Madame la ministre, merci d'avoir accepté de venir devant cette commission d'enquête. Vous l'avez dit, vous n'êtes pas responsable de mauvaises décisions remontant à plus de trente ans, mais le fait même que nous soyons ici réunis montre le désarroi que nous partageons.
Vous avez en votre possession tous les éléments pour évaluer à la fois les besoins de nos compatriotes, l'évolution des pratiques médicales et les ressources dont nous disposons. Or celles-ci apparaissent d'emblée limitées par l'organisation même du cycle des études médicales.
Pour gérer l'urgence, il n'y a pas, comme vous l'avez dit, trente-six solutions.
Il y a les délégations de tâches et l'intervention, sur les pathologies chroniques, d'autres professionnels de santé que les médecins. Dans ce domaine, allez-vous vous montrer suffisamment offensive pour institutionnaliser dans les semaines qui viennent ces délégations de tâches, sachant que certains des représentants de médecins que nous avons auditionnés n'ont pas caché leurs réticences ?
Nous avons également compris que les infirmiers avaient quelques revendications tarifaires concernant les actes médicaux qu'ils seraient amenés à effectuer dans le cadre de ces délégations de tâches. Or la directrice de la sécurité sociale, que nous avons auditionnée la semaine dernière, ne nous a pas apporté de réponses très précises. Il faut pourtant aller vite, car cela peut permettre de dégager immédiatement du temps médical accessible.
Par ailleurs, il existe un formidable vivier de temps médical accessible, c'est celui des douze mille médecins remplaçants. De même que nous avons réussi à convaincre votre prédécesseure de créer un statut pour les médecins adjoints, envisagez-vous de doter les médecins remplaçants d'un statut qui ne les place plus sous la seule tutelle du médecin qu'ils remplacent et qui leur permette éventuellement de travailler en même temps que le généraliste sans problème d'inscription ordinale ?
Enfin, la mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) est une expérience qui me semble pouvoir offrir de formidables gains de temps, grâce à l'association de professionnels qui se parlent et travaillent ensemble. Je partage votre sévérité sur les aides financières, mais, pour faire vivre une CPTS, il suffit de 50 000 euros par an, soit ce que coûte aux agences régionales de santé (ARS) l'installation d'un praticien dans une maison de santé. Le bénéfice peut donc être considérable, et j'y insiste d'autant plus que je n'oublie pas cette généraliste que nous avons entendue et qui nous expliquait qu'elle avait besoin d'aide pour participer aux travaux préalables à la constitution d'une CPTS.
Pour ce qui concerne ensuite les mesures à moyen terme, je ne vous ai pas entendue sur le numerus clausus ou l'internat régional. Vous n'avez pas évoqué non plus les contrats d'engagement de service public (CESP) : êtes-vous favorable à cette idée, qui permettrait de remédier au manque de médecins dans les années qui viennent et qui peut, pour le praticien, être un élément attractif ? Je pense que la ministre et le médecin que vous êtes ne peuvent se satisfaire de voir nombre de nos étudiants partir se former à l'étranger pour en revenir avec un niveau de qualification inférieur à ce qu'il pourrait être.
Enfin, j'ai une requête à vous faire, celle que les groupements hospitaliers de territoire (GHT) puissent s'ouvrir au privé. Comme vous le disiez en octobre dernier, lors de votre visite à Châlus avec le Premier ministre, les ARS ne doivent pas plaquer des schémas d'organisation préfabriqués sur les territoires mais s'adapter à leurs demandes, à leurs initiatives et à leurs ressources.
Quel jugement global portez-vous d'ailleurs sur ces agences de santé ? Comment jugez-vous l'influence qu'elles ont sur la mise en place des GHT et des plans régionaux de santé ?