En tant que députée, je m'attriste de cette limitation de la liberté d'expression. Je m'inquiète de la façon dont elle s'insinue dangereusement dans le code électoral et je me demande à quel point elle viendra empêcher les personnes libres de s'exprimer, particulièrement dans « les trois mois précédant le premier jour du mois d'élections générales et jusqu'à la date du tour de scrutin », pour reprendre les termes du texte.
Ancienne journaliste, je me suis battue toute ma vie pour la liberté d'expression et m'interroge : jusqu'à quel point cette proposition de loi souhaite-t-elle vraiment lutter contre les fausses informations ? À mes yeux, ces dernières ne sont qu'un prétexte pour lutter contre tel ou tel site d'information, pour ne diffuser que des idées conformes à la pensée unique et pour peser encore un peu plus sur la liberté d'expression.
Avec cette proposition de loi, l'État-nounou veut montrer aux Français ce qu'ils doivent penser et dire. Selon vous, madame la ministre, un journaliste ne peut pas être de mauvaise foi et ne sera donc pas visé par cette loi. Pour résumer, un site d'information en ligne pourra être sanctionné, mais pas un site journalistique. Qui les distinguera ? Qui dira que tel site est journalistique ou non ? Prenons l'exemple du magazine Time, que je n'ai pas le droit de montrer dans l'hémicycle, mais dont j'ai un exemplaire en main : l'une de ses couvertures est une photo du président Trump avec un enfant migrant, prétendument séparé de ses parents, destinée à illustrer la polémique qui s'est développée sur ce sujet, il y a quinze jours aux États-Unis. Il s'agissait d'une fausse nouvelle et d'une manipulation volontaire de l'information. Cette photo se retrouve sur le site du magazine, mais c'est un site journalistique, donc vous ne pourrez pas en interdire la publication. Comment ferez-vous la différence entre les fausses informations intentionnelles diffusées par des journalistes et celles, intentionnelles ou non, relayées par des sites d'information ? Expliquez-moi, je n'ai toujours pas compris.
Cette proposition de loi est tout simplement dangereuse pour la liberté d'expression.