Intervention de Dr Bertrand Joseph

Réunion du jeudi 21 juin 2018 à 11h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Dr Bertrand Joseph, médecin coordonnateur de la Maison de santé pluri-professionnelle de Grindelle Châteaudun et président de la communauté professionnelle territoriale de santé Sud :

Les médecins hospitaliers sont formés par les hospitalo-universitaires : c'est vraiment du nombrilisme car la prise en charge se fait uniquement au sein de l'hôpital. Je vous rappelle que, dans une ville, la plupart des pathologies d'un patient sont prises en charge par le trio pharmacien-infirmière-médecin généraliste : c'est l'équipe de soins primaires. Lorsque nous avons dit aux hospitaliers le nombre de diabétiques que nous voyons dans nos consultations, je crois qu'ils sont restés pantois. Je pense qu'il faut se rencontrer. Tant qu'on ne se voit pas, on ne se connaît pas, on ne s'apprécie pas. Lors de nos différentes réunions de diagnostic, nous avions commencé par mettre des hospitaliers autour de la table : eux-mêmes ne se connaissent pas. Ils ont par exemple découvert que leur hôpital comptait deux infirmières spécialisées en plaies chroniques. Ils ont découvert certaines réalités. Je dis cela sans polémique, c'est un simple constat fait par tous.

Nous avons entamé huit chantiers divers allant de la communication au décloisonnement du secteur psychiatrique. Un chef de service de psychiatrie que j'avais invité dans une réunion m'a dit : « C'est quoi cette usine à gaz que vous montez ? » Je lui ai répondu : « C'est quoi ton usine à gaz de GHT ? » Il m'a répondu : « Oui, c'est bien cela ! » Il comprenait que l'on montait un système parallèle au GHT. Il faut dire que la psychiatrie à Châteaudun, c'est tout un poème… Je lui ai proposé d'unifier nos efforts.

Parmi les huit chantiers, il y a aussi la gestion des patients à domicile. Pourquoi hospitaliser une personne en fin de vie directement aux urgences, alors que l'on peut proposer d'organiser la fin de vie à la maison, et, très souvent, parce que la famille perd pied, dans un service hospitalier dédié – cela évitera d'attendre cinq heures aux urgences, ce qui est inadmissible ? Autrefois, je l'ai dit, il n'y avait aucun problème pour entrer directement dans les services. Aujourd'hui, les infirmières font les douze heures, elles sont moins nombreuses, il y a moins de personnels hospitaliers. Je comprends très bien qu'on nous explique qu'à quinze heures ou dix-sept heures, on ne peut pas faire d'entrées directes parce que l'infirmière est seule pour plus de trente patients ; c'est un scandale, et ce n'est pas mon boulot de défendre un tel système. Mon boulot, c'est de me battre pour trouver une solution, ce que je fais depuis vingt ans, alors que l'on parle d'engorgement des urgences. J'ai même voulu créer une maison médicale de garde à l'hôpital, mais j'ai entendu des directeurs expliquer que cela risquait de faire moins d'entrées aux urgences si nous travaillons à côté d'elles… Avec la tarification à l'activité (T2A), ils n'ont pas intérêt à perdre des entrées. Alors que les médecins et le personnel, qui tiennent le même discours que nous, sont submergés, la direction et l'ARS en tiennent un autre : pour eux, c'est un volume à maintenir.

Nous sommes tous prêts à organiser l'entrée aux urgences. Je pense que les soins non programmés sont un faux problème. Je vais prouver lundi soir, en faisant un tour de table, que les soins non programmés sont organisés dans chaque cabinet. J'ai lu le rapport de M. Thomas Mesnier sur le premier accès aux soins. Ce qui importe, c'est l'éducation de la population, et aussi celle du médecin traitant. Il a la tête dans le guidon ; aidons-le à en sortir ! La CPTS est là pour ça. Relève un peu la tête, tu es plongé dans ton travail ! Il faut dire qu'en médecine générale, on est obligé de faire de la course à l'acte. Vingt-cinq euros, ce n'est pas cher payé pour le boulot accompli surtout que cela concerne à 80 % des pathologies complexes et lourdes. La médecine de mon prédécesseur, celle d'il y a vingt ans, c'est fini. On traitait l'aigu, aujourd'hui on nous demande de suivre du chronique, alors que rien n'a changé dans l'organisation du métier.

La CPTS impulsera ce changement. C'est notre rôle de dire : « Mon gars, le diabétique que tu recevais tous les trois mois, prends-le tous les douze mois : organise ton travail ! » On désengorgera les urgences par une meilleure organisation et par une meilleure prise en charge. Sur le terrain, il y a du professionnel et de la bonne volonté ; il faut seulement réétudier un peu le métier.

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