Dans la mesure où vous parliez de sous-traitance, je vous propose d'associer aux questions posées la question n° 8, qui est centrale : « la sous-traitance aggrave-t-elle les risques ? ».
Pour éviter toute vision erronée de la sous-traitance, il convient de distinguer un fournisseur d'un prestataire et d'un sous-traitant. Certains appareils sont conçus par des fournisseurs, lesquels sont bien plus qualifiés pour les entretenir que l'opérateur, le donneur d'ordre et l'exploitant. De tout temps, certaines activités sont nécessairement sous-traitées, parce que la compétence se situe au niveau du concepteur de l'outil ou de l'appareil. Le nucléaire n'échappe pas à cette règle qui concerne d'autres secteurs.
Nous sommes contre la sous-traitance d'activités et d'INB en ce qu'elle provoque une dilution des responsabilités du donneur d'ordre, extrêmement défavorable à la sûreté nucléaire. Il en va différemment de l'intervention des prestataires.
Les salariés des prestataires que vous avez auditionnés ont eu raison de dénoncer leurs conditions sociales qui sont parfois très défavorables. Dans la mesure où un fournisseur qui a un savoir-faire particulier peut le valoriser, il est en position de force vis-à-vis du donneur d'ordre afin d'obtenir un contrat qui rémunère de façon satisfaisante l'activité. A contrario, les tâches de servitude, habituelles dans les centrales et les INB, sont malheureusement moins valorisables. Les conditions sociales sont plus dures et les salariés le vivent très mal.
Lorsqu'un ensemble d'activités est homogène, la convention collective qui s'applique devrait être commune. Les salariés en charge d'une activité comme l'assainissement peuvent relever de plusieurs conventions : de la convention collective du BTP, de la propreté, de la métallurgie ou encore de la convention collective Syntec. Le problème réside dans la distorsion que dénonce la CFDT : faire jouer les conventions collectives pour mettre les salariés en concurrence est une procédure que les syndicalistes considèrent comme déloyale. Aussi jugeons-nous nécessaire d'avoir un groupe homogène par activité. Au moment des passations de contrat, cela évite de faire jouer les différences de contraintes sociales en tant qu'élément de performance économique. Il faut valoriser le savoir-faire des salariés. C'est ainsi que, pour une activité sensible comme le nucléaire, il convient de valoriser les hommes et les femmes qui y travaillent. Si les entreprises font du dumping social pour être les moins-disantes, cela engendre une tension sur les moyens à apporter au contrat avec, pour résultat, un affaiblissement en profondeur de l'activité, puisque la sûreté repose sur un socle durable, pérenne et viable – autrement dit, l'effort de sûreté doit être permanent. En revanche, diminuer l'effort de sûreté d'un acteur engendre la diminution de la protection en profondeur. L'impact ne sera pas immédiat mais se ressentira dans le temps. Par exemple, faute d'entretien, un réseau connaîtra des problèmes dans vingt ans. Nous n'en sommes pas là dans le secteur du nucléaire, mais on finira par altérer la sûreté si, par le biais de la sous-traitance et des prestations, on néglige les hommes et les femmes, et donc l'outil.
À votre question, nous répondons donc que le transfert total des activités altère la sécurité. Celui qui fabrique les générateurs de vapeur et qui les pose dans les centrales nucléaires peut-il créer un problème de sûreté ? N'est-ce pas lui qui les fabrique ? Il est au moins aussi qualifié que celui qui les met en oeuvre. Il convient de prendre garde à ne pas tout généraliser.
J'en viens aux questions de suivi. Les sous-traitants sont suivis par le service « santé autonome » de l'entreprise donneur d'ordre. Avec la réforme de la santé au travail, les visites médicales des préposés du donneur d'ordre sont désormais plus longues. Une mise à niveau est intervenue. La remarque faite par les sous-traitants est erronée en ce sens que ce qui était vrai hier ne l'est plus aujourd'hui. Au surplus, un contrôle renforcé s'applique aux salariés qui sont affectés aux travaux dangereux et à des conditions de travail particulières mais la distinction se situe entre salariés directement affectés et salariés non affectés. La distinction ne porte pas uniquement sur le suivi des salariés des sous-traitants donneur d'ordre. Pour simplifier, la réforme relative à la surveillance des salariés s'est effectuée plutôt dans le mauvais sens et ne constitue pas un progrès.