Madame la rapporteure, comme vous le dites fort justement, la CFE-CGC est convaincue que les facteurs humains jouent un rôle central dans la sûreté. Ainsi que je le rappelais dans mon intervention liminaire, la sérénité offerte aux salariés du nucléaire contribuera à cette culture de sûreté liée au facteur humain.
À l'unisson des propos de la CFDT, nous pensons que l'ASN participe à la crédibilité de la filière française et donc à la crédibilité de la filière nucléaire française à l'export, au-delà du fait que nous partageons l'idée selon laquelle elle dispose aujourd'hui de moyens réglementaires et que ses décisions sont suivies d'effets, même si l'anticipation permettrait probablement de détendre les sujets.
Deuxième point saillant des réponses que nous avons préparées pour le questionnaire : depuis quarante ans, la filière nucléaire – 1 500 années-réacteur – a été améliorée en continu. Après l'accident à la centrale de Three Miles Island, tous les réacteurs ont été équipés de recombineurs d'hydrogène et, après Fukushima, les évaluations complémentaires de sûreté et la Force d'action rapide nucléaire (FARN) ont vu le jour.
La culture de sûreté est liée à la démarche d'amélioration continue du parc nucléaire français qui dispose d'une filière et d'une ingénierie intégrées. L'ensemble des composantes de la filière permet à la filière française, dans ses spécificités, d'améliorer en continu les éléments de sûreté.
Troisièmement : facteur humain égal compétence. Malgré la pression sur les OPEX que les opérateurs nucléaires subissent depuis plusieurs années en raison d'une pression actionnariale forte de la part de Bercy, le transfert de compétences vers les entreprises de rang 1 de la filière a plutôt été réussi, mais il s'agit de s'attacher aux compétences futures. Afin que la filière nucléaire dispose demain des compétences permettant de relever les défis industriels de performance et de sûreté, il convient d'attirer les talents et, pour ce faire, de conserver l'entière visibilité de la filière nucléaire française. Or, il n'est pas rare d'assister au « nucléaire bashing », à certaines opérations médiatiques que les salariés de la filière nucléaire vivent douloureusement. Une telle attitude ne contribue pas à l'attractivité de la filière et peut même, en raison de la non-attractivité potentielle qu'elle provoque, être de nature à fragiliser la filière dans la durée et donc à poser la question de la sûreté. Cette visibilité et cette sérénité nous semblent indispensables à assurer.
L'État ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité. Depuis plusieurs années, l'État stratège n'a pas été capable de donner la visibilité nécessaire à la filière nucléaire. Il est donc indispensable que l'État s'y attache à l'avenir.
Par ailleurs, l'État, en tant qu'actionnaire, s'est parfois contenté de récupérer des dividendes des entreprises du nucléaire à un niveau tel qu'elles ont dû faire pression sur les OPEX et CAPEX ; cela n'a fait que creuser la dette.
Sur la question des CAPEX et des OPEX nécessaires pour relever les défis de la sûreté, nous demandons que l'État, en tant qu'actionnaire responsable, donne à la filière la visibilité nécessaire.
En outre, nous sommes convaincus que le bien-être des salariés de l'ensemble des entreprises de la filière nucléaire passe par une médecine du travail spécifique au nucléaire. Il convient de préserver cette médecine et de la doter des moyens qui l'autoriseront à relever les défis et de couvrir les spécificités consubstantielles à la filière nucléaire.
Enfin, tous les acteurs de la chaîne de valeur du nucléaire sont concernés par les questions de sûreté lorsqu'ils doivent retenir des entreprises sous-traitantes de rang 1 ou 2. Il faut établir, à l'occasion des appels d'offres, une mieux-disance sociale. Si des progrès ont été accomplis récemment grâce à l'instauration de la charte sociale de la sous-traitance, nous sommes convaincus, en raison des enjeux de sûreté la filière nucléaire, que la question de la sous-traitance doit être exemplaire. Or la sous-traitance est aujourd'hui une question de politique achat qui, selon nous, ne doit pas dépendre de la seule pression financière.