Intervention de Patrick Bianchi

Réunion du jeudi 14 juin 2018 à 9h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Patrick Bianchi, président de la filière CFTC du nucléaire :

Il est interdit qu'un intérimaire sur une installation entre « en chaud ». On peut donc exclure le fait qu'un intérimaire soit touché par la radioactivité.

Vous avez posé une question intéressante sur la sous-traitance. Il arrive que des salariés se déplacent de site en site avant de retourner dans leur établissement. Il serait une bonne chose qu'un passeport faisant état des doses accumulées les suive. Tout incident est rapidement répertorié. Mais la contamination peut être la conséquence d'une accumulation le long d'une vie. Le suivi dans l'entreprise par un passeport donnerait la possibilité au salarié de traduire la contamination en accident de travail.

Vous avez parlé de points chauds et posé de bonnes questions. Mais tout cela est très compliqué. Avant de vous répondre, je préciserai un point : quand un salarié d'une entreprise sous-traitante a été contaminé, il est licencié, puisqu'il ne peut pas être « mis au vert » contrairement aux salariés qui peuvent travailler dans leurs bureaux, le temps d'absorber la dose avant de retourner « en chaud ».

Le problème est là. Dès lors qu'un salarié sous-traitant est contaminé, on le sort du système. Le cahier des charges et le marché étant dédiés à ce travail-là, on est obligé de s'en défaire. La question est à double tranchant. Comment un entrepreneur peut-il décider d'exploiter la dosimétrique qui, certes est fiable, mais qui engendre des conséquences financières pour lui et des conséquences graves pour son personnel ?

Or le statut du travailleur doit être respecté. Tous ces salariés qui travaillent dans nos entreprises nucléaires ne doivent pas craindre d'être licenciés. À partir du moment où ils ingèrent des doses, il faut trouver le moyen de les garder. Il convient pour le moins de rassurer l'entreprise et surtout de ne pas minorer les doses – car nous pourrions également évoquer l'exploitation des dosimètres !

S'agissant des points chauds, reconnaissons que nous avons la culture du secret. La loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite « loi TSN », s'applique, mais une entreprise comme le CEA ou des entreprises très anciennes ont un lourd passif. Parce que nous avons quatre ministères de tutelle, notre plan à moyen et long terme (PMLT) n'a pas été signé depuis des années. Lorsque Ségolène Royal l'a signé, nous étions satisfaits, mais les autres ministres ne le signant pas, nous nous retrouvons constamment dans l'expectative. La lisibilité de nos chantiers et de nos actions est toujours arrêtée par l'État. Le dernier Premier ministre à avoir signé le PMLT est M. Laurent Fabius. Voilà donc un petit moment qu'il n'a pas été revu ! Nous gardons donc sous le coude tous les points chauds. Il faut avoir en mémoire que ces anciennes entreprises ont vécu une vie et pris des habitudes à une époque qui court de 1958 à 1990, où l'ASN n'existait pas.

Aujourd'hui, comment vous dire ? Des choses se passent...

Quand le salarié d'une entreprise relève un point chaud, comment voulez-vous qu'il aille voir le donneur d'ordre pour lui demander d'assainir ?

Je ne peux tout vous expliquer, d'autant que je suis filmé. Les sommes d'argent en jeu sont considérables, le nucléaire se décline en millions d'euros, en milliards d'euros. Dès que soulevez la question des points chauds, rendez-vous compte de l'impact financier ! Je vous donne une piste : de 1959 à 1993, on ignorait les problèmes qui s'attachaient au plutonium. Il y a de cela soixante ans, on creusait des tranchées avec un petit tractopelle. Aujourd'hui, quand on découvre des points chauds, on demande à des entreprises d'ouvrir un chantier dans le cadre duquel elles sont exposées. C'est un coup de poker : elles creusent à 8 mètres de profondeur sans savoir ce qu'elles vont trouver. On envoie les sous-traitants qui ingèrent des doses ; ensuite, on ne les revoit plus. Comment voulez-vous que des personnes affirment qu'il y a un point chaud et demandent d'y remédier.

Actuellement, comment procède-t-on ? On met tout sous cocon et on attend. Vous avez posé de bonnes questions et je suis content de vous répondre.

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