Rapporteur des crédits de l'armée de terre, je me suis attaché moi aussi à suivre de près l'exécution du budget de cette armée pour l'exercice 2017, conjointement avec notre collègue Sereine Mauborgne. Je voudrais vous présenter certains éléments de contexte, et au-delà des questions purement budgétaires, analyser les résultats de cette gestion sous l'angle de la capacité opérationnelle de l'armée de terre. Nous, élus, savons bien qu'un budget n'est qu'un moyen, la finalité étant bien l'effet opérationnel recherché, en l'espèce l'atteinte par l'armée de terre des objectifs que lui assignent son contrat opérationnel, pour la protection des Français et des intérêts de la Nation.
Concernant le contexte de l'exécution budgétaire en 2017, il a été marqué, pour l'armée de terre, par plusieurs éléments importants. Premièrement, un niveau d'engagement opérationnel intense, tant sur le territoire national, avec l'opération Sentinelle, que sur des théâtres extérieurs, dans la bande sahélo-saharienne, en République centrafricaine, au Liban, en Irak, ou en Europe de l'est.
Deuxièmement, 2017 a vu la mise en oeuvre du plan de réforme du système de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres. Celui-ci s'est traduit notamment par la conclusion de marchés globaux de soutien en service, avec obligation de résultat pour l'industriel, que ce soit en termes de délai de réparation et de livraison de pièces.
Troisièmement, la manoeuvre de recrutement décidée en 2015, avec le pacte de sécurité, a été achevée en 2017. Avec encore 14 000 recrutements en 2017, la force opérationnelle terrestre a fini sa remontée en puissance, ses effectifs passant de 66 000 à 77 000 hommes. Comme nous l'a souvent rappelé ici le chef d'état-major de l'armée de terre, il s'agit d'un retournement de tendance majeur par rapport aux déflations d'effectifs et aux fermetures d'emprises des années précédentes. L'armée de terre a su s'y ajuster, en densifiant ses implantations ; concrètement, cela a souvent consisté à créer une cinquième compagnie d'active dans un régiment.
Quatrième élément de contexte marquant en 2017 : un effort de reprise de la préparation opérationnelle, indispensable pour que la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre soit non seulement quantitative, mais aussi qualitative.
Tout cela se traduit dans l'exécution budgétaire. Ainsi, l'activité opérationnelle plus soutenue que prévu a nécessité des redéploiements d'autorisations d'engagement en faveur des équipements d'accompagnement et de cohérence, notamment pour remettre à niveau les stocks de munitions. Un des cas les plus emblématiques est celui des stocks d'obus de nos soixante-dix-sept canons CAESAR ; alors qu'il y a quelque temps, certains s'interrogeaient sur la place de l'artillerie dans les opérations terrestres, ils se sont avérés très utiles en Irak. De même, l'usure prématurée des équipements en OPEX s'est traduite par un besoin accru de crédits d'entretien programmé du matériel. Les mouvements réglementaires de crédits ont permis de couvrir ces besoins au fil de l'exécution budgétaire.
Comme je vous le disais en introduction mes chers collègues, j'ai cherché à me poser non seulement la question des moyens alloués à l'armée de terre, mais aussi celle de ses résultats opérationnels : la gestion a-t-elle été efficace pour l'armée de terre, que je présente souvent comme l'armée du sang versé ? Les objectifs fixés par les annexes au projet de loi de finances sont-ils atteints ? J'ai étudié plusieurs indicateurs.
D'abord, l'armée de terre est-elle capable de remplir son contrat opérationnel pour une intervention de coercition majeure, c'est-à-dire déployer une force de 15 000 hommes et son équipement complet ? Oui, à 85 %. Ce taux remonte, après une chute à la suite du déclenchement de l'opération Sentinelle : on en était alors à 70 %. Mais il est inférieur aux prévisions initiales pour 2017, qui visaient 90 %, signe du caractère encore très progressif de la reprise de la préparation opérationnelle.
Autre indicateur : l'armée de terre peut-elle honorer son contrat opérationnel de gestion de crise, c'est-à-dire tenir son dispositif d'alerte sur le territoire national et engager jusqu'à 7 000 hommes sur deux ou trois théâtres ? Sur ce plan, l'armée de terre est disponible et opérationnelle à 100 %, contre 90 % en 2016. Les renforts d'effectifs y ont contribué, en permettant notamment de réarmer en 2017 l'échelon national d'urgence. J'ai pu mesurer lors de mon récent déplacement en République centrafricaine l'utilité de tels dispositifs de réaction rapide. Le contingent limité que nous y entretenons permet de faire face rapidement à une crise, jusqu'au déploiement de renforts.
Troisième et dernier indicateur : la préparation opérationnelle. Malheureusement, celle-ci avait un peu servi de variable d'ajustement lors du déploiement de l'opération Sentinelle. La remontée en puissance de l'armée de terre permet un redressement de ces activités, dont le volume a progressé de 13 % par rapport à 2016. Mais les résultats restent encore en deçà des objectifs, avec 81 jours de préparation opérationnelle par homme au lieu de 90. Il faut cependant reconnaître que malgré la hausse des effectifs, qui permet de rétablir un équilibre plus satisfaisant dans l'activité de la force opérationnelle terrestre, la reprise de la préparation opérationnelle reste entravée par la faible disponibilité des parcs de matériels d'entraînement. S'agissant en outre de l'aviation légère de l'armée de terre, là aussi, la préparation opérationnelle reprend, avec une progression de 9 % du nombre d'heures de vol par pilote, mais demeure inférieure de 7 % aux objectifs.
Enfin, dernier indicateur, la disponibilité technique opérationnelle de nos matériels présente encore des fragilités. Si celle des matériels roulants se redresse, même pour les matériels les plus rustiques comme les camions GBC 180, deux points d'attention demeurent : la disponibilité des canons de 155 mm, très employés en Irak, et celle des hélicoptères. En la matière, je relève notamment que la disponibilité des hélicoptères de manoeuvre s'élève à 40 % à peu près, soit 20 % de moins que l'objectif fixé. Mon collègue Olivier Becht et moi-même avons pu le constater sur le terrain il y a quelques jours, lors d'un déplacement au 1er régiment d'hélicoptères de combat.