborgne. Je voudrais vous présenter certains éléments de contexte, et au-delà des questions purement budgétaires, analyser les résultats de cette gestion sous l'angle de la capacité opérationnelle de l'armée de terre. Nous, élus, savons bien qu'un budget n'est qu'un moyen, la finalité étant bien l'effet opérationnel recherché, en l'espèce l'atteinte par l'armée de terre des objectifs que lui assignent son contrat opérationnel, pour la protection des Français et des intérêts de la Nation.
Concernant le contexte de l'exécution budgétaire en 2017, il a été marqué, pour l'armée de terre, par plusieurs éléments importants. Premièrement, un niveau d'engagement opérationnel intense, tant sur le territoire national, avec l'opération Sentinelle, que sur des théâtres extérieurs, dans la bande sahélo-saharienne, en République centrafricaine, au Liban, en Irak, ou en Europe de l'est.
Deuxièmement, 2017 a vu la mise en oeuvre du plan de réforme du système de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres. Celui-ci s'est traduit notamment par la conclusion de marchés globaux de soutien en service, avec obligation de résultat pour l'industriel, que ce soit en termes de délai de réparation et de livraison de pièces.
Troisièmement, la manoeuvre de recrutement décidée en 2015, avec le pacte de sécurité, a été achevée en 2017. Avec encore 14 000 recrutements en 2017, la force opérationnelle terrestre a fini sa remontée en puissance, ses effectifs passant de 66 000 à 77 000 hommes. Comme nous l'a souvent rappelé ici le chef d'état-major de l'armée de terre, il s'agit d'un retournement de tendance majeur par rapport aux déflations d'effectifs et aux fermetures d'emprises des années précédentes. L'armée de terre a su s'y ajuster, en densifiant ses implantations ; concrètement, cela a souvent consisté à créer une cinquième compagnie d'active dans un régiment.
Quatrième élément de contexte marquant en 2017 : un effort de reprise de la préparation opérationnelle, indispensable pour que la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre soit non seulement quantitative, mais aussi qualitative.
Tout cela se traduit dans l'exécution budgétaire. Ainsi, l'activité opérationnelle plus soutenue que prévu a nécessité des redéploiements d'autorisations d'engagement en faveur des équipements d'accompagnement et de cohérence, notamment pour remettre à niveau les stocks de munitions. Un des cas les plus emblématiques est celui des stocks d'obus de nos soixante-dix-sept canons CAESAR ; alors qu'il y a quelque temps, certains s'interrogeaient sur la place de l'artillerie dans les opérations terrestres, ils se sont avérés très utiles en Irak. De même, l'usure prématurée des équipements en OPEX s'est traduite par un besoin accru de crédits d'entretien programmé du matériel. Les mouvements réglementaires de crédits ont permis de couvrir ces besoins au fil de l'exécution budgétaire.
Comme je vous le disais en introduction mes chers collègues, j'ai cherché à me poser non seulement la question des moyens alloués à l'armée de terre, mais aussi celle de ses résultats opérationnels : la gestion a-t-elle été efficace pour l'armée de terre, que je présente souvent comme l'armée du sang versé ? Les objectifs fixés par les annexes au projet de loi de finances sont-ils atteints ? J'ai étudié plusieurs indicateurs.
D'abord, l'armée de terre est-elle capable de remplir son contrat opérationnel pour une intervention de coercition majeure, c'est-à-dire déployer une force de 15 000 hommes et son équipement complet ? Oui, à 85 %. Ce taux remonte, après une chute à la suite du déclenchement de l'opération Sentinelle : on en était alors à 70 %. Mais il est inférieur aux prévisions initiales pour 2017, qui visaient 90 %, signe du caractère encore très progressif de la reprise de la préparation opérationnelle.
Autre indicateur : l'armée de terre peut-elle honorer son contrat opérationnel de gestion de crise, c'est-à-dire tenir son dispositif d'alerte sur le territoire national et engager jusqu'à 7 000 hommes sur deux ou trois théâtres ? Sur ce plan, l'armée de terre est disponible et opérationnelle à 100 %, contre 90 % en 2016. Les renforts d'effectifs y ont contribué, en permettant notamment de réarmer en 2017 l'échelon national d'urgence. J'ai pu mesurer lors de mon récent déplacement en République centrafricaine l'utilité de tels dispositifs de réaction rapide. Le contingent limité que nous y entretenons permet de faire face rapidement à une crise, jusqu'au déploiement de renforts.
Troisième et dernier indicateur : la préparation opérationnelle. Malheureusement, celle-ci avait un peu servi de variable d'ajustement lors du déploiement de l'opération Sentinelle. La remontée en puissance de l'armée de terre permet un redressement de ces activités, dont le volume a progressé de 13 % par rapport à 2016. Mais les résultats restent encore en deçà des objectifs, avec 81 jours de préparation opérationnelle par homme au lieu de 90. Il faut cependant reconnaître que malgré la hausse des effectifs, qui permet de rétablir un équilibre plus satisfaisant dans l'activité de la force opérationnelle terrestre, la reprise de la préparation opérationnelle reste entravée par la faible disponibilité des parcs de matériels d'entraînement. S'agissant en outre de l'aviation légère de l'armée de terre, là aussi, la préparation opérationnelle reprend, avec une progression de 9 % du nombre d'heures de vol par pilote, mais demeure inférieure de 7 % aux objectifs.
Enfin, dernier indicateur, la disponibilité technique opérationnelle de nos matériels présente encore des fragilités. Si celle des matériels roulants se redresse, même pour les matériels les plus rustiques comme les camions GBC 180, deux points d'attention demeurent : la disponibilité des canons de 155 mm, très employés en Irak, et celle des hélicoptères. En la matière, je relève notamment que la disponibilité des hélicoptères de manoeuvre s'élève à 40 % à peu près, soit 20 % de moins que l'objectif fixé. Mon collègue Olivier Becht et moi-même avons pu le constater sur le terrain il y a quelques jours, lors d'un déplacement au 1er régiment d'hélicoptères de combat.
Je tiens à remercier notre collègue Thomas Gassilloud pour cet excellent rapport. Ce travail d'évaluation de l'exécution de la loi de finances ne permet toutefois pas d'étudier un enjeu majeur pour la bonne gestion et le bon fonctionnement de l'armée de terre : la fidélisation des militaires que nous recrutons et dans la formation desquels nous investissons. En effet, si ces soldats quittent l'institution après un nombre réduit d'années de service, nous ne tirons pas le meilleur parti possible de cet investissement. Or on observe une baisse de l'attractivité du métier des armes. Les indicateurs disponibles permettent-ils d'étudier cette difficulté ?
Par ailleurs, les éléments de comptabilité analytique ou les indicateurs de performance disponibles permettent-ils d'évaluer avec précision l'évolution des conditions de vie des militaires de l'armée de terre. Les « points noirs » dans nos infrastructures sont bien identifiés et un plan d'action a été annoncé, assorti de crédits. Ceux-ci ont-ils été bien consommés ?
Pour répondre avec précision à vos questions, Monsieur Bazin, il faudrait que la nomenclature budgétaire permette de suivre chaque armée en tant que telle, mais cette nomenclature est largement interarmées.
Pour ce qui est des conditions de vie des militaires, elles sont financées par le programme 212 « Soutien de la politique de défense » dont le rapporteur pour avis est notre collègue Claude de Ganay. De façon générale, il faut reconnaître que les dépenses d'infrastructures ont servi de variable d'ajustement budgétaire pendant de nombreuses années. Cela s'est traduit par un sous-investissement chronique d'autant plus pénalisant pour l'armée de terre que celle-ci, contrairement à la gendarmerie, ne peut pas s'appuyer sur les collectivités territoriales pour le financement de ses casernes. D'ailleurs, quand j'étais maire, j'ai financé une nouvelle caserne de gendarmerie, à la grande satisfaction des intéressés. Sous réserve de toute précision que pourrait nous apporter notre collègue Claude de Ganay, un effort d'investissement a été consenti ces dernières années en faveur des infrastructures, mais il a coïncidé avec l'augmentation des effectifs, qui a accru soudainement les besoins de l'armée de terre en matière d'infrastructures et créé de ce fait de nouvelles tensions dans la gestion de celles-ci.
Pour ce qui est de la fidélisation des militaires de l'armée de terre, la direction des ressources humaines de cette armée l'étudie avec attention. Les difficultés en matière de fidélisation des militaires tiennent en partie au fait que les engagés, contrairement à leurs aînés, n'ont pas le temps du service militaire pour découvrir la réalité du métier de soldat et s'engager à titre professionnel en pleine connaissance de cause. De plus, peut-être a-t-on un peu « survendu » ce métier dans les campagnes de publicité pour le recrutement afin d'atteindre les ambitieux objectifs de recrutement fixés à partir de 2015. Je crois qu'aujourd'hui, les centres d'information et de recrutement présentent le métier des armes de façon plus réaliste aux jeunes qui envisagent un engagement.
L'effort budgétaire consenti en 2017 en matière de préparation opérationnelle est-il suffisant au regard des exigences des opérations extérieures actuelles ?
Le chef d'état-major de l'armée de terre reconnaît lui-même que la remontée en puissance rapide a d'abord été conduite dans une approche plus quantitative ‒ il fallait recruter, ce qui constituait déjà une manoeuvre ambitieuse ‒ que qualitative. Le niveau de compétence professionnelle des militaires tient à la qualité de leur formation, tant initiale que continue, c'est-à-dire la préparation opérationnelle tant « métier » qu'interarmes. Le projet de loi de programmation militaire permet de redresser progressivement les indicateurs de préparation opérationnelle, suivant des modalités bien exposées par le président Bridey dans son rapport sur ce projet de loi. Ainsi, avec la prochaine programmation militaire, nous sommes en bonne voie.
Lors du déplacement de la commission au salon Eurosatory la semaine dernière, nous avons pu nous faire présenter de nombreux types de drones, de robots et d'autres d'équipements innovants. Dans le même temps, on s'aperçoit que nos matériels actuels s'usent plus rapidement que prévu du fait de l'intensité de leur emploi en OPEX. On s'aperçoit donc que l'armée de terre doit faire face à deux défis à la fois : entretenir ses matériels actuels et intégrer les nouvelles technologies. Votre analyse des perspectives budgétaires vous donne-t-elle à penser que l'armée de terre a les moyens de relever les deux défis dans un délai raisonnable ?
Votre question nous renvoie à celle de l'articulation du temps court et du temps long dans les programmes d'équipement de nos forces. Un programme de haute technologie, comme SCORPION, est en réalité en maturation depuis le début des années 2000 ; le programme de Main Ground Combat System que nous lançons aujourd'hui doit se traduire dans l'armement de nos forces vers 2035. Ainsi, l'évolution technologique s'inscrit dans le temps long. Et pourtant, les développements technologiques connaissent aussi des avancées suivant des cycles courts, à tel point que pour nombre de sujets, 2017 paraît presque loin. L'armement des drones, l'accent mis sur l'acquisition de robots et d'autres annonces faites depuis l'université d'été de la défense en septembre dernier donnent une impression d'accélération. S'agissant par ailleurs de l'usure prématurée de nos matériels terrestres en OPEX, l'accélération du programme SCORPION paraît plus nécessaire que jamais.
Information relative à la commission
La commission a désigné M. Jean-Jacques Ferrara membre de la mission d'information relative à la prochaine génération de missiles anti-navires, en remplacement de M. Patrice Verchère.
La séance est levée à onze heures vingt-cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Damien Abad, M. Louis Aliot, M. François André, M. Jean-Philippe Ardouin, M. Didier Baichère, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Ian Boucard, M. Jean-Jacques Bridey, M. Philippe Chalumeau, M. Alexis Corbière, M. Stéphane Demilly, Mme Marianne Dubois, M. M'jid El Guerrab, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Jean-Michel Jacques, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Fabien Lainé, Mme Frédérique Lardet, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Christophe Lejeune, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, M. Pacôme Rupin, M. Antoine Savignat, M. Thierry Solère, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Nicole Trisse, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière
Excusés. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Florian Bachelier, M. Xavier Batut, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Luc Carvounas, M. André Chassaigne, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Françoise Dumas, M. Philippe Folliot, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Christian Jacob, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Didier Le Gac, M. Jacques Marilossian, M. Franck Marlin, M. François de Rugy, Mme Sabine Thillaye
ANNEXES
Communication de M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis sur les crédits de soutien et logistique interarmées
J'ai été désigné par notre commission rapporteur pour avis sur un ensemble de crédits transversaux, consacrés au soutien et à la logistique interarmées lato sensu. Cet ensemble représente environ 10 milliards d'euros, soit près d'un tiers des crédits de la mission « Défense ». Il inclut les crédits provisionnés au titre des surcoûts pour les missions intérieures (MISSINT) et opérations extérieures (OPEX) – qui constituent un élément clé de l'équilibre budgétaire de la mission « Défense » – mais aussi des crédits consacrés à la politique immobilière, aux aides sociales, à la masse salariale, ou encore aux bases de défense : autrement dit, des crédits déterminants pour la condition du personnel.
Dans mon avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2018, j'avais déjà souligné plusieurs aspects critiquables dans la conception et l'exécution de la loi de finances pour 2017.
Cette loi de finances était en effet fragilisée d'emblée par deux insuffisances.
Comme je l'ai souligné dans mon rapport pour avis à l'automne dernier, la décision prise par le président de la République lors du Conseil de défense d'avril 2016 de renforcer les capacités de renseignement, les capacités de protection du territoire national et de revaloriser plusieurs indemnités pour les militaires engagés en opérations intérieures ne s'est pas accompagnée d'une augmentation des crédits correspondants dans le projet de loi de finances. Ce projet n'a pas davantage été amendé par le Gouvernement – seul autorisé à aggraver une charge publique – au cours de la discussion au Parlement.
Ensuite, la provision au titre des surcoûts des OPEX et des MISSINT (491 millions d'euros) a été, une nouvelle fois, sous-évaluée alors même que l'engagement de nos forces atteignait des niveaux inégalés (1 259 millions d'euros en moyenne sur les trois années précédentes). Le coût des OPEX a ainsi atteint 1 330 millions d'euros en 2017 tandis que celui des MISSINT atteignait 213 millions d'euros. Conformément à l'article 4 de la loi de programmation militaire 2014-2019 actualisée, le besoin de financement additionnel de 1 008 millions d'euros a été pris en charge au niveau interministériel, 226 millions d'euros restant toutefois à la charge de la mission « Défense ».
Ces deux fragilités intrinsèques ont ensuite été aggravées par une mise en réserve systématique et massive d'1,7 milliard d'euros pendant sept mois, essentiellement concentrée sur le programme 146, encore aggravée par la suite par des « surgels », portant à 2,8 milliards d'euros le montant des crédits indisponibles pendant trois mois.
C'est dans ce contexte déjà critique pour la mission « Défense » que le président de la République actuel et son gouvernement ont pris la décision, le 20 juillet 2017, d'annuler 850 millions d'euros sur le programme 146 pour faire face à l'ensemble des besoins financiers non couverts de l'État. Les 700 millions d'euros restant « gelés » après le décret d'avance du 20 juillet 2017 ont été « dégelés » très tardivement, le 26 décembre 2017.
Ces faiblesses dans la conception et l'exécution de la loi de finances pour 2017 ont eu des conséquences immédiates et concrètes sur nos soldats et leurs équipements, quoique les services du ministère des Armées aient tenté d'en atténuer la portée.
Premièrement, plusieurs commandes d'équipements prévues en application des nouvelles priorités définies en 2015 ont dû être annulées, de sorte que notre pays et nos forces ne sont guère mieux protégés qu'il y a deux ans. Ce fut le cas des commandes relatives à la protection des ports ou au renouvellement des armements légers d'infanterie. D'autres commandes ont été reportées et dépendront des marges de manoeuvre dégagées en gestion pendant l'année 2018. Il s'agit par exemple de commandes de munitions, du remplacement d'un hélicoptère détruit en opération et d'équipements pour des avions légers de surveillance et de reconnaissance. D'autres besoins ont été reportés sur la prochaine programmation 2019-2025 : accélération des livraisons de « pods » nécessaires aux avions de chasse pour mener leurs opérations aériennes, tourelles de protection pour les futurs blindés de l'armée de terre, dispositifs d'autoprotection pour les Rafale marine, etc. Des renégociations de contrats et reports de commande sur 2018 ont permis de dégager 218 millions d'euros en aménageant la commande de la logistique associée aux frégates de taille intermédiaire (FTI) et en décalant des travaux de levée de risque du standard F4 du Rafale ainsi que la troisième tranche conditionnelle du programme de rénovation des Mirage 2000, dont la réalisation est nécessaire au maintien du format de l'aviation de chasse. L'annulation de crédits de paiement en 2017 a des effets démultipliés sur les reports d'autorisations d'engagement pour les années à venir : la Cour des comptes évalue ainsi à près d'un milliard d'euros les engagements devant être reportés à la suite de l'annulation des 850 millions d'euros de crédits de paiement de l'été 2017. Ces reports auront évidemment des conséquences sur les livraisons d'équipements dans les prochaines années.
Deuxièmement, le manque de crédits pour financer les dépenses de personnel supplémentaires induites par les mesures indemnitaires de 2016 et l'activité opérationnelle a dû être absorbé par le ministère des Armées en gestion. La Cour des comptes relève sobrement que les crédits de personnels prévus n'ont pas tout été consommés, du fait « de difficultés de fidélisation et de recrutement, et des retards de mise en oeuvre des mesures salariales ». En d'autres termes, des mesures dilatoires ont été prises afin de décaler la mise en oeuvre des mesures « PPCR » (« parcours professionnels, carrières et rémunérations ») en 2018 et le ministère n'a pas rempli ses objectifs de recrutements, en particulier s'agissant des militaires (sous-officiers et volontaires). Le contexte créé par la loi de finances pour 2017 n'a pas facilité les recrutements tant attendus pour répondre aux enjeux de sécurité de notre pays.
Au regard de cette exécution 2017, il est heureux que le Gouvernement ait fait montre de davantage de sincérité dans la construction de son projet de loi de finances pour 2018. La bataille de la fidélisation et du recrutement ne pourra, en effet, être gagnée avec des « chèques en blanc ».
Communication de M. Jacques Marilossian, rapporteur pour avis sur les crédits de la marine nationale
Pour ce qui concerne la marine, l'exécution 2017 présente les caractéristiques suivantes :
– les autorisations d'engagement consommées atteignent 1,83 milliard d'euros, soit une sous-réalisation de 4,5 % par rapport aux crédits ouverts ;
– les crédits de paiement consommés s'élèvent à 2,22 milliards d'euros environ, soit une surconsommation de 9 %. Cela s'explique notamment par le niveau d'engagement de la marine, qui a nécessité un abondement des ressources en cours d'exercice.
Au-delà des mouvements « classiques » de gestion, les principaux déterminants de ces écarts sont les suivants. S'agissant de l'opération stratégique « dissuasion », le décalage, en 2018, de la préparation de l'IPER du SNLE Le Terrible, a conduit à une moindre consommation, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Pour l'entretien programmé des matériels, la sous-consommation d'autorisations d'engagement s'explique en particulier par le report, sur 2018, de l'IPER du SNA Perle, et du marché de démantèlement des frégates et navires amphibies. En revanche, la prolongation du Rubis s'est traduite par une augmentation des autorisations d'engagement liées à cette opération. Il faut rappeler que celle-ci est indispensable pour assurer la permanence capacitaire, avant l'arrivée des nouveaux SNA issus du programme Barracuda.
Les principaux mouvements s'agissant des crédits de paiement relatifs à l'EPM reflètent :
– la réception anticipée des facturations pour les marchés relatifs au porte-avions et aux SNA ;
– des reports de facturation de 2016 sur 2017 concernant les FREMM ;
– le paiement au service industriel de l'aéronautique de factures arrivées fin 2016 ;
– et logiquement, l'abondement au titre des OPEX et des missions intérieures.
Les crédits des équipements d'accompagnement ont également été revalorisés. Cela témoigne aussi de l'intensité des engagements en OPEX, puisque les dépenses ont notamment porté sur les munitions.
Car la marine a été particulièrement sollicitée en 2017, comme les deux années précédentes et comme l'ensemble des armées. La suractivité des forces navales engagées en OPEX a été couverte par un abondement de 159,5 millions d'euros. Elles ont par ailleurs été fortement mobilisées à la suite du passage de l'ouragan Irma dans les Antilles, qui a entraîné des dépenses évidemment non prévues initialement, et qui ont été couvertes.
Le niveau de réalisation du contrat « protection » est conforme aux prévisions, mais ce résultat est le fruit d'un effort important de mutualisation des moyens. Il ne doit pas masquer le fait que les capacités navales continuent de présenter des faiblesses. Celles-ci sont à la fois quantitatives – avec des parcs trop réduits pour certains bâtiments et aéronefs –, et qualitatives – avec le vieillissement des équipements.
La disponibilité technique de certaines classes de bâtiments a été réduite, du fait de leur ancienneté et des avaries qui les ont touchées. Et, de fait, le vieillissement multiplie le risque d'avaries… On peut songer aux frégates anti-sous-marines et aux pétroliers-ravitailleurs. Pour les matériels aéronautiques, la disponibilité technique des hélicoptères NH90 reste insatisfaisante, en raison de problèmes bien connus d'immobilisation trop longue au niveau du soutien industriel. En retour, les machines effectivement disponibles subissent logiquement une surconsommation de leur potentiel. Les hélicoptères légers, compte tenu de leur âge, présentent quant à eux des avaries de structure et des pannes. Un point positif s'agissant des Atlantique 2, dont la disponibilité a augmenté grâce à la maîtrise des délais d'immobilisation au niveau industriel.
À tous ces égards, la LPM 2019-2025, bientôt adoptée, constitue une LPM de responsabilité et de « prise de conscience » des enjeux de la marine nationale. Si elle est bien exécutée – et notre commission y veillera –, elle permettra de répondre à la majeure partie des défis que révèle ou confirme cette exécution 2017. Ainsi :
– le programme FLOTLOG de remplacement des pétroliers-ravitailleurs a vu son format augmenté et ses livraisons anticipées ;
– la trame « patrouilleurs » a été renforcée et le cadencement des livraisons accéléré. Les ruptures de capacités, notamment outre-mer, pourront enfin être réduites ;
– le programme SLAM-F permettra la modernisation de la composante « guerre des mines » ;
– trois Atlantique 2 supplémentaires seront rénovés, et le programme PATMAR sera lancé afin de permettre leur remplacement ;
– la réforme du MCO devrait permettre d'augmenter la disponibilité des NH90.
Ne reste en définitive qu'un réel point d'attention déjà souligné précédemment : les hélicoptères légers. Certains parcs, notamment les Alouette III, ne pourront pas être maintenus éternellement. Des flottes intérimaires seront mises en place pour assurer le « tuilage », avant le lancement du programme « hélicoptère interarmées léger ». Au-delà de ces mesures d'attente, HIL reste donc un programme indispensable, pour la marine comme pour les autres armées, et il devra être conduit.