Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a fait une proposition intéressante : subordonner le conventionnement à la réalisation de consultations dans les zones sous-denses, dans un hôpital de proximité ou dans une MSP, par exemple.
Le corps infirmier est sur-doté tandis que le corps médical est sous-doté, et ce partout en France. Il n'y a plus aucun territoire sur-doté en généralistes. Il y a encore quelques villes sur-dotées en spécialistes, mais ce n'est pas en vidant Nice de ses cardiologues qu'on aboutira à un maillage territorial équilibré.
Si nous imposons les installations, nous ne ferons qu'augmenter la proportion de jeunes médecins qui ne pratiquent pas alors qu'ils sont déjà 20 % dans ce cas et qu'il y a un grand nombre de postes de salariés vacants, qu'il s'agisse de la médecine du travail, de la médecine scolaire, des industries de santé ou des ARS.
Madame Biémouret, les urgences connaissent également des problèmes de pénurie. La médecine d'urgence est devenue une spécialité médicale avec la réforme du troisième cycle et la première cohorte d'internes ayant choisi cette voie, au nombre de 400, est en formation depuis 2017 : il faudra attendre que leur cursus soit achevé. Pour faire tourner un service d'urgence, où que ce soit, il faut huit professionnels. Or certains services reçoivent moins de dix personnes entre huit heures du soir et huit heures du matin. Je comprends que les maires s'émeuvent de la fermeture de services d'urgence mais il n'est plus possible de les faire tourner sans activité. Nous devrons mutualiser les forces et autoriser les équipes des SMUR à assurer des soins d'urgence. Nous ne disposons pas aujourd'hui d'urgentistes en nombre suffisant pour faire fonctionner les 650 services d'urgence existants, et je ne sais pas où les trouver. Les autres pays européens sont confrontés aux mêmes difficultés, l'Allemagne souffre même d'une pénurie d'infirmières. C'est une tendance générale dans les pays occidentaux : la fréquentation des urgences a doublé partout en Europe en quinze ans. Nous essayons de réorganiser les services avec l'appui des fédérations de SAMU, les syndicats et les urgentistes eux-mêmes.
Monsieur Baichère, la réforme des études de médecine comportera une refonte de la PACES et du numerus clausus. Je crois avoir déjà répondu aux questions touchant au mode de sélection.
Vous avez raison, monsieur Delatte : nous avons tendance à voir tout en noir alors qu'il existe beaucoup d'innovations en matière organisationnelle. Nous comptons les développer et les financer, notamment grâce à l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Je suis très favorable aux stages en ambulatoire. Il y a moyen de donner envie aux jeunes médecins d'aller dans les territoires. L'expérience montre que lorsqu'ils découvrent le fonctionnement des MSP, ils y adhèrent. Nous avons instauré une prime de 200 euros par mois à destination des internes réalisant un stage ambulatoire en zone sous-dense. Nous avons également revalorisé la rémunération des maîtres de stages pour inciter les professionnels libéraux de ces zones à s'impliquer dans la formation, en nous appuyant sur des contrats dédiés. Nous avons en outre demandé aux doyens d'université d'identifier des lieux possibles de stages. Par ailleurs, nous avons créé des postes d'assistants partagés qui passeront la moitié de leur temps dans les hôpitaux locaux et l'autre moitié dans des cabinets de ville.
La place des usagers est en effet une question importante, madame Rist. Il y a un devoir de mieux former les citoyens afin de les rendre davantage acteurs de leur propre santé. À Taiwan, les patients alimentent eux-mêmes en données leur dossier médical partagé. Nous pourrions encourager une véritable interactivité. Les difficultés auxquelles l'offre de santé est confrontée nécessitent de faire montre de pédagogie. Pour la grande majorité de nos concitoyens, le réflexe premier est de consulter un médecin alors que, pour beaucoup de prises en charge, ils pourraient voir d'autres professionnels. Il en va de même pour les urgences. Leur engorgement s'explique par le manque d'accès aux soins de proximité, mais aussi par le besoin d'immédiateté : le fait d'avoir une radio ou des analyses biologiques tout de suite, puis un diagnostic, même s'il faut attendre quatre heures, rassure. Les gens n'ont plus envie d'attendre et de voir un médecin généraliste pour se faire prescrire une radio. Et si tout le monde se faisait vacciner contre la grippe, les urgences ne seraient pas engorgées au mois de décembre.
Madame Dubois, dans le cadre de la transformation des études de médecine, nous allons encourager l'exercice coordonné. Le service sanitaire sera un formidable outil pour ce faire. Pendant trois mois, les étudiants apprendront à se connaître pour mettre en oeuvre des projets partagés dans les territoires.
S'agissant de la revalorisation de la rémunération des infirmières libérales, je m'en tiens à la position que j'ai indiquée aux syndicats d'infirmières : une convention médicale augmentant la valorisation des consultations conduirait à promouvoir une tarification à l'acte de nature inflationniste. Pour toutes les pathologies chroniques, nous travaillons à des propositions de tarifications construites autour de parcours de soins coordonnés. Cela répond à votre question, monsieur Jacques : dans le cadre des parcours coordonnés, il y aura une valorisation pour le temps dédié à la coordination, à laquelle est attachée une très forte valeur ajoutée.
Nous essayons de repenser le système dans toutes ses composantes – la formation, les organisations territoriales, la tarification – en étant le plus innovants possible, sans tabou.