Madame la ministre chargée des affaires européennes, « se fixant de grandes ambitions, l'Europe pourra faire entendre sa voix et défendre des valeurs fortes : la paix, la défense des droits de l'homme, davantage de solidarité ». Voilà le voeu que formait Simone Veil, à qui la France a rendu hommage ce dimanche.
Oui, l'Union s'est fondée sur une communauté de valeurs, instituée pour garantir la paix et prévenir des tentations barbares qui traversent les siècles.
Certains gouvernements affichent désormais une attitude hostile à ce socle fondamental, sous le masque rhétorique de la démocratie illibérale. En parallèle d'un discours contestataire des droits de l'homme et au nom d'un utilitarisme national, croît une entreprise rigoureuse de déconstruction de l'État de droit. Par une atteinte aux équilibres constitutionnels, l'indépendance de la justice est menacée dans plusieurs États membres.
Des Polonais, des Roumains, des Hongrois ont manifesté par centaines de milliers. Au nom de la communauté de valeurs, leur situation nous interpelle.
Demain matin, à huit heures trente, Malgorzata Gersdorf se rendra comme tous les jours à son bureau. Demain matin, à huit heures trente, vingt-huit magistrats de la Cour suprême polonaise, dont sa première présidente, seront révoqués. Pourtant, ils ont décidé de continuer à siéger. Demain matin, à huit heures trente, ils deviendront des résistants.
Nous pourrions également nommer Laura Kövesi, procureure générale de la lutte anti-corruption en Roumanie, limogée le 30 mai dernier. Que dire encore des membres de l'Office national de justice hongrois, qui se démènent chaque jour sous la pression du gouvernement Orban ?
Mon collègue Vincent Bru et moi-même avons rencontré ces magistrats, journalistes, présidents d'universités, professeurs, citoyens européens qui n'abandonnent pas. Ils nous ont confié combien, au milieu de leur désarroi, la France continue de représenter cet espoir de sauvegarde des valeurs fondamentales. Ces femmes et ces hommes guettent notre voix.
Madame la ministre, je connais votre attachement à ce combat. Quelle voix la France porte-t-elle auprès de tous ceux qui, dans leur pays, à l'instar de Malgorzata Gersdorf, ne renoncent pas et résistent pour nos valeurs européennes ?